Published June 1, 2009 | Version v1
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Mémoire, vérité et réconciliation

  • 1. Université de Bordeaux

Description

Vérité et réconciliation... Comment ne pas voir dans cette expression toute l’utopie apparente de l’entreprise des commissions dites « de la vérité et de la réconciliation », créées durant les années quatre-vingts et quatre-vingt-dix en Amérique latine au sortir de plusieurs décennies de dictatures militaires et de guerres révolutionnaires ? Pris séparément, les mots « vérité » et « réconciliation » semblent porteurs d’un espoir immense et illusoire, celui de voir les rapports humains changer radicalement au moment où les sociétés latino-américaines renouent avec la démocratie libérale. Plus encore, l’expression « vérité et réconciliation » paraît être une entreprise démesurée, tant les deux mots accolés semblent a priori totalement incompatibles. Pourtant, il apparaît que c’est justement en établissant la vérité sur les agissements d’un gouvernement autoritaire ou d’une armée régulière ou rebelle, et en faisant le portrait le plus fidèle possible de la situation politique durant la période concernée, que la réconciliation entre les victimes et les victimaires est possible. C’est grâce à l’établissement de la vérité que le pardon devient envisageable, et ce n’est que par le pardon que les pages sombres de l’histoire d’un pays peuvent appartenir véritablement au passé. Ainsi, il apparaît que les notions de vérité et de réconciliation sont, non seulement compatibles, mais complémentaires, voire liées dans une relation symbiotique.
Pour autant, la mission dévolue aux commissions de la vérité et de la réconciliation paraît démesurée : assurer la pérennité de la démocratisation en aidant les anciens ennemis, non seulement à laisser le passé derrière eux, mais à construire ensemble l’avenir. En transcendant les clivages, en dépassant les rancœurs, bref, en pacifiant la société, l’enracinement de la démocratie devient envisageable.
Cette étude se penche sur les difficultés fondamentales auxquelles les commissions peuvent être confrontées, parfois sans qu’elles en soient pleinement conscientes. Non seulement elles doivent participer à l’établissement de la vérité sur le passé, mais elles doivent aussi faire en sorte que cette vérité, loin d’aggraver les clivages au sein de la société et de raviver les douleurs et les rancœurs, soit le véritable socle de la réconciliation des ennemis d’hier.

Truth and reconciliation... How can we fail to see in this expression all the apparent utopia of the undertaking of the so-called "truth and reconciliation commissions", created during the eighties and nineties in Latin America at the end of several decades of military dictatorships and revolutionary wars? Taken separately, the words "truth" and "reconciliation" seem to carry an immense and illusory hope, that of seeing human relations change radically at a time when Latin American societies are returning to liberal democracy. Moreover, the expression "truth and reconciliation" seems to be an excessive undertaking, so much so that the two words seem at first sight to be totally incompatible. However, it appears that it is precisely by establishing the truth about the actions of an authoritarian government or a regular or rebel army, and by portraying as accurately as possible the political situation during the period in question, that reconciliation between victims and victimisers is possible. It is through the establishment of the truth that forgiveness becomes possible, and it is only through forgiveness that the dark pages of a country's history can truly belong to the past. Thus, it appears that the notions of truth and reconciliation are not only compatible, but complementary, even linked in a symbiotic relationship.
However, the mission assigned to truth and reconciliation commissions seems disproportionate: to ensure the sustainability of democratization by helping former enemies not only to leave the past behind, but to build the future together. By transcending divisions, by overcoming resentments, in short, by pacifying society, the entrenchment of democracy becomes conceivable.
This study examines the fundamental difficulties that commissions may face, sometimes without their full awareness. Not only must they participate in establishing the truth about the past, but they must also ensure that this truth, far from aggravating divisions within society and rekindling pain and resentment, is the true basis for reconciliation between yesterday's enemies.

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