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Entreprise politique et territoire à Lyon

Political enterprise and territory in Lyon
Fabrice Bardet et Bernard Jouve
p. 41-61

Résumés

Lyon est la deuxième ville de France. Le maire de cette ville a souvent été une figure importante de la vie politique locale. Celui des années 1980 était considéré comme un symbole des maires entrepreneurs. À partir d’un travail monographique, les auteurs proposent une perspective critique de la gestion publique locale entrepreneuriale. Ils démontrent que très classiquement le maire a développé une stratégie de conquête de clientèle par le contrôle d’institutions territoriales. Ce texte est à verser au débat français sur l’archaïsme et la modernité.

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Notes de la rédaction

Cet article s’inscrit dans un programme de recherche comparatif sur les dynamiques institutionnelles des régions urbaines en Europe : programme réalisé grâce au concours financier de l’agence Rhône-Alpes pour les sciences sociales et humaines. La signature de la convention de recherche est intervenue un an avant la composition de l’exécutif du conseil régional Rhône-Alpes faisant suite aux élections de mars 1998.

Texte intégral

1. Introduction

1La décennie qui vient de s’écouler a profondément modifié l’organisation politique des États européens. Ces mutations apparaissent pour partie comme des adaptations à des bouleversements d’ordre économique qu’on a pris l’habitude de caractériser comme résultant de la globalisation de l’économie et du développement des nouvelles technologies de l’information. Les économistes et les géographes se sont ainsi respectivement penchés sur cette évolution du capitalisme, ses nouveaux modes d’organisation, sur les aspects territoriaux de ces transformations. De nombreux travaux ont pu montrer que le territoire et son organisation peuvent être considérés comme de véritables facteurs de production, au même titre que le capital, les transports, la main-d’œuvre… Il n’est pas possible de détailler ici l’ensemble des éléments théoriques alimentant cette réflexion (Baudouin [5], Benko [9], Di Ruzza [17]). Mentionnons seulement que certains territoires ayant réussi à maîtriser ces nouvelles conditions de production de la richesse ‒ les villes notamment ‒ apparaissent dans cette optique comme les grands vainqueurs de la nouvelle donne (Beckouche [6], Scott [44], Vetlz [47]). En termes spatiaux, la globalisation de l’économie aurait ainsi conduit à favoriser certains nœuds, certains pôles essentiels dans l’organisation du capitalisme contemporain. Le recours au terme de « métropolisation » permet de désigner ce processus par lequel certains systèmes urbains participent activement à l’accumulation flexible du capital dans une économie globalisée (Harvey [24], Sassen [42]). Parmi les principaux enseignements à tirer de ces analyses, il faudrait donc compter la diminution de la dépendance économique des villes internationales par rapport à leur environnement géographique immédiat, leur hinterland.

2Les mutations des systèmes politiques contemporains semblent obéir également à une dynamique proprement politique. Parallèlement aux mouvements économiques dont on vient d’évoquer les effets structurants, la rationalisation des modes de gouvernement, pointée dès le début du siècle dans les travaux de sociologie (Weber [48]), a pris une nouvelle ampleur au cours de ces dernières décennies. Dans le champ politique local, la rhétorique économique s’est en effet considérablement développée jusqu’à faire de la raison économique l’un des modes de légitimation privilégié des grands élus des agglomérations urbaines. Généralement issues des villes-centres, ces derniers ont annoncé vouloir projeter leur métropole dans la concurrence internationale dans le but affiché de tirer profit de l’internationalisation de l’économie. Sous le couvert de la cohérence de véritables stratégies entrepreneuriales visant à capter les ressources, à attirer à la fois les investisseurs et les classes sociales favorisées (Harding [22]), ils ont alors développé de nouveaux instruments de gouvernement, tels que le marketing territorial, la planification stratégique ou le partenariat avec les intérêts privés. Ces stratégies ont largement contribué à nourrir, du côté de la science politique, le débat sur le retour des villes en tant qu’acteurs collectifs dans l’organisation politique de nos sociétés (Bagnasco et Le Galès [2]). L’efficacité de telles démarches a fait l’objet d’analyses précises qui ont pointé l’importance de la structuration des sociétés locales et leur différence de capacité à générer des projets collectifs alliant intérêts publics et privés (Harding et al. [23], Le Galès [32]). Pour autant, on a eu tendance à prêter trop d’efficacité à cette rhétorique des maires entrepreneurs des années 1980 qui ne constituait finalement qu’une présentation nouvelle de l’ambition politique locale traditionnelle : la constitution du fief. Nous nous proposons de déconstruire ici ce qui constitue à nos yeux la figure contemporaine de la rationalisation des modes de gouvernement, en mettant en évidence la permanence des systèmes politiques locaux qui structurent sur le long terme le champ politique local. À partir du cas de Lyon, seconde métropole française après Paris et considérée comme l’archétype de la ville française ayant développé une stratégie entrepreneuriale, on mettra en évidence la dépendance d’un maire d’une grande ville vis-à-vis de son environnement politique, de son territoire. On prendra appui pour cela sur l’exemple de la politique de développement économique de l’agglomération lyonnaise, clairement affichée comme objectif prioritaire de la municipalité arrivée aux commandes en 1989, mais dont les bases avaient en réalité été jetées vingt ans plus tôt 1re partie). L’analyse de la politique de développement économique lancée par la municipalité élue en 1989 sera ensuite l’occasion de relativiser la marge de manœuvre prêtée au maire de Lyon d’alors (2e partie). L’histoire des résistances à ce projet, venues des groupes d’intérêts privés, comme des administrations déconcentrées de l’État ou des autres collectivités locales, permettra de mettre en question la spécificité du pouvoir de ces maires entrepreneurs appréhendés comme des stratèges intégrateurs ‒, et de mettre en lumière au contraire, le caractère très traditionnel de leur stratégie politique.

2. Lyon et la globalisation de l’économie

3Sur bien des points, Lyon constitue la seconde métropole française après Paris. Cette situation résulte de sa position dans la hiérarchie urbaine nationale. De plus, la structure de son système productif en fait une agglomération au portefeuille d’activités particulièrement large et qui peut pleinement profiter des nouvelles conditions de développement créées par l’internationalisation de l’économie (2.1.). Face à cet état de fait, les acteurs locaux (politiques et économiques) ont nourri des stratégies parfois concurrentes pour accompagner ce mouvement (2.2.). Malgré les différences, ces acteurs locaux soucieux des questions de développement économique ont participé à la construction, dès le début des années 1970, d’un espace de débats sur ces questions : la région urbaine de Lyon (2.3.).

2.1. Lyon : seconde métropole française après Paris

4Comme dans de nombreuses agglomérations françaises, la réalité démographique de Lyon est difficile à appréhender. Elle est fonction de l’échelle d’analyse et surtout des éléments que l’on considère comme structurant le système urbain. Ainsi, au recensement démographique de 1990, le territoire institutionnel de la communauté urbaine de Lyon ‒ instance chargée notamment de la planification spatiale et de l’aménagement du territoire ‒ comprenait 55 communes pour une population de 1 134 600 habitants. Le territoire fonctionnel de l’agglomération en revanche, déterminé à partir des déplacements de type domicile/travail, s’étale sur 401 communes pour une population totale de 1 214 000 habitants. Le dernier exercice de planification territoriale sur une agglomération lyonnaise élargie date de 1991. Il comptabilisait 678 communes pour une population totale de 2 476 000 habitants.

5Cette question de la taille démographique de l’agglomération est importante notamment car elle permet d’alimenter le débat sur les effets de seuils démographiques à partir desquels certaines fonctions économiques et certains équipements participant directement à l’internationalisation d’une ville apparaissent. Néanmoins, l’internationalisation est également en grande partie fonction de la structure productive des villes. C’est d’ailleurs sur cet aspect que Lyon peut prétendre légitimement au statut de seconde métropole française après Paris. Gardons en mémoire que la structure urbaine en France est fortement déséquilibrée et continue d’être hypertrophiée au profit de la ville-capitale qui compte dix fois plus d’habitants que Lyon et surtout qui concentre l’immense majorité des activités tertiaires supérieures ; notamment les fonctions de conception et de direction.

6Pour autant, comparativement aux autres villes de province françaises, Lyon dispose d’un profil économique plus généraliste et d’un potentiel de développement plus important. Dans la hiérarchie fonctionnelle des villes françaises, Lyon occupe la seconde position en nombre d’emplois liés à des fonctions considérées comme stratégiques (60 796 emplois). Par comparaison, Paris en compte 705 432 (Julien [27]). Lyon fait partie des métropoles européennes à qui l’on prête un profil généraliste, sans spécialisation fonctionnelle trop prononcée (Damette [15]). En France, c’est la seule métropole de province ayant cette caractéristique. Dans leur nouvelle approche fonctionnelle des activités urbaines, certains chercheurs ont utilement établi une typologie des activités en deux grandes sphères : celle de la production et celle des services aux ménages (Beckouche et Damette [7]). Chacune de ces sphères est divisée en deux sous-groupes : la production intègre les biens matériels et les services d’intermédiation (services aux entreprises, banques, assurances…) ; les services aux ménages sont soit ceux qui ne sont pas discriminants territorialement (commerce de détail, équipements sportifs…) soit ceux qui sont procurés à un public restreint (universités et enseignement secondaire, médias…). En regard de l’urbanisation française, Lyon constitue la seule ville de province pour laquelle on ne note pas un déséquilibre majeur entre ces différentes fonctions. Pour certains analystes, c’est cette situation qui confère à Lyon un fort potentiel de développement économique dans la mesure où la globalisation de l’économie et la versatilité des cycles économiques conduisent à favoriser des métropoles ayant un portefeuille d’activités relativement large (Molin [39]).

  • 2 À Lyon, 18 % des emplois sont dans le secteur des services non marchands contre 23 % à Bordeaux ou (...)

7La diversité du tissu économique local s’explique en grande partie par l’histoire du capitalisme lyonnais qui a accumulé des strates d’activités successives depuis le capitalisme bancaire du xvie siècle, l’industrie textile au xixe siècle, le secteur de la chimie et de la pétrochimie à partir des années 1960, puis l’industrie mécanique, la construction électrique, le domaine de la pharmacie et des activités de santé au sens large. Très marquée dans son tissu urbain par la présence de grands établissements industriels, Lyon est également une ville de petites et moyennes entreprises (90 % des établissements industriels ont moins de cinquante salariés). Notons aussi que le système productif lyonnais est en large partie dépendant de capitaux extérieurs ‒ soit parisiens, soit détenus par des groupes internationaux principalement allemands et suisses. La dépendance par rapport aux capitaux extérieurs s’est d’ailleurs renforcée ces vingt dernières années, dans un premier temps au profit de Paris qui au cours des années 1970 a attiré un grand nombre de sièges sociaux d’entreprises industrielles et tertiaires au départ lyonnaises, puis plus récemment au profit d’entreprises étrangères par le biais de rachat et de fusion. Enfin, l’État, à travers la sphère des services non marchands ou les activités de recherche, est moins présent dans l’économie métropolitaine lyonnaise que dans celle d’autres grandes villes françaises (Beckouche et Davezies [8])2. Cet élément a une influence essentielle non seulement sur la structure économique locale mais également sur le régime de gouvernance métropolitaine : les intérêts privés constituent des acteurs collectifs incontournables du développement local.

  • 3 Ces agglomérations sont cependant moins internationalisées que des villes comme Francfort, Amsterda (...)

8Les études les plus récentes dont on dispose sur l’internationalisation des villes en Europe montrent que Lyon se situe, avec Milan, Barcelone, Birmingham, dans un groupe composé de métropoles économiques de grandes régions. Elles constituent des portes d’entrée de capitaux et des produits étrangers, en assurent l’importation et la diffusion sur le marché national (Bonneville [11])3. L’internationalisation de l’économie est notamment rendue possible par le biais d’un certain nombre de grandes infrastructures de transport ‒ comme le TGV ou le hub que constitue l’aéroport international de Lyon-Satolas pour Air France ‒ et par le fait que la ville se situe sur l’axe principal de transport entre le nord et le sud de l’Europe. Enfin, la ville est le siège d’un certain nombre d’organisations internationales comme le Centre de recherche sur le cancer, Interpol ou encore Euronews. Très récemment, elle a accueilli une réunion du G7 et s’apprête à recevoir les délégations de la CNUCED. Tous ces éléments ont conduit certains à considérer que Lyon est la seule ville française de province réunissant un ensemble de caractéristiques lui permettant d’être considérée à terme, non pas comme une ville internationale, mais comme une Euro-Cité (Carrez [14]).

2.2. Genèse d’une politique publique de développement économique métropolitain

9Pour de nombreux observateurs et analystes du développement local, Lyon a longtemps constitué une énigme. Alors qu’elle comptait parmi les villes européennes les plus prospères au xvie et au xixe siècles du fait de sa puissance bancaire et de son industrie textile ‒ elle serait devenue au xxe siècle une ville repliée sur elle-même, dépendante de Paris dans son développement, et politiquement conservatrice. Ainsi, malgré un système productif local dont on vient de rappeler les potentialités indéniables, elle aurait souffert de l’absence d’une stratégie de développement économique.

10Ce constat de carence mérite un examen approfondi. Il convient tout d’abord de relativiser une idée largement répandue selon laquelle l’État se serait désintéressé de son développement économique en considérant que la ville s’autosuffisait. Cette thèse se nourrit de l’histoire des relations conflictuelles entre Paris (ville-capitale) et Lyon qui a pu légitimement prétendre à ce même statut ; Braudel ([13] p. 260), considérant que « Lyon, est à elle seule, un difficile problème de l’histoire de France, peut être le problème clef, sûrement l’indicateur clef ». La vague d’industrialisation des années 1960, que certains considèrent comme une mise sous contrôle du capitalisme lyonnais (Lojkine [34]), autour notamment des secteurs de la chimie et de la pétrochimie ‒ activités foncièrement capitalistiques ‒ est portée par l’État à travers de grands groupes industriels (comme Elf) dont il contrôle le capital en tout ou partie. On observe la même intervention massive de l’État, par le biais de la société nationale des chemins de fer qui investit dans de grandes infrastructures de transport ferroviaire et font de Lyon une plaque tournante du réseau national. C’est encore l’État qui, par le biais de la politique des métropoles d’équilibre, crée les conditions favorables à l’implantation de nouvelles entreprises. C’est d’ailleurs cette politique d’aménagement du territoire qui a lancé la dynamique institutionnelle métropolitaine à Lyon ; processus intégrant très fortement une logique d’internationalisation de l’économie locale (Jouve et al. [26]).

11Il serait ensuite tout aussi abusif de considérer que les représentants des intérêts économiques locaux ne nourrissaient aucun projet ni ne poursuivaient aucune stratégie de positionnement sur le marché international. À partir du milieu des années 1970 en effet, la branche industrielle du patronat local, qui supportait difficilement la priorité donnée à l’époque aussi bien par la Datar que par les édiles lyonnais au développement des activités tertiaires, avait élaboré une stratégie d’internationalisation de l’économie locale et d’attraction d’entreprises et de capitaux. La chambre de commerce et d’industrie de Lyon et le groupement interprofessionnel lyonnais ‒ émanation locale du CNPF ‒ avaient alors poussé la mairie de Lyon, à financer en 1974, la création en partenariat de l’agence pour le développement de la région lyonnaise (Aderly) chargée de promouvoir l’agglomération sur la scène internationale et d’attirer des entreprises. Dans les faits, la structure dont les élus locaux se désintéressant de l’initiative, est rapidement prise en charge par les intérêts privés.

  • 4 Intervention du secrétaire d’État à l’Intérieur, André Bord, au Sénat, le 8 novembre 1966, J.O. du (...)
  • 5 Il ne s’agit pas de toute façon de « développement économique » mais d’une action plus classique de (...)

12L’implication enfin des élus locaux dans la construction d’une politique de développement économique d’agglomération, même beaucoup plus tardive, ne peut être non plus considérée comme inexistante. Une des raisons principales de ce retard réside dans la décision prise en 1969 ‒ alors que le patronat se pose la question du développement économique ‒ de ne pas confier aux nouvelles institutions d’agglomération que l’on imagine, les communautés urbaines, de responsabilités en matière d’action économique. Tout au long des années 1970 et 1980, les communautés urbaines, celle de Lyon en particulier, vont ainsi courir après la constitution de ce qu’on appellera leur 13e compétence : la compétence en matière de développement économique (Lajous [30]). Cette question du développement économique est pourtant au cœur de l’exposé des motifs du projet de loi de 1966. Dans son exposé des motifs, le secrétaire d’État annonce à l’Assemblée que le gouvernement a « conscience d’avoir préparé l’avenir en adaptant le cadre traditionnel de la vie de la nation qu’est la commune dans le domaine de l’activité économique »4. Après les débats au parlement, la loi n’envisage cependant pas de confier à ces communautés une 13e compétence en matière économique5. Il s’agit davantage, dans l’idée du gouvernement, de faire de ces communautés urbaines l’outil de dénotabilisation de la société locale en les ouvrant aux besoins des « forces vives » dont le premier ministre vante alors les mérites. Les parlementaires ne s’offusquent pas d’une telle décision et ne soumettent aucun amendement pour l’intégration de compétences en matière économique. La classe politique est unanime pour distinguer les nouvelles structures politiques d’agglomération de l’activité économique.

13Pendant les années 1970, les compétences de la communauté urbaine de Lyon se répartissent équitablement entre celles d’une grosse direction administrative chargée de la gestion des services publics communautaires et celles d’une direction technique qui se préoccupe en priorité des questions d’urbanisme mais également de financement des équipements nouveaux qui ont des conséquences sur l’activité économique locale (Kukawka et Biarez (29]). À la marge de leurs activités principales cependant, les exécutifs communautaires vont s’inquiéter progressivement de la mise en place d’interventions économiques plus structurées. Dans les années 1980, la politique de la communauté urbaine s’inscrit ainsi dans un mouvement national de repositionnement des collectivités locales qui investissent alors le champ de l’action économique à travers le financement de l’immobilier d’entreprises. Cette tendance participe d’un processus d’acculturation des collectivités locales à l’économie et de la redéfinition des rapports entre les sphères publique et privée. Elle est le fait d’acteurs politiques généralement situés à la périphérie des systèmes décisionnels locaux (Lorrain et Kukawka [37]).

14Pour officialiser cette prise en charge, la communauté urbaine de Lyon se dote en 1982 d’un « service de l’activité économique » alors même que cette compétence n’appartient pas à la liste de celles qui lui sont dévolues par la loi. Il faut cependant distinguer cette activité d’une action de développement économique au cadre plus global, et à l’esprit plus volontariste que les acteurs économiques réclament alors. Ce décalage entre le monde économique et l’action de la Courly qui consacre un échec relatif du projet de Communautés urbaines tel qu’il a été présenté ci-dessus a déjà été largement décrit et résumé comme la conséquence d’un effet de neutralisation de l’outil des communautés urbaines dans le champ des institutions politiques locales classiques, enserrées dans les réseaux notabiliaires locaux (Savary [43], Sorbets [45]).

15Pendant les années 1980, le thème du développement urbain se met progressivement en place qui concourt à combler ce décalage et prépare en quelques sorte la mise à l’agenda d’une politique communautaire de développement économique. Ainsi, en 1984, l’exécutif de la Courly décide une réorganisation de son organigramme qui déplace son centre de gravité de l’administratif vers le technique, vers « la préparation des décisions ». C’est la création des départements « planification » et « développement » qui initie une réorientation de l’activité de la Courly. Le lancement d’une opération de planification territoriale sur un registre stratégique aboutit à la production du document « Lyon 2010, un projet d’agglomération pour une métropole européenne ». Ce document produit par l’Agence d’Urbanisme et porté politiquement par certains élus situés à la périphérie du système politique local, va jeter les bases d’une véritable politique publique d’agglomération de développement économique dont le nouveau maire de Lyon, en 1989, va se faire le chantre.

16Le choix du maire de Lyon de s’investir dans ce projet ne peut se comprendre sans l’évocation d’une initiative de concertation ancienne entre les différents acteurs locaux du développement économique qui structure en partie le contexte politique lyonnais : l’association « région urbaine de Lyon ».

2.3. Un forum politique bâti par des élus « périphériques » (1974‑1989)

17L’instance lyonnaise de concertation intégrant l’ensemble des acteurs politiques, administratifs et économiques du développement local et de l’aménagement du territoire possède une histoire ancienne (Jouve [25]). Sa création date de la politique des métropoles d’équilibre qui remonte aux années 1960. C’est en 1963 en effet que la délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale (Datar) organisme interministériel récemment créé et placé sous le contrôle hiérarchique direct du premier ministre lance, dans la perspective de transformer en capitales régionales huit grandes villes françaises, outre une politique volontariste en matière de délocalisations industrielles, un vaste programme de schémas métropolitains visant à faire émerger le besoin des institutions métropolitaines capables de gérer efficacement des systèmes urbains qui paraissent de plus en plus complexes. La préparation de ce schéma devait être l’occasion d’une première mobilisation des élus locaux autour de la question d’un gouvernement d’agglomération. Ce volet institutionnel de la politique des métropoles d’équilibre se heurte pourtant à la résistance des élus locaux mais également des services déconcentrés de l’État peu désireux de voir émerger une institution métropolitaine remettant en question des modes de médiation territoriale centrés sur les communes et les départements (Grémion [21]). Le projet de réforme territoriale apparaît trop technocratique et commandé par les administrations centrales. L’échec du référendum lancé en 1969 par le Général-De­Gaulle sur la régionalisation et la réforme du sénat marquera ensuite la disparition de l’agenda politique de toute idée de transformation du gouvernement local en France.

18Ce n’est qu’en 1974 que la thématique métropolitaine, appréhendée en termes institutionnels, réapparaît. Lyon est d’ailleurs la seule ville de province à aborder de nouveau cette question. À l’époque, le besoin de coordination institutionnelle se justifie essentiellement en raison de la périurbanisation et du développement urbain mal contrôlé. Il s’agit moins d’internationaliser la ville activité sur laquelle la compétence du patronat local à travers l’Aderly n’est pas remise en question par les élus locaux ‒ que de la gérer sur un nouvel espace institutionnel. Pour cela, à l’instigation du préfet de région, de la Datar et du maire de Lyon, une structure informelle de concertation est créée : la région urbaine de Lyon (RUL). Il s’agit d’une conférence des principaux élus de la métropole lyonnaise et des services déconcentrés de l’État en charge de l’aménagement du territoire. Elle est présidée par le préfet de région. Pour autant, sans budget lui permettant d’intervenir concrètement et surtout sans volonté réelle des élus locaux de s’impliquer dans une véritable démarche coopérative pouvant remettre en question à terme leur ancrage communal, cette structure informelle ne permet de déboucher sur une véritable dynamique métropolitaine. Après les lois de décentralisation en 1982, le préfet de région transfère la présidence de la RCL à un élu local. Se trouve alors posée implicitement la question de la politisation et du leadership au sein de cette structure informelle. Afin d’éviter les risques d’affirmation d’un leadership sans partage au profit du maire de Lyon, les participants décident alors de confier la présidence à un maire d’une petite commune de la banlieue 1yonnaise.

19La structure perdure ainsi jusqu’au lancement, en 1985, de la révision du schéma directeur de Lyon, sur la base du document « Lyon 2010 » dont l’élaboration a déjà été évoquée. Le périmètre de la RUL apparaît alors mieux coïncider avec le développement de l’urbanisation que les limites territoriales de la Courty. L’institution gagne à nouveau en légitimité, sur la seule base du développement de la rhétorique technique qui entoure la préparation du nouveau schéma directeur. Pour autant, l’exercice de planification est toujours essentiellement orienté vers le contrôle et la gestion rationnelle de l’agglomération. En même temps donc que le territoire de la RUL gagne en visibilité, il devient un enjeu de luttes politiques. Face à cette évolution, le caractère informel de la conférence devient rapidement un problème. Les élus qui animent l’initiative ressentent ainsi le besoin d’institutionnaliser la conférence et décident, en 1988, de constituer la RUL en association loi 1901. Le principe de la nouvelle structure est le même que celui qui organisait le forum qui lui préexistait. Le changement de statut devait être la garantie de cette permanence. Un an plus tard cependant, les élections municipales de 1989 portent à la mairie de Lyon l’ancien ministre du gouvernement de Jacques Chirac, Michel Noir. Il a largement bâti sa victoire sur un programme de « maire entrepreneur », compétent pour répondre au défi de l’internationalisation qui est lancé à l’agglomération de Lyon. Sa stratégie politique va rapidement venir contrecarrer les projets de continuité nourris par les élus de l’association.

3. La région urbaine de Lyon : l’outil du maire entreprenant

20À son arrivée aux affaires à la tête de la mairie de Lyon et à la communauté urbaine, Michel Noir est confronté à la difficile question de la mise en œuvre de son projet de développement économique de l’agglomération. La stratégie du maire de Lyon s’inscrit dans un mouvement général qui mobilise la génération montante des élus locaux. L’engagement dans l’action économique est l’occasion pour ceux-ci de se doter de l’étiquette du « maire entrepreneur » qui est en passe de devenir le signe distinctif du renouvellement de la classe politique, le catalyseur du départ programmé des « notables ». À la possibilité de résoudre l’éclatement du système décisionnel local par le biais d’accords ponctuels et de contrats entre les acteurs du développement économique métropolitain (collectivités locales, État et intérêts privés), le maire-entrepreneur de Lyon préfère une solution de conquête institutionnelle classique. La même année, il conquiert la mairie de Lyon, prend la présidence de la communauté urbaine, puis celle de l’association « région urbaine de Lyon ». Ce faisant, il réutilise de fait les registres d’action et les recettes éculées du notable tant décrié : la conquête du territoire par celle des institutions et le cumul des fonctions exécutives (Grémion et Muller [20]). Cette démarche traditionnelle de conquête du pouvoir comporte pourtant deux caractéristiques qui bousculent les pratiques et coutumes du système politique lyonnais. D’abord, le maire de Lyon ne se contente pas de prendre la tête de ces institutions, il en modifie le fonctionnement interne et les relations qu’elles entretiennent avec leur environnement. La prise de la présidence de la RUL ensuite, contrairement à celle logique de la présidence de la communauté urbaine, s’inscrit dans une logique de rupture du modus vivendi qui existait entre les maires de banlieue et le maire de la ville-centre de l’agglomération (3.1.). Cette annexion brutale va susciter des réactions hostiles de la part successivement des élus locaux (3.2.), puis des partenaires administratifs et économiques des politiques de développement (3.3.).

3.1. Une stratégie d’annexion brutale

21À la mairie comme à la communauté urbaine, le nouveau maire de Lyon compose tout d’abord des cabinets et met en place des secrétariats généraux qu’il investit de pouvoirs importants. À la Communauté par exemple, il recrute lui-même, en dehors des réseaux politiques habituels, un jeune administrateur de la caisse des dépôts et consignations, qu’il charge du dossier de la réorganisation administrative (Bardet [4]). Cette opération permet la création en quelques mois de plusieurs administrations de mission directement rattachées au secrétariat général. L’une d’entre elles, la « mission au développement économique », doit permettre d’engager une nouvelle politique de développement économique. Avec la création de ces structures, le travail traditionnel de régulation politique par la recherche de compromis entre élus locaux au sein de commissions techniques communautaires est relégué au second plan. Il s’agit de passer au niveau de l’agglomération d’une logique d’action en matière de développement local fondée sur la redistribution financière et le saupoudrage des interventions publiques entre les différentes communes, à la formulation et à la mise en œuvre de choix d’agglomération, au risque de heurter certains des intérêts particuliers des communes.

22Du côté du symbolique, il ajoute à la conquête et au formatage des institutions locales une rhétorique modernisatrice de rationalisation de l’action publique. Il s’agit de s’inscrire dans la compétition des grandes villes européennes par la construction d’un méso-niveau de gouvernement qui permettrait de constituer un espace économiquement « pertinent », une masse territoriale critique, du point de vue du nombre d’habitants, des équipements et fonctions, face à la fois à l’État, aux intérêts économiques et aux autres collectivités locales. Pour ce faire, il conquiert la présidence de la RUL traditionnellement acquise à un élu périphérique de l’agglomération. Même si le périmètre de la RUL n’est pas précisément défini, l’idée que les membres de l’association s’en font englobe un certain nombre d’infrastructures et de zones d’activités qui échappent alors au contrôle de Michel Noir car en dehors du périmètre de la Courly ‒ notamment l’aéroport international et les zones industrielles très dynamiques situées dans la ville-nouvelle de l’Ilse d’Abeau. En signalant sa volonté de prendre en compte un nouvel espace d’intervention économique, le maire de Lyon se présente comme soucieux de constituer, conformément au discours économiste, une masse territoriale critique incontournable pour tous les acteurs du développement local.

23Reste à imposer ce nouveau territoire d’action et tout d’abord à le créer c’est-à-dire à le borner. C’est par le biais de la statistique que la création de ce territoire est engagée. La mise en place du processus de définition d’un « périmètre d’études statistiques » de la RUL est confiée au nouveau secrétaire général de l’association, lui aussi proche collaborateur de Michel Noir il arrive de son cabinet à la mairie. Même s’il est affiché que les techniciens de la statistique ou les économistes du développement local devront être sollicités, la maîtrise d’œuvre apparaît donc clairement politique. Cette dimension n’échappe d’ailleurs à personne.

  • 6 Il nous apparaît que l’importance de l’influence des cultures politiques partisanes dans ce genre d (...)

24La prise de pouvoir de la RUL par le maire de Lyon soulève en effet directement le problème de la remise en cause d’un système de régulation politique local produit d’une histoire longue et caractérisé par le polycentrisme. Elle conduit également à soulever brutalement la question du leadership local6. La politique constitutive de Michel Noir préoccupe en effet les maires qui mènent des actions en direction des entreprises, le conseil régional, en charge de la politique d’aménagement du territoire et de développement économique, les services de l’État (ceux du ministère de l’Industrie en particulier) et les conseillers généraux qui, par leur mode d’élection (scrutin uninominal majoritaire) sont très au fait des dossiers économiques de leur canton. Démarche radicale s’il en est tant elle conduit inéluctablement à poser la question de la redéfinition des médiations territoriales et des échanges politiques territorialisés, qui va rapidement susciter la réaction des acteurs du système politique local.

  • 7 Réalisée par un bureau d’études spécialisé dans les questions de développement économique. Cf. Ten, (...)

25Conscient de l’âpreté de sa tâche, le nouveau secrétaire général de la RUL tente de couper court aux éventuelles réactions des grands élus de l’agglomération en engageant une procédure de définition du périmètre installée sur des bases scientifiques. Il s’intéresse pour cela à une initiative des techniciens de la chambre de commerce de Lyon, lancée à peine un an plus tôt en partenariat avec la communauté urbaine et l’agence d’urbanisme de Lyon. Le projet qui consistait dans le montage d’un observatoire économique d’agglomération, a déjà fait à cette époque l’objet d’une étude de faisabilité7 à la légitimité scientifique. Le secrétaire général de la RUL, en obtenant de s’associer à l’initiative opère une véritable « OPA » sur ce groupe de travail informel dont il hérite de la légitimité scientifique. L’observatoire économique de la RUL est rapidement créé qui soumet dès l’automne 1990, ses propositions en matière de périmètre statistique au bureau de la RUL présidé par le maire de Lyon.

26Quels qu’aient été les critères scientifiques pris en compte par le bureau d’études responsable de la proposition initiale, le périmètre apparaît avant tout aux acteurs du système politique de l’agglomération comme ce qu’il est : le résultat d’un travail de préparation politique conduit par l’équipe du maire de Lyon. Le périmètre du projet, avoué comme le fait de choix politiques, va donc être l’objet de négociations et de luttes menées par les forces politiques présentes au sein du bureau de l’association. Son histoire va ainsi opposer deux figures a priori antinomiques de l’après décentralisation en France : le maire de la grande ville, figure politique nationale, à la tête d’un « secteur public communal » puissant (Lorrain [35]) et le « notable » incarné pour l’occasion en la personne du président du conseil général (Abélès [l]). Le rapport de force va tourner à l’avantage du second démontrant une fois de plus la capacité d’adaptation et de réaction du système local à la nouvelle donne politique et économique. Par le prisme des batailles qui se livrent pendant cinq ans autour de ce périmètre (1990‑1994), on peut observer la grande stabilité du système politique local qui fabrique le rejet du nouveau maire de Lyon à l’étiquette inédite puis aux pratiques jugées incongrues.

3.2. Le conseil général maître du système politique local

27Face à l’ambition affichée du nouveau maire de Lyon de se bâtir un leadership politique sur le territoire élargi de l’agglomération, le président du conseil général du Rhône, Michel Mercier, va rapidement organiser la résistance à l’ascension de Michel Noir. Sur la base de mobilisations partisanes et notabiliaires des réseaux politiques locaux, il parvient en peu de temps à incarner l’opposition à Michel Noir au sein de la droite lyonnaise traditionnelle, puis à bâtir un rapport de force progressivement défavorable à l’ambitieux maire de Lyon, troublion du paisible système politique local.

28En arrivant à la tête de la mairie de Lyon en 1989, le RPR Michel Noir a bouleversé le système politique local. Traditionnellement gagnée à la droite libérale modérée, la mairie de la ville centre est structurellement très liée au conseil général du Rhône, de couleur politique identique (UDF). Outre le recul inquiétant de sa formation politique, le président du conseil général du Rhône voit donc ses réseaux et pratiques bouleversés et craint que les premières décisions de Michel Noir – dont la prise en main énergique de l’exécutif communautaire constitue le symbole – ne témoignent de desseins hégémoniques sur l’agglomération.

29La prise d’assaut de la présidence de la RUL par ce dernier ‒ qui provoque l’éviction d’un second allié politique ‒ décide le président du conseil général à se repositionner rapidement sur le territoire de l’agglomération. Il investit en premier lieu le bureau de l’association RUL pour laquelle ses collaborateurs du conseil général s’impliquent depuis plusieurs années mais dont il était resté éloigné, par absence de nécessité. Cette décision fait soudain de l’association, qui devait être un lieu de concertation entre des élus militants pour les questions de développement économique, une véritable « arène politique ». Le président du conseil général impose le cadre des relations entre son institution et la mairie lyonnaise : le rapport de force. Tous les dossiers abordés au sein du bureau de la RUL deviennent l’occasion que s’exprime ce rapport de force entre les deux ténors politiques de l’agglomération. Parmi eux, le découpage du périmètre d’étude de la RUL se réalise donc, pendant plus de deux ans, sur fond de lutte politique, reléguant au second plan les controverses économico-scientifiques qui devaient l’animer.

  • 8 Structurellement, et depuis la Révolution française pourrait-on dire, lorsque le département du Rhô (...)

30La proposition à l’automne 1990 au bureau de l’association du projet de périmètre de l’observatoire économique est l’occasion d’une première négociation. La proposition laisse en effet en dehors du périmètre d’études statistiques quelques communes du département du Rhône, dont celles qui appartiennent au canton du président du conseil général lui-même. Michel Mercier demande alors leur intégration au périmètre, affichant ainsi qu’il n’est pas disposé à se laisser bercer de la rhétorique économiciste du « maire entrepreneur » qui ferait de ce découpage un découpage scientifique. Mais le président du conseil général ne dispose pas de la légitimité politique du maire de Lyon.8 Ce dernier rallie facilement le bureau à sa position et fait rejeter la requête du conseil général du Rhône. On peut alors faire l’hypothèse que le maire de Lyon a réussi son OPA sur la RUL.

  • 9 En plus de ces sept membres, le bureau comporte un conseiller communautaire socialiste et deux repr (...)
  • 10 Notons que cette implication est pour Je moins étonnante pour un périmètre qui devait être le fruit (...)

31Le maire de Lyon néanmoins n’est pas à l’abri d’une évolution du rapport de force au sein du bureau de la RUL qui comporte alors trois représentants gaullistes et trois représentants de l’UDF9. Pour le savoir, il décide de faire entrer dans l’association le département de la Loire dont le conseil général est présidé par Lucien Neuwirth, membre du RPR. Grâce à cette entrée, Michel Noir s’assure ainsi une majorité relative au sein du bureau de la RUL. Face à cette mobilisation partisane, Michel Mercier préfère mobiliser les réseaux locaux et rassembler derrière lui les conseillers généraux des départements membres de la RUL. L’entrée du conseil général de la Loire dans l’association va lui donner l’occasion de cette mobilisation. Cette entrée a en effet provoqué l’inscription à l’ordre du jour du bureau la question de l’élargissement du périmètre d’études statistiques à ce département.10 La procédure est alors à nouveau l’objet de négociations politiques et le président du conseil général du Rhône profite de l’occasion pour rouvrir le débat sur les limites du périmètre sur les départements anciennement adhérents. Fort cette fois du soutien des conseillers généraux des cantons du nord du département qui souhaitent que leurs cantons soient intégrés de plein pied dans le périmètre d’études de l’association RUL qui a pris en quelques mois un poids politique certain, Michel Mercier obtient satisfaction : le « périmètre d’études de la RUL » intègre l’ensemble du département du Rhône. L’année 1991 consacre donc un renversement du rapport de force entre le président du conseil général et le maire de Lyon.

  • 11 Le sondage au quart du dépouillement lourd du recensement est en effet diffusé à cette époque par l (...)

32Même si le périmètre d’études de la RUL n’a plus rien de la légitimité scientifique sur la base de laquelle il avait été présenté, l’entourage du maire de Lyon continue à promouvoir l’idée d’un découpage qui comporte un intérêt pour l’analyse économique. Les techniciens de l’observatoire économique de l’association ont ainsi apporté l’onction de la raison économique à la décision prise sur la base des revendications du président du conseil général du Rhône. Un tel découpage permet en effet d’envisager plus rapidement l’exploitation du recensement de 1990 qui alimente les tableaux de bord de l’observatoire.11 Grâce à cet argument, le maire de Lyon conserve la force symbolique de l’association RUL qui se doit d’être éloignée des intérêts partisans et des régulations politique traditionnelles.

33L’année 1992 va cependant être l’occasion d’un événement politique inattendu qui va réduire à néant la stratégie partisane du maire de Lyon. Pris dans une affaire judiciaire le concernant, le président du conseil général de l’Ain, membre du RPR et allié de Michel Noir dans le bureau de la RUL, Jacques Boyon, est contraint d’abandonner son mandat. La tourmente qui agite le RPR local porte le leader de l’UDF, Jean Pépin, à la présidence du conseil. Cette substitution vient inverser l’arithmétique du rapport de force partisan au sein du bureau de la RUL. Même si la logique de fonctionnement de la structure, très influencée par des questions de rivalités entre personnalités politiques locales, incite à ne pas tirer de conclusions trop hâtives, l’événement comporte une portée symbolique indiscutable. Déjà fort d’une meilleure implantation locale, le président du conseil général du Rhône est maintenant majoritaire au sein du bureau de la RUL. En l’espace de trois années, le président du conseil général du Rhône, grâce aux ressources de l’institution qu’il dirige, semble être parvenu à se constituer en acteur central du système politique de l’agglomération et a réussi en tout cas à neutraliser les stratégies par trop contestataires de son rival lyonnais.

3.3. L’hostilité des « partenaires » administratifs et économiques

34L’année 1992 est avant tout cependant celle de l’intervention de l’État dans un processus dans lequel il n’avait jusque-là apporté qu’une participation discrète. Cette intervention massive va se révéler fatale à une dynamique déjà fragilisée. En septembre, à l’initiative du préfet de région qui se montre intéressé par la RUL, l’expérience est présentée en comité interministériel à l’aménagement du territoire (CIAT). Pour les proches du maire de Lyon, la perspective que trace cette mise en scène d’obtenir quelques subsides d’État ne soulève guère d’enthousiasme. Ce soutien éventuel laisse surtout transparaître en effet des velléités des agents de l’État à se réinscrire dans une initiative de concertation locale autonomisée du pouvoir central depuis des années. De fait, la décision prise lors de la réunion du comité d’engager une large consultation des membres de l’association afin d’élaborer un projet de « charte d’objectifs RUL 2010 » va apparaître comme une remise en cause de l’autonomie de fonctionnement de l’association.

  • 12 Le document a pour titre Caractéristiques et dynamiques de la région urbaine de Lyon.
  • 13 Certaines communes de la Haute-Loire et de la Saône-et-Loire font partie de ce territoire.

35Présenté comme de nature à renforcer la cohérence des stratégies des acteurs locaux pour le développement de la région Rhône-Alpes, le projet doit être l’occasion en effet que s’instaure une nouvelle collaboration avec les services de l’État en région. Les services d’études du secrétariat général pour les affaires régionales (SGAR), chargé de coordonner cette participation, fait rapidement réaliser une somme d’études économiques ‒ par l’Insee, ainsi que par un ensemble d’organismes privés à la légitimité scientifique établie ‒ qu’il rassemble ensuite dans un luxueux document édité en septembre 199412. La présentation qui en est faite à l’association provoque de vives réactions. Les récriminations des élus de la RUL se dirigent en particulier vers la contestation que contient le document du périmètre d’étude statistique adopté à la fin de 1991 par les membres de la RUL. Déclarant ce périmètre d’études économiquement incohérent, le rapport propose en effet de délimiter un nouveau périmètre, nommé sans ambages « périmètre d’études de l’État », beaucoup plus vaste que le premier. Celui-ci s’étale sur sept départements et dépasse même les limites de la région Rhône-Alpes13. Ce document est perçu par les élus de l’association comme une volonté des représentants de l’État en région de remettre le pied dans le champ de l’aménagement du territoire qu’ils avaient progressivement désinvesti. De même, le président du conseil régional Rhône-Alpes envisage mal la constitution d’un territoire de planification rassemblant à lui seul 80 % du PIB régional. Le choix de la rhétorique scientifique, adossée à la légitimité de la maison Insee, ne parvient pas à masquer les intentions de ses initiateurs. Le bureau de la RUL rejette collectivement la proposition de l’État, le maire de Lyon bénéficiant même pour l’occasion d’un soutien inattendu de la part de son frère ennemi du conseil général du Rhône.

36Cette mobilisation des services de l’État contre ce qui faisait le cœur de la légitimité du projet du maire de Lyon comporte pourtant un impact symbolique important. Elle met un terme en quelque sorte à l’illusion d’un contenu scientifique au processus de fabrication du périmètre d’études statistiques de la RUL. Jusque-là, l’équipe de Michel Noir avait résisté à l’épreuve des faits en trouvant des justifications scientifiques à des découpages dont on a vu le caractère politique. Cet épisode est délégitimant pour celui qui s’est affiché comme le maire « entrepreneur » à la légitimité économique qui le plaçait au-dessus des contingences politiciennes. Il apparaît au contraire comme un maire simplement « entreprenant », confronté comme ses prédécesseurs aux réalités politiques de son agglomération, contraint à penser avant tout à la construction des rapports de force.

37Enfin, la remise en question de l’entreprise politique que représente la RUL est portée par les représentants du système productif local. En effet, la politique du nouveau maire de Lyon en matière de développement économique heurte les intérêts privés locaux et en premier lieu les intérêts industriels. Plus précisément, si le patronat local est favorable à la réalisation d’un schéma directeur à l’intérieur du périmètre de la RUL, il est en revanche hostile à toute création d’une nouvelle institution politique ayant compétence sur ce territoire. L’Aderly se veut le principal opérateur du développement économique local. La stratégie de promotion et d’internationalisation de la ville poursuivie par le patronat local principalement par le biais de l’Aderly ‒ repose sur le fait que Lyon est une ville bien équipée en infrastructures de communication (TGV, aéroport international), en quartiers de bureaux haut de gamme et que la métropole a un portefeuille d’activités très diversifié. Autre argument utilisé par l’Aderly, la fragmentation institutionnelle et notamment fiscale de la métropole : l’attraction des entreprises repose sur des différences de taxes communales auxquelles sont soumises les entreprises. Pour cela, il faut donc montrer que les entreprises souhaitant s’implanter à Lyon peuvent faire jouer la concurrence entre les zones industrielles situées dans les différentes communes de l’agglomération et bénéficier des meilleures conditions fiscales.

38Derrière la réalisation du schéma directeur de la RUL, l’Aderly craint l’émergence à terme d’une nouvelle institution territoriale en charge du développement local et dirigée par les élus locaux. Depuis sa création en 1974, l’Aderly avait eu la maîtrise totale de la promotion internationale de Lyon. La chambre de commerce et d’industrie de Lyon ‒ partie prenante de l’Aderly ‒ avait également fait valoir son monopole de l’expertise dans le domaine du développement économique. Le projet de Michel Noir de constituer un nouveau territoire de planification spatiale et économique est ressenti comme une remise en question de la centralité de ces deux institutions dans le domaine du développement économique local. Elles craignent avant tout de ne plus pouvoir faire valoir la fragmentation institutionnelle de la métropole et d’être obligées de se plier aux choix opérés par les élus locaux en matière de localisation de zones d’entreprises.

39Certes, l’Aderly et la chambre de commerce et d’industrie de Lyon participent aux travaux des commissions techniques en charge de la réalisation du schéma directeur de la RUL. Cependant, cette participation leur permet de contrôler ‒ à l’instar de la stratégie suivie par les autres collectivités locales et les administrations déconcentrées de l’État ‒ le processus de l’intérieur. En 1994 cependant, l’heure n’est plus pour Michel Noir aux projets d’envergure. Avec les dossiers des grands chantiers de l’agglomération, il est pris dans une tempête judiciaire dont il ne se sortira pas. Voyant le danger s’écarter, le président du conseil général du Rhône se met en retrait du bureau de l’association. Suite au changement d’exécutif à la mairie de Lyon en 1995, l’Aderly et la chambre de commerce et d’industrie de Lyon établissent une coalition implicite avec le conseil général du Rhône et le conseil régional Rhône-Alpes contre l’association « RUL ». Raymond Barre qui succède à Michel Noir à la mairie de Lyon accepte, après une année de débats et de controverses, de continuer à faire vivre la RUL en tant qu’association. Cependant, toute tentative de constituer une nouvelle institution politique en charge du développement économique est écartée.

40L’action des administrations et des acteurs économiques contre l’initiative du maire de Lyon sont l’occasion de relativiser le pouvoir régulateur du conseil général décrit précédemment. Elle intervient pourtant alors que Michel Noir est déjà dans le collimateur de la justice et qu’à ce titre il a perdu une partie importante de sa légitimité basée sur l’image du renouveau de la classe politique. De fait, la force de cette action est donc moins remarquable que celle déployée par le conseil général du Rhône, historiquement effacé dans le système politique lyonnais, au moment où le maire de Lyon est au sommet de sa popularité, au moment où il semble disposer de toutes les armes politiques pour construire son pouvoir.

4. Conclusion

41Dans l’analyse du rapport existant entre globalisation de l’économie et métropolisation, nombreux sont les auteurs à avoir montré l’importance des partenariats entre pouvoirs publics locaux et intérêts privés ; ce partenariat étant formalisé analytiquement dans la littérature à travers les notions de « régime urbain » (Stone [46]) de « coalition de croissance urbaine » (Logan et Molotch [33]) et plus globalement de « gouvernance » (Koimann [28]). Le développement de partenariat ‒ plus ou moins formalisé ‒ entre les pouvoirs publics locaux et les intérêts privés est très souvent pensé comme un processus s’inscrivant dans un jeu à somme positive : chacun des participants tirant des bénéfices de la coopération. Pour autant, la situation de Lyon au début des années 1990 illustre la difficulté de mettre en place ce type de dynamique collective, de générer une « gouvernance urbaine » s’exprimant à travers la « capacité, d’une part, à intégrer, à donner forme aux intérêts locaux, aux organisations, groupes sociaux et, d’autre part, à les représenter à l’extérieur, à développer des stratégies plus ou moins unifiées en relation avec le marché, l’État, les autres villes et autres niveaux de gouvernement » (Le Galès [31]).

42L’exemple de Lyon à – travers le marketing territorial, l’internationalisation de la ville et les expériences de planification territoriale stratégique menées sous le mandat de Michel Noir au début des années 1990 – a été considéré par certains comme illustrant l’avènement d’un modèle d’action publique urbaine moderniste au centre duquel étaient censés se positionner ‒ non sans une certaine dérive hégémonique ‒ les maires des grandes villes françaises (Demeestère [16], et Padioleau [41]). On partage entièrement le point de vue de certains analystes qui dès le début des années 1990 avait clairement identifié le rôle important des grandes villes françaises dans la modernisation du pays. Il en est autrement du rôle de leurs grands élus en ce qui concerne la modernisation de la vie politique (Lorrain et Préteceille [38]).

43Avec le recul, on peut en effet juger à sa juste valeur le changement réel des cadres de l’action publique urbaine après quinze ans de décentralisation. Si les grands maires urbains – et d’ailleurs bon nombre d’élus représentant plus généralement la « génération des Quadras » – se sont effectivement distingués de leurs prédécesseurs en misant sur la communication politique (Biarez [10], Dubois [18], Fontaine et Le Bart [19]), on ne peut être que très prudent sur le bilan de leurs actions en matière de redéfinition des produits de l’action publique. La rénovation politique qu’ils avaient appelé de leurs vœux semble aujourd’hui s’être réduite à la production de signes et de symboles dont l’efficacité sur la modification des pratiques et des politiques publiques reste à démontrer. À travers l’exemple de Lyon et de l’entreprise politique de conquête de la RUL, nous espérons avoir montré que la mise en scène d’un nouveau style politique renvoyait à des formes de conquête du fief politique somme toute très classiques. Les enseignements que l’on peut tirer des élections régionales de 1998 vont d’ailleurs dans le même sens. Les présidents de la région Rhône-Alpes, Charles Millon, et de la région Languedoc­Roussillon, Jacques Blanc, avaient en effet bâti leur autorité, au cours de la dernière mandature, sur l’image d’hommes politiques décidés à faire émerger la région dans l’espace politique français sur la base de nouvelles pratiques politiques fondées sur un « néo-régionalisme » conciliant valorisation des différentes identités territoriales, libéralisme économique et nouvelles formes d’action publique en réseaux (Balme [3]). La stratégie d’alliance avec les représentants du Front National est ainsi apparue comme le révélateur soudain d’une entreprise de domination politique locale plus traditionnelle (Négrier et Jouve [40]). Comme dans le cas de la mairie de Lyon quelques années plus tôt, la logique de constitution du fief politique apparaît bien être la variable politique discriminante.

44Certains travaux avaient déjà montré la dépendance des maires par rapport à leurs adjoints (Borraz [12]), par rapport aux grands groupes de services collectifs urbains (Lorrain [36]). L’histoire de la RUL sous l’ère de Michel Noir s’inscrit dans cette même perspective critique. Elle permet en effet de mettre en évidence le véritable paradoxe que constituait la figure du « maire entrepreneur » signalant une nouvelle génération d’élus tentant d’incarner la modernité urbaine pour combler un déficit d’implantation politique locale. Michel Noir en était l’archétype : l’audace de ses prises de position sur la scène politique locale ‒ notamment en ce qui concerne l’émergence d’un réel pouvoir d’agglomération ‒, ses prises de pouvoir parfois brutales ‒ réorganisation de la communauté urbaine, conquête de la RUL ‒ ne constituent pas une marque de légitimité incontestée mais au contraire la tentative de brusquer un système politique local qui lui échappe partiellement. Derrière la rhétorique empruntant clairement à l’économisme, basée sur la territorialisation d’une politique novatrice de développement économique, sur le dialogue et la concertation, se profile une entreprise politique plus classique de domination du territoire.

45Cet économisme, cette ouverture de la ville à la compétition internationale, vecteurs de l’avènement au pouvoir de cette génération d’élus formés au néolibéralisme, a télescopé des formes de médiation territoriale considérées comme traditionnelles, centrées sur les conseils généraux. Ainsi le conseil général du Rhône, instance stigmatisée comme conservatrice et représentative des notabilités périphériques de l’agglomération, rendue secondaire par l’histoire dans le système de régulation lyonnais, est-il parvenu à imposer progressivement son type d’échange politique, en contradiction avec l’entreprise territoriale du maire de Lyon. Il est significatif de surcroît de constater que la construction du rapport de forces entre la ville centre et le système politique local est orchestrée par une personnalité politique ne disposant pas de toutes les formes de capital a priori maîtrisées par Michel Noir. Derrière cet élu que la logique du champ politique local et les lois de décentralisation destinaient à une carrière effectuée dans l’ombre du leader urbain, s’est agrégé et organisé, ponctuellement, l’ensemble des intérêts publics et privés opposés à une autonomisation ‒ hégémonique de l’exécutif de l’institution d’agglomération. Dans le cas de Lyon, c’est la logique territoriale produit du long terme qui l’a emporté sur la stratégie de rationalisation des modes de gouvernement urbain portée par la nouvelle génération d’élus, de techniciens et d’administrateurs.

46[1] Abélès M., Jours tranquilles en 89. Ethnologie politique d’un département français, Odile Jacob, Paris, 1989.

47[2] Bagnasco A., Le Galès P., Villes en Europe, La Découverte, Paris, 1997.

48[3] Balme R., Les politiques du néo-régionalisme. Action collective régionale et globalisation, Economica, Paris, 1996.

49[4] Bardet P., Observatoire et nouvelles pratiques de gouvernement, mémoire de DEA, Institut d’études politiques de Grenoble, 1994.

50[5] Baudouin T., La ville, nouvel espace productif de la mondialisation, Futur antérieur 4 (1995) 127‑140.

51[6] Beckouche P., Globalisation of the Economy: Implications for Metropolitan Areas, Communication au séminaire « Governing Metropolitan Areas: Institutions, Finance and Partnerships », Stockholm, organisation pour la coopération et le développement économiques, Groupe des affaires urbaines, 4‑6 juin, 1997.

52[7] Beckouche P., Damette F., Pour une géographie globale de l’emploi, une grille d’analyse structurale fonctionnelle, Économie et statistique 270 (1994) 37‑50.

53[8] Beckouche P., Davezies L., Diagnostic de l’économie de la région urbaine de Lyon, rapport d’étude, secrétariat général pour les affaires régionales Rhône-Alpes/préfecture de région Rhône­Alpes, observatoire de l’économie et des institutions locales, Créteil, 1993.

54[9] Benko G., Les chemins du développement régional : du global au local, Futur antérieur 3 (1995) 163‑188.

55[10] Biarez S., Le discours sur la métropole en France, nouvelle communication et nouveaux rapports dans le cadre de la décentralisation, Revue internationale des sciences administratives 56 (1990) 739‑766.

56[11] Bonneville M., Lyon. Métropole régionale ou Euro-Cité ? Économica, Paris, 1997.

57[12] Borraz O., Politique, société et administration : les adjoints au maire à Besançon, Sociologie du travail 37 (1995) 221‑248.

58[13] Braudel F., L’identité de la France, tome III, Athaud-Flammarion, Paris, 1986.

59[14] Carrez J.F., Le développement des fonctions tertiaires supérieures internationales à Paris et dans les métropoles régionales, La documentation française, Paris, 1991.

60[15] Damette F., La France en villes, La documentation française, Paris, 1994.

61[16] Demeestère R., Padioleau J.G., Politique de développement et démarches stratégiques des villes, rapport de recherche, plan urbain/ministère de l’Équipement, HEC, Paris, 1989.

62[17] Di Ruzza R., Théorie de systèmes productifs et recomposition de l’économie mondiale, Actuel Marx 17 (1995) 59‑65.

63[18] Dubois F., La communication de la région : le nouveau champ d’action des communicateurs, in· centre universitaire de recherches administratives et politiques de Picardie (dir.), Les politiques régionales, Paris, PUF, 1993, 109‑120.

64[19] Fontaine J., Le Bart C., Le métier d’élu local, L’Harmattan, Paris, 1994.

65[20] Grémion C., Muller P., De nouvelles élites locales ?, Esprit (164) (1990) 38‑47.

66[21] Grémion P., Le pouvoir périphérique, Le Seuil, Paris, 1976.

67[22] Harding A., Towards the Entrepreneurial European City, in: Harding A., Dawson J., Evans R, Parkinson M. (éd.), European Cities towards 2000. Profiles, Policies and Prospects, Manchester University Press, Manchester, 1994, pp. 195‑206.

68[23] Harding A., Dawson J., Evans R., Parkinson M., European Cities towards 2000. Profiles, Policies and Prospects, Manchester University Press, Manchester, 1994.

69[24] Harvey D., L’accumulation flexible par l’urbanisation : réflexions sur le post-modernisme dans la grande vîlle américaine, Futur antérieur (3) (1995) 121‑144.

70[25] Jouve B., Planification territoriale, dynamique métropolitaine et innovation institutionnelle : la région urbaine de Lyon, Politiques et management public 16 (1998) 61‑82.

71[26] Jouve B., Bardel F., Ben Mabrouk T., Montès C., La région urbaine de Lyon, entre projets d’aménagement et dynamiques institutionnelles, rapport intermédiaire de recherche, agence Rhône-Alpes pour les sciences sociales et humaines, laboratoire Rives / École nationale des travaux publics de l’État, Vaulx-en-Velin, (1993).

72[27] Julien P., Les fonctions stratégiques dans cinquante villes de France, Insee Première (300) (1994) 10‑14.

73[28] Koimann J., Modem Govemance, Sage, Londres, 1993.

74[29] Kukawka P., Biarez S., Les grandes villes et l’intervention économique : Saint-Etienne et la communauté urbaine de Lyon, rapport de recherche, Grenoble. 1983.

75[30] Lajous J., Les communautés urbaines à l’usage du temps, Diagonal 83 (1990) 20‑31.

76[31] Le Galès P., Du gouvernement des villes à la gouvernance urbaine, Revue française de science politique 45 (1995) 57‑95.

77[32] Le Galès P., Quels intérêts privés dans les villes européennes ?, in: Bagnasco A., Le Galès P. (éd.), Villes en Europe, La découverte, Paris, 1997, pp. 231‑274.

78[33] Logan J.R., Molotch H.L., Urban fortunes. The Political Economy of Space, University of California Press, Berkeley, 1987.

79[34] Lojkine J., La politique urbaine dans la région lyonnaise, 1945‑1972, Mouton, Paris, 1974.

80[35] Lorrain D., La montée en puissance des villes, Économie et Humanisme (305) (1989) 6‑21.

81[36] Lorrain D., De l’administration républicaine au gouvernement urbain. Sociologie du travail 31 (1991) 461‑483.

82[37] Lorrain D., Kukawka P., Quinze municipalités et l’économie, Revue d’économie régionale et urbaine (2) (1989) 283‑306.

83[38] Lorrain D., Préteceille E., Les grandes villes face à l’évolution des politiques publiques, in: annuaire des collectivités locales, Litec, Paris, 1990, pp. 5‑22.

84[39] Molin J.L., La métropole déploie ses ailes à nouveau, doctorat de sciences économiques, université Lyon-II, 1996.

85[40] Négrier E., Jouve B. (dir.), Que gouvernent les régions d’Europe ?, L’Harmattan, Paris, 1998.

86[41] Padioleau J.G., L’action publique urbaine moderniste, Politiques et management public 9 (1991) 133‑146.

87[42] Sassen S., La ville globale. New York, Londres, Tokyo, Descartes, Paris, 1996.

88[43] Savary G., La régulation consensuelle communautaire : facteur d’intégration/désintégration politique. L’exemple de la communauté urbaine de Bordeaux, Politiques et management public 16 (1998) 107‑139.

89[44] Scott A.J., The Cultural Economy of Cities, Int. J. Urban Regional Res. 21 (1997) 323‑339.

90[45] Sorbets C., Traitements intégrés et/ou traitements in situ : réseaux communautaires dans le site de la communauté urbaine de Bordeaux, rapport de recherche, plan urbain/ ministère de l’Équipement, CERVL / Institut d’études politiques, Bordeaux, 1989.

91[46] Stone C.S., Regime Politics: Governing Atlanta (1946‑1988), University Press, Lawrence, Kansas, 1989.

92[47] Veltz P., Mondialisation, villes et territoires : l’économie d’archipel, PUF, Paris, 1996.

93[48] Weber M., La ville, Aubier, Paris, (1982) (1re éd. 1921).

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Notes

2 À Lyon, 18 % des emplois sont dans le secteur des services non marchands contre 23 % à Bordeaux ou 29 % à Rennes.

3 Ces agglomérations sont cependant moins internationalisées que des villes comme Francfort, Amsterdam ou Genève qui constituent des centres internationaux d’affaires, des places financières de premier rang, concentrant les sièges sociaux.

4 Intervention du secrétaire d’État à l’Intérieur, André Bord, au Sénat, le 8 novembre 1966, J.O. du 10 novembre 1966, p. 1436.

5 Il ne s’agit pas de toute façon de « développement économique » mais d’une action plus classique de soutien aux entreprises.

6 Il nous apparaît que l’importance de l’influence des cultures politiques partisanes dans ce genre de décision mériterait d’être approfondie. En l’occurrence, l’appartenance de Michel Noir à un parti politique (le RPR) dont la culture politique repose en partie sur l’image du chef comporte certainement une incidence non négligeable sur son choix stratégique. Il s’agirait de caractériser cette dimension et de la distinguer de l’influence par exemple qu’a pu avoir l’ampleur de sa victoire aux élections municipales de 1989 ; à la surprise générale en effet, les listes de Michel Noir obtiennent la majorité dans les neuf arrondissements de Lyon.

7 Réalisée par un bureau d’études spécialisé dans les questions de développement économique. Cf. Ten, Propositions pour un observatoire économique de l’agglomération lyonnaise. décembre 1989, 79 p.

8 Structurellement, et depuis la Révolution française pourrait-on dire, lorsque le département du Rhône est tronqué pour contenir sa puissance alimentée par la ville de Lyon justement, le président du conseil général du Rhône est une figure politique de second plan, effacée par celle du maire de Lyon. Ce système perdure jusqu’en 1989 où la mairie de Lyon étant perdue pour l’UDF, le président du conseil général est soudain propulsé en porte-parole de cette composante. Un an plus tard, il n’a pas encore endossé totalement son habit.

9 En plus de ces sept membres, le bureau comporte un conseiller communautaire socialiste et deux représentants de l’administration.

10 Notons que cette implication est pour Je moins étonnante pour un périmètre qui devait être le fruit d’une réflexion scientifique. Le fait ne surprend en réalité personne et confirme la justification principalement politique de ce dernier.

11 Le sondage au quart du dépouillement lourd du recensement est en effet diffusé à cette époque par l’lnsee et celui-ci ne permet qu’une analyse par cantons.

12 Le document a pour titre Caractéristiques et dynamiques de la région urbaine de Lyon.

13 Certaines communes de la Haute-Loire et de la Saône-et-Loire font partie de ce territoire.

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Pour citer cet article

Référence papier

Fabrice Bardet et Bernard Jouve, « Entreprise politique et territoire à Lyon »Sociologie du travail, Vol. 41 - n° 1 | 1999, 41-61.

Référence électronique

Fabrice Bardet et Bernard Jouve, « Entreprise politique et territoire à Lyon »Sociologie du travail [En ligne], Vol. 41 - n° 1 | Janvier-Mars 1999, mis en ligne le 01 janvier 1999, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/sdt/37390 ; DOI : https://doi.org/10.4000/sdt.37390

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Auteurs

Fabrice Bardet

École nationale des travaux publics de l’État, rue Maurice-Audin, 69518 Vaulx-En-Velin cedex, France

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Bernard Jouve

École nationale des travaux publics de l’État, rue Maurice-Audin, 69518 Vaulx-En-Velin cedex, France

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