L'URSS et l'Afrique noire sous Khrouchtchev : la mise à jour des mythes de la coopération.
Vladimir BARTENEV
La Guinée, le Ghana, le Mali... Au milieu des années cinquante ces pays comme, par ailleurs, tous les noms des territoires de l'Afrique subsahariennne, n'étaient connus en URSS que dans un cercle étroit d'intellectuels-encyclopédistes, de voyageurs et de cartographes. années plus tard seulement, tout en conservant une pointe ils étaient devenus familiers à tous les Soviétiques ayant accès à la radio et la presse. Bien que pour la grande majorité de la population, il ne s'agissait que d'un élargissement de son vocabulaire, pour le continent noir était entré dans leur vie quotidienne et était devenu une réalité bien tangible. Des miliers des familles voyaient annuellement leurs proches prendre des avions à destination de Conakry, Bamako, Accra pour aider les Africains à construire le ; des milliers d'étudiants soviétiques serraient annuellement les mains de leurs camarades de cours africains. Tout à fait nouvelle, cette croisée des chemins soviétiques et africains attestait alors de l'essor de la coopération soviétique avec le continent noir, un essor dont la réalité resterait une préoccupation importante du Kremlin au moins jusqu'au début des années quatre-vingt.
De tous les domaines civils concernés par la coopération les soviétiques, à en juger par leurs discours officiels et le nombre des publications dans La Pravda, attachaient le plus d'attention à l'enseignement. Les photos d'un professeur soviétique entouré par ses étudiants guinéens à Conakry, ou des Ghanéens suivant un cours à l'une des universités de Moscou, servaient à illustrer le succès de l'URSS dans le développement de ses relations avec le Tiers Monde. Et elles devaient montrer à tout le monde que les Soviétiques, ayant gagné les bonnes grâces des pays africains, accédaient aux âmes et cœurs de leurs futurs leaders. Mais comment le Kremlin escomptait-il vraiment former ces élites ? Quels étaient les stratagèmes et les procédés mis en œuvre, quel était le degré de préparation des Soviétiques
i. Vladimir Bartenev prépare une thèse à l'Université de Moscou sous la direction d'Elena Glazunova. Il est actuellement Fox Fellow de l'Université de Yale.
Outre-Mers, T. 95, N° 354-355 (2007)
