Navigation – Plan du site

AccueilAppartenances & Altérités20Introduction au dossier « Race et...

Introduction au dossier « Race et biologie »

Jean-Luc Bonniol, Élodie Edwards-Grossi et Simeng Wang
Traduction(s) :
Introduction to Race and Biology [en]

Texte intégral

1Le terme de race est, dans ses usages encore les plus courants, souvent et spontanément associé à un fondement biologique. Si l’on veut rendre compte de cette liaison particulière, il est utile de se livrer à une entreprise archéologique, permettant le repérage de différentes strates sémantiques qui, concernant tout à la fois sphère savante et représentations populaires, peuvent, du fait de leur persistance, se chevaucher dans le temps.

2Une première strate est celle qui correspond aux temps d’avant la constitution de la biologie comme discipline scientifique. On peut constater la tendance ancienne à rabattre l’interprétation des différences humaines, de tous ordres, qu’elles soient physiques ou culturelles, sur la nature, grâce à des catégories de différenciation jouant un rôle clé dans la description des liens d’ascendance entre lignées humaines (Doron 2016). Cette naturalisation de la différence, qui s’articulait à des représentations de l’hérédité, s’est appuyée sur des métaphores récurrentes, comme le sang, par exemple dans l’Espagne de la fin du Moyen Âge, avec les statuts de limpieza de sangre (Kriegel 1983, Zuñiga 1999, Savy 2007, Schaub 2015). Elle s’est largement fondée sur les apparences physiques héréditaires, comme cela a été le cas avec la colonisation européenne qui a donné naissance au préjugé de couleur, notamment dans les colonies esclavagistes (Vaughan 1989, Bonniol 1992).

3Une seconde strate est apparue avec l’émergence de la biologie : ce mode de catégorisation, déjà fondé en nature, s’est appuyé sur l’affirmation de l’existence, réelle et objective, de groupes discrets, collections d’êtres humains distingués par la particularité de leurs caractères physiques, dérivant elle-même de la séparation des ascendances. Cette pensée raciale apparaît au XVIIIe siècle ; elle concerne d’abord la sphère savante, puis passe dans le lexique politique au cours du XIXe siècle. Elle s’articule à des conceptions déterministes, où la race devient un élément explicatif majeur des comportements humains, tant au niveau individuel que collectif. Cette strate sémantique est encore largement présente dans les représentations courantes de cette notion.

4Cette acception biologisante et déterministe a été remise en cause après la seconde guerre mondiale, notamment à travers les quatre déclarations de l’Unesco sur la question raciale entre 1950 et 1967 (Guillaumin 1986, Maurel 2007, Stoczkowski 2007). S’est alors opéré un découplage entre culture et nature : les traits acquis du comportement humain ne peuvent être déterminés par une quelconque appartenance raciale. Après les atrocités menées au nom de la pureté raciale durant la seconde guerre mondiale, la notion de race devient d’un maniement dangereux : seules les sciences biologiques sont censées être à même de la circonscrire.

5C’est la raison pour laquelle nous sommes revenus, avec Jean Benoist, sur la troisième déclaration sur la race de l’Unesco, celle consacrée explicitement à la question « race et biologie », élaborée lors d’une conférence qui s’est tenue à Moscou en 1964, conférence à laquelle Jean Benoist avait participé. On trouvera, dans l’entretien qu’il a bien voulu nous accorder, l’état de la question telle qu’elle se présentait au milieu des années 1960, soit une vingtaine d’années à peine après la fin de la Shoah et en pleine période de décolonisation. Un consensus se dégageait alors quant à l’inadéquation de l’approche de la diversité humaine en termes de typologie raciale, ainsi qu’à la dissociation totale entre traits physiques et comportements sociaux et culturels. Il évoque également un point de réflexion important, qu’il a lui-même pu développer peu après, où le rapport entre race et biologie est inversé par rapport à sa détermination classique : c’est en effet le social qui détermine le biologique (Benoist 1966). Car toute population humaine (au sens des généticiens) est aussi une société, structurée par les relations que les individus entretiennent entre eux. Les unions fécondes entre les sexes par lesquels passe nécessairement toute transmission génétique influencent, dans cette perspective, la gestion sociale d’un fait biologique essentiel, la reproduction, avec une incidence directe sur la structure génétique de la population concernée. Ce qui conduit à une redistribution non aléatoire des gènes, et donc à une « raciation » statistique, comme, des années plus tard, a pu l’exprimer T. Todorov : « le système de valeurs agit à la manière d’un filtre génétique […], et la population évolue elle-même vers le but que la société lui fixe » (Todorov 1989). Ainsi, pour prendre un exemple, c’est par le contrôle des rencontres reproductrices gouvernant l’hérédité dans une société où règne le préjugé de couleur qu’une idéologie raciale peut véritablement s’imprimer sur les corps (Bonniol 1992).

6L’affirmation d’un non fondement scientifique de la race ne pouvait venir des sciences sociales, qui se contentaient d’en étudier les effets sociaux : c’est aux sciences biologiques qu’est revenue cette contestation. Une importante rupture avait commencé à s’opérer dans leur champ au cours des années 1960 et surtout des années 1970, aboutissant à une remise en cause radicale de la notion de race. L’une des manifestations emblématiques de cette rupture fut celle proposée par le généticien R. Lewontin dans son article séminal « The apportionment of human diversity », paru en 1972 : son argument essentiel était celui du continuum (la majeure part de la variation biologique humaine se repère entre les individus, et non entre les soi-disant « races » : le concept s’avérait dès lors non pertinent et contre-productif). Cette dévaluation de la race chez un bon nombre de biologistes a vite retenti sur les sciences sociales et la pensée politique : s’est alors ouverte une « parenthèse enchantée », où semblait, pour beaucoup, définitivement s’accomplir une telle évacuation de la race (Jacquard 1978), ce qui semblait conforter l’antiracisme, lequel pouvait désormais s’appuyer sur l’axiome alors en vogue : « les races n’existent pas »… La race dès lors ne pouvait être que socialement construite, ne se référant plus que tangentiellement à une réalité biologique. Cette conception a subsisté largement, jusqu’à aujourd’hui, dans les sciences sociales (Reardon 2004). La race en venait même à être occultée comme variable dans la majorité des productions en sciences sociales en France, signe que cette entreprise de dévaluation et d’effacement était bel et bien effective.

  • 1 Toute une série de travaux portent sur l’omniprésence de la race comme entité biologique dans la mé (...)
  • 2 Règle d’hypodescendance, fondée sur le principe : « une goutte de sang noir rend noir ».

7On peut toutefois remarquer que la race biologique n’avait en fait jamais disparu des productions scientifiques, comme le montrent un certain nombre d’historiens insistant sur la pertinence d’étudier le continuum historique modelant les relations entre race et biologie (Duster 1995, 2005 et 2006, Washington 2006, Wailoo 2006 et 2010, Hammonds & Herzig 2008, Hoberman 2012). Elle était en fait incorporée dans les différentes théories et pratiques médicales par les professionnels de santé pour mettre en relief des différences physiques ou mentales jugées pertinentes dans l’exercice du soin, à partir d’un legs colonial en Europe et esclavagiste aux États-Unis1. Mobilisée dans les catégorisations de santé, dans les pratiques routinières des médecins (Grossi 2018), au fil des conversations et consultations entre patients et soignants (Wang 2009), la catégorie de race, pensée comme entité biologique, est longtemps restée juxtaposée à d’autres emplois du terme, entre construction sociale, catégorie administrative ou substrat culturel (Marchetti 1994, Morning 2008). Ainsi en est-il des essais cliniques aux États-Unis (Epstein 2008, Montoya 2007, Montoya 2011), où les catégories de populations sont toujours référencées selon un pentagone ethno-racial fixe – blanc, afro-américain, hispanique, asiatique et amérindien – (Richomme 2007) fondé notamment sur les catégories bien connues du recensement (Schor 2009), renforçant ainsi le flou entre les usages administratifs, médicaux et sociaux de la notion. Cette diversité d’usages embrasse un domaine plus vaste, touchant à ce qu’on peut appeler, en suivant Bourdieu, des « catégories de la pratique » enracinées dans un substrat culturel régissant les pratiques identitaires, voire même administratives. L’affaire Rachel Donezal, qui a défrayé la chronique aux États-Unis, pays de la « one drop rule »2 et du séparatisme racial, est intéressante à ce point de vue : l’intéressée, qui se revendiquait « noire » était en fait « blanche », aux dires mêmes de sa famille. Le scandale est né de cette tromperie « biologique » : R. Donezal ne souscrit pas en effet aux critères d’appartenance du groupe « noir » qui se fondent sur une base phénotypique et généalogique. On peut toutefois remarquer que ces critères peuvent aussi être interprétés en termes mémoriels : une appartenance ne peut être revendiquée que si elle souscrit au partage d’une communauté de destin (en l’occurrence l’ancestralité servile), préalable à toute reconnaissance par le groupe concerné (ce qui rendait ainsi problématique l’assimilation de Barack Obama aux « Africains-Américains », groupe dont la solidarité repose sur la mémoire d’un passé traumatique commun, celui de l’esclavage). De la difficulté, dans ce cas précis, d’acceptation sociale d’une identité « transraciale », sur la base de critères tout à la fois biologiques et culturels, à la différence d’une identité « transgenre » (Wu 2003, Brubaker 2016).

8C’est à nouveau à partir des sciences biologiques qu’a été initiée une remise en cause de la conception de la race comme construction sociale, ainsi que de sa dévaluation en tant que notion biologique, en phase avec sa présence persistante dans nombre d’usages sociaux : la première contestation de la théorie de Lewontin est sans doute celle de A.F. Edwards dans son article « Human Genetic Diversity : Lewontin’s fallacy », paru en 2003. En matière d’étude de la variabilité biologique humaine, la donne avait fondamentalement changé depuis le début des années 2000, avec l’essor de la génomique. Certes les conclusions du Human Genome Project, en 2000, mettaient en avant le fait que nous sommes tous semblables à 99,9 %. Mais elles ont été vite contestées, surtout aux États-Unis, par certains scientifiques, pour lesquels l’ADN constituerait la preuve irréfutable de l’ancrage de la diversité raciale dans les corps. L’ADN, grâce à sa puissance identificatoire, constitue un scalpel différentiel utile si l’on se fonde sur le 0,1 % restant de différences, qui représentent tout de même trois millions de bases, sur les trois milliards qui constituent notre génome, ce qui suffirait à exprimer la diversité humaine, tant en termes de risques pathologiques que d’origine… L’ADN apparaît en fait comme un instrument à double tranchant : d’un côté il favorise le constat d’une extraordinaire similitude génétique de tous les êtres humains, de l’autre il permet de finement discriminer les variantes au sein de la diversité humaine. Peuvent être ainsi recyclées certaines vieilles théories de la différence fondées en nature, notamment celles qui établissaient des catégories raciales. Pour certains en effet, les vieilles catégories populaires de race pourraient correspondre, même très grossièrement, à la marge de variation biologique entre les êtres humains, si minime soit-elle, selon l’argument souvent avancé aux États-Unis du proxy, ou de la race comme approximation du patrimoine génétique.

9La génomique a donc rendu possible, du moins dans certains secteurs, la re-naturalisation de la notion de race, avec des retombées multiples. On peut ainsi souligner l’essor d’une pharmaco-génomique racialisée : des médicaments destinés à une population racialement définie sont commercialisés, comme le BiDil, autorisé depuis 2005 par la Food and Drugs Administration aux États-Unis (Kahn 2012, Doron & Lallemand-Stempak 2014). L’emploi de ces médicaments par les personnels soignants a eu pour conséquence de renforcer la croyance en une composante génétique de la variable raciale permettant d’expliquer des différentiels dans les taux de diagnostics de maladies cardio-vasculaires, sans pour autant que cette corrélation ne soit prouvée. Par ailleurs, le fait d’articuler des données génétiques et des identités sociales ne concerne pas que la sphère savante, selon diverses modalités d’appropriation des catégories génétiques par le public, notamment en raison de la vulgarisation de la génomique vers le grand public, avec la commercialisation des tests d’ancestralité génétique depuis le début des années 2000 aux États-Unis (Bolnick 2008, Bonniol 2006, 2014a et 2014b, Fullwiley 2007, Jordan 2008 et 2010, Lee 2013 et 2015, Lee et al. 2014 et 2018).

10Aujourd’hui, de nombreux usages sociaux sont faits de ces tests commercialisés par des compagnies américaines : les utilisateurs de ces tests constituent un public varié, réparti sur tous les continents. Certains suprémacistes blancs cherchent à en utiliser les résultats pour remettre sur le devant de la scène une définition biologique de la race, qu’ils façonnent en relation avec la notion de pureté (Donovan & Grossi 2017, Panofsky & Donovan 2018). À l’opposé du prisme politique, des militants antiracistes utilisent les tests à des fins identitaires, de manière diverse selon l’idéologie qui les anime, soit pour revendiquer par exemple la mixité de leur patrimoine génétique, soit pour affirmer au contraire une identité raciale originelle. Pour beaucoup d’Africains-Américains, les tests sont l’occasion de tenter de reconstituer la mémoire de leurs ancêtres ayant subi le passage du milieu et confirmer leur origine africaine (Nelson 2016, Abel 2016). Enfin, les tests d’ancestralité génétique retiennent l’attention des pouvoirs étatiques dans leur capacité à classer les individus dans des catégories biologiques et géographiques (Abel 2018). Loin d’être homogènes, les positionnements des divers acteurs (chercheurs en génétique, compagnies pharmaceutiques, médecins produisant des discours sur la génétique, État, grand public non-spécialiste, militants) contribuent à façonner de nouvelles lectures, souvent diverses, de la race biologique au XXIe siècle.

11Le travail de Ricardo Ventura Santos et Marcos Chor Maio (2005), ici présenté, sur les rapports entre l’anthropologie, la race et les dilemmes de l’identité à l’âge de la génomique, appliqué au cas brésilien, évoque bien les contradictions que l’on peut repérer dans ces nouvelles lectures de la race ; il est dans le même temps représentatif de l’état des techniques d’analyse des populations, en termes d’origines, au début des années 2000. Focalisé sur un ensemble d’études génétiques qui utilisaient les technologies disponibles à l’époque (à savoir celles recourant aux seuls gènes de l’ADN mitochondrial, non recombinants car transmis uniquement par voie maternelle, et du chromosome Y, aux gènes eux aussi non recombinants, car transmis uniquement par voie paternelle), il révèle l’ampleur du métissage qui semble caractériser l’histoire biologique de la population brésilienne, ce qui semble corroborer la vision qu’en avait le grand penseur Gilberto Freyre dans son ouvrage fameux, Casa-grande et Senzala, paru en 1933. Mais un métissage sexuellement différencié, en fonction des rapports de pouvoir qui ont été ceux de la société esclavagiste puis post-esclavagiste brésilienne, marqués par la domination sexuelle des hommes blancs sur les femmes africaines et amérindiennes : l’écrasante majorité des marqueurs situés sur le chromosome Y, donc transmis par voie paternelle, est en effet d’origine européenne, alors que ceux relevant de l’ADN mitochondrial, donc transmis par voie maternelle, sont majoritairement d’origine africaine et amérindienne, y compris chez les Brésiliens phénotypiquement blancs. Ce « portrait moléculaire du Brésil » illustre également la manière dont l’apport de la génomique prend un relief particulier dans le cas d’une société constituée historiquement de différents apports humains : il est notamment contesté aux deux extrêmes de l’échiquier politique, de la part des tenants du mouvement noir, qui y voient une approbation de la fameuse « démocratie raciale » brésilienne, désormais stigmatisée car elle semble n’être que la face acceptable d’une politique de blanchiment impliquant une minoration de l’ascendance africaine, mais aussi de la part de l’extrême droite, qui ne peut se résoudre à voir contesté par les données génétiques son idéal de séparatisme ethnique et de pureté raciale.

12Ces usages politiques variés des identités génomiques à l’époque contemporaine font écho à l’étude des mécanismes épigénétiques dans la transmission transgénérationnelle de caractères modelés par l’environnement, qui façonnent de nouvelles réappropriations du concept de race, tantôt social, tantôt biologique, par les chercheurs travaillant ces questions (Meloni 2017) mais aussi par les acteurs sociaux non-spécialistes de ces sujets. Au cours des dernières années, de nombreuses études invoquant ces mécanismes se sont concentrées sur l’incidence épigénétique du stress chez les populations afro-américaines dont les ancêtres ont vécu le traumatisme de l’esclavage. Selon certaines études, cette mémoire traumatique est transmise à partir d’un mécanisme transgénérationnel et conduit à une modification de l’épigénome (qui doit se comprendre comme la variable clé dans l’expression des gènes d’un individu) d’un nombre important de personnes dont les ancêtres auraient connu un changement métabolique lié à l’esclavage, dû surtout à des carences alimentaires. Alors que le mécanisme de transmission transgénérationnelle du traumatisme est encore aujourd’hui mis en doute par beaucoup de chercheurs en épigénétique et n’est pas universellement reconnu par la communauté scientifique, il est intéressant de constater que des activistes qui sont favorables à des réparations en réponse à l’esclavage (Grossi 2020), mais aussi des anthropologues et des philosophes, utilisent de plus en plus comme preuve ce raisonnement de cause à effet – qui serait censé démontrer, sur d’autres bases que celle, déjà évoquée, de la « fabrication » de la race à partir de la structuration sociale des rencontres reproductrices, que la race a été inscrite dans le corps à travers l’épigénome.

13Ces avancées du savoir génomique et épigénétique en matière de diversité humaine annoncent-elles le retour de la notion de « race biologique » dans les sciences biologiques et médicales ? Des essais critiques mentionnent notamment la « nouvelle médecine génétique » appliquée à la race (Fullwiley 2008), un mouvement de « ré-établissement » (Mukhopadhyay & Moses 2008), de « résurgence » (Wailoo et al. 2012, Frank 2015), de « retour » (Morning 2014), voire même de résurrection (Duster 2015) visant à promouvoir à nouveau le concept de race biologique en cette fin du XXe-début XXIe siècles. Le concept biologique de race aurait été « enterré vivant » (Duster 2003), sans avoir été « neutralisé de manière définitive » (Morning 2011), il aurait été « reconditionné, transformé et mis à nouveau sur le marché » (Roberts 2011) par des spécialistes des sciences naturelles et médicales. Le recours au lexique du « retour » doit en fait moins nous orienter sur la piste de la « disparition » de la race biologique que sur celle de sa mutation et de sa transformation, au fil de l’évolution historique des discours biologiques et médicaux, et de leur influence dans les sciences sociales et, au-delà, dans la sphère non savante.

14L’article de Ann Morning, traduit vers le français et présenté dans ce dossier, est révélateur à cet égard. Elle pointe la tendance de certains sociologues américains, sous emprise des généticiens considérés comme plus légitimes pour parler de ces questions, à accepter comme acquise la réalité biologique de la race (bien qu’ils ne nient pas sa construction sociale), ne faisant ainsi que s’accorder avec cette réalité. Alors même, souligne-t-elle, que les clusters génétiques évoqués en la matière ne peuvent qu’être au départ socialement délimités, ce qui rend indispensable une vision critique devant toute affirmation d’un fondement génétique de la race.

15Les marqueurs de singularisation génétique des individus ne sont plus aujourd’hui cantonnés aux deux seules lignées maternelle et paternelle : ils concernent des associations à grande échelle sur l’ensemble du génome (GWAS, soit Genome Wide Association Studies), à partir d’un séquençage des nucléotides constituant les chaînes de l’ADN, les SNIPs (single nucleotide polymorphism) (Jordan 2010), parmi lesquels peuvent être repérés des marqueurs parmi les plus informatifs sur les différences d’ancestralité, les AIM (ancestry informative markers). De plus, les recherches en matière d’ADN ancien se sont révélées décisives, permettant de retracer, de manière de plus en plus précise, l’histoire du peuplement humain de la planète, au moins depuis l’apparition de l’homme moderne en Afrique, puis de ses migrations vers l’Eurasie, l’Océanie et l’Amérique, migrations au cours desquelles les différentiations au sein d’isolats par adaptation à divers environnements, mais aussi les mélanges entre populations n’ont pas cessé… Aussi ne faut-il pas s’étonner que l’un des représentants les plus éminents de l’étude de l’ADN ancien, David Reich, auteur de l’ouvrage important Who We Are and How We Got Here : Ancient DNA and the New Science of the Human Past, publié en 2018, ait jugé bon d’apporter sa pierre à la réflexion générale sur la race, dans un article du New York Times qui a fait grand bruit : « How Genetics Is Changing our Understanding of ‘Race’» (23 mars 2018). Se présentant clairement en défenseur de la race comme construction sociale, et conscient des risques que les découvertes génétiques pourraient être détournées afin de justifier le racisme, il n’en plaide pas moins pour en finir avec une certaine « orthodoxie » qui serait celle des sciences sociales par rapport à la question des différences génétiques moyennes entre les groupes humains, position qui selon lui aboutit à se « cacher la tête dans le sable », laissant béant un vide qui risque d’être investi par de la pseudo science (comme l’attestent de nombreuses publications aux États-Unis qui continuent à alléguer l’importance du déterminisme racial dans le domaine des comportements humains et de la mesure de l’intelligence). Si ses conclusions en matière d’histoire de la variabilité biologique humaine sont difficilement contestables, il est dommage que sa pensée souffre d’une certaine imprécision sémantique, plaçant par exemple des termes renvoyant à une catégorisation raciale juste à côté de résultats d’inférences statistiques sur l’histoire du génome, ce qui conduit à ne pas distinguer clairement la race de l’ascendance.

16On trouvera toutefois une clarification dans le texte ici présenté du spécialiste de biologie moléculaire qu’est Bertrand Jordan : au terme d’une mise au point génétiquement fondée, il renonce quant à lui à l’usage du terme de race, dont la charge historique est par trop négative, au profit de l’expression « groupe d’ascendance », qui a l’avantage de renvoyer à une définition précise : un ensemble de personnes génétiquement proches en raison de leur origine commune, souvent rattachée à une région de la Terre où ce groupe a été relativement isolé durant quelques milliers d’années, et qui n’est donc pas un substitut politiquement correct au terme de race.

17Enfin, un dernier pôle de réflexion doit nous intéresser : les intrications entre race et biologie du point de vue des inégalités sociales, celles-ci étant parfois naturalisées dans les discours populaires comme étant potentiellement dues à des différentiations génétiques entre populations données. Ce dossier comprend ainsi un court article faisant lumière sur les différentes interprétations des disparités ethno-raciales dans les cas de morbidité et de mortalité du Covid-19, à partir d’une lecture d’environ 30 articles scientifiques parus majoritairement en anglais depuis 2020. Les pays discutés couvrent les États-Unis, l’Espagne, le Brésil, l’Angleterre, la France ; et les auteurs de ces productions scientifiques sont issus de disciplines variées : médecine, santé publique, épidémiologie, démographie, sociologie, économie, science politique, psychologie, etc. Cette note critique proposée par Simeng Wang a pour objectif de sonder si les productions scientifiques sur le sujet ont tenu compte de la race, tantôt en tant que construction sociale et variable culturelle, tantôt en tant que donnée biologique. Certains chercheurs recourent avant tout aux raisons biologiques et génétiques repérables au sein des populations identifiées comme « racialement » différentes, alors que certains autres tiennent à expliquer ces dernières par les facteurs socio-économiques et socio-démographiques (différentiel des conditions sociales – accès aux soins, logement, travail, transport, épargne, stress au quotidien, racisme subi, etc. – dans lesquelles ces groupes ethno-raciaux vivent).

  • 3 Le développement qui suit est largement nourri de la conclusion de l’ouvrage de Claude-Olivier Doro (...)

18À l’heure de la montée en puissance de la ratification biologique des identités, notamment en matière de filiation, comment envisager désormais les relations entre race et biologie3 ? Il est certain qu’on assiste au retour en force, depuis les années 2000, d’une conception biologisante de la race. Ce retour implique le recours, non seulement à l’évidence et au sens commun, mais aussi à une « vraie » science, qui ne serait pas biaisée par l’idéologie, s’appuyant en particulier sur les nouveaux savoirs génétiques, ce qui renforce, en leur donnant un support biologique, le référentiel ethno-racial ambiant, empreint d’imaginaires racialisés… Ainsi se profile un « réalisme racial », qui reste en fait majoritaire dans la sphère savante (médico-biologique), par rapport à l’idée de « construction sociale » de la race, notion dont les usages demeurent en fait surdéterminés par des connotations biologiques. Il faut toutefois reconnaître que, si la donne a changé dans les deux dernières décennies, c’est aussi dû à l’activisme d’un certain nombre de groupes minoritaires, revendiquant au premier chef une justice en matière de santé publique, selon un paradigme de l’inclusion, articulé à une logique de discrimination positive et d’affirmation identitaire. Mais il s’agit là d’une arme à double tranchant, car cette même logique se retrouve aussi de l’autre côté de l’échiquier politique, du côté des obsédés de la pureté et de la supériorité raciale…

19Face à ce revival racialiste, on peut objecter que les savoirs génétiques sont loin d’être neutres, car pénétrés d’impensés et d’ambiguïtés, et que la production des données génétiques est tout entière traversée par des processus de construction sociale, tant dans la description des faits que dans leur traitement. Elle recèle des pièges épistémologiques et politiques, notamment dans la tension désormais installée entre la reconnaissance d’entités biologiques plus ou moins séparées et le discours plus ancien sur le caractère clinal et continu de la variabilité humaine. Certes l’appréhension de plus en plus fine de celle-ci grâce à la génomique permet dans le domaine médical d’adapter diagnostics et thérapies à la dotation génétique des individus, ce qui représente un progrès incontestable. Mais cela rend-il inévitable un recours à la sémiotique raciale, avec, par exemple, la mise en place d’une médecine racialisée au détriment d’une médecine personnalisée ? La variabilité humaine n’est-elle pas chose trop complexe, dans ses dimensions tant génétique qu’épigénétique, pour être analysée selon la race qui, même si la notion est renouvelée grâce au ciseau différentiel qu’est l’ADN, est trop facilement rabattue sur les vieilles catégories raciales portant l’héritage d’une vision hiérarchique et d’anciennes (et parfois encore actuelles) oppressions ?

20Car on ne peut que constater, dans la persistance des usages courants de la race, une reviviscence assumée de son lexique pour désigner les individus dans le débat public, et même parfois savant. Certes les sciences sociales la considèrent comme une variable qu’il est nécessaire de continuer à prendre en compte du fait de son efficacité sociale, notamment dans l’analyse des discriminations, en se gardant de toute référence à un quelconque fondement biologique. Mais n’est-ce pas là négliger l’histoire récente de la notion dans ses aspects biologiques et dans leurs échos socio-politiques, même si les nouvelles « biosocialités » alléguées sont censées être positives, fluides et non déterministes (mais peuvent générer des « identités terriblement ambigües ») ? En faire d’autre part une simple construction sociale risque de faire oublier le principe même à l’origine de son usage, la naturalisation de la différence, sur la base de caractères non modifiables et héréditairement transmissibles : le catalogage qu’elle établit renvoie à des signes phénotypiques, génétiquement déterminés, lestant les termes du lexique racial d’une lourdeur biologique incontrôlée et donnant prise à un piège redoutable, qui cristallise et fixe les catégories pour les temps à venir… C’est dire que la résonance biologique de la race doit continuer à être interrogée, sans relâche.

Haut de page

Bibliographie

Abel, Sarah. 2016. « Crossing disciplinary lines : reconciling social and genomic perspectives on the histories and legacies of the transatlantic trade in enslaved Africans. » New Genetics and Society 35 (2) : 149-185.

Abel, Sarah. 2018. « What DNA can’t tell : Problems with using genetic tests to determine the nationality of migrants. » Anthropology Today 34 (6) : 3-6.

Anderson, Warwick. 2006. Colonial pathologies : American tropical medicine, race, and hygiene in the Philippines. Durham : Duke University Press.

Benoist, Jean. 1966. « Du social au biologique. Étude de quelques interactions. » L’Homme 6 (1) : 5-26.

Bolnick, Deborah. 2008. « Individual ancestry inference and the reification of race as a biological phenomenon. » in Koenig B.A., Lee S. et Richardson S.S. (éd.) Revisiting race in a genomic age. New Brunswick : Rutgers University Press, 70-85.

Bankole-Medina, Katherine. 1998. Slavery and Medicine : Enslavement and Medical Practices in Antebellum Louisiana. New York : Garland Publishing, Inc.

Bonniol, Jean-Luc. 1992. La couleur comme maléfice. Une illustration créole de la généalogie des « Blancs » et des « Noirs ». Paris : Albin Michel.

Bonniol, Jean-Luc. 2006. « La peau noire : va-et-vient d’un anthropologue entre le biologique et le social. » Ann Dermatol Venereol 133 : 853-858.

Bonniol, Jean-Luc. 2014. « Que faire de la “race” ? Du diagnostic à̀ la thérapie. » Ann Dermatol Venereol 141 : 553-559.

Bonniol, Jean-Luc. et Pierre Darlu. 2014. « L’ADN au service d’une nouvelle quête des ancêtres ? » Civilisations 63 (1-2) : 201-219.

Brubaker, Rogers. 2016. Trans Gender and Race in an Age of Unsettled Identities. Princeton : Princeton University Press.

Frank, Reanne. 2015. « Back to the future ? The emergence of a geneticized conceptualization of race in sociology. » The Annals of the American Academy of Political and Social Science 661 (1) : 51-64.

Collignon, René. 2006. « La psychiatrie coloniale française en Algérie et au Sénégal. » Revue Tiers Monde 187 : 527-546.

Cooper Owens, Deirdre. 2016. Medical Bondage : Race, Gender, and the Origins of American Gynecology. Athens, Géorgie : University of Georgia Press.

Donovan, Joan et Élodie Grossi. 2017. « Hate in the Blood : White Supremacists’ Use of DNA Ancestry Tests. » The Activist History Review.

Dorr, Gregory Michael. 2008. Segregation’s Science : Eugenics and Society in Virginia. Charlottesville : University of Virginia Press.

Doron, Claude-Olivier et Jean-Paul Lallemand-Stempak. 2014. « Un nouveau paradigme de la race ? » La vie des idées.

Doron, Claude-Olivier. 2016. L’homme altéré. Races et dégénérescence (XVIIe-XIXe siècles). Ceyzérieu : Champ Vallon.

Duster, Troy. 2003. « Buried Alive : The Concept of Race in Science. » in Goodman A.H., Heath D. et Lindee M.S. (éd.) Genetic Nature / Culture : Anthropology and Science Beyond the Two-Culture Divide. Berkeley : University of California Press, 258-277.

Duster, Troy. 2005. « Race and Reification in Science. » Science 307 (18) : 1050-1051.

Duster, Troy. 2006. « The Molecular Reinscription of Race. » Patterns of Prejudice 40 (4-5) : 427-441.

Duster, Troy. 2015. « A post‐genomic surprise. The molecular reinscription of race in science, law and medicine. » The British Journal of Sociology 66 (1) : 1-27.

Edwards, A.W.F. 2003. « Human Genetic Diversity : Lewontin’s fallacy. » BioEssays 25 (8) : 798-801.

Epstein, Steven. 2008. Inclusion : The Politics of Difference in Medical Research. Chicago : University of Chicago Press.

Ernst, Waltraud. 2004. « Colonial Psychiatry, Magic and Religion. The Case of Mesmerism in British India. » History of Psychiatry 15 (1) : 57-71.

Ernst, Waltraud. 2007. « Beyond east and west. From the history of colonial medicine to a social history of medicine (s) in south Asia. » Social History of Medicine 20 (3) : 505-524.

Freyre, Gilberto. 1952. Casa Grande et Senzala. Maîtres et Esclaves, trad. fr. de Roger Bastide, préface de Lucien Febvre. Paris : Gallimard.

Fullwiley, Duana. 2007. « Race and genetics : attempts to define the relationship. » Biosocieties 2 : 221-237.

Fullwiley, Duana. 2008. « The biologistical construction of race : Admixture technology and the new genetic medicine. » Social Studies of Science 38 (5) : 695-735.

Gamble, Vanessa. 1997. « Under the shadow of Tuskegee : African Americans and health care. » American Journal of Public Health 87 (11) : 1773-1778.

Grossi, Élodie. 2018. « Clinique politique et politiques de la clinique. Le cas des unités de soins psychiatriques “ethno-raciales” de l’université de Californie à San Francisco. » Genèses 111 (2) : 92-113.

Grossi, Élodie. 2019. « A Patient Labor : le travail des patients noirs et les pratiques de résistance dans les asiles psychiatriques du Sud, 1870-1910. » Revue française d’études américaines 160 (3) : 200-214.

Grossi, Élodie. 2020. « New avenues in epigenetic research about race : online activism around reparations for slavery in the United States. » Social Science Information 59 (1) : 93-116.

Guillaumin, Colette. 1986. « Je sais bien mais quand même, ou les avatars de la notion de race » in Frankel Ch. (éd.) La science face au racisme. Bruxelles : Éditions Complexes, 55-66.

Hammonds, Evelynn et Rebecca Herzig (éd.). 2008. The Nature of Difference : Sciences of Race in the United States from Jefferson to Genomics. Cambridge : MIT Press.

Heaton, Matthew. 2013. Black Skin, White Coats : Nigerian Psychiatrists, Decolonization, and the Globalization of Psychiatry. Athens, Ohio : Ohio University Press.

Hoberman, John. 2012. Black and Blue : The Origins and Consequences of Medical Racism. Berkeley : University of California Press.

Hogarth, Rana. 2017. Medicalizing Blackness : Making Racial Difference in the Atlantic World, 1780-1840. Chapel Hill : University of North Carolina Press.

Jacquard, Albert. 1978. Éloge de la différence. La génétique et les hommes. Paris : Éditions du Seuil.

Jordan, Bertrand. 2008. L’humanité au pluriel. La génétique et la question des races. Paris : Éditions du Seuil.

Jordan, Bertrand. 2010. « Chroniques génomiques. ADN, ascendance génétique et “race” sociale : l’apport des SNIP. » Med Sci 26 : 215-218.

Kahn, Jonathan. 2012. Race in a Bottle : The Story of BiDil and Racialized Medicine in a Post-Genomic Age. New York : Columbia University Press.

Keller, Richard. 2008. Colonial Madness : Psychiatry in French North Africa. Chicago : University of Chicago Press.

Kenny, Stephen. 2011. « Sickness and Chains : the significance of enslaved patients in antebellum Southern infirmaries. » Medical Historian 21 : 63-91.

Kevles, Daniel. 1998. In the Name of Eugenics : Genetics and the Uses of Human Heredity. Cambridge : Harvard University Press.

Kriegel, Arthur. 1983. La Race perdue. Science et racisme. Paris : PUF, coll. « Questions ».

Larson, Edward. 1996. Sex, Race, and Science : Eugenics in the Deep South. Baltimore : John Hopkins University Press.

Lee, Sandra, Sahra Gibbon, Barbara Prainsack, Stephen Hilgartner et Janelle Lamoreaux. 2018. « Excavating difference : race in genomic medicine. » Handbook of Genomics, Health and Society, 221-227.

Lee, Sandra, Janet K. Shim, Sara L. Ackerman, Katherine W. Darling et Robert A. Hiatt. 2014. « Race and Ancestry in the Age of Inclusion : Technique and Meaning in Post-Genomic Science. » Journal of Health and Social Behavior 55 (4) : 504-518.

Lee, Sandra. 2015. « The Biobank as Political Artifact : The Struggle over Race in Categorizing Genetic Difference. » Annals of The American Academy of Political and Social Science 661 (1) : 143-159.

Lee, Sandra. 2013. « Race, Risk, and Recreation in Personal Genomics : The Limits of Play. » Medical Anthropology Quarterly 27 (4) : 550-566.

Lewontin, Richard. 1972. « The apportionment of human diversity. » Evol Biol. 6 : 381-398.

Marchetti, Gina. 1994. Romance and the « Yellow Peril » : Race, Sex, and Discursive Strategies in Hollywood Fiction. Berkeley : University of California Press.

Maurel, Chloé. 2007. « La question des races. » Gradhiva 5 : 114-131.

Meloni, Maurizio. 2017. « Race in an epigenetic time : thinking biology in the plural. » British Journal of Sociology 68 (3) : 389-409.

Montoya, Michael. 2011. Making the Mexican Diabetic : Race, Science, and the Genetics of Inequality. Berkeley : University of California Press.

Montoya, Michael. 2007. « Bioethnic Conscription : Genes, Race and Mexicana/o Ethnicity in Diabetes Research. » Cultural Anthropology 22 (1) : 94-128.

Morning, Ann. 2008. « Reconstructing Race in Science and Society : Biology Textbooks, 1952-2002. » American Journal of Sociology 114 (1) : 106-137.

Morning, Ann. 2014. « And you thought we had moved beyond all that : Biological race returns to the social sciences. » Ethnic and Racial Studies 37 (10) : 1676-1685.

Morning, Ann. 2011. The Nature of Race : How Scientists Think and Teach about Human Difference. Berkeley : University of California Press.

Mouchenik, Yoram. 2001. « La psychiatrie coloniale en Nouvelle-Calédonie. » Journal de la Société des Océanistes 2 : 109-119.

Mukhopadhyay, Carol et Yolanda Moses. 2008. « Reestablishing “race” in anthropological discourse. » American Anthropologist 99 (3) : 517-533.

Nelson, Alondra. 2016. The Social life of DNA : Racial Reconciliation and Institutional Morality after Reparations, and Reconciliation after the Genome. Boston : Beacon Press.

Panofsky, Aaron et Joan Donovan. 2018. « Genetic Ancestry Testing Among White Nationalists. » Consulté le 6 juin 2019. <https://osf.io/preprints/socarxiv/7f9bc>

Ramey Berry, Daina. 2017. The Price for Their Pound of Flesh. Boston : Beacon Press.

Reich, David. 2018. Who We Are and How We Got Here : Ancient DNA and the New Science of the Human Past. New York : Pantheon Books.

Reich, David. 2018. « How Genetics is changing our Understanding of ‘Race’. » The New York Times, 23 mars.

Reardon, Jenny. 2004. Race to the Finish : Identity and Governance in an Age of Genomics. Princeton : Princeton University Press.

Richomme, Olivier. 2007. « La classification “ethno-raciale” des statistiques démographiques aux États-Unis. » Annales de Démographie Historique 113 (1) : 177-202.

Roberts, Dorothy. 2011. Fatal Invention : How Science, Politics and Big Business Recreate Race in the 21st Century. New York/Londres : The New Press.

Sadowsky, Jonathan. 1999. Imperial Bedlam : Institutions of Madness in Colonial Southwest Nigeria. Berkeley/Los Angeles/Londres : University of California Press.

Savy, Pierre. 2007. « Transmission, identité, corruption. Réflexion sur trois cas d’hypodescendance. » L’Homme 182 (3) : 53-80.

Santos, Ricardo Ventura et Marcos Chor Maio. 2005. « Anthropology, race, and the dilemmas of identity in the age of genomics. » História, Ciências, Saúde – Manguinhos 12 (2) : 1-22.

Schaub, Jean-Frédéric. 2015. Pour une histoire politique de la race. Paris : Éditions du Seuil.

Savitt, Todd L. 1978. Medicine and Slavery The Diseases and Health Care of Blacks in Antebellum Virginia. Urbana : University of Illinois Press.

Stoczkowski, Wiktor. 2007. « Racisme, antiracisme et cosmologie lévi-straussienne. Un essai d’anthropologie réflexive. » L’Homme 181 (2) : 7-51.

Swartz, Sally. 2010. « The Regulation of British Colonial Lunatic Asylums and the Origins of Colonial Psychiatry, 1860-1864. » History of Psychology 13 (2) : 160-177.

Schor, Paul. 2009. Compter et classer : histoire des recensements américains. Paris : Éditions de l’EHESS.

Todorov, Tzvetan. 1989. Nous et les autres. La réflexion française sur la diversité humaine. Paris : Éditions du Seuil.

Vaughan, Alden T. 1989. « The Origins Debate : Slavery and Racism in Seventeenth-Century Virginia. » The Virginia Magazine of History and Biography 97 (3) : 311-354.

Wailoo, Keith, Alondra Nelson et Catherine Lee (éd.). 2012. Genetics and the unsettled past : the Collision of DNA, Race, and History. New Brunswick : Rutgers University Press.

Wailoo, Keith. 2006. « Stigma, race, and disease in 20th century America. » The Lancet 367 (9509) : 531-533.

Wailoo, Keith. 2010. How Cancer Crossed the Color Line. Oxford : Oxford University Press.

Wang, Xiao-yan. 王晓艳. 2009. « 人种间体质差异对针刺疗法的影响 (英文). » [Effects of physical differences between races on acupuncture treatment.] World Journal of Acupuncture-Moxibustion 1 : 49-54.

Washington, Harriet. 2006. Medical Apartheid : The Dark History of Medical Experimentation on Black Americans from Colonial Times to the Present. New York : Anchor Books.

Weindling, Paul. 2005. « L’eugénisme comme médecine sociale : l’époque de Weimar. » Revue d’Histoire de la Shoah 183 (2) : 135-142.

Willoughby, Christopher. 2017. « ‘His Native, Hot Country’ : Racial Science and Environment in Antebellum American Medical Thought. » Journal of the History of Medicine and Allied Sciences 72 (3) : 328-351.

Wu, Frank. H. 2002. Yellow : Race in America beyond black and white. New York : Basic Books.

Xi, H., L. Pei, P. Cheng, W. Li. 2010. « 席焕久, 裴林国, 程鹏, & 李文慧. 北京奥运会运动成绩的人种差异. » [Racial Differences in Sports Results of the Beijing Olympics] 体育科学 Sports science 6 : 81-84.

Zuñiga, Jean-Paul. 1999. « La voix du sang. Du métis à l’idée de métissage en Amérique espagnole. » Annales HSS 2 : 425-452.

Haut de page

Notes

1 Toute une série de travaux portent sur l’omniprésence de la race comme entité biologique dans la médecine coloniale et la gestion médicalisée des populations en Afrique francophone (Collignon 2006, Keller 2008) et anglophone (Swartz 2010, Sadowsky 1999, Heaton 2013), en Asie (Ernst 2004, 2007, Anderson 2006), en Océanie (Mouchenik 2001) et dans les Caraïbes (Hogarth 2017), ainsi que sur les catégories raciales utilisées à l’époque de l’esclavage et au-delà aux États-Unis en médecine (Savitt 1978, Bankole-Medina 1998), notamment sur la fondation des sciences gynécologiques aux États-Unis et l’expérimentation médicale sur les corps noirs (Cooper Owens 2016), sur les théories médicales racialistes développées dans les écoles de médecine et les hôpitaux du XIXe au XXe siècle (Willoughby 2017, Kenny 2011, Ramey Berry 2017, Grossi 2019). Malgré la relation que la notion entretient avec des moments historiques suscitant l’effroi, comme les pratiques eugénistes (Dorr 2008, Kevles 2008, Larson 1996), les expérimentations raciales à Tuskegee (Gamble 1997), ou durant l’Allemagne pré-nazie (Weindling 2005), la race biologique est restée une catégorie invisibilisée, routinière et commune aux pratiques de santé dans de nombreuses sociétés. Ses modalités de diffusion et de réception d’une société à une autre restent cependant à étudier. On note par exemple que la catégorie de race biologique est utilisée dans les études des STAPS en Chine sur la comparaison des performances sportives pendant les Jeux Olympiques de Pékin (Xi et al. 2010).

2 Règle d’hypodescendance, fondée sur le principe : « une goutte de sang noir rend noir ».

3 Le développement qui suit est largement nourri de la conclusion de l’ouvrage de Claude-Olivier Doron, L’homme altéré. Races et dégénérescence (XVIIe-XIXe siècles), Ceyzérieu, Champ Vallon, 1978, « L’éternel retour de la race ».

Haut de page

Pour citer cet article

Référence électronique

Jean-Luc Bonniol, Élodie Edwards-Grossi et Simeng Wang, « Introduction au dossier « Race et biologie » »Cahiers de l’Urmis [En ligne], 20 | 2021, mis en ligne le 29 juin 2021, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/urmis/2278 ; DOI : https://doi.org/10.4000/urmis.2278

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search