Corps de l’article

-> Voir la liste des figures

Les études sur l’interculturel connaissent une évolution majeure grâce à l’apport de quelques chercheurs dont les travaux ont largement influé sur la façon de concevoir ce concept polémique. Cet ouvrage, qui réunit les textes présentés au XVe congrès de l’Association internationale pour la recherche interculturelle (ARIC), est l’occasion de circonscrire les contours des études sur l’interculturel et d’en rappeler la trajectoire historique. Sous la direction d’Élisabeth Regnault et Elaine Costa-Fernandez, il est enrichi par une préface de Patrick Denoux et une postface de Charles Romain Mbele. Il est divisé en quatre parties qui placent l’interculturel au coeur des enjeux complexes relatifs à l’éducation, à la diversité culturelle, aux stratégies identitaires et aux nouvelles technologies de l’information et de la communication.

La première partie s’appuie sur la comparaison entre éducation et éducation interculturelle. Sur la base d’approches comparatives, elle « interroge » la place de l’interculturel dans la psychologie, l’éducation, la didactique des mathématiques et la représentation de la famille chez les adolescents en situation d’acculturation en France. Elle fixe l’actualité des études interculturelles et leurs diverses structurations en Europe, dans un contexte de mondialisation marqué par l’incontournable dialogue des cultures.

La deuxième partie est intitulée Droits des migrants, éducation interculturelle et diversité culturelle. Elle prolonge les questions liées aux défis de l’éducation en Europe (pédagogiques, disciplinaires, systémiques, etc.) en les évaluant au regard de la formation interculturelle des enseignants québécois, des droits des migrants, de la laïcité française et des modes de connaissance, à travers les dessins d’enfants ou l’apprentissage des analphabètes brésiliens. Cette partie enchâsse le débat sur l’interculturel dans la perception de l’Autre (l’étranger d’une autre nation ou le voisin immédiat).

La troisième partie porte sur le sujet et ses stratégies identitaires. Elle explore les enjeux du vivre-ensemble et les défis du contact des cultures à travers, entre autres, les dilemmes de l’identité africaine américaine dans un contexte d’appartenance nationale et d’un nouveau rapport avec les identités multiples. Ce chapitre est l’occasion de revenir sur la controverse relative à la théorie des stratégies identitaires, de faire une épistémologie de la recherche interculturelle et d’en étudier les discours.

La quatrième partie traite des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), de globalisation et d’interculturalité. En plaçant l’interculturel face aux nouvelles technologies de l’information et de la communication, elle illustre l’interdisciplinarité de ce champ d’études. En tant qu’outil de communication, Internet actualise une culture du partage instantanée et renouvelle les politiques d’enseignement et de formation. La façon de vivre la distance et d’habiter son corps dans une communication par un support virtuel complexifie les modalités relationnelles. La connexion à travers les réseaux sociaux met en question les valeurs culturelles universelles et repositionne la place des nouvelles technologies dans une culture contemporaine globalisée.

Au regard des articles qui composent cet ouvrage, il convient de s’arrêter sur trois caractéristiques. D’abord, les travaux présentés dans ce livre illustrent les multiples entrées des études sur l’interculturel à travers les problématiques communes que sont l’éducation, l’enseignement et l’actualité se rapportant à l’immigration et à la géopolitique culturelle. Des Afro-américains de la nation de l’islam aux jeunes issus de la communauté musulmane dans les banlieues françaises en passant par les migrants confrontés au regard de l’Autre, cet ouvrage met en question notre appartenance à une société devenue de plus en plus multiculturelle. Ensuite, les enquêtes mettent en relief différentes approches méthodologiques qui sont explicitées par les chercheurs. Les critères retenus sont transversaux (jeunes, enfants, religion, ethnie, catégorie socioprofessionnelle, etc.). L’utilisation de la méthode comparative tout comme le comparatisme disciplinaire se retrouvent dans la majorité des textes, éclairant les objets de recherche et visant la production de nouvelles connaissances. Enfin, les résultats des études tendent à montrer l’extrême difficulté d’enfermer les individus dans des catégories ou, en tout cas, de les maintenir dans une situation immuable. Dans cette perspective, la théorie de Carmel Camilleri, largement référencée par les auteurs, traverse la critique de l’immense majorité des textes.

Ce livre traduit les enjeux et les défis actuels marqués par un développement économique, une mobilité sans précédent, des transferts culturels et des contextes de mise en relation. Ces contacts ont pour principale conséquence une transformation politique et identitaire qui se traduit par le nationalisme et les sentiments d’appartenance, sous-tendus par des stigmates et des discriminations tous azimuts. Mais ils informent de nouveaux rapports entre l’individu et un environnement décalé de ses réalités quotidiennes, tout en enrichissant les stratégies de construction et de gestion des identités à l’intérieur du groupe et dans des contextes en permanente évolution.

Par conséquent, on peut regretter que la qualité des textes présentés dans cet ouvrage soit largement diluée par les multiples imperfections formelles et typographiques du livre. En outre, les études n’interpellent pas le domaine artistique, lequel témoigne pourtant d’un fort potentiel susceptible d’enrichir les recherches sur l’interculturel.