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Dossier Varia

Le numérique facilite-t-il l’accès ouvert aux communs scientifiques ?

Do digital technologies facilitate an open access to scientific commons?
Nicolas Jullien

Résumés

L’économie de la science et des revues scientifiques est complexe. Pour mieux comprendre les trajectoires de basculement vers les publications ouvertes, cet article propose de décrire leur « modèle économique » et ce qu’Internet a changé. Après un rapide rappel des questions soulevées par l’accès ouvert, nous proposons d’étudier la revue scientifique comme un « commun de connaissance ». Cela nous fournit un cadre afin de structurer les enjeux pour chaque acteur de la revue, et ainsi de décrire les différents types de revues scientifiques existantes, autour de l’adéquation format-lectorat d’une part et système de validation scientifique d’autre part. Selon les modèles, le format d’accès ouvert peut varier, mais l’enjeu global est plus au niveau de l’accès aux bases de données d’articles (comme données ouvertes), que sur l’évolution du fonctionnement des revues scientifiques.

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Texte intégral

Introduction

1Depuis l’arrivée des traitements de texte informatiques, les articles scientifiques sont des objets numériques, à l’image de la musique ou des films. Depuis l’arrivée d’Internet, leur coût de distribution peut être considéré comme nul (ou plus exactement le coût marginal est nul, il faut quand même financer le coût fixe du serveur et de l’accès à Internet). La numérisation n’a pourtant pas eu, semble-t-il, le même impact sur la publication scientifique que sur l’industrie musicale. Les publications accessibles gratuitement sur les sites des éditeurs (l’«  accès ouvert  »), ou via des preprint (ou prépublication) des auteurs représentaient environ 20 % des publications en 2009 (Björk et al., 2010), et environ 20 % des articles référencés en 2016 (Björk, 2017) dans la base de citation et d’abstract Scopus, maintenue par le distributeur Elsevier. Cela signifie que 80 % des articles ne sont pas disponibles gratuitement, même si la pratique de la publication des preprints se développe, voire est rendue obligatoire dans certains pays (lire l’analyse de Chartron (2016) sur les stratégies nationales de l’accès ouvert).

  • 1 Voir, par exemple les appels de Ross-Hellauer et al. (2019); Rallet and Rochelandet (2016), ou l’an (...)
  • 2 Les citations suivies d’un astérisque ont été traduites par nous.

2Malgré la constatation d’un certain épuisement du système traditionnel des revues et des propositions concrètes pour le dépasser, notamment issues des bibliothécaires1, on ne peut que constater, comme le faisait déjà Odlyzko (1999), que «  bien que les chercheurs n’aient aucune incitation à maintenir le système actuel, ils n’ont, en fait, aucune incitation non plus à le faire disparaître  »*2.

  • 3 « ArXiv is a free distribution service and an open-access archive for 1,657,256 scholarly articles (...)
  • 4 « SSRN´s eLibrary provides 910,518 research papers from 454,873 researchers in more than 50 discipl (...)

3Pourtant certaines disciplines, comme l’informatique, ont presque abandonné le système de revue, qui sont souvent couplées à des conférences (c’est, par exemple, la stratégie de l’Association for Computing Machinery – ACM –, et de certaines de ses conférences phares, comme CSCW). Certaines plateformes de prépublication sont devenues très importantes dans certains domaines, comme ArXiv3 (hébergée par l’Université de Cornell), ou SSRN4 (appartenant à l’éditeur Elsevier). Toutefois, les chercheurs semblent toujours très attachés aux revues et à leur recommandation (Rebouillat et Chartron, 2019).

4L’économie de la science et des revues scientifiques est complexe, encastrée dans de nombreuses institutions et dépendante de nombreuses ressources (Stephan, 1996, p. 1219 et suivantes). Pour mieux comprendre les trajectoires de basculement vers les publications ouvertes, cet article propose de décrire le « modèle économique » (Osterwalder et Pigneur, 2010) des publications scientifiques : ce qu’elles apportent aux différents utilisateurs, les différentes ressources auxquelles elles font appel, comment elles captent une partie de la valeur créée pour financer leurs ressources, et ce qu’Internet change à cela (Vinck, 2010).

5Pour ce faire, et après un rapide rappel des questions soulevées par l’accès ouvert (partie 2), nous proposons d’étudier la revue scientifique comme un commun de connaissance, c’est-à-dire une ressource rivale gérée par un collectif de consommateurs de cette ressource. Nous reviendrons à ce moment-là sur ce qu’est la ressource rivale dans le cas de la production de la connaissance (partie 3). Cela nous fournit un cadre afin de structurer les enjeux pour chaque acteur de la revue et, ainsi, de décrire les différents types de revue (partie 4). Nous discutons ces analyses dans la partie 5.

Quelques éléments sur l’économie des revues scientifiques

Les revues scientifiques : évaluation et diffusion

6Lorsque Michael Polanyi défend l’idée d’une « République de la Science » (1962), il tient pour acquis que la validation scientifique d’une recherche passe par son acceptation dans une revue, puis par son acceptation par la communauté scientifique (p. 5). La trace écrite formalise la proposition scientifique (Latour, 1987), en même temps qu’elle affirme une « propriété » sur cette découverte (Merton, 1957), propriété à la base des incitations à produire des chercheurs (Dasgupta et David, 1987). La revue scientifique reste incontournable, semble-t-il, pour garantir la légitimité scientifique d’un travail et la qualité scientifique des chercheurs, donc de leur carrière (Stephan, 1996 ; Polanyi, 1962).

  • 5 On consultera à ce sujet l’article de Germain and Josserand (2013) sur l’économie d’une revue de ge (...)

7Le crédit attaché à une publication scientifique et à ses auteurs dépend d’abord des citations de cette publication. Outre la renommée des auteurs, ces dernières reposent certes sur l’intérêt scientifique de la production mais aussi sur le prestige de la revue, les citations pouvant être mesurées par des outils tels que le H-index (pour les chercheurs) ou le facteur d’impact (pour les revues). Il semble y avoir une corrélation négative entre le prestige d’une revue et le taux d’acceptation des soumissions (Sugimoto et al., 2013), même si dans certaines disciplines, à cause des différents courants de pensée, il n’y a pas forcément de hiérarchie claire entre les différentes publications (ibid, p. 904). Ce crédit dépend aussi de la reconnaissance par les institutions scientifiques (universités, États) qui gèrent la carrière des chercheurs5. Ce qui est vrai au niveau individuel l’est aussi au niveau collectif : avoir accès à une revue scientifique demeure nécessaire pour qu’un groupe scientifique ou une discipline puisse se développer (Mullins, 1972 ; Frickel et Gross, 2005).

8Évidemment, pour qu’un article soit cité, il faut qu’il soit lu. Gunnarsdóttir (2005, p. 562 et suiv.) parle ainsi de valeur d’usage (use value) et de valeur symbolique (token value) associées au fait de publier dans des revues académiques. Celles-ci peuvent être considérées comme des plateformes «  bifaces  » (Farchy et Froissart, 2010), puisqu’elles mettent en relation des auteurs qui recherchent l’accès à une validation et à des citations, et des lecteurs qui recherchent l’accès à des faits scientifiques qu’ils pourront utiliser6. Mais, à la différence des marchés classiques, il n’y a pas d’échange direct entre les deux types d’utilisateurs dans ces plateformes : un auteur ne s’adresse pas à un lecteur et, en général, un lecteur ne veut pas être en relation avec un auteur particulier, même si une telle recherche est toujours possible. Les chercheurs peuvent être alternativement auteurs et lecteurs, mais certains lecteurs ne sont pas forcément des chercheurs (étudiants, ingénieurs, médecins, avocats, etc.) Ainsi, si la publication en accès ouvert semble avoir un impact positif sur la diffusion des articles (Davis, 2011), l’impact sur le taux de citation est moins net (Davis, 2011 ne trouve pas d’impact, Ottaviani, 2016 un impact variable, modeste, mais réel).

9L’analyse des activités et ressources clés de telles plateformes permet de mieux comprendre ce mécanisme. Elles sont assez simples à décrire et résumées dans le tableau 2 de l’article de Willinsky (2005). Les fonctionnalités proposées par les systèmes de gestion des revues scientifiques, comme l’Open Journal System ou OpenEdition, sont également éclairantes. Elles permettent à des auteurs de soumettre un texte et aux éditeurs de faire un premier tri fondé sur l’adéquation avec la revue, puis de gérer l’évaluation : les évaluateurs et leur(s) évaluation(s), le retour vers les auteurs, la répétition des étapes sur différentes versions ; formater les soumissions acceptées (corriger et mettre en page) afin de pouvoir les distribuer ; publier (rendre accessible les articles sélectionnés) ; diffuser. Les deux premières fonctions sont gérées traditionnellement par les chercheurs, même si l’adéquation de la proposition à la politique éditoriale est parfois gérée par le distributeur ou le propriétaire de la revue, quand les deux dernières sont plutôt l’apanage des distributeurs (publishers en anglais). Suivant la terminologie anglo-saxonne, nous distinguons donc les « éditeurs » (editors) qui se chargent de sélectionner et d’évaluer le contenu scientifique des revues, de ces « distributeurs ».

Numérisation et accès ouvert

10La numérisation a diminué le coût de soumission pour les auteurs, le coût de la distribution des articles, et donc le service que les revues (notamment imprimées) rendaient par exemple en facilitant le coût de diffusion des preprints, par courriel ou en dépôt sur des sites spécialisés, ce qu’on appelle la voie « verte » de l’accès ouvert.

11C’est ainsi que l’on peut justifier l’apparition de la voie « dorée » de l’accès ouvert : faire payer pour le service rendu (l’évaluation), sachant que la distribution n’est plus coûteuse. Mais, les prix de la voie dorée (les APC, pour Article Processing Charges) sont suffisamment variables, même au sein d’un même distributeur (Lawson, 2015), pour soupçonner que d’autres éléments que les coûts jouent (prestige de la revue, pratiques disciplinaires), ce qui n’est pas nouveau (Odlyzko 1999, p. 10), mais n’est pas forcément tenable pour les finances des bibliothèques (ibid). En conséquence, des institutions ont proposé un troisième modèle de financement, la voie «  Platine  », où la partie distribution est prise en charge par un consortium d’institutions, via le financement d’une plateforme de publication électronique (Open Journal System, ou OpenEdition). Même si leurs coûts de production sont plus élevés que ceux des distributeurs privés, ils sont moins chers que les tarifs de monopole imposés par ces derniers. Ainsi, les universités réintègrent dans leurs activités l’ensemble du processus d’évaluation et de diffusion des publications scientifiques.

12Les différents types d’accès ouvert dans les revues scientifiques, résumés dans le tableau 1, sont donc des déclinaisons de modèles classiques des marchés bifaces.

Tableau 1 : Modalités diversifiées des différentes formes d’accès ouvert

Voie verte (diffusion libre avec embargo)

Voie dorée
(diffusion immédiate, gratuité au lecteur)

Voie platine
(gratuité au lecteur et à l’auteur)

Financement

Maintien des abonnements

Fonds de recherche

Fonds dédiés pour publication

Subvention d’État ou de tiers payeurs

Externe (État, institutions scientifiques comme le CNRS, consortium de bibliothèques, fondations)

Modalités

Archives ouvertes avec délai d’embargo

Archives d’éditeur ouverte après un certain délai

APC par le chercheur via son institution

Négociation globale entre un éditeur et une université pour associer abonnements et APC, modèles Offsetting (Lawson, 2015)

Accord global avec les éditeurs, mutualisation des coûts entre plusieurs institutions de recherche (Scoap3, physique des particules) ou des bibliothèques (Knowledge Unlatched)

Publication uniquement en ligne, plateforme financée par des institutions, activités de sélection des articles non rémunérée, et coût de mise en page supportés par les publiants ou par des subventions

Possibilité d’un modèle freemium (vente de services à valeur ajoutés sur du référencement par exemple)

Exemples

HAL, Repec, arXiv, ResearchGate, SSRN

Cairn.info, Jstor

PlosOne, accès ouvert des revues traditionnelles

OpenEdition (en France)

Scielo (Amérique latine, SHS)

Redalyc (Espagne et Amérique latine)

Open Libraries for Humanities

Source : repris et adapté du tableau 1, p. 4 de Chartron (2016), avec ajout de la voie platine.

13Il y a de fortes variations entre les taux de publication en accès ouvert de différentes disciplines scientifiques, très forts en médecine, physique, informatique, ingénierie ou biologie ; beaucoup plus faible en sciences humaines et sociales (Dalton et al., 2020). Et actuellement, les marges des éditeurs ne semblent pas avoir souffert de ce passage au numérique, comme le constatent de nombreuses études (Nguen et Okret-Manville, 2021). Peut-on décrire de façon plus précise les modalités de telles évolutions, les conditions de telles émergences ? Comment s’articulent les actions des différents acteurs ou parties prenantes (pouvoirs publics régulateurs, associations professionnelles, distributeurs, éditeurs de revues, auteurs, etc.) pour favoriser tel ou tel modèle ?

14Jullien et Roudaut (2020) défendent l’idée que les revues scientifiques ont les attributs d’un commun (de connaissance), tel que défini et décrit par Ostrom (1990) : des ressources, gérées par un collectif établissant des règles et une gouvernance dans le but de préserver et de pérenniser cette ressource. Nous allons brièvement reprendre leur analyse, avant de démontrer en quoi cela permet de mieux comprendre le fonctionnement des revues.

Les revues scientifiques, des communs de connaissances ?

Différents utilisateurs des revues

15Il y a, on l’a vu, deux grandes catégories d’acteurs pour chaque revue scientifique (tableau 2).

16Les « utilisateurs » sont ceux qui ont « le droit de profiter des bénéfices non-soustractifs » (Ostrom, 2003) du commun. Ici, il s’agit du stock de connaissances codifiées, et on parle de la partie « usage ». Garantir son accès peut être coûteux ou nécessiter des régulations, pour des questions de congestion (il faut financer sa mise à disposition, les serveurs et les accès Internet), mais il n’y a pas fondamentalement de problème de rivalité. Il ne s’agit pas de la « common pull ressource » (ou ressource – rivale – du commun) qu’il faut gérer, mais du bien public issu de la gestion durable du commun.

Tableau 2 : Faisceaux de droits associés avec la position (le rôle), dans le cas des revues scientifiques

Propriétaire(s) (association professionnelle, distributeur...)

Comité d’édition, éditeurs

Évaluateur(s)

Contributeur(s)

Utilisateur(s)

Accès au stock de connaissance


X


X


X


X


X

Accès au dispositif de production


X


X


X


X

Gestion des contributions


X


X


X

Gestion des contributeurs


X


X

Gestion de l’aliénation (marque, serveur, plateforme, etc.)


X

17Les « consommateurs » du commun sont, comme l’ont souligné Potts et al. (2017), les contributeurs et les participants à l’édition de la revue, qui sont pour la plupart des utilisateurs, mais qui demeurent les seuls à bénéficier de l’opportunité d’être évalués et acceptés par la revue, et donc d’accéder aux rémunérations symboliques. C’est une ressource rare, et rivale, les places étant limitées, parce que la rareté semble être un signal de qualité, mais aussi parce que la gestion du processus d’évaluation s’avère coûteuse en ressources (les évaluateurs), qu’il faut économiser. Cela définit différentes catégories d’acteurs-contributeurs par leurs droits associés (tableau 2) :

  • les contributeurs « simples », ceux ayant simplement accès à la ressource rare (dans le tableau, « accès au dispositif de production ») ;

  • les « commoners », pour reprendre le terme de Coriat (2015), ceux ayant des pouvoirs de régulation sur la ressource rare (régulation de l’acceptation donc) et qui est hiérarchisée. On peut distinguer les évaluateurs, qui ont « le droit de faire appliquer les règles », accepter ou non une contribution, des éditeurs bénéficiant de pouvoirs de sanction, mais aussi de définition des règles (par exemple, le droit d’exclure un contributeur de l’accès à la ressource rare (desk reject), le droit de définir les règles d’évaluation des articles, et surtout de construire la politique éditoriale de la revue) ;

  • enfin, les « propriétaires » : ils possèdent les droits relatifs au bien et à sa gestion, et notamment ici, la plateforme qui gère le projet (workflow d’édition et de publication) et la mise à disposition du stock pour les utilisateurs. Évidemment, ces propriétaires le sont en grande partie car ils ont des droits de propriété, notamment sur la marque (le nom de la revue), et souvent sur les textes mis à disposition (qui sont ensuite licenciés sous une forme ouverte, ou non, mais c’est bien le propriétaire des droits qui le décide). Comme souligné par Ostrom (2003), d’autres éléments de contrôle, comme la gestion de la plateforme, demeurent souvent importants car cela leur permet de définir les règles de diffusion.

18La gestion des droits varie selon les revues, comme illustré dans le tableau 3 avec des revues parmi les plus prestigieuses de leurs disciplines.

Tableau 3 : Différentes répartitions des rôles pour différents types de revues scientifiques


Propriétaire(s)

de la marque

Comité d’édition, éditeurs


Évaluateur(s)


Contributeur(s)


Utilisateur(s)

Gestionnaire de la plateforme de publication

Politique d’évaluation

Politique de distribution


   
Nature

Springer

Salariés de Springer

Chercheurs, choisis par le comité d’édition

Chercheurs

Journalistes scientifiques, étudiants, chercheurs

Springer

Contrôlée par le propriétaire

Fermée, prix d’accès faible (220,5€/an)





   
Science

AAAS (American Association for the Advancement of Science)

Salariés AAAS choisissent articles à évaluer. Peuvent prendre avis

« Board of reviewing editors » (académiques membres d’AAAS)

Chercheurs, proposés par les contributeurs, choisis par le comité d’édition

Chercheurs

Journalistes scientifiques, étudiants, chercheurs

AAAS

Contrôlée par le propriétaire, avec l’aide d’un comité de chercheur

Fermée, prix d’accès faible, via adhésion à l’association (50$ pour les étudiants). Les revues sont plus chères




American Economic Review

American Economic Association (AEA)

Comité éditorial de chercheurs académiques membres de l’AEA

Chercheurs choisis par le comité d’édition (possibilité d’indiquer des conflits pour les auteurs)

Chercheurs

Chercheurs

AEA

Contrôlée par le comité éditorial

Accès pour membres AEA, sinon accès classique (bundle : abonnement institutionnel AEA, accès à toutes revues, version électr. 950$/an)


American Sociological Review

American Sociological Association (ASA)

Comité éditorial de chercheurs académiques membres ASA

Chercheurs choisis par le comité d’édition

Chercheurs

Chercheurs

Distributeur sous contrat, Sage publishing

Contrôlée par le comité éditorial

Accès pour membres ASA, sinon accès via distributeur


New England Journal of Medicine

NEJM Group

Comité éditorial de chercheurs académiques (« associate editors ») recruté par propriétaire

Premier filtre léger par un salarié du NEJM

Chercheurs

Chercheurs, mais aussi journalistes scientifiques et étudiants

NEJM Group

Contrôlée par comité éditorial, décision finale du propriétaire (editor in chief salariée NEJM)

Voie verte (embargo de 6 mois)

Différents acteurs, différents arrangements institutionnels

19La gestion de la ressource rivale est parfois centralisée par un agent économique. C’est le cas de Nature, revue gérée entièrement par Springer, mais aussi de Science (propriété d’une association professionnelle). Dans ces deux cas, il ne s’agit pas de « commun » car la ressource rivale n’est pas gérée collectivement.

20Certaines revues sont gérées entièrement par leurs utilisateurs, on peut alors parler de commun. Cela ne les rend pas forcément plus accessibles aux contributeurs. Dans de grandes revues, la contribution peut aussi être autorisée, mais avec une modération extrêmement forte, et une acceptation très rare au-delà d’un cercle d’auteurs proches de la revue. C’est par exemple le cas de l’American Economic Review, dont le processus d’évaluation est qualifié de single blind, en ce sens que si les soumissionnaires ne connaissent pas les évaluateurs, ils sont connus d’eux (voir la politique éditoriale de la revue). Cette manière de faire crée des biais très significatifs envers les auteurs, mais aussi les universités déjà connues (des évaluateurs), d’après l’étude de Tomkins et al. (2017). Cette cooptation s’explique par des exigences très précises en terme de type de publication, la volonté de définir un nouveau champ, ou celle de contrôler l’avancée scientifique de leur champ. La marque (la revue) demeure, dans ce cas, propriété d’une association professionnelle et la diffusion reste plus ouverte et/ou conditionnée à l’adhésion à l’association. La ressource est alors bien gérée par un collectif, même si celui-ci est restreint et qu’y accéder s’avère difficile. Nous sommes finalement très proches des communs classiques étudiés par Ostrom, où le groupe qui exploite la ressource commune, est très fermé. Dans ce cas, il peut y avoir des problèmes de gestion de l’intérêt collectif (de la science économique, de la société), c’est-à-dire du bien public. Mais nous savons qui définit les règles, et le débat porte sur l’impact institutionnel de ce commun et sur ses relations avec d’autres institutions de la recherche.

21La plupart des revues scientifiques se situent entre ces deux cas extrêmes, les utilisateurs (chercheurs) gérant l’édition et un agent économique privé ou public, la distribution7. La propriété de la marque (le nom de la revue) dépend des situations (elle appartient parfois au distributeur, parfois aux associations professionnelles ; voir les deux dernières lignes du tableau 3). Ces cas intermédiaires montrent que la plateforme technique est importante dans la gestion de la revue (diminution des coûts de gestion). Les rendements croissants d’apprentissage génèrent des coûts de changement et donc des barrières à la sortie assez classiques. Cela favorise les distributeurs, qui peuvent amortir leur plateforme sur plusieurs revues (économie de variété) et disposent des compétences pour faire référencer les revues dans les méta-bases de données comme Scopus ou Web of Science, qu’ils contrôlent pour la plupart. Mais ce qu’ils montrent également, c’est que les actifs les plus spécifiques des revues scientifiques sont la marque et le collectif qui gère la ressource rivale du commun (le comité éditorial), des actifs non contrôlés par les acteurs privés, ce qui rend le passage d’une plateforme à une autre possible.

22Pour résumer, la gestion d’une ressource rare (le droit de publier), ou du flux de connaissance, permet de produire un bien public (les articles numériques), un stock de connaissances. Lorsque la gestion de la ressource rare est contrôlée par ses utilisateurs (les chercheurs), nous avons un commun. Mais ce n’est pas forcément le plus efficace en terme de diffusion de la connaissance hors du cercle des chercheurs comme nous allons l’expliquer maintenant.

Modèles de revue et objectifs poursuivis

Des positionnements éditoriaux différents

23La politique éditoriale des revues (l’adéquation offre-demande), selon qu’elle va favoriser la présentation de résultat scientifique ou l’accessibilité du propos, peut entraîner des formats de rédaction différents : Ellison (2002) a souligné que, dans les revues d’économie où la reconnaissance scientifique est primordiale, les manuscrits sont devenus plus longs en 2000 qu’en 1970 et les temps d’évaluation aussi. Dans les revues académiques, même quand elles sont prestigieuses, les articles restent très courts (5 pages pour Nature ou Science). C’est plus long que les articles des revues de diffusion grand public comme The Conversation (pas plus de 8000 signes) (Appel et Falgas, 2019) ou La Recherche, mais beaucoup plus court qu’un article scientifique classique.

24Projeter les revues sur plan défini par ces deux axes : audience et reconnaissance académique – qui sont proches des deux axes de Gunnarsdóttir (2005) : valeur d’usage et valeur symbolique –, permet de retrouver les deux grands modèles d’une revue scientifique (figure 1).

25Un premier modèle, celui des revues académiques classiques, permet de gérer la propriété scientifique institutionnelle, ce sont des revues faites par et pour les chercheurs. Leur audience est souvent confidentielle, mais elles peuvent avoir un fort impact académique. Elles participent du fonctionnement de la science ouverte, telle que définie par Dasgupta et David (1994, p. 518), c’est-à-dire dont l’objectif premier est de faire progresser la connaissance en proposant des théories et des expériences pour les valider. Un deuxième modèle est celui des revues et encyclopédies scientifiques qui permettent une diffusion large de la connaissance scientifique validée (que nous avons appelé vulgarisation scientifique, dans son sens premier, c’est-à-dire, d’après l’Académie française : « Mettre à la portée de toutes les intelligences des notions de science et d’art »), mais avec un impact académique faible (Wikipédia illustre parfaitement ce cas), et parfois des difficultés pour les chercheurs à adapter leurs discours.

Illustration : Les différents modèles de revues scientifiques, selon leurs impacts académiques et sociétaux

26Il existe un modèle intermédiaire, celui du transfert académique des résultats de la recherche en direction des praticiens. Il est très important pour les sciences avec une forte dimension applicative (sciences de la vie, sciences de l’ingénieur, droit positif par exemple), et repose toujours sur la production de connaissances solides car fondées sur des faits scientifiques solides, pour paraphraser la dernière phrase de Dasgupta et David (1994). Nous discuterons finalement de l’apparition de nombreuses revues de publication d’articles académiques, malgré leurs faibles audience et impact scientifique (ce que nous avons appelé les revues issues du circuit académique).

Les modèles de revues parlant de science

Propriété scientifique institutionnelle

27Dans ce modèle, la priorité éditoriale des revues est entièrement tournée vers l’évaluation et la présentation de résultats scientifiques. Comme illustré avec l’exemple de l’American Economic Review, ce sont souvent des communs, c’est-à-dire des revues aux processus éditoriaux gérés entièrement par les scientifiques. Ce fonctionnement n’est pas exempt de critiques, qui sont les mêmes que la gestion de la science par les chercheurs (risques pointés d’enfermement disciplinaire, difficulté à gérer/intégrer les nouveautés scientifique), mais la plupart des études s’accordent à dire que c’est le système qui fonctionne le mieux (Dasgupta et David, 1994 ; Pénin, 2020). Comme aussi expliqué, la diffusion s’effectue uniquement dans le milieu scientifique, via des plateformes hébergeant les revues ou des preprints.

28Ici, la question de l’accès ouvert se retraduit par la question du financement des plateformes. Plusieurs solutions coexistent, celles qu’on retrouve dans le développement d’un logiciel classique : financement par les utilisateurs, éventuellement sous forme de projet open-source, chercheurs ou institutions de recherche, financement public (comme OpenEdition en France), là encore par des institutions de recherche, ou sous-traitance à des acteurs privés (plateformes des grands éditeurs classiques). Les économies d’échelle et de variété sur les coûts fixes de développement, et marginalement d’hébergement, favorisent la concentration (la gestion d’un processus d’évaluation d’une science à l’autre ne varie pas beaucoup et donc peut utiliser une même plateforme). Mais la plupart du temps, la marque appartient aux chercheurs, via souvent des associations professionnelles, et le changement de plateforme demeure possible. Le pouvoir de négociation reste du côté des chercheurs.

29Signalons que le financement à l’usage est possible (le contributeur payeur), car les chercheurs ont l’habitude de payer lorsqu’une proposition scientifique est acceptée... dans une conférence. Mais il s’agit là d’un financement croisé, car les conférences apportent d’autres services (e.g. de construction d’un réseau de recherche). Cependant, le processus central d’évaluation et de régulation de l’accès à une ressource rare, rivale, est le même. Nous avons déjà signalé qu’aujourd’hui, les conférences de l’Association for Computing Machinery – ACM –, sont considérées en informatique comme des publications, ou bien sont la première étape dans le processus de publication. Ce processus s’inscrit dans la chronologie de la publication (conférences, pour présenter et avoir des retours sur les travaux en cours, et faire connaître et assurer sa maternité sur une publication – diffusion –, puis validation scientifique après évaluation dans les conférences ou les revues – token). On pourrait donc imaginer que les plateformes de gestion des soumissions soient en partie financées par l’usage qu’en font les conférences.

  • 8 Ainsi, la jeune revue SociologieS a abandonné le modèle des numéros, pour proposer des articles, ou (...)

30La numérisation pose la question de la structure des publications scientifiques, qui reste aujourd’hui très marquée par les usages induits par les formats physiques (le papier, qui induisait une parution discontinue de numéros regroupant plusieurs articles acceptés, pour des raisons d’économie dans les coûts de fabrication). Il y a peu de raison logique de continuer à avoir cette notion de volume, ou de numéros, sauf à proposer des regroupements anticipés autour d’un appel spécifique, les «  numéros spéciaux  », pour des parutions dont l’objectif principal, unique, est d’apporter un cachet (token) sur une validation scientifique8. Reste la charge de la preuve de ce cachet, qui est aujourd’hui la publication sur le «  site  » de la revue. On peut imaginer d’autres systèmes (comme des tokens accordés sans site central, dans un registre public infalsifiable selon le terme en vogue de « chaîne de blocs »), mais à partir du moment où le processus d’évaluation passe par une plateforme, le coût marginal, pour cette plateforme, de publication des articles validés reste très faible et peu sujet à falsification.

31Le débat sur l’accès ouvert soulève deux questions : comment les acteurs publics, qui en dernier recours cofinancent ces plateformes, choisissent de les soutenir, et le développement public des plateformes est-il le plus efficace ? La sous-traitance à des acteurs privés est possible, mais devrait évoluer vers un droit d’usage de la plateforme, plutôt que vers un financement public de l’accès à des revues dont les chercheurs assurent déjà la diffusion par ailleurs (e.g. via le portail HAL en France). Il nous semble donc que l’évolution vers des modèles « platines » (hébergement des communs sur des plateformes publiques ou open-source), est essentiellement un problème culturel. Dans les disciplines techniques, comme les sciences physiques, c’est très avancé. Dans les disciplines de tradition plus littéraire, pour lesquelles le livre (format très long) et donc le papier sont toujours importants, les réticences semblent plus nombreuses. La culture informatique de ces disciplines est peut-être aussi moins grande, et le coût de changement de plateforme perçu comme très élevé. Sans doute qu’une politique ciblée des institutions, refusant de soutenir les revues qui ne seraient pas hébergées sur une plateforme en accès ouvert gratuit (platine), et finançant le transfert des revues vers ces plateformes permettrait d’accélérer significativement ce basculement.

Diffusion scientifique

32À l’opposé du premier modèle, la priorité éditoriale peut être entièrement tournée vers l’audience. Le cœur de métier de ces revues est la qualification de l’audience et la création de contenus scientifiques accessibles au plus grand nombre (cf. les encyclopédies et notamment Wikipédia qui est un cas extrême de vulgarisation scientifique). Nous sommes alors sur le modèle de la presse, avec les mêmes questions que pour la presse classique (numérisation qui substitue le format papier, définition d’une offre payante), et plus généralement pour les contenus culturels en terme de captation de la valeur dans le numérique.

  • 9 On peut expliquer cette volonté de visibilité auprès des médias de l’employeur ou du chercheur de l (...)
  • 10 Nous pensons, entre autre, aux annuaires d’experts scientifiques, comme Les expertes.

33La grande différence avec le modèle précédent est que les chercheurs n’ont pas d’incitation directe à publier dans ce genre de revue, qui ne leur apporte pas de reconnaissances scientifiques. Il faut donc financer la production des articles (paiement de journalistes scientifiques), ou que cela fasse partie des demandes de l’employeur du chercheur9. Mais l’investissement reste coûteux pour le chercheur car les formats ne sont pas les formats habituels (ils sont plus proches des formats des enseignants, ce n’est donc pas impossible évidemment) et soulignent le besoin d’interface entre la publication scientifique et le grand public (journalistes scientifiques, amateurs éclairés, brokers10…)

34On retrouve alors un débat classique en économie sur le financement d’un bien public (l’accès au plus grand nombre à la connaissance) : est-ce que l’État est capable de créer et de financer des revues de vulgarisation, ou faut-il laisser cela à des acteurs privés (entreprises ou associations) mieux à même de s’adapter à la demande ? Peut-on imaginer des voies intermédiaires, mix des deux, des partenariats ? Aujourd’hui, à côté des revues financées en partie par la puissance publique (les revues du CNRS, par exemple), il subsiste des revues financées par l’usage (abonnement et publicité comme La Recherche), mais apparaissent aussi des publications financées par le don (The Conversation, Wikipédia).

Transfert scientifique

35Toutes les revues académiques ne sont pas uniquement lues par des académiques, et toutes les revues lues par des non-académiques pas écrites par des non-académiques. Il existe, en fait, de nombreuses revues où les deux éléments d’édition semblent importants : le contrôle du format et le contrôle de la qualité scientifique. C’est notamment le cas dans les disciplines scientifiques qui ont un lien fort avec la recherche appliquée et la recherche contractuelle (sciences du vivant : médecine, chimie ; sciences de l’ingénieur, sciences qui reposent aussi fortement sur la co-publication articles/brevets ; droit, surtout le droit positif (Barraud, 2016), où les chercheurs peuvent être rémunérés par les revues pour publier leurs analyses). Dans beaucoup de disciplines des sciences sociales existent aussi, à côté des revues académiques classiques, des revues dont l’objectif est de «  favoriser le dialogue entre chercheurs et praticiens  », en croisant «  témoignages d’acteurs de terrain et réflexions de chercheurs  », pour citer les objectifs de la revue Sociologie Pratique. C’est aussi, bien sûr, le positionnement de Terminal.

  • 11 Au départ IEEE veut dire « Institute of Electrical and Electronics Engineers », mais aujourd’hui, c (...)
  • 12 Nous remercions Guillaume Maze, chercheur en physique des océans, qui nous a éclairés sur le rôle d (...)

36Il y a alors le plus souvent cohabitation entre un diffuseur qui fixe les règles de format et souvent fait un premier filtre sur l’adéquation de la proposition au public visé (associations professionnelles mixtes : l’Association des Professionnels en Sociologie de l’Entreprise, pour Sociologie Pratique, l’IEEE pour les sciences de l’ingénieur11, mais aussi l’ACM, acteurs privés tel Springer pour Nature), et un comité scientifique (éditorial) chargé d’évaluer la qualité scientifique de façon classique : évaluation par les pairs des articles présélectionnés. Au-delà des disciplines déjà citées, certaines revues, comme Nature, Science ou PlosOne, se sont ouvertes à de nouvelles sciences à fort impact sociétal (extension du modèle vers les sciences de l’environnement, par exemple). Cela offre un relais, des productions en direct ou via les journalistes scientifiques, en direction des centres de décision et de financement de la recherche12.

37Il s’agit pour toutes ces publications d’assurer le transfert des connaissances scientifiques vers les praticiens13, de faire publicité de résultats qui peuvent être aussi valorisés socio-économiquement. Dans ces domaines, la valorisation académique (publication) peut être précédée d’une valorisation économique (brevet), même si cela engendre des délais dans la publication académique (Pénin, 2010). On pourrait presque parler de revue d’invention (au sens qu’elles proposent des résultats de recherche appliquée), par opposition aux revues de découvertes présentées plus haut.

38Ces revues sont celles qui se rapprochent le plus d’un modèle de plateforme biface classique car les chercheurs ont un intérêt académique, mais aussi économique à la publication. De l’autre côté, c’est une source d’information technologique importante pour les professionnels. En conséquence, ces revues ont peu d’incitation à faire évoluer leur modèle d’affaires, car le financement par l’audience de la distribution et de la plateforme d’édition existe, et les incitations à la contribution sont présentes. Les formules d’open-accès sont proposées, mais davantage, semble-t-il, pour satisfaire aux demandes institutionnelles que comme une stratégie de publication (voir la façon dont l’IEEE parle de l’open-accès, par exemple).

39Il y a quand même des tensions institutionnelles entre les institutions de recherche et ces associations, car les premières peuvent avoir le sentiment de payer deux fois : les publications et le processus d’évaluation avec le salaire des chercheurs, et l’accès par l’abonnement, pour des coûts essentiellement fixes. Aujourd’hui, les adhésions à ces associations savantes, obligatoires pour participer à leurs conférences, autorisent l’accès aux revues, mais elles se font sur des bases individuelles. Nous imaginons que les institutions de recherche qui financent les adhésions individuelles vont, dans le futur, négocier des adhésions institutionnelles, permettant de résoudre ces tensions. En revanche, il est probable que ces revues ne seront jamais des communs, au sens où les commoners ne seront pas en charge de la pré-sélection, qui restera aux mains des « représentants » des utilisateurs, propriétaires de la revue. Est-ce que ces représentants seront des acteurs privés à but lucratif ou à but associatif ? Il est probable que les deux modèles perdureront.

Circuit académique. Obligation de publication, recherche de diffusion

40Reste finalement le cas des revues ayant peu d’audience et peu de réputation académique.

41Disons d’abord, pour mémoire, un mot sur le lancement de nouveaux espaces de diffusion scientifique (axe audience), où il faut, d’une part, trouver une audience et, d’autre part, inciter des contributeurs à proposer du contenu adapté à celle-ci, quand les chercheurs n’ont pas d’incitation directe à contribuer. Malgré cette double contrainte, on a vu dans la partie  « diffusion scientifique » que les modèles étaient variés. Cette partie étant hors des objectifs de l’article, déjà long, nous ne la développerons pas plus.

42Du côté académique, le dispositif de distribution papier rendait la création de nouvelles revues plutôt coûteux (trouver un distributeur, faire connaître la nouvelle revue, gérer les contributions, imprimer et distribuer les volumes, etc.) Les systèmes de gestion en ligne ont fortement diminué les coûts d’une telle initiative... au moins pour les distributeurs. Dès l’instant où un chercheur, ou bien un groupe de chercheurs, accepte de participer au processus d’édition, la création d’une revue, sa mise en ligne et son intégration dans le catalogue des plateformes s’effectuent à un coût marginal très faible. L’effort reste du côté des consommateurs, contributeurs et évaluateurs. Il faut alors se poser la question de l’intérêt des chercheurs à créer une nouvelle revue ou/et à publier dans ces nouvelles revues.

43La création d’une nouvelle revue répond à un besoin au sein d’une discipline existante, pour développer une discipline scientifique dans la langue locale (Forgues et Liarte, 2013), ou, comme dans l’exemple de PLOS One, accélérer l’évaluation et la diffusion de résultats dans des disciplines où cela s’avère un critère important. Mais elle peut aussi servir la promotion d’une nouvelle discipline, qui ne peut se développer «  sans des opportunités de publication  »* (Frickel et Gross, 2005, p. 214). Dans les deux cas, il n’est pas sûr que la numérisation facilite beaucoup la création, voire même la survie d’une nouvelle revue ; les relations personnelles des créateurs, leur aura et leur réseau semblent rester des facteurs clés de succès.

  • 14 Sur l’histoire de la fondation PLOS, ou pourra commencer par consulter sa page Wikipédia.

44Le numérique facilite certains éléments : il est possible, pour une revue scientifique, d’être référencée sur Scopus si elle dispose d’un numéro ISSN, ce qui demande au moins une parution, éventuellement uniquement numérique, avec un projet éditorial clair. Néanmoins, l’essentiel est de faire connaître la revue et le projet, et en cela, le numérique ne semble pas modifier fondamentalement les choses. Cela reste un travail de publicité et de recrutement des contributeurs par relation personnelle, puis de soutien institutionnel. Ainsi, Germain et Josserand (2013, p. 544) estiment que le créateur de la revue M@n@gement a passé plusieurs années, à plein temps, à promouvoir sa revue, et PLOS ONE n’a été lancée, notamment par un prix Nobel de médecine, Harold Varmus, une fondation (PLOS) dotée de neuf millions de dollars par la Gordon and Betty Moore Foundation, un premier gestionnaire de la revue, Chris Surridge, issu de Nature (où il est retourné depuis) et une première revue, PLOS biology en 2003, qui fonctionne comme Nature pour le processus d’évaluation (et qui à l’origine était publiée en ligne et en version imprimée14).

45Finalement, la progression de la revue au-delà du réseau social et scientifique du créateur passe par sa reconnaissance institutionnelle, soit que la «  nouvelle  » discipline ait été acceptée, soit que la revue ait été reconnue ‘valable’ par la profession, par l’institution scientifique, ce qui demande un travail de réseautage important15. Le commun, qui était géré par et pour un groupe fermé d’individus, avec finalement peu de portée pour le stock produit (le bien public), devient suffisamment important pour être visible au-delà du groupe, et intéresser des institutions, et donc les chercheurs « influencés » par ces institutions. C’est durant cette période que peuvent se mettre en place des règles plus formelles d’évaluation (nécessaires pour la reconnaissance par les associations scientifiques, ou les organismes d’évaluation, mais aussi pour traiter l’augmentation des propositions), et une séparation plus forte entre éditeurs et propriétaires de la marque ou/et distributeurs, par exemple. Bref, nous proposons le fait que l’injonction institutionnelle pousse le groupe à se structurer, et, notamment, à construire le faisceau de droits que nous avons décrit.

  • 16 L’association des responsables de l’information scientifique et technique des organismes de recherc (...)
  • 17 Là encore, PLOS ONE illustre bien ce point : sur les problèmes d’hétérogénéité du processus d’évalu (...)

46Les revues purement en ligne ont un léger avantage en terme de gestion de cette phase de croissance. N’ayant pas de limitation de taille du support physique, elles peuvent sans doute réguler plus facilement le taux d’acceptation (qui reste un arbitrage entre poids académique et couverture, en acceptant beaucoup d’articles, et sélectivité signal de qualité, et fait augmenter la valeur du commun, du bien rival, pour les chercheurs acceptés). C’est ce qu’illustrent les revues de Plos. Elles ont pu augmenter le nombre d’articles acceptés par an de manière très importante, tout en gardant un taux de sélectivité assez élevé (autour de 45 %)16. Cependant, cela implique d’accroître le nombre d’évaluateurs et d’éditeurs pour les contrôler, ce qui influe sur l’hétérogénéité des évaluations, mais aussi sur les coûts de recherche de ces évaluations, et rend assez inefficace le fonctionnement de la revue17.

47Toutes les revues ne sont pas créées par les chercheurs, et certains scientifiques sont prêts à publier des résultats douteux, à la vérification discutable. Certains éditeurs et revues reposent sur cette facilité à créer des titres et à mettre en ligne des publications visibles sur le Net au même niveau que les autres publications. Elles profitent des failles du dispositif institutionnel d’évaluation des chercheurs. D’une certaine manière, au lieu de demander aux chercheurs de participer au financement de la diffusion (le discours de l’accès ouvert), des revues « prédatrices » proposent aux chercheurs de payer pour être publiés (Beall, 2012). C’est une question classique de l’économie de la qualité (Akerlof, 1970), où des supports censés proposer des évaluations font payer des accréditations de mauvaise qualité pouvant tromper le quidam. Bien sûr, cela pose des problèmes institutionnels, car ces revues sont parfois intégrées dans les classements institutionnels comportant des « bonnes revues ». En outre, quand elles se positionnent comme revues de transfert scientifique, par exemple en médecine, elles peuvent brouiller les messages scientifiques, comme l’a illustré le débat sur l’usage de l’hydroxychloroquine dans le traitement de la Covid 19, voir l’analyse d’Eriksson et Helgesson, 2018). Leur accès ouvert et gratuit facilite le transfert vers les médias de résultats douteux qui, de surcroît, arrivent plus vite, car le temps de l’évaluation par les pairs est réduit, parfois, à zéro. On pourrait s’interroger sur le sérieux des publications grand public qui s’appuient sur ces écrits dans une course aux scoops, mais ce n’est pas l’objet de notre discussion.

  • 18 Les services des bibliothèques et des archives de l’Université de Sherbrooke présentent des informa (...)

48Du point de vue de l’institution scientifique, les éléments de régulation de la réputation scientifique sont en place : les critères d’évaluation insistent plus fortement sur la qualité de la revue, et la publication dans des revues contestées peut même se retourner contre le chercheur, pouvant perdre une part du respect académique. À plus long terme, il est possible d’imaginer que les institutions scientifiques interdisent à leurs employés de participer à des comités éditoriaux de nouvelles publications qui ne seraient pas hébergées sur des plateformes à accès ouvert gratuit (puisque le coût principal concerne l’édition, pas la distribution), voire de soumettre des articles à ces publications «  prédatrices  », dont des listes existent18. D’autres éléments, comme la course à la publication, pourraient être atténués. Tout cela diminuerait l’intérêt économique de créer ces nouvelles revues qui sont tout sauf scientifiques.

49Cependant, le risque principal est que la multiplication des publications de mauvaise qualité renforce encore le pouvoir des grandes plateformes privées, ce dont nous allons discuter à présent.

Discussion conclusive

50Les mécanismes d’évolution de la science et des publications scientifiques identifiés par Mullins (1972) n’ont pas changé et expliquent toujours la création et le succès des revues. Le numérique facilite la création de revues, ainsi que les plateformes de gestion des processus (workflow) pour le travail d’édition (formatage et évaluation des articles). Mais, l’évaluation scientifique reste un processus coûteux en temps d’experts, avec peu d’économie d’échelle, et pour lequel le modèle d’évaluation par les pairs est sans doute le seul possible. En effet, « il est vraisemblable que plus la connaissance est incertaine, nouvelle ou peu codifiée, plus le coût pour évaluer la qualité du flux de connaissance qui est produit sera élevé, et plus les éléments d’autorité joueront [dans la gestion de la ressource rivale] » (Jullien et Roudaut, 2020). Ce système d’évaluation scientifique demeure sans doute plus efficacement géré sous la forme d’un commun (Pénin, 2020). Quant à la partie diffusion, elle ne s’avère pas centrale et les chercheurs n’ont pas d’intérêt particulier, au moins individuellement, à la faire évoluer.

51Le numérique a facilité l’édition des contributions : appariement entre article et évaluateur, suivi du processus d’évaluation, etc., mais à condition qu’un système ait été développé et soit maintenu. Cette partie est gérée par les chercheurs (ou leurs assistant.e.s), ou par les distributeurs, selon les cas. On peut regretter que les plateformes ouvertes comme OpenEdition ne proposent pas un tel système. En conséquence, il est souvent plus facile pour les créateurs de revues de passer par des plateformes privées qui intègrent ce service, et il est difficile pour les éditeurs des revues existantes de basculer vers OpenEdition : en plus d’avoir peu d’incitations, ils ont des coûts d’exploration et d’installation d’une solution de gestion des soumissions... Sans doute que l’une des clés du basculement des revues gérées par les chercheurs vers l’open access est à chercher de ce côté-là.

52L’accès ouvert concerne la diffusion et l’accessibilité des résultats. Tant que la diffusion passait par des supports physiques, le fait de la confier à des éditeurs privés pouvait se justifier d’un point de vue économique, et était peut-être la meilleure façon de gérer l’accès le plus large au bien public. Avec l’arrivée d’Internet, et la baisse drastique des coûts d’hébergement, est-ce que les acteurs privés proposent toujours les modèles économiques les plus efficaces pour financer au mieux les activités d’adéquation format-demande et de diffusion ?

53Si l’on s’intéresse aux revues de sciences fondamentales, de propriété académique, où les formats sont définis par les utilisateurs-contributeurs (les chercheurs), la gestion de communs sur des plateformes publiques semble être le plus efficace. Mais c’est là aussi que les chercheurs ont le moins d’intérêt individuel au changement, car du point de vue consommateur, cela leur permet de soumettre gratuitement leurs articles, et du point de vue utilisateur l’accès est payé par leur institution, à moins de ne contourner l’embargo via des plateformes de preprint légales, comme ResearchGate, Academia ou, moins légales mais semble-t-il fort utiles, comme Sci-Hub (Himmelstein et al., 2018).

54Pour les revues de transfert scientifique, des acteurs privés semblent nécessaires pour gérer la partie formatage, ainsi que la diffusion. Ces acteurs privés sont de deux grands types : diffuseurs commerciaux ou associations professionnelles mêlant praticiens et chercheurs. Nous avons montré que pour ces revues, les deux types d’utilisateurs pouvaient avoir une disposition à payer, et l’évolution des modèles semble reposer sur le pouvoir de négociations des acteurs : B2B (entre institutions) ou C2B2C. Les grandes plateformes privées ont intérêt à maintenir la négociation au niveau individuel, car cela renforce leur pouvoir de marché.

55Nous formulons l’hypothèse que les associations professionnelles – les sociétés savantes, notamment – seront les acteurs clés de cette évolution. En effet, celles-ci contrôlent déjà un grand nombre de revues prestigieuses, notamment en sciences humaines et sociales et en sciences de l’ingénieur, ainsi que la plupart des conférences sélectives. Ces associations ont du mal à définir leur rôle, présenté par ses membres comme un «  acte militant  »19, tant il y a peu de bénéfices individuels perçus, sauf pour les plus impliqués (Mata et al. 2010, Figure 1, p. 453). Mais, c’est un moyen d’obtenir des financements pour les revues, en faisant payer le consommateur (voie dorée), comme le montre l’exemple de l’informatique. On est bien sur un commun où la ressource rare est la même que pour une revue scientifique (accès aux pairs et accès à la publication dans les actes de la conférence et donc aux revues, qui ont un accès plus rapide aux publications, leur permettant de sélectionner celles qui les intéressent avant leurs « concurrents »). Les sociétés savantes sont les mieux placées pour faire reconnaître les revues qu’elles portent comme des publications de référence par les institutions de soutien et d’évaluation de la recherche, car elles ont souvent des représentants dans les commissions d’évaluation. Finalement, parce qu’elles gèrent des conférences, elles disposent déjà des outils de gestion des contributions. Cependant, cela implique qu’elles changent leur modèle économique. Pour l’instant, elles financent en partie leurs autres activités à travers les abonnements à leurs revues (Dixon, 2014), ce qui freine certainement cette évolution.

  • 20 Nous remercions l’évaluateur qui a signalé ce point.

56Discuter de l’accès ouvert, c’est débattre du contrôle de l’accès aux résultats scientifiques. Cela passe par l’accès aux publications, mais reste insuffisant ; l’enjeu pour la recherche est que le résultat soit reproductible, et il faut, pour cela, que les chercheurs aient accès aux données et aux algorithmes (Mesirov, 2010)20. Le fait de ne pas publier ces éléments permet d’affirmer une propriété sur un résultat tout en conservant une avance sur les chercheurs concurrents et/ou, dans le cas du transfert scientifique, de conserver des éléments de négociation avec les entreprises, en plus du brevet (Jullien et Roudaut, 2012). Néanmoins, la numérisation, qui diminue la contrainte sur la taille des articles, et qui permet facilement le renvoi vers des pages hébergeant le code ou les données, peut faciliter cette ouverture. Dans certaines disciplines (informatique, sciences des données), ces bases ou ces algorithmes sont autant, voire davantage cités que les articles. Certaines revues demandent la production des données et des codes informatiques. Mais cela ne semble pas changer fondamentalement les modèles de revues. Un autre mécanisme, conséquence de la numérisation, paraît plus préoccupant à long terme. À cause des économies d’échelle, il est aisé de lancer de nouveaux titres. De plus, par leur stratégie de distribution fondée sur la distribution de catalogue (vente de biens liés), les grands distributeurs sont aussi les mieux placés pour favoriser leur diffusion (Edlin et Rubinfeld, 2004), et proposer des systèmes de gestion des soumissions aux éditeurs des revues. Enfin, la multiplication des revues, et surtout des revues de mauvaise qualité, crée un effet de halo et de nouvelles barrières à l’entrée pour les autres acteurs, qui ont d’autant plus de mal à faire connaître leurs marques (revues).

57Tout cela favorise les plateformes sachant proposer des systèmes d’évaluation, de classement des articles et des chercheurs, et d’appariement entre une question de recherche et l’ensemble des articles qui y répondent. Ces systèmes reposent sur le contrôle de bases de données d’articles. C’est ce que cherchent à contrôler les grands éditeurs ainsi que les spécialistes des moteurs de recherche et de classement comme Google : un service et une structuration de l’économie de la publication scientifique qui ne seraient pas différents de ceux proposés aujourd’hui par les plateformes des streaming musical ou vidéo…

58Au-delà du coup d’accès à une revue ou à un article, l’enjeu sociétal est de ramener les articles scientifiques vers des plateformes publiques, afin que la donnée de base, l’article scientifique, soit une donnée ouverte, autorisant une pluralité d’offres d’appariement et de classement.

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Notes

1 Voir, par exemple les appels de Ross-Hellauer et al. (2019); Rallet and Rochelandet (2016), ou l’analyse critique de la situation en physique par Simboli (2019), ou la critique des systèmes de revue par les pairs par un paléontologue dans une revue de biologie (Tennant, 2018). On consultera aussi pour des propositions de « solutions », Tennant et al. (2017).

2 Les citations suivies d’un astérisque ont été traduites par nous.

3 « ArXiv is a free distribution service and an open-access archive for 1,657,256 scholarly articles in the fields of physics, mathematics, computer science, quantitative biology, quantitative finance, statistics, electrical engineering and systems science, and economics. » (présentation récupérée sur le site Web le 14 février 2020).

4 « SSRN´s eLibrary provides 910,518 research papers from 454,873 researchers in more than 50 disciplines. » (présentation récupérée sur le site Web le 14 février 2020. Elle reste fortement centrée sur l’économie et le management).

5 On consultera à ce sujet l’article de Germain and Josserand (2013) sur l’économie d’une revue de gestion, M@n@gement, et de l’impact du changement de notation de la revue par les institutions françaises sur le nombre de soumission d’articles par des chercheurs français.

6 L’article de Wikipédia sur les marchés bifaces en résume les principales caractéristiques, même si sa version anglaise est plus détaillée. Le concept a été proposé par Rochet and Tirole (2003), même si ce type d’organisation n’est pas propre aux plates-formes en ligne, comme le prouvent les revues scientifiques qui existaient avant Internet.

7 Il existe même une page Wikipédia recensant différents classements de ces distributeurs (pour les publications anglo-saxonnes).

8 Ainsi, la jeune revue SociologieS a abandonné le modèle des numéros, pour proposer des articles, ou éventuellement des dossier thématiques.

9 On peut expliquer cette volonté de visibilité auprès des médias de l’employeur ou du chercheur de la façon suivante: il s’agit souvent d’une stratégie de demande pull, à l’heure où les projets scientifiques sont de plus en plus financés par des commandes, ou des programmes de recherche, eux-mêmes guidés par l’actualité sociale et économique. En faisant l’actualité, on prépare les programmes scientifiques futurs, on fait connaître la marque de l’employeur, ce qui est aussi utile dans la concurrence au recrutement des étudiants.

10 Nous pensons, entre autre, aux annuaires d’experts scientifiques, comme Les expertes.

11 Au départ IEEE veut dire « Institute of Electrical and Electronics Engineers », mais aujourd’hui, c’est une association qui se présente comme « the world’s largest technical professional organization dedicated to advancing technology for the benefit of humanity », donc plus large que la partie électronique, et ne traduit plus son sigle sur son site.

12 Nous remercions Guillaume Maze, chercheur en physique des océans, qui nous a éclairés sur le rôle de Nature dans sa discipline, notamment sur l’importance d’être publié dans cette revue pour être cité dans les rapports scientifiques, comme celui du Giec. Ces rapports sont l’interface entre le monde scientifique et la décision publique, et orientent les décisions budgétaires de financement de la recherche.

13 Voir “the welcome page of the presentation of the IEEE publications”.

14 Sur l’histoire de la fondation PLOS, ou pourra commencer par consulter sa page Wikipédia.

15 Ainsi, en France, sont publiés des guides des activités de recherche et de produits de recherche par le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCéres), par discipline, qui souvent, mais pas toujours, reprennent la hiérarchie des revues proposée par Clarivate. Notamment dans les sciences humaines et sociales, des classements spécifiques ont été réalisés, tenant compte, entre autre, des questions de langue et intégrant les revues publiant en langue française.

16 L’association des responsables de l’information scientifique et technique des organismes de recherche réalise régulièrement des études sur les éditeurs. Notamment une analyse de l’évolution de PLOS ONE, en tant que « méga revue », et sa concurrence avec la publication Scientific Reports de Springer.

17 Là encore, PLOS ONE illustre bien ce point : sur les problèmes d’hétérogénéité du processus d’évaluation, on consultera le site Scirev, qui les recense ; et sur l’impact que cela a sur l’implication des évaluateurs, la tribune d’un professeur en bioinformatique, Mick Watson. Finalement, Petersen (2019) propose une évaluation détaillée des problèmes posés à l’évaluation par ces méga-revues en prenant PLOS ONE. Notons, pour finir, que si des problèmes existent à PLOS ONE, ils apparaissent finalement assez limités d’après cet auteur, et ils sont révélés car les données étaient disponibles... Ce n’est pas le cas des autres méga-revues, propriétaires, ce qui fait craindre que les problèmes soient encore plus élevés.

18 Les services des bibliothèques et des archives de l’Université de Sherbrooke présentent des informations très complètes en direction des chercheurs sur le sujet, avec notamment des liens vers des listes des revues dites « prédatrices ».

19 Sur le rôle des sociétés savantes en France, on pourra consulter le compte-rendu de la réunion des responsables de 49 sociétés savantes académiques, tenue à Paris le 6 septembre 2018.

20 Nous remercions l’évaluateur qui a signalé ce point.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Nicolas Jullien, « Le numérique facilite-t-il l’accès ouvert aux communs scientifiques ? »Terminal [En ligne], 131 | 2021, mis en ligne le 29 octobre 2021, consulté le 30 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/terminal/8058 ; DOI : https://doi.org/10.4000/terminal.8058

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Auteur

Nicolas Jullien

IMT Atlantique, Lego & Marsouin, Nicolas.Jullien@imt-atlantique.fr

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