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La circulation des rentes constituées dans la France du XVIIe siècle

Une approche de l’incertitude économique

Published online by Cambridge University Press:  04 May 2017

Katia Béguin*
Affiliation:
Université Paris I – Panthéon–Sorbonne

Résumé

Le risque économique qui affecte les rentes constituées à l’instar des autres formes de crédit à l’époque moderne est envisagé par le biais de son impact sur la circulation des titres de rentes émises par l’Hôtel de Ville de Paris au XVIIe siècle. Cette circulation, longtemps supposée marginale, a été négligée par des études qui livrent avant tout des sociologies statiques des rentiers. La rente est au contraire au centre de ce travail. L’objectif est de comprendre ce qui fonde la sécurité du placement rentier et la manière dont ses acquéreurs se garantissent contre l’incertitude qui entrave la possibilité de la transmettre ou de la céder. Cette fiabilité de la rente est analysée à trois niveaux : celui du statut juridique général de la rente ; celui des répercussions du risque sur les cessions et les transmissions des titres et, enfin, dans le détail des actes de transport des rentes.

Abstract

Abstract

The article analyses economic risk in Early Modern France, which affected all kinds of credit, including annuities, through the circulation of perpetual annuities issued by the Hôtel de Ville de Paris in the 17th century on the secondary market. Historical studies on annuities have given so far sociological analysis of its owners and neglected its circulation, which was considered marginal. This study highlights the dynamics of the investment in annuities, and its causes. The analysis of annuities’ judicial status and jurisprudence helps understand how trust and the belief in its reliability is at the core of its circulation. The secondary market, whose volatility is noticeable, proves to be highly dependant of the confidence placed in the investment by the owners. Perception of risk has consequences on the ways of transferring investment security by inheritance or sale, down to details in sale contracts.

Type
L’argent De l’impôt au marché
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 2005

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References

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2- Ces études corroborent ainsi les analyses de Grenier, Jean-Yves, L’économie d’Ancien Régime. Un monde de l’échange et de l’incertitude, Paris, Albin Michel, 1996, p. 196 sqq. Google Scholar

3- Je renvoie sur ce point à la démonstration et au graphique de Hoffman, P. T., Postel-Vinay, G. et Rosenthal, J.-L., Des marchés sans prix…, op. cit., pp. 9293.Google Scholar

4- ID., « Information and economic History… », art. cit., p. 89, donne ainsi l’exemple des Filles de la Croix de Saint-Quentin, qui sollicitent le notaire de leur communauté pour investir une somme élevée dans les rentes de l’Hôtel-de-Ville de Paris ou dans une autre émission de l’État s’il la juge plus sûre. Bien, David D., « Offices, corps, and a system of state credit: The uses of privilege under the Ancien Régime », in Baker, K. M. (éd.), The French Revolution and the creation of modern political culture, vol. I, The political culture of the Old Regime, Oxford, Pergamon Press, 1987, pp. 89114 Google Scholar ; ID., « The Secrétaires du roi: Absolutism, and privilege under the Ancien Régime », in Hinrichs, E., Schmitt, E. et Vierhaus, R. (éd.), Vom Ancien Régime zur Französischen Revolution: Forschungen und Perspektiven, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1978, pp. 153167 Google Scholar ; ID., « Manufacturing nobles. The chancelleries in France to 1789 », Journal of modern history, 61, 1989, pp. 445-486 ; Potter, Mark, « Good offices: Intermediation by corporate bodies in Early Modern French public finance », The Journal of economic history, 60, 3, 2000, pp. 599626 CrossRefGoogle Scholar ; Legay, Marie-Laure, Les états provinciaux dans la construction de l’État moderne aux XVIIe et XVIIIe siècles, Genève, Droz, 2001.Google Scholar

5- C’est au terme d’une comparaison avec les annuités anglaises que Braudel, Fernand, Civilisation matérielle, économie et capitalisme, XVe-XVIIIe siècles, vol. 2, Les jeux de l’échange, Paris, Armand Colin, 1979, p. 117 Google Scholar, soulignait la sédentarité patrimoniale et les obstacles à la circulation des rentes françaises.

6- Hoffman, P. T., Postel-Vinay, G. et Rosenthal, J.-L., Des marchés sans prix…, op. cit., pp. 56 et 68.Google Scholar

7- Voir en particulier les travaux classiques de Schnapper, Bernard, Les rentes au XVIe siècle. Histoire d’un instrument de crédit, Paris, Sevpen, 1957 Google Scholar ; pour la région liégeoise, voir Servais, Paul, « De la rente au crédit hypothécaire en période de transition industrielle. Stratégies familiales en région liégeoise au XVIIIe siècle », Annales HSS, 49-6, 1994, pp. 13931409 CrossRefGoogle Scholar, et, sur les acquéreurs des rentes du clergé, notamment, voir Michaud, Claude, « Notariat et sociologie de la rente à Paris au XVIIe siècle : l’emprunt du clergé de 1690 », Annales ESC, 32-6, 1977, pp. 11541187.Google Scholar

8- Hoffman, P. T., Postel-Vinay, G. et Rosenthal, J.-L., Des marchés sans prix…, op. cit., pp. 5860.Google Scholar

9- AN, KK 939, « Extrait chronologique des ordonnances, édits, déclarations, arrêts, lettres patentes, Sentences, Règlements et autres titres concernant les rentes assignées par le Roy sur les Aydes, sur les Gabelles, du le Clergé, sur les Recettes générales et particulières, sur les Cinq grosses fermes, les Tailles, les Postes, et autres natures de Fonds […] », f°45. Ce manuscrit du maître de la Chambre des comptes de Paris Jérôme Le Marié d’Aubigny (1755) dresse l’historique des émissions et les associe aux trois millions de rentes assignées sur les gabelles émises au même moment, soit un total de onze millions de livres tournois. Il assure que l’« on n’avoit jamais entendu parler d’une création aussi monstrueuse, et l’on n’en voit point de pareilles sous les règnes suivans hors le cas d’une refonte générale des Rentes de l’Hôtel de Ville […] ».

10- Ibid.

11- Hoffman, P. T., Postel-Vinay, G. et Rosenthal, J.-L., Des marchés sans prix…, op. cit., p. 29.Google Scholar

12- Joseph-Nicolas Guyot le rappelle à la fin du XVIIIe siècle à l’article « Rente » de son Répertoire universel et raisonné de jurisprudence civile, criminelle, canonique et bénéficiale, vol. XV, 1785) : « Il faut pour la validité d’un contrat de rente que le sort principal soit aliéné, c’est-à-dire que le créancier ne puisse jamais exiger la somme pour laquelle il a acquis la rente, sans cela le contrat ne serait pas un contrat de constitution mais un véritable prêt à intérêt défendu par les ordonnances. »

13- Il faut pour cela faire opposition au décret et saisie réelle du bien, de même que pour les offices il faut faire opposition au sceau des provisions.

14- AN, MC, XCII, 192, Constitution de rente du 21 octobre 1668 ; XCII, 232, Consentement des créanciers du 16 décembre 1680.

15- AN, MC, LXXV, 369, Constitution de rente du 6 octobre 1699.

16- Loyseau, Charles, Traité de la garantie des rentes. Contenant la defence de l’opinion commune sur la clause de Fournir & faire valoir : & l’explication des autres clauses apposees communement aux cessions des rentes, Paris, Pierre Mettayer, 1595, p. 3.Google Scholar

17- Moulin, Charles du, Tractatus commerciorum et usurarum redituumque pecunia constitutorum et monetarum, Paris, apud G. Nigrum, 1555.Google Scholar

18- Bacquet, Jean, Des transports faicts de Rentes constituées sur l’hostel de la ville de Paris : ou deües par particuliers. Conformément aux arrests de la Cour, à Paris, chez Abel l’Angelier, avec privilège du roy, 1595 Google Scholar (citation, p. 1vo).

19- Loyseau, C., Traité de la garantie des rentes…, op. cit., p. 17.Google Scholar

20- Bacquet, J., Des transports faicts de Rentes constituées…, op. cit., pp. 66vo.Google Scholar

21- Loyseau, C., Traité de la garantie des rentes…, op. cit., p. 46.Google Scholar

22- Voir Root, Hilton L., La construction de l’État moderne en Europe. La France et l’Angleterre, Paris, PUF, 1994.Google Scholar

23- Loyseau, C., Traité de la garantie des rentes…, op. cit., p. 47.Google Scholar

24- La source de cette approche est la liasse 287 de l’étude LXXV du Minutier central des notaires parisiens, dans laquelle sont regroupés des actes de remboursement de l’année 1679.

25- La liasse 231 de l’étude IV du Minutier central contient de nombreux actes de rachats intervenus dans les cinq ou six années qui ont suivi l’émission des rentes.

26- Potter, Mark et Rosenthal, Jean-Laurent, « The development of intermediation in French credit markets: Evidence from the Estates of Burgundy », The Journal of economic history, 62, 4, 2002, pp. 10241047, ici p. 1043.CrossRefGoogle Scholar

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28- Le prince Henri-Jules de Bourbon, fils du grand Condé, remboursa un grand nombre de rentiers de sa maison à partir de 1695, à la faveur de ces mutations monétaires ( Béguin, Katia, Les princes de Condé. Rebelles, courtisans et mécènes dans la France du Grand Siècle, Seyssel, Champ Vallon, 1999, pp. 289295 Google Scholar). Voir aussi Schnapper, B., Les rentes au XVIe siècle…, op. cit., p. 204.Google Scholar

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32- J. Bacquet, Des transports faicts de Rentes constituées…, op. cit., chap. 7, « Des transports faits de rentes constituées sur l’Hôtel de Ville de Paris par contrat de mariage avec promesse de les garantir fournir et faire valoir ».

33- AN, MC, LXXV, 287, Rachat du 26 juin 1679 ; Contrat de mariage du 21 janvier 1644.

34- ID., Rachat du 26 juin 1679 (second). Le partage a lieu en 1647.

35- ID., Rachat du 14 janvier 1679.

36- ID., Rachats des 7 et 8 février 1679.

37- Guyot, J.-N., Répertoire universel et raisonné de jurisprudence…, op. cit., vol. VIII, 1784 Google Scholar, article « Hypothèque », p. 656.

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39- AN, MC, LXXV, 287, Rachats des 9 mars et 31 mai 1679.

40- ID., Rachat du 9 mars 1679 (à Henri Muysson de Bailleul). Le partage des biens de son père, mort en 1657, est malheureusement effectué sous seing privé et ne peut être connu que de manière globale par l’acte de reconnaissance ultérieur passé devant notaire en 1670.

41- ID., Rachats des 26 janvier, 10 février et 14 mars 1679.

42- C’est le cas notamment des rentes sur les huit millions des tailles que Jean Chaillou, aumônier du roi, et son frère Claude, conseiller du roi au parlement, possèdent au moment du rachat : celles qui leur viennent de la succession de leur père, maître ordinaire à la Chambre des comptes, ont été partagées, alors que celles de même émission dont ils héritent par la mort de leur frère François, maître ordinaire à la Chambre des comptes, sont laissées en commun avec l’ensemble de sa succession, probablement du fait des créances qui la grèvent.

43- AN, XCII, 238, Transport du 21 avril 1682.

44- Paris, Bibliothèque Mazarine, M 13 212, p. 25.

45- AN, MC, XV, 369, Transport de rente du 14 octobre 1699.

46- ID., Transport de rente du 15 octobre 1699 (” suivant qu’il est justifié par la quittance de finance de 42 000 livres payée par la communauté signée Bertin trésorier des revenus casuels de Sa Majesté du 23 mai 1692 enregistrée au conseil des finances le 20 juin audit an […] »). Voir Bien, David D., « Les offices, les corps et le crédit d’État : l’utilisation des privilèges sous l’Ancien Régime », Annales ESC, 43-2, 1988, pp. 379404.Google Scholar

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48- M. Potter et J.-L. Rosenthal, « The development of intermediation… », art. cit.

49- À titre d’exemple, voir Bayard, Françoise, « La méthode Sully en matière de finances : les traités de rachats », XVIIe siècle, 174, 1992, pp. 5376.Google Scholar

50- M. Potter et J.-L. Rosenthal, «The development of intermediation… », art. cit.