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Introduction

En Amérique du Nord et en Europe, la marche comme mode de transport pour se rendre vers l’école est en forte diminution depuis la fin des années 1990. Ainsi, dans la région de Montréal, les enquêtes Origine-Destination sur la mobilité des habitants montrent que la part des déplacements réalisés à pied par les enfants de 6 à 12 ans est passée de 41 % à 34 % entre 1998 et 2003, alors que celle de l’automobile est passée de 22 % à 31 % au cours de la même période (Duranceau et Lewis, 2010 ; Lewis et Torres,2012). Cette diminution des déplacements à pied modifie fortement le rapport des enfants aux espaces publics : accompagnés la plupart du temps par leurs parents en voiture, les enfants n’ont guère l’occasion d’explorer la ville. Ce faible contact avec les espaces publics augmente l’appréhension de se déplacer seul à pied, notamment par crainte du trafic et du risque d’accident de la route, à la fois chez les enfants et les parents. Les enfants sont ainsi davantage véhiculés vers l’école et l’usage important de la voiture pour les déplacements domicile-école se traduit par une plus forte congestion aux abords des écoles et à un sentiment d’un risque d’accident accru. Un cercle vicieux se met alors en place : plus il y a de véhicules aux abords des écoles, plus de parents préfèrent accompagner leurs enfants en voiture.

Au cours de ces dernières années, des initiatives ont vu le jour pour tenter de freiner cette diminution du transport actif (marche, vélo) vers l’école. Les Pédibus en sont un exemple et représentent un » autobus pédestre » (Kearns et al., 2003), mode d’accompagnement à pied d’enfants vers leur école. Cette initiative consiste à mettre en place des trajets pour que les écoliers puissent les emprunter selon des arrêts et un horaire précis, sous la supervision d’un adulte. L’article s’appuie sur une recherche sur le programme Trottibus, une forme de Pédibus mis en place au Québec (et aussi dans d’autres provinces canadiennes) par la Société Canadienne du Cancer, division du Québec (SCC-Québec).

Peu de recherches ont analysé les différenciations des perceptions des parents et des enfants sur la perception du risque routier (Murray, 2009), et discuté des effets en termes d’appréhension de l’espace urbain et de l’apprentissage de l’autonomie. Dans quelles mesures les perceptions des parents et de leurs enfants divergent-elles lors de la mise en place d’un Trottibus ? Qu’enseignent ces différenciations sur le rapport des enfants et des parents à l’espace public que constitue la rue ? Si nous faisons l’hypothèse que la perception d’un risque d’accident élevé ou la peur du trafic influence les parents dans le choix du mode de transport de leurs enfants vers l’école, en savoir plus sur l’impact d’initiatives comme les Pédibus sur ces perceptions est d’autant plus pertinent dans la poursuite d’un mode de vie plus actif. L’objectif de cet article est d’analyser les différences entre les parents et les enfants sur divers éléments de la sécurité routière sur le chemin de l’école, incluant les perceptions du risque d’accident.

Marcher vers l’école : une décision parentale qui influence le rapport à la ville des enfants

Perceptions du risque et choix du mode de transport vers l’école

Nous avons choisi de comparer les perceptions des parents et des enfants concernant le risque routier afin de comprendre les différences pouvant expliquer la décision parentale et générer des sentiments de frustration chez l’enfant. Le choix du mode de transport pour le trajet entre le domicile et l’école est reconnu comme étant une décision parentale, en particulier pour les enfants à l’école primaire (Lam, 2001 ; Pont et al., 2011 ; Stewart, 2011). Ce choix dépend de plusieurs critères individuels concernant les caractéristiques de l’enfant et du parent (Pont et al., 2011 ; Stewart, 2011). Ainsi, l’âge des enfants est un des éléments explicatifs du choix par rapport au transport scolaire puisque la plupart des parents (94 %) ne croient pas que les enfants âgés de 5 à 6 ans devraient traverser seuls les rues (Rivara et al., 1989). Le sexe de l’enfant joue également dans le choix du transport actif vers l’école avec une plus forte tendance à la marche chez les garçons (Pabayo et al., 2011). Un faible statut économique de la famille contribue à davantage de marche vers l’école (Babey et al., 2009). Les contraintes professionnelles des parents influencent le mode utilisé pour le trajet entre le domicile et l’école, notamment à un plus fort usage de la voiture pour l’accompagnement des enfants quand le parent se rend au travail en voiture. Le sexe du parent semble également jouer un rôle : des recherches récentes montrent que les mères sont plus inquiètes que les pères par rapport à la densité du trafic, ce qui réduit la probabilité que leurs enfants aillent à l’école à pied ou à vélo (Cloutier et al., 2011 ; Hsu et Saphores, 2014).

Au-delà des caractéristiques individuelles, la distance entre le lieu de résidence et l’école inférieure à 1,6 km (Davison et al., 2008) et la perception des parents de la dangerosité de l’environnement de marche, incluant le risque routier (Pont et al., 2011 ; Stewart, 2011), sont des facteurs explicatifs. Ainsi, les enfants ont davantage tendance à se rendre à l’école à pied si leurs parents perçoivent l’environnement routier comme sûr entre l’école et le domicile : plus de trottoirs, des trottoirs bien entretenus et des traversées sécuritaires (Oluyomi et al., 2014). Les préoccupations parentales sont tournées vers la sécurité (Prezza et al., 2001). La sécurité routière réelle et ressentie influence le choix modal vers l’école (Nevelsteen et al., 2012), même si les perceptions des parents ne sont pas toujours en adéquation avec les mesures objectives de l’accidentologie (Cloutier et al., 2011 ; Rothman et al., 2015). Le choix des parents se tourne moins vers l’utilisation de la marche pour des raisons de sécurité.

Perceptions du risque, mobilité autonome et rapport aux espaces publics

En plus de la diminution de la marche comme mode de transport entre le domicile et l’école, une autre tendance se dessine chez les enfants scolarisés dans le primaire : une diminution de la mobilité autonome à pied, autrement dit des trajets réalisés par les enfants sans supervision d’un adulte. Cette diminution de la mobilité autonome des enfants semble aussi liée à la perception des risques des parents sur le trajet (Wolfe et Mcdonald, 2016). L’accompagnement est un facteur de prévention du risque individuel. Si les parents sont un bon modèle, ils n’utilisent que rarement le moment de la traversée comme une occasion d’enseigner les principes de sécurité à leurs enfants (Zeedyk et Kelly, 2003). De plus, les enfants accompagnés ont davantage de comportements non sécuritaires (ne pas arrêter, ne pas regarder des deux côtés avant de traverser, amorcer une traversée alors qu’un véhicule s’approche, traverser en courant, etc.) (Rosenbloom et al., 2008). Cette situation s’explique par le fait que les enfants accompagnés font confiance à leur accompagnateur, leur déléguant la responsabilité de sécurité. Une autre explication serait que les enfants accompagnés sont plus turbulents que ceux non accompagnés (Burigusa, 2011).

L’accompagnement des enfants par un adulte « responsable » lors du déplacement entre le domicile et l’école interroge leur rapport aux espaces publics et leur apprentissage de l’autonomie en ville (Jutras, 2003). Il est depuis longtemps reconnu que la marche vers l’école permet aux enfants d’expérimenter les espaces publics urbains, ce qui constitue un apprentissage important des compétences pour se déplacer (Prezza et al., 2001). Lorsque ce déplacement est réalisé sans la supervision d’un adulte, la marche permet à l’enfant d’acquérir des compétences essentielles à son développement comme la représentation de l’espace, l’orientation, les interactions avec les autres usagers, ou encore l’estimation du temps et de la vitesse (Davis et Jones, 1996). Le fait que les enfants soient de plus en plus accompagnés par leurs parents ou par d’autres adultes sur le chemin de l’école diminue leur rapport à la rue et à la ville (Lewis et Torres, 2012), contribuant d’autant au cercle vicieux où les parents ont peur de les laisser aller seul, car ils ne connaissent pas l’environnement entourant leur trajet. Le déclin de la marche pour se rendre à l’école traduit également un désintérêt croissant pour la proximité : les enfants sont absents de la rue, ce qui ne contribue pas à rendre les espaces publics plus fréquentés et plus attrayants pour les autres piétons (Lewis et Torres, 2012). Ce processus de « domestication » est ancien, mais se renforce en raison du fort usage de l’automobile, ainsi que des préoccupations des parents face aux questions de sécurité (Rivière, 2016), au détriment d’une appropriation des quartiers par les enfants. Le processus de « domestication » est à l’œuvre dans les pays occidentaux depuis plusieurs décennies (Holloway et Valentine, 2000) et se traduit par une plus faible présence des enfants dans les espaces publics urbains. Les espaces publics deviennent ainsi des espaces destinés aux adultes et aux enfants accompagnés d’adultes (Valentine et Mckendrck, 1997).

Le Pédibus pour promouvoir la marche vers l’école

L’objectif des différents programmes de promotion de la marche vers l’école dans les pays occidentaux est d’initier à un effort physique quotidien bénéfique pour la santé, de réduire le trafic routier autour des écoles, de créer une socialisation entre les enfants et les parents d’un même quartier et de favoriser l’éducation des enfants à la sécurité routière afin de les rendre autonome pour leurs déplacements (Gutierrez et al., 2008 ; Orenstein et al., 2007).

Ce programme a été initié pour la première fois au Danemark en 1976 (Mcdonald et Aalborg, 2009), même s’il s’agit d’une forme officielle de pratiques informelles ancestrales. Ces initiatives sont désormais fréquentes dans les pays anglo-saxons (Mcdonald et Aalborg, 2009). Plusieurs centaines de Pédibus sont dénombrés en Europe (Belgique, Suisse, France, Italie, Royaume-Uni) et dans le monde (États-Unis, Canada, Australie). Dans la plupart des cas, l’accompagnement est assuré par des parents, mais également par des bénévoles (souvent retraités) ou encore par des employés communaux. Cette pratique se développe car les collectivités locales y voient un moyen de lutter contre les embouteillages à proximité des écoles, réduire l’insécurité routière et la pollution, tout en répondant à des objectifs de santé publique, notamment la lutte contre l’obésité (Mcdonald et Aalborg, 2009). Plus généralement, les avantages sont une amélioration de la sécurité grâce à une réduction du nombre de voitures aux abords des écoles, une amélioration de l’organisation familiale avec un soulagement pour les parents non-accompagnateurs qui n’ont plus l’obligation de déposer leurs enfants à l’école, et une amélioration environnementale : les déplacements domicile-école sont majoritairement de courte distance et constituent d’importants facteurs de pollution lorsqu’ils sont effectués en voiture. Les porteurs d’expériences de Pédibus mettent en avant d’autres avantages, notamment éducatifs. Ils constituent un outil pédagogique pour les enfants, qui permet l’apprentissage de la sécurité routière et de la marche, participe à l’autonomisation des enfants et à leur sensibilisation aux questions environnementales (Mcdonald et Aalborg, 2009). Pour les parents, les Pédibus constituent des vecteurs de sociabilité et améliorent l’interconnaissance et l’entraide au sein des quartiers. Aux États-Unis, le Programme « Safe Routes to School » (SRTS) s’appuie sur l’enseignement des déplacements piétons sécuritaires (« Education »), l’augmentation du contrôle policier (« Enforcement ») et l’efficacité des infrastructures routières (« Engineering ») (Stewart, 2011). L’organisation d’événements et de campagnes de promotion du transport actif (« Encouragement ») vient compléter le dispositif. Au Canada, le programme national « Active & Safe Routes to School » fait la promotion de la marche pour se rendre à l’école sans nécessairement impliquer de l’accompagnement comme le fait le Pédibus.

Ces initiatives ont parfois fait l’objet d’une évaluation pour en connaître les retombées et les conditions nécessaires à leur succès. En ce qui concerne les retombées, cinq éléments sont présents dans les travaux évaluant les Pédibus : le changement de mode de transport vers l’école (Mackett, R et al., 2003), l’évolution du niveau d’activité physique des enfants (Landsberg et al., 2007 ; Mackett, Roger L. et Paskins, 2008), le comportement des enfants piétons (Dumbaugh et Frank, 2007), la sécurité routière (Gutierrez et al., 2008 ; Orenstein et al., 2007) ou encore l’apprentissage de l’autonomie (Depeau, 2008).

Les études qui analysent l’efficacité de ces programmes sur la sécurité routière sont peu nombreuses. Dans leur revue de littérature, Dumbaugh et Franck (2007) montrent que les programmes d’éducation des enfants piétons, comme les Pédibus, n’ont pas d’effet probant sur les comportements des piétons et n’ont pas d’effet connu sur l’évolution des collisions. Deux études concernant l’évaluation du programme « Safe Routes to School » en Californie montrent également des résultats mitigés sur la sécurité routière (Gutierrez et al., 2008 ; Orenstein et al., 2007). Les écoles avec un Pédibus ont enregistré une faible diminution des collisions (13 %) sur sept années, dans un contexte où l’exposition des enfants piétons est plus importante en raison de la hausse de leur nombre (Orenstein et al., 2007). Par ailleurs, il est difficile de prouver statistiquement les liens de causalité entre la mise en place des programmes de promotion du transport actif et l’amélioration générale de la sécurité routière en raison du faible nombre de collisions (Gutierrez et al., 2008). À notre connaissance, aucune recherche ne s’est penchée sur la comparaison de la perception du danger chez les parents et leurs enfants lors de la mise en place d’un programme de promotion de la marche vers l’école. Afin de mieux comprendre le rapport aux espaces publics des 5-11 ans, cet article propose de comparer les perceptions du risque des parents et de leurs enfants avant et/ou juste après la mise en place d’un tel programme.

Devant les constats de l’importance des perceptions et du potentiel des initiatives du type Pédibus pour contrer cette tendance à la motorisation des enfants vers l’école, nous proposons d’explorer dans cet article les différences de perception du risque routier entre les parents et les enfants. Un des apports majeurs de cet article est de croiser les perceptions des parents avec celles de leurs enfants. Ce croisement est peu réalisé dans la littérature (Murray, 2009), alors que les enseignements sont riches concernant les facteurs de réduction de la marche pour se rendre à l’école, ainsi que sur l’apprentissage de l’autonomie chez les enfants. Dans quelles mesures les perceptions des parents et de leurs enfants divergent-elles lors de la mise en place d’un Trottibus ? Qu’enseignent ces différenciations sur le rapport des enfants et des parents à l’espace public que constitue la rue ?

Méthodologie

Pour répondre à cet objectif, nous nous appuyons sur des données recueillies dans le cadre d’une recherche sur le programme Trottibus, une forme de Pédibus mis en place au Québec (et aussi dans d’autres provinces canadiennes) par la Société Canadienne du Cancer, division du Québec (SCC-Québec). L’approche méthodologique repose sur une enquête autoadministrée par Internet auprès de parents et d’un de leurs enfants inscrits à un trajet Trottibus. Cette enquête s’intéresse aux modes de transport, aux perceptions du risque et à diverses autres variables d’activité physique avant leur participation au Trottibus ou juste après le début de cette pratique. Nous proposons ici d’analyser les réponses en croisant les perceptions des parents et des enfants.

Construction du questionnaire

La construction du questionnaire s’est faite à partir d’une revue de différents questionnaires existants et qui concernent le transport actif vers l’école (Cloutier, M. S., 2008 ; Vélo Québec, 2005). Le questionnaire final comportait différentes sections divisées en deux parties, la première était complétée par les parents et la seconde par les enfants, avec l’aide de leur parent si besoin. L’aide par les parents influence les réponses des enfants qui vont alors comprendre la question de la manière dont leurs parents la leur expliquent. La simple présence des parents aux côtés de l’enfant qui remplit le questionnaire peut influencer les réponses dans la mesure où ces derniers peuvent répondre en souhaitant apparaitre comme plus responsables ou plus prudents qu’ils ne se perçoivent pour que ce soit acceptable vis-à-vis de leurs parents. La présence parentale peut donc influencer les réponses de l’enfant, de façon explicite, par les commentaires des parents, mais aussi de façon implicite par les attitudes non verbales des parents face aux réponses de l’enfant. Que le parent soit présent ou non, les enfants ne vont pas comprendre les énoncés, les concepts ou encore le contexte de la recherche de la même manière : la compréhension du concept de risque ou de danger est différente entre parents et enfants (Murray, 2009). À l’issue des analyses, nous discuterons les résultats obtenus en ayant cette limite de la collecte de données à l’esprit. L’intérêt est de comprendre les perceptions de sécurité routière sur le trajet entre le domicile et l’école, perceptions qui influencent le choix du mode de transport des enfants. Ce choix est souvent parental (Lam, 2001 ; Pont et al., 2011 ; Stewart, 2011) et des divergences de perceptions entre parents et enfants peuvent générer des sentiments de frustration et d’incompréhension chez les enfants.

Le questionnaire contenait différentes sections relatives à l’identification du répondant, les caractéristiques individuelles et familiales, les habitudes de déplacement de la famille, les habitudes de déplacement de l’enfant, les perceptions concernant les déplacements scolaires à pied, les perceptions à l’égard du quartier et notamment à la perception du risque d’accident dans le quartier, ainsi qu’un questionnaire auprès des enfants reprenant les mêmes thèmes que celui à destination des parents. Vingt-cinq questions ont été retenues pour les analyses dans le cadre de cet article (Tableau 1). Les questions relatives à la perception du risque dans le quartier ont été posées de manière identique (en bas du Tableau 1), permettant une comparaison des réponses entre parents et enfants même si nous sommes conscients que les parents et les enfants peuvent avoir une compréhension différente des termes employés dans les questions, différence que le questionnaire ne nous permet cependant pas d’analyser. Selon leur âge, les enfants peuvent également avoir une perception différente de la notion de danger associé aux situations proposées. Pour analyser ces éventuelles variations selon l’âge, nous proposons de croiser les réponses avec l’âge de l’enfant et de les discuter. Les questions concernant les déplacements vers l’école n’ont pas été posées de la même manière aux enfants et aux parents, mais les réponses peuvent être mises en parallèle. Ainsi, les parents ont été invités à citer les bienfaits de la participation au Trottibus et les raisons de la participation de leur enfant, tandis que l’enfant devait dire pourquoi il avait hâte ou pas hâte de participer au Trottibus. Les réponses à ces trois questions peuvent être mises en regard, sans pouvoir les comparer (au milieu du Tableau 1).

Pour les questions relatives aux perceptions, les choix de réponse étaient sous forme d’échelle de Likert (de 1 : tout à fait à 5, pas du tout), avec une simplification pour les choix de réponse des enfants pour faciliter la compréhension (bonhomme sourire, voir Tableau 2). Pour ce qui est des perceptions du risque en lien avec la traversée de rue, cinq scénarios (Tableau 3) ont été retenus et étaient illustrés de la même façon pour les parents et les enfants (Cloutier, M. S., 2008).

Cette recherche a fait l’objet d’un certificat d’éthique dressant un cadre pour assurer la confidentialité des données collectées, ainsi que la liberté pour les participants, parents comme enfants, de mettre fin à leur contribution s’ils le souhaitaient. Les données recueillies ont été anonymisées et uniquement analysées par l’équipe de recherche sans diffusion publique.

Tableau 1 : Questions retenues pour comparer les perceptions

Tableau 1 : Questions retenues pour comparer les perceptions

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Fig. 1

Tableau 2 : Choix de réponse pour les enfants et les parents

Tableau 2 : Choix de réponse pour les enfants et les parents

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Fig. 2

Tableau 3 : Scénarios pour la perception du risque à la traversée

Tableau 3 : Scénarios pour la perception du risque à la traversée

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Déroulement et analyses

Le questionnaire final a été intégré dans la plateforme Survey Monkey©. Ce logiciel facilite la mise en page du questionnaire ainsi que sa diffusion auprès des participants qui peuvent y répondre facilement par eux-mêmes sur le web. Le lien vers le questionnaire a été envoyé à tous les parents avec au moins un enfant nouvellement inscrit au programme Trottibus. La Société Canadienne du Cancer (Québec) envoyait chaque semaine la liste des nouveaux inscrits à l’équipe de recherche, qui envoyait à son tour une invitation à remplir le questionnaire par courriel à chaque parent. Ce courriel contenait des explications quant au projet de recherche, incluant les informations concernant le consentement et le certificat d’éthique et le lien vers le questionnaire sur la plateforme Survey Monkey©. Les envois ont été réalisés en deux temps, au printemps 2016 (377 invitations envoyées) et à l’automne 2016 (393 invitations envoyées). Le temps de réponse était d’environ 15 minutes pour les parents et variait entre 5 et 20 minutes pour les enfants.

Suite à l’envoi de 770 invitations, 232 réponses ont été reçues, mais seulement 189 questionnaires sont utilisables en tout ou en partie (Tableau 4). Le taux de réponse est de 25 %, ce qui est un peu plus bas que les taux habituels de réponse à un questionnaire conventionnel qui se situent entre 30 et 40 % (Sabourin et al., 2005). Il n’y a pas de consensus dans la littérature sur la qualité des taux de réponse en ce qui concerne les questionnaires en ligne. Les taux de réponse seraient plutôt moins élevés que les enquêtes en face à face ou par téléphone (De Vaus, 2013). Les 189 répondants sont issus de 29 écoles différentes réparties dans l’ensemble de la province du Québec : l’échantillon est hétérogène avec des écoles situées en zone urbaine (22 écoles) et zone rurale (7 écoles) et des caractéristiques socio-économiques des milieux et des répondants qui sont variées.

Une fois le fichier de données exporté de la plateforme Survey Monkey© et nettoyé pour ne garder que les questionnaires avec un minimum de réponses, nous avons effectué des analyses statistiques descriptives pour comparer les perceptions des parents et des enfants, et des tests de Chi-deux pour obtenir une significativité statistique des différenciations.

Fig. 3

Tableau 4 : Nombre de questionnaires et taux de retour

Tableau 4 : Nombre de questionnaires et taux de retour

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Résultats

Un fort usage de la voiture pour se rendre à l’école

Les parents qui ont répondu (n = 189) sont en grande majorité des femmes (87 %) et sont plus scolarisés que la moyenne (62 % ont un diplôme universitaire). Parmi les 189 familles enquêtées par questionnaire, seulement 7 ne possèdent pas de voiture, et la moyenne est de 1,59 voiture par famille. En lien avec cette forte motorisation, la voiture est le moyen de transport le plus utilisé par les parents : 56 % des parents l’utilisent 5 à 7 jours par semaine. Ces premiers résultats confirment le fort usage de la voiture par les familles.

Les enfants qui ont répondu à la suite du questionnaire de leurs parents (n = 183) étaient presque autant des filles (53 %) que des garçons (47 %). L’âge moyen des enfants ayant répondu au questionnaire était de 7 ans avec 66 % des enfants ayant 6, 7ou 8 ans (âge minimum à 5 ans et maximum à 11 ans). Le mode de transport le plus utilisé par les enfants le matin pour se rendre à l’école est la voiture (40 %), suivi de la marche (35 %). Le fort usage de la voiture pour se rendre à l’école s’explique notamment par la forte motorisation des familles, avec 96 % des ménages enquêtés possédant au moins un véhicule. La principale raison invoquée par les parents pour l’utilisation de la marche est que la distance est courte (42 % des parents) et la seconde est que c’est meilleur pour la santé (22 % des parents). Pour les enfants qui utilisent le transport motorisé (auto, bus), les raisons invoquées par les parents sont que l’enfant est trop jeune (40 %) et que l’école est sur le chemin vers le travail (21 %). Ainsi, quand le parent se rend au travail en voiture, il lui est souvent plus pratique de déposer son enfant à l’école. Notons que l’âge moyen des enfants se rendant à pied à l’école est le même que celui des enfants se rendant en transport motorisé à l’école (7 ans).

Une plus faible perception du risque chez les enfants que chez leurs parents

Il est possible de comparer les réponses des parents et des enfants pour les questions relatives à la perception de la sécurité dans leur quartier dans la mesure où elles ont été posées de manière identique. Notons que cette comparaison ne tient pas compte d’une éventuelle compréhension différente des termes employés dans les questions. Ainsi, les enfants peuvent avoir une perception différente de la notion de danger selon leur âge et peuvent avoir une perception différente de celle de leur parent.

Nous avons croisé les perceptions du risque selon plusieurs variables explicatives : le sexe du parent, l’âge et le sexe de l’enfant répondant et le fait de marcher pour se rendre à l’école avant de participer au Trottibus (Tableau 5). Les résultats montrent une relation significative entre l’âge de l’enfant et la perception du risque pour les parents, la facilité de la marche selon les parents et les enfants et le respect des règles des différents usagers de la route selon les enfants. Ainsi, selon leur âge, les enfants ont une perception différenciée du danger des différents scénarios, de la facilité de la marche et du respect des règles par les autres usagers. Si l’enfant marche déjà avant de participer au Trottibus, les parents ont tendance à être plus confiants. Le sexe de l’enfant comme celui du parent est non ou peu significatif.

Fig. 4

Tableau 5 : La perception du danger varie selon l’âge de l’enfant

Tableau 5 : La perception du danger varie selon l’âge de l’enfant

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Les cinq scénarios de perception de la sécurité routière proposés dans le questionnaire ont des proportions élevées de parents et d’enfants qui les jugent dangereux, à l’exception de celui sur une traversée lorsque le feu piéton est allumé (blanc) où seulement 17 % des parents et 12 % des enfants jugent ce scénario dangereux. Plus des trois quarts des parents et des enfants estiment que jouer sur le trottoir ou dans la rue, traverser lorsque le feu piéton est rouge et qu’il n’y a pas de voiture, et traverser sur un passage piéton sans signalisation et qui n’est pas situé à une intersection sont des scénarios dangereux. De façon générale, les proportions de répondants les jugeant « dangereux » sont plus élevées chez les parents que chez les enfants. Toutefois, seulement deux des cinq scénarios ont des différences significatives entre les parents et les enfants. La traversée avec un arrêt, tout comme la traversée sur un passage piéton sans signalisation hors intersection (zébré jaune), sont jugées plus dangereuses par les parents (respectivement 57 % et 85 %) que par les enfants (47 % et 71 %) (Tableau 6).

Fig. 5

Tableau 6 : Les enfants ont une perception du danger moins forte que leurs parents pour les traversées sécurisées pour les piétons

Tableau 6 : Les enfants ont une perception du danger moins forte que leurs parents pour les traversées sécurisées pour les piétons

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Une seconde question portant sur la facilité à marcher dans leur quartier était posée aux répondants. Selon la majorité des enfants (91 %), marcher sur le trottoir est facile, alors que moins des trois quarts des parents (72 %) estiment qu’il est facile d’y marcher (une différence significative selon le test du Chi-deux). Lorsqu’ils marchent sur un espace pour les piétons, les enfants estiment plus que leurs parents qu’il est facile de se déplacer. Pour les enfants comme pour les parents, il est difficile de traverser les rues. Les trois quarts d’entre eux ont une perception difficile des traversées sans différence significative entre les parents et les enfants interrogés (selon le test du Chi-deux) (Tableau 7).

Fig. 6

Tableau 7 : Les enfants perçoivent le déplacement plus facile que leurs parents

Tableau 7 : Les enfants perçoivent le déplacement plus facile que leurs parents

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Si la perception des traversées difficiles est identique entre parent et enfant, le portrait est tout à fait différent lorsqu’on interroge les parents et les enfants sur le respect des règles de la part des différents usagers de la route. Les enfants ont une forte confiance dans les autres usagers quant au respect des piétons, ainsi que dans le respect des règles de sécurité routière. Ainsi, la majorité des enfants interrogés pensent que les conducteurs de voiture respectent toujours ou souvent les piétons (89 %), alors que moins des deux tiers (63 %) de leurs parents accordent cette confiance aux autres usagers. Les proportions sont semblables pour les cyclistes et leur respect des piétons, avec respectivement 91 % des enfants qui estiment que c’est toujours ou souvent le cas contre 71 % des parents. La quasi-totalité des enfants (97 %) perçoit les piétons comme respectueux des règles de sécurité routière toujours ou souvent contre seulement 76 % des parents (Tableau 8).

Fig. 7

Tableau 8 : Les enfants ont plus confiance dans les autres usagers que leurs parents

Tableau 8 : Les enfants ont plus confiance dans les autres usagers que leurs parents

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Finalement, pour ce qui est de leur perception de la vitesse, il y a deux fois plus d’enfants (86 %) que de parents (41 %) qui considèrent que la vitesse des véhicules est toujours ou souvent élevée dans leur quartier (une différence significative selon le test du Chi-deux). La vitesse des véhicules est perçue comme plus rapide par les enfants que par leurs parents, ce qui leur rend difficiles les occasions de traverser (Lupton et Bayley, 2006).

Les perceptions des parents et des enfants ne sont pas différentes concernant la difficulté et le danger de traverser, notamment lorsque le feu piéton est rouge ou en l’absence de signalisation, ainsi que le danger de jouer sur le trottoir ou dans la rue. En revanche, les perceptions divergent concernant les traversées avec signalisation et la facilité de se déplacer sur un trottoir : les enfants sont plus confiants que les parents. De plus, les enfants ont une forte confiance dans les autres usagers quant au respect des piétons, ainsi que pour le respect des règles de sécurité routière, tandis que la vitesse des véhicules est perçue comme plus rapide par les enfants que par leurs parents.

Le Trottibus, un apprentissage de l’autonomie et de la sociabilité

Nous avons interrogé les parents sur leurs perceptions des bienfaits du Trottibus et les enfants sur les raisons d’avoir hâte ou non de participer au Trottibus. Les questions n’étant pas posées de la même manière aux parents et aux enfants, nous pouvons uniquement mettre en regard les réponses des parents et des enfants sans les comparer comme cela a été réalisé précédemment. Nous avons croisé les résultats selon plusieurs variables explicatives : le sexe du parent, l’âge et le sexe de l’enfant répondant et le fait de marcher pour se rendre à l’école avant de participer au Trottibus (Tableau 10). Pour les enfants comme pour les parents, les bienfaits du Trottibus ou les raisons d’avoir hâte de participer au Trottibus ne varient pas selon le sexe du parent, l’âge et le sexe de l’enfant ou le fait de marcher pour se rendre à l’école avant de participer au Trottibus (une différence peu ou non significative selon le test du Chi-deux). Une hypothèse explicative est que la perception des bienfaits du Trottibus dépend davantage des valeurs que des caractéristiques sociodémographiques du répondant.

Fig. 8

Tableau 10 : Les bienfaits du Trottibus sont peu ou non dépendants des variables étudiées

Tableau 10 : Les bienfaits du Trottibus sont peu ou non dépendants des variables étudiées

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Pour les parents d’enfant qui se rendait déjà à l’école à pied avant de participer au Trottibus (n = 67), les trois principaux bienfaits du Trottibus est de marcher avec ses amis (88 %), suivi de partager les responsabilités avec d’autres parents (80 %) et du fait que ce soit plus sécuritaire (74 %). Pour les parents d’enfant qui ne se rendait pas à l’école à pied (n = 108), les trois principaux bienfaits du Trottibus est de bouger davantage (86 %), suivi de marcher avec ses amis (81 %) et d’apprendre à devenir un bon piéton (70 %) (Figure 1).

Pour les parents dont l’enfant marchait déjà avant le Trottibus, la modalité de réponse du partage de responsabilités avec d’autres parents peut se comprendre de deux manières : d’un côté, avec le Trottibus, le parent peut partager la tâche d’accompagner son enfant à l’école avec les autres parents, et de l’autre côté, le parent partage la responsabilité d’éducation à la sécurité routière avec les autres parents. Ainsi, le Trottibus a des bienfaits pratiques et éducatifs. L’aspect éducatif se retrouve également chez les parents dont l’enfant se rendant à l’école en automobile ou en bus, dans la mesure où le Trottibus apprend à devenir un bon piéton.

Fig. 9

Figure 1 : Trois principaux bienfaits du Trottibus selon les parents

Figure 1 : Trois principaux bienfaits du Trottibus selon les parents

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De leur côté, 77 % des enfants ont hâte de participer au Trottibus. Parmi ces enfants, 76 % affirment qu’être avec leurs amis est la principale raison pour y participer, suivi du fait que c’est meilleur pour la santé (72 %) et que ça fait moins de pollution (45 %). Quand les enfants n’ont pas envie de participer (n =12), les deux principales raisons invoquées sont qu’ils n’aiment pas marcher et que leurs amis n’y participent pas. La présence des amis est un fort attrait pour les enfants (Figure 2). Ainsi, les parents comme les enfants perçoivent le Trottibus comme un avantage pour se déplacer avec ses pairs.

Fig. 10

Figure 2 : Trois principales raisons d’avoir hâte de participer au Trottibus selon les enfants

Figure 2 : Trois principales raisons d’avoir hâte de participer au Trottibus selon les enfants

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Dans le questionnaire à destination des enfants, des modalités de réponses concernaient la capacité de se rendre à l’école sans être accompagné par un adulte ou la préférence pour la marche en étant seul(e). Celles-ci ne sont pas présentées dans la Figure 2 dans la mesure où elles n’ont pas ou peu été choisies par les enfants répondants. Aucun enfant n’a évoqué sa capacité à se rendre à l’école sans être accompagné et un seul a répondu qu’il n’avait pas envie de participer au Trottibus car il préférait marcher seul. Toutefois, ces modalités de réponse n’étaient présentes que pour les enfants qui n’avaient pas hâte de participer au Trottibus, ce qui limite la portée de ces analyses.

Discussions

De l’apprentissage de l’autonomie…

Si la mobilité autonome sans adulte permet de développer des compétences pour se déplacer seul dans l’espace public (Jutras, 2003), l’apprentissage de l’autonomie se fait par la répétition de l’expérience avec l’accompagnement d’adultes référents. Dans ce sens, les différents programmes de Pédibus sont adaptés pour l’apprentissage de l’autonomie (Depeau, 2008). En effet, pour les parents d’enfant qui se rendaient déjà à l’école à pied avant de participer au Trottibus un des bienfaits est de partager les responsabilités avec d’autres parents, et pour les parents d’enfant qui ne se rendaient pas à l’école à pied, un des bienfaits est d’apprendre à devenir un bon piéton. Dans les deux cas, la référence à l’éducation aux enjeux de sécurité routière est présente, reflétant la perception parentale du rôle éducatif du Trottibus. Ce rôle éducatif est renforcé par l’accompagnement par un adulte référent autre que le parent : les enfants peuvent être plus à même d’écouter un adulte autre que son parent et les accompagnateurs de programmes d’incitation à la marche vers l’école sont davantage sensibilisés à l’apprentissage des consignes de sécurité routière que les parents. En effet, d’autres travaux ont démontré que les parents n’utilisent que rarement le moment de la traversée comme une occasion d’enseigner les principes de sécurité à leurs enfants (Zeedyk et Kelly, 2003). Les normes institutionnelles et sociales chez l’enfant s’acquièrent en observant les comportements d’autres usagers et en les différenciant selon des critères d’appartenance (automobilistes, cyclistes, piétons, femmes, hommes, etc.) (Granié, 2010).

L’accompagnement des enfants par un adulte « responsable » lors du déplacement entre le domicile et l’école interroge le rapport qu’entretiennent les enfants aux espaces publics. Dans les résultats, les enfants ne revendiquent pas eux-mêmes l’envie d’expérimenter les espaces publics qu’ils perçoivent comme un lieu de déplacement plutôt dangereux, et non comme un espace de jeux. Dans les perceptions enfantines et parentales, le chemin de l’école est un espace dangereux pour jouer. Ces résultats font écho aux travaux de Clément Rivière concernant la domestication du jeu chez l’enfant, autrement dit une tendance aux jeux dans l’espace domestique (Rivière, 2016), et à une moindre présence des enfants dans les espaces publics conçus pour les adultes et les enfants accompagnés (Holloway et Valentine, 2000 ; Valentine et Mckendrck, 1997). Leur rapport à la ville est ainsi fortement diminué, comme l’ont montré d’autres auteurs (Lewis et Torres, 2012).

…à l’autonomie sans accompagnement

La tendance actuelle est à la diminution des trajets réalisés par les enfants sans supervision d’un adulte. Cette mobilité supervisée est liée à la perception de risques routiers élevés de la part des parents (Wolfe et Mcdonald, 2016). Dans les résultats, les parents d’enfants marcheurs déclarent que le Trottibus est un bienfait pour améliorer la sécurité de leur enfant. Quand l’enfant marchait déjà avant la mise en place d’un Trottibus, la perception de la dangerosité du trajet pour se rendre à l’école influence la décision parentale quant à l’accompagnement par un adulte dans le cadre d’un Trottibus. Les expériences quotidiennes des parents qui accompagnent leur enfant à l’école influencent ces perceptions d’un risque élevé (Murray, 2009), ce qui les conduit à privilégier l’accompagnement.

Pourtant, les enfants accompagnés ont davantage de comportements non sécuritaires (ne pas arrêter, ne pas regarder des deux côtés avant de traverser, amorcer une traversée alors qu’un véhicule s’approche, traverser en courant, etc.) (Rosenbloom et al., 2008). Cette situation s’explique possiblement par le fait que les enfants accompagnés font confiance à leur accompagnateur, leur déléguant la responsabilité de sécurité ou que les enfants accompagnés sont plus turbulents que ceux non accompagnés (Burigusa, 2011). Si le Trottibus est un programme bénéfique pour l’apprentissage de la mobilité piétonne, il devrait conduire à une mobilité autonome, sans supervision d’un adulte. A la lumière des résultats de cet article, la transition vers une mobilité autonome gagnerait à une meilleure sécurisation des traversées, qui sont perçues comme problématiques par les parents et les enfants, par l’intermédiaire de brigadiers scolaires aux lieux les plus dangereux, ainsi qu’une plus grande sécurisation des trajets vers l’école via des environnements routiers apaisés (Rothman et al., 2015). Les enfants pourraient alors gagner en autonomie et traverser en sécurité.

Pour proposer une alternative sans adulte, il est également nécessaire de bien comprendre les caractéristiques de la perception du risque par les enfants, et les différences avec les adultes, qui les éduquent à un comportement sécuritaire en tant que piétons. Les analyses ont montré que les parents comme les enfants perçoivent l’environnement routier sur le chemin vers l’école comme étant risqué. Les résultats montrent une estimation différente du risque par les enfants par rapport aux perceptions de leurs parents. En aidant les enfants à devenir autonomes dans les espaces urbains, les adultes pourraient intégrer cette composante afin d’intégrer à la pédagogie ces différentiels de perceptions du risque.

Les programmes d’incitation à la marche comme vecteur de sociabilité

Alors que les résultats attendus concernaient les enjeux de sécurité routière, la sociabilité par le Trottibus est un résultat fort des analyses. Pour l’ensemble des parents, la mise en place d’un Trottibus est positive pour que l’enfant puisse se rendre à l’école avec ses amis. De leur côté, une grande majorité des enfants ont hâte de participer au Trottibus, principalement quand leurs amis y participent. Quand les enfants n’ont pas envie de participer, une des raisons invoquées est que leurs amis n’y participent pas. La présence d’autres enfants est un fort attrait pour les enfants. Ainsi, les parents et les enfants perçoivent le Trottibus comme un bienfait pour la sociabilité.

Peu de recherches ont interrogé directement les enfants (Hinckson, 2016 ; Westman et al., 2017) mais les constats sont similaires : les enfants qui participent à un pédibus aiment beaucoup l’expérience, particulièrement pour son côté social. Ils aiment discuter de ce qui les intéresse avec leurs amis, mais aussi avec les adultes bénévoles. Ils ont beaucoup de plaisir en marchant vers l’école. Dans la synthèse que Smith et al. (2015) ont publié sur l’ensemble des évaluations de pédibus dans les autres pays, ils rappellent que le plaisir ressenti par les enfants, nourris par le fait d’être avec ses amis, de connaître des enfants de différents âges, de faire des blagues et de parler de ce qui leur plaît, constitue un atout indéniable pour convaincre les enfants d’y participer (Smith et al., 2015). Au-delà de la sociabilité des enfants, la littérature démontre aussi que les parents reconnaissent que la participation de leur enfant à un pédibus leur permet de rencontrer de nouvelles personnes (Smith et al., 2015).

Conclusion

À partir d’une enquête réalisée lors de la mise en place de trajets de Trottibus dans une trentaine d’écoles au Québec, cet article met en perspective les perceptions des parents et des enfants quant au risque d’accident sur le chemin de l’école. Les résultats montrent un plus grand sentiment de sécurité de la part des enfants lorsqu’ils marchent sur un espace sécurisé pour les piétons et une plus forte confiance dans les autres usagers quant au respect des piétons. En effet, les perceptions entre parents et enfants divergent concernant les traversées avec signalisation et la facilité de se déplacer sur un trottoir. Les résultats permettent de mieux contextualiser la familiarisation de la pratique de la marche sur le trajet scolaire par les enfants en termes de perception de la sécurité routière sous divers scénarios (marcher sur le trottoir, traverser, jouer dans la rue, etc.). Pour les parents, le Trottibus a des bienfaits éducatifs quant à l’apprentissage de la mobilité piétonne. Les enfants et les parents mettent en avant les dimensions de sociabilité de ce programme. Si ces projets sont positifs pour développer la marche comme transport actif scolaire dans un contexte de diminution de la marche pour se rendre à l’école, l’accompagnement des groupes d’enfants par les adultes interroge le rapport à la ville et l’acquisition de l’autonomie.

Les limites de ces analyses sont liées à la passation et à la structure du questionnaire. Premièrement, la sélection des répondants n’a pu être réalisée que sur la base de possession d’une adresse courriel valide. Si l’Enquête québécoise sur l’accès des ménages à Internet indique que l’accès à Internet des ménages québécois en 2016 est de plus de 88 %, il n’en demeure pas moins qu’environ 10 % des ménages peuvent ne pas être considérés dans cette enquête. Deuxièmement, le taux de retour est relativement faible (25 %) dans le cadre d’une enquête administrée par Internet. Différents facteurs peuvent influencer le taux de réponse aux questionnaires en ligne : les éléments techniques (connexion au sondage, mot de passe, etc.), les récompenses, les rappels, le contenu du courriel d’invitation, le lieu où il est diffusé, le moment où il est envoyé et un visuel dynamique en sont quelques-uns. Le profil des gens invités à y répondre influencerait aussi le taux de réponse, notamment l’aisance avec Internet. Pour cette recherche, il est connu que les parents de jeunes enfants ont peu de temps libres, il est donc possible que les parents n’aient pas pu prendre ce temps. De plus, certains peuvent aussi se montrer suspicieux étant donné la forte sollicitation qu’ils peuvent subir ou encore les nombreux pourriels et virus qui circulent sur Internet. Troisièmement, nous n’avons interrogé que des parents dont les enfants étaient inscrits au programme Trottibus. Interroger les familles ne participant pas permettrait d’analyser la non-participation sous un autre angle.

Ainsi, les pistes de recherche future sont de mieux comprendre les freins à la participation au Trottibus ou à sa pérennité, ainsi que d’analyser les éventuelles différenciations selon les caractéristiques territoriales (milieu urbain, rural, banlieue, petite ville, métropole, etc…).

Si les parents craignent de laisser leur enfant marcher seul pour un trajet connu entre le domicile et l’école à l’âge où s’expérimente la mobilité autonome, les enfants risquent d’acquérir plus tardivement les compétences pour se déplacer en sécurité et expérimenter les espaces publics des villes. Nos résultats illustrent par ailleurs que des initiatives locales d’accompagnement en groupe vers l’école telles que les Pédibus font partie des solutions pour redonner le chemin de l’école aux enfants.