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Catégorisations d'âge et assignations sociales

Grandir au prisme de l’ethnicisation en France et en Italie

To grow up in the prism of ethnicisation in France and Italy
Simona Tersigni
p. 92-101

Résumés

Dans cet article sont analysés le rapport au grandir ainsi que la construction des groupes d’âge chez des « enfants » (8-13 ans) descendant-e-s de migrant-e-s ou ayant eux-mêmes migré. L’orientation adulto-centrée propre à la sociologie française des migrations et sa focalisation plus récente sur le passage à l’âge adulte des descendant-e-s de migrant-e-s est au centre d’un état des lieux initial. Ensuite, ce texte entend pointer des pratiques de gouvernement des corps enfantins dans plusieurs contextes migratoires français et italiens. Il s’agit de montrer comment la mise en altérité ethnico-raciale ne contribue pas de la même manière à la fabrique du « nous enfantin ».

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Texte intégral

  • 1 Le terme d’ethnicisation désigne le processus par lequel l’appartenance ethnique, imputée ou revend (...)
  • 2 La configuration italienne des travaux dans le domaine des migrations et du racisme a conduit à abo (...)
  • 3 Il existe toutefois des exceptions dans quelques travaux féministes ayant, dès la seconde moitié de (...)
  • 4 Mireille Eberhard et Aude Rabaud mettent en avant le caractère familial de l’expérience du racisme (...)
  • 5 En revanche, ces dernières années la littérature anglophone a connu de nombreuses publications mett (...)

1Cet article entend analyser la construction des groupes d’âge d’enfants qui se situent à l’aube de l’adolescence, en mettant en exergue comment ils font jouer des formes d’auto-définition ou de catégorisation d’altérité lesquelles contribuent à la fabrique du groupe d’âge lui-même. Il s’agira ainsi de mettre en dialogue des approches qui ont longtemps fait l’objet de traitements parallèles et bien distincts, comme l’a opportunément relevé Nicoletta Diasio (2012) en matière de genre et enfance. Si le travail théorique de « dénaturalisation de l’enfance et de reconnaissance de l’agentivité » enfantine (Diasio, 2012, ibid.) n’est pas très éloigné du processus qui a concerné les femmes appréhendées selon une focale d’études de genre, défaire l’ethnicisation et la racisation1 au sein des relations interethniques nécessite tout autant de déconstruire ce qui parait de l’ordre d’« invariants » de la condition humaine (Simon, 2006). Ainsi, il importera, dans une première partie, de revenir sur les conceptions qui se sont imposées tour à tour dans les sciences sociales francophones en matière d’ethnie, ethnicité, ethnicisation. Après avoir situé ces orientations et luttes scientifiques, j’aborderai, dans une seconde partie, quelques résultats du programme de recherche CorAge, en m’appuyant notamment sur la partie empirique relative aux pratiques de gouvernement des corps enfantins. D’une part, je ferai référence aux entretiens réalisés par les membres des trois équipes dans le cadre d’une ethnographie des espaces domestiques, appréhendés en continuité avec des lieux publics propres au quotidien de nos jeunes interlocuteurs et de leurs parents, en France et en Italie. D’autre part, j’approfondirai quelques situations empiriques questionnant la structuration adulto-centrée de la sociologie française des migrations et des relations interethniques2. En effet, contrairement à la sociologie anglophone, la sociologie française a longtemps évité l’écueil de la généalogisation des « descendant‑e‑s de migrant‑e‑s », en privilégiant une sociologie de la famille autour du regroupement familial (Zehraoui, 2003 notamment) et du rapport à l’école en relation avec l’intégration3 (Lorcerie, 2003 notamment) ou alors en analysant des formes de ségrégation (Payet, 1998) et de discrimination (Dukic S., Dhume F., 2012). À peu d’exceptions près (Eberhard et Rabaud, 2013)4, dès lors que les trajectoires associées à la mobilité sociale des descendant‑e‑s de migrants ont été étudiées, elles ont davantage concerné la transition vers l’âge adulte (Santelli, 2007 ; Hamel, Moguérou, Santelli 2011 ; Moguérou et Santelli, 2013) au détriment du passage de l’enfance à l’adolescence. En lien avec des théories du racisme et de l’ethnicité où la question de la subjectivation et de l’agency n’avaient que peu de place, en particulier pour ce qui est des « enfants illégitimes » (Sayad, 1979a et b, 2006), en France, les enfants primo-migrant‑e‑s, demandeurs d’asile et descendant‑e‑s de migrant‑e‑s n’ont pas vraiment été appréhendés à partir de la spécificité de leur enfance5.

Quand les « enfants illégitimes » n’ont pas d’enfance : « enjeux de dénomination » et précisions de vocabulaire

2Dès le début des années 1990, Pierre-Jean Simon (1993 : 3) remarque qu’« un certain flou et une certaine confusion existent […] dans les études sur les relations inter-ethniques, quant aux notions, aux concepts, aux mots. Très peu sont employés par à peu près tout le monde avec une acception suffisamment précise et beaucoup sont l’objet de manipulations à des fins politiques et idéologiques ».

  • 6 Voir, entre autres, le travail mené au sein du GDR 1174 du CNRS (Migrations internationales et rela (...)
  • 7 Les travaux des raciologues, i.e. les spécialistes de l’étude des « races humaines » (Reynaud Palig (...)

3En dépit de l’énorme travail d’« élaboration et définition opératoires » mené depuis par de nombreux chercheurs6, la réception des travaux du domaine de l’ethnicité continue de ne pas être aisée dans le cadre des sciences sociales françaises. Pourtant le mot ethnie est loin d’y être absent. En effet, jusqu’au xixe siècle ce terme a été investi par l’idéologie racialiste7, même si dès 1903 le courant de la sociobiologie a été disqualifié dans le monde universitaire, suite aux critiques développées au sein de l’école française de sociologie. L’enjeu d’abord scientifique des chercheurs durkheimiens et des dreyfusards était d’expliquer le social par le social, tandis que la croyance imposée par l’idéologie racialiste dissimulée derrière le mot ethnie, consistait à poser l’hérédité biologique comme si elle pouvait déterminer des traits psychologiques, sociaux et moraux à la fois.

  • 8 Max Weber a été le premier à s’écarter radicalement de la vision essentialiste de l’appartenance et (...)
  • 9 Comme le souligne Elke Winter (2004 : 72), Max Weber (1971 : 423) débute son analyse des relations (...)

4Dans les usages qui ont suivi après la IIe Guerre mondiale, le mot ethnie a été plutôt réservé aux populations anciennement colonisées, justiciables d’une « ethnologie », comme le soulignent Amselle et M’Bokolo (1985) : ces derniers pointent la récurrence de l’emploi essentialiste et statique de ce terme8. Parallèlement au développement d’une ethnologie urbaine ouverte sur les populations migrantes résidant dans les quartiers français de la ségrégation (Althabe, 1984, 1985 ; Althabe et Sélim, 1998), la sociologie française (Poutignat et Streiff-Fénart, 1995 ; De Rudder, Poiret et Vourc’h, 2000 ; Rea et Triper 2003 ; Simon, 2006 ; Crenn et Kotobi, 2012) et francophone (Martiniello, 1995 ; Juteau, 1999 ; Bastenier 2004) ont opéré une clarification importante de concepts afférents, tout en problématisant une réalité complexe, dans laquelle l’ethnie fait figure de fourre-tout9.

5À l’instar des travaux wébériens, l’approche non substantialiste de l’ethnicité a permis d’appréhender « les dimensions objectives et subjectives des relations entre les groupes ethniques ». Dans sa lecture sémantique des termes afférents du « communautarisme », Hélène Bertheleu (2012 : 60) a mis l’accent sur le fait que « l’ethnicité n’est jamais le seul produit de la catégorisation ethnique ». Elle souligne l’intérêt de porter l’attention sur les « formes d’agentivité du minoritaire » pour ne pas réduire l’ethnicité à « une simple manifestation pathogène ou réactive face à une société secrétant l’anomie » (Rinaudo, cité in Bertheleu, 2012 : 61). D’ailleurs, si l’ethnicité se construit dans la réciprocité des perceptions et des représentations, dans le cas du racisme la réciprocité n’est ni première ni centrale (Bertheleu, 1997).

6Les chercheurs qui se sont intéressés à l’ethnicisation et à la racisation ont mis l’accent sur les effets objectifs des assignations. Il ne s’agissait pas pour eux d’en classer l’échelle de gravité, mais d’en montrer les analogies et les glissements réciproques. Comme le souligne Véronique De Rudder (2000), ces deux processus convergent dans l’attribution de statuts ascriptifs qui précèdent l’individu (naissance-origine-généalogie) et dans la production de différences constitutives de l’altérité collective plus ou moins radicale. En revanche ces processus divergent dans la mesure où la « race » est une marque « indélébile », socialement construite pour qu’elle paraisse « naturelle » (ibid.) : ainsi le racisme est une « relation de domination qui se proclame ‘naturelle’ » (Guillaumin : 1977, 1982). C’est seulement à ce prix que la « race » peut enfermer dans une « ‘différence’ irréductible, elle-même constitutive de son infériorité absolue » (De Rudder, 2000 : 112). Il n’est donc pas aisé de distinguer ethnicisation et racisation, que ce soit « dans l’ordre empirique des situations » tout comme « sur le plan théorique » (ibid.). Bien qu’ethnicisation et racisation partagent un certain nombre de caractéristiques, l’euphémisation du racisme, i.e. la face structurelle de la racisation, s’active précisément par son « déguisement » en ethnisme (ibid.), à savoir la face exacerbée de l’ethnocentrisme qui est propre à chaque groupe (Simon, 2006).

7Suivant une telle approche, le recours au mot racisation implique que ce sont des processus historiques et sociaux qui ont engendré la partition de l’espèce humaine en sous-groupes prétendument socio-biologiques. Cela permet également de souligner que le racisme et la « race » s’inscrivent dans le domaine des sciences humaines et sociales (et pas dans la biologie). Toutefois, « le culturel est toujours susceptible d’être généalogisé et donc biologisé, et le biologique a toujours des présupposés, des implications culturels, ne serait-ce parce que la constitution de la vision raciale est inséparable de l’entreprise d’expansion de la colonisation qui fut en même temps culturelle » (Poiret, Vourc’h, 1998 : 20). Ainsi, l’élément central de cette distinction entre ethnique et racial est la question de la plus ou moins grande immuabilité des différences et des frontières érigées entre les groupes en présence. D’où l’enjeu d’examiner « l’émergence de frontières sociales (notamment ethniques) inédites ainsi que toutes les actions mises en œuvre par les individus, les groupes ou les institutions, quel que soit leur statut, pour transformer ou (re)produire ces frontières » (Bertheleu, 2012 : 61).

8Après le détour par des mots aussi chargés, il est plus aisé de comprendre qu’à l’ombre de la formulation sayadienne d’« enfants illégitimes » ne s’abrite pas uniquement la trajectoire biographique d’une étudiante universitaire d’ascendance algérienne, ni celle de sa « génération ». Interviewée par Abelmalek Sayad en 1975 quand elle est désormais âgée de 21 ans, Zahoua raconte les transformations de sa famille en France, avec des « enfants ni comme ci, ni comme ça ». Elle décrit ce qui se joue entre elle et son père, qui est persuadé de ne plus avoir d’ascendant sur ses propres enfants, « ces enfants illégitimes, ces enfants de la France ». Si par les propos de son interlocutrice, Sayad (2006 : 61 ; 63 ; 69) évoque la menace de trahison des logiques familiales pour ces « enfants illégitimes », d’autres travaux conduisent à mettre l’accent sur les droits civiques menacés de ces « enfants » qui sont, dans la plupart des cas, de nationalité française. Dans l’arrière-fond émergent des « enjeux de dénomination » (Costa-Lascoux, 1989) pour des enfants qui ne connaissent pas d’enfance au sein de la sociologie française, bien qu’ils aient des défis scolaires, sportifs et d’intégration à porter.

  • 10 Dans la même période, David Lepoutre (1997) a étudié la violence exercée par les collégiens descend (...)

9De menacés à protestataires, voire socialement menaçant, après les « marches des beurs », les « bandes de jeunes » commencent à faire l’objet, dès la fin des années 1980, de travaux sur les formes de protestation, de mobilisation des ressources et d’action collective (Lapeyronnie, 1987). Ils revendiquent la possibilité d’être acteurs et pas des simples objets de politiques sociales, de mesures administratives, de rapports d’études, somme toute de « répression ou de sollicitude » (Lapeyronnie, 1989). Ainsi « ces ‘jeunes immigrés’ ne doivent pas être considérés comme un problème, mais bien comme des éléments et des participants de la formation d’une société et d’une culture nationale » (Lapeyronnie, 1989 : 333). Dans le sillage de cette approche, plusieurs enquêteurs travaillant en collaboration avec Maria Do Ceu Cunha et Adil Jazouli (1994) et subventionnés par le Fonds d’Action Sociale (FAS) ont notamment mis en relief, à partir d’entretiens avec des enfants et adolescents âgés entre 9 et 16 ans, un potentiel de violence et de dissimulation présent chez ces jeunes interlocuteurs ainsi que la difficulté des intervenants sociaux pour y remédier. Leur thèse est qu’entre le quartier de résidence, l’école et la famille cette tranche d’âge subit une rupture dans les représentations et dans les repères sociaux, en adoptant ainsi une conduite marginale dont la violence verbale et physique10 ne peut qu’interpeller les adultes et l’autorité parentale. La focale est déplacée uniquement du côté des défaillances parentales et l’âge en tant que construit social n’est pas interrogé.

10Quelques années après, en pointant que le « ciblage de la classe d’âge neutralise la reconnaissance d’un effet généralisé de l’origine sur les opportunités et positions sociales des citoyens », Patrick Simon (2000 : 35) épure définitivement l’analyse des effets des classements ethnico-raciaux dans un objectif de clarification. Il dénonce l’inefficacité des dispositifs d’insertion de droit commun à l’égard de « ces jeunes qui se cachent pour vieillir ». Ainsi, le « profit idéologique retiré par la focalisation sur les ‘jeunes’ » (Simon, 2000 : 36) contribue à occulter l’impossibilité pour eux de jouir d’une pleine citoyenneté en raison des discriminations. Toutefois, à côté des effets des catégories de l’action publique, il est important d’appréhender le point de vue de ces jeunes acteurs sociaux sur leur expérience de transition de l’enfance à l’adolescence. Ainsi, pousser à présent l’articulation avec la construction sociale de l’âge devient primordial pour effectuer un double processus de dénaturalisation dans une perspective intersectionnelle (Crenshaw, 1989 ; 2001 ; Bilge, 2010).

Pour une lecture multidimensionnelle de la fabrique du groupe d’âge

11Les expressions « enfants d’immigrés », « jeunes (immigrés) » ou « jeunes issus de l’immigration » ont été employées en France indépendamment de l’âge des personnes visées, faisant office de catégorie d’identification et de désignation de ces « descendants » d’immigrés (De Rudder, 1997). La dimension problématique du recours à la notion « d’origine » qui « est ici proprement vide de tout autre contenu qu’un pur renvoi à l’extériorité » (ibid. : 22) est désormais claire. Aussi, « s’il n’y a pas de solution définitive à ce problème [de la nomination des groupes réels ou fictifs dont on observe et analyse la formation par imputation ou revendication] » (De Rudder, 1998 : 45), il importe que « la recherche […] s’attache au dévoilement des processus plus qu’à l’élaboration […] de nomenclatures, qu’elle analyse des rapports sociaux plutôt que des groupes nominaux qui ne se définissent qu’à travers eux » (De Rudder, ibid.). En ce sens, l’analyse des catégories de « fabrication » de l’âge réalisées par et sur des « enfants descendants de migrant‑e‑s » mérite d’être imbriquée avec les assignations d’extériorité d’origine nationale ou géographique et avec les formes de saillance d’altérité ethnique qui concernent les jeunes interlocuteurs. Quelles formes de subjectivation sont alors associées aux jeux enfantins d’inclusion dans un « nous » qui ne reprend pas passivement les catégories des adultes significatifs ainsi que des institutions scolaires, médicales et éducatives en charge d’eux ?

12Les terrains français (Alsace, Lorraine) et italien (Vénétie) de la recherche CorAge ont permis à différents enquêteurs de s’intéresser à des « enfants » résidant dans des contextes urbains, périurbains et ruraux. Bien que le nombre total des « enfants » susceptibles d’être renvoyés à l’extériorité ne soit pas considérable dans cette recherche, nous avons toutes et tous rencontré des « enfants » immigrés, demandeurs d’asile, nés de couples binationaux ou « descendant‑e‑s de migrant‑e‑s ». En dépit d’une différente histoire des migrations et de ses régulations politiques, la France (vieux pays d’immigration en Europe) et l’Italie (nouveau pays d’immigration) semblent à présent se rejoindre du point de vue d’une harmonisation des assignations ethnico-raciales (Balbo, 1998). Comment ces « enfants » âgés entre 9 et 13 ans, ayant vécu directement ou indirectement une histoire migratoire, se positionnent face à des représentations parentales ou sociétales ? Sur quoi s’appuient-ils/elles pour fabriquer leurs formes de catégorisations et de subjectivations associées au grandir ?

Subjectivations et constructions d’un nous enfantin en France et en Italie

13Si la sociologie du corps et la sociologie de l’enfance se sont développées parallèlement, en se rencontrant rarement, comme l’a souligné Alan Prout en 2000, la recherche CorAge a cherché à articuler la problématique du groupe d’âge et celle du genre. Nous avons pris position face à un champ scientifique impliquant que le corps incomplet à la naissance, est censé se perfectionner tout au long de la vie, notamment à travers des pratiques sociales et des glissements de sens pour les acteurs sociaux, tant en France qu’en Italie.

  • 11 Les prénoms de nos jeunes interlocuteurs sont tous anonymisés : nous leur avons donné la possibilit (...)

14Parmi les 69 enfants ayant accepté la situation d’enquête dans les trois régions où nous avons travaillé, seulement 15 ont un passé migratoire proche dans leur famille pour au moins un des deux parents ou alors sont eux-mêmes immigrés ou demandeurs d’asile. Toutefois, pour éviter tout risque de généalogisation, j’ai choisi de tenir compte uniquement des propos et des positionnements des jeunes interlocuteurs faisant directement référence à une manière de se construire dans leur âge qui s’articule avec l’affichage pour soi d’une altérité culturelle ou religieuse. En l’occurrence, Simon11 (10 ans, résidant dans la banlieue de Strasbourg) rend saillant sa capacité à préparer un poulet mauricien qu’il sert à Marie-Pierre Julien lors de la première visite de la chercheuse. Cela sera l’occasion de préciser pendant l’entretien que du côté paternel ses grands-parents sont mauriciens tout comme son grand-oncle paternel, tandis que son papa est français. De même, lors des entretiens réalisés par Louis Mathiot, Nina (12 ans, résidant dans les Vosges) classe deux fêtes musulmanes parmi les trois fêtes qui comptent pour elle : tout d’abord l’Aïd el-Kebir, lié en islam à la commémoration du sacrifice d’Isaac, puis les circoncisions des nouveau-nés masculins de son entourage familial « algérien », enfin ses fêtes d’anniversaire, dont notamment la dernière, un pyjama party avec ses amies proches et son copain d’enfance.

  • 12 Ce paradoxe réside dans le fait que l’ensemble des conditions qui assujettissent le sujet sont auss (...)

15Si « seul le dicible doit se dire et les descendants de migrants mesurent les limites discursives et existentielles de leur affirmation dès lors qu’ils sont sommés de s’expliquer sur les motifs de leurs choix et de leurs actes. » (Guénif-Souilamas, 2005 : 98), dans le cas de Nina, l’inscription dans un groupe d’âge ne se fait pas tant par des marqueurs de loyauté (rituels musulmans), mais renvoie à une mise en conformité avec ses pairs lors de son anniversaire. Par ces choix, l’on voit souvent à l’œuvre des savoir-faire et un rapport au corps qui sont directement liés au paradoxe de la subjectivation (Foucault, 1994 [1982])12, comme le montrent les propos d’Emin à propos du grandir.

16Emin (13 ans, résidant dans une ville de Lorraine depuis deux ans) a ouvertement fait référence à son statut de demandeur d’asile lors de l’entretien avec Niloofar Shariat. Il affirme avoir « grandi trop vite » depuis qu’il est en France (il mesure 1,75 m et il a dépassé sa mère avec laquelle il a quitté la Tchétchénie), il se sent plus fort, d’ailleurs il avait « une autre voix » avant de quitter son pays. Il est plus grand que ses camarades de classe en termes de taille, le seul à « avoir la moustache », ce que les autres ne manquent pas de remarquer, tout comme les membres de sa famille en Tchétchénie, avec lesquels il communique via son ordinateur. Aussi, Emin fait plus attention à ses habits : « Maintenant je dis que je n’ai pas envie de mettre ça ou que j’ai envie de mettre tel ou tel [vêtement] mais avant non ! et je regarde toujours ma coiffure […], avant j’avais des cheveux comme un lion, maintenant je les ai coupés ». Puis, il constate qu’avant il avait « toujours envie de sortir et jouer, mais maintenant ça m’intéresse pas je pense trop au futur, je pense à ma future famille ». Ainsi, il est partagé puisque « d’un côté je veux grandir et de l’autre côté non ! Parce que je veux grandir pour faire ma famille, mais il y a des responsabilités et c’est dur ! ».

17Résidant dans un hôtel depuis qu’il est en France, ses principaux loisirs tournent autour de son ordinateur (jeux vidéo, navigation sur internet, vidéo notamment) : « C’est pour ça que je me suis inscrit dans une activité vidéo, je veux faire un film sur mon pays parce que la Tchétchénie c’est une petite république en Russie et personne ne la connaît, j’ai envie de faire un film sur la Tchétchénie et sur les traditions et la culture parce que les gens pensent que là-bas il y a que des terroristes et je veux montrer le bon côté. » En voulant restituer une bonne image de son pays, il reste enfermé devant un ordinateur dans sa chambre d’hôtel, tandis que Yasmine et Rachel – comme nous le verrons dans l’étude de cas qui suit – ne cessent de lutter avec leurs parents pour pouvoir sortir ponctuellement de l’espace domestique et construire une appartenance culturelle qui leur échappe à présent.

18Rachel et Yasmine, deux sœurs (âgées respectivement de 12 et 8 ans lors de la première rencontre, résidantes à Mulhouse) évoquent, lors d’échanges informels avec moi, des arrangements alimentaires liés aux différentes religions de leurs parents. Quelque temps après le divorce des parents, Rachel et Yasmine découvrent, en allant au McDonalds avec leur père, qu’elles n’ont plus que droit au « filet au fish ». En effet, leur père vient de s’unir à une autre femme, musulmane, qui préfère consommer de la viande halal. Bien que leurs parents soient d’ascendance algérienne, ces deux sœurs n’ont reçu ni une éducation religieuse musulmane, ni ne parlent arabe. Pourtant leur père a commencé à les considérer comme musulmanes, elles « auraient l’âge de la raison qui va avec cette religion » (propos paternel rapporté par sa fille aînée). En revanche, leur mère − juste après le divorce et le recrutement dans le cadre de l’intervention sociale auprès de la jeunesse − s’est convertie, à l’instar de ses ex-beaux-frères, à l’évangélisme. Quand ses filles l’interrogent sur leur propre appartenance religieuse, elle répond qu’elles « ne sont rien », elles feront leur propre choix une fois adultes, pour l’instant elles sont trop petites… En attendant, elle n’a volontairement pas transmis la langue de leurs ancêtres, évite de leur faire consommer du porc « pour ne pas vexer le père », s’inquiète pour les cheveux crépus de son aînée et la pousse à les lisser davantage ou essaye de la décourager de toute activité collective dans la rue : aller chercher des bonbons en « bande » au tabac, jouer au football avec ses camarades masculins de classe, à savoir tout ce qui pourrait lui valoir l’étiquette de « racaille ».

19Ainsi, on voit comment certaines interdictions parentales ont des effets sur la malléabilité dont en revanche Valentina fait preuve à l’égard du catholicisme pour prendre place dans sa ville, dans le cadre d’une communauté de pratiques (religieuses et non) partagées avec ses pairs. En effet, Valentina (12 ans, résidant en Vénétie à Latisana) pendant l’entretien me parle de ses multiples activités périscolaires, dont l’oratorio, sorte de centre socio-culturel catholique annexé à la paroisse, ainsi que de sa fréquentation du catéchisme et de la messe, en dépit de son impossibilité de communier en raison du véto mis sur le baptême par son père. Artiste bosniaque arrivé en Italie dans les années 1990 à l’âge de 17 ans, il a demandé d’être baptisé dans son église orthodoxe avant de quitter son pays, mais il refuse que sa fille adhère au catholicisme, en dépit de l’accord de sa mère, catholique d’éducation mais non pratiquante, dont il est séparé. Or, Valentina insiste longuement avec moi sur la nécessité de participer aux activités de l’oratorio et de la messe, ce qui lui semble pouvoir la réinsérer a posteriori et progressivement dans un « nous » constitué d’un groupe d’âge et de rituels collectifs, ponctués dans le temps − comme c’est le cas pour la communion solennelle que la plupart des élèves de sa classe ont reçue ensemble, à la fin de la quarta elementare, l’équivalent du CM1. Ses compromis à l’égard de la vision officielle de ses parents (ne pas lui transmettre de religion), semblent favoriser l’intégration du groupe des pairs, même si à présent elle n’a pas le droit de partager avec eux le moment de la communion.

  • 13 Voir notamment http://fr.answers.yahoo.com/question/index?qid=20070118023438AA67h5F (consulté en se (...)

20En effet, dans la petite ville de Latisana et dans ses alentours, la communion solennelle des élèves de CM1 fonctionne comme un véritable rituel collectif de passage d’âge auquel participent à la fois l’instituteur ou l’institutrice de l’école publique et le curé, comme le témoigne un certain nombre de photos que mes jeunes interlocutrices m’ont fièrement montrées. Ainsi, en dépit de témoignages normatifs exprimés par des catéchistes italiennes intervenant dans les forums sur internet13 à propos d’un sacrement qu’il faudrait célébrer (et pas seulement recevoir) seulement dès lors que l’enfant est prêt, j’ai constaté que par ce rituel collectif religieux, autour des 9 ans, s’accomplit une des transitions propre au grandir. La transition festive de la communion − tout comme les micro-changements produits dans le cadre des négociations quotidiennes avec les parents − sont le résultat d’une multiplicité d’arrangements pratiqués par ces « enfants » à la recherche d’une agrégation à un « nous » pour eux primordial.

Quand conformité et adéquation sont au cœur du « nous enfantin » : la place du corps

21La catégorie d’âge fonctionne par des tentatives de branchement de ses proches, à partir de critères qui, en plus de l’âge, font également référence au genre, aux affinités religieuses ou culturelles, comme le montre le récit de Valentina. Toutefois, dans les entretiens menés en Vénétie émergent également, chez ces jeunes interlocuteurs italiens, des procédés d’exclusion du groupe d’âge qui s’attachent à des enfants qui, a priori, partagent le même âge. Ainsi des camarades étrangers sont coupés du nous et nécessairement catégorisés comme plus petits ou plus grands en termes de taille ou alors plus grands en âge (du moins l’âge d’autrui que se représente celui qui exclut), de l’« autochtonie » et du partage possible d’expériences quotidiennes. Les exclus du « nous » sont labélisés comme des « pas sympas », en contrepoint d’un « nous » paré d’une dimension comportementale acceptable et d’une autre associée à l’image de soi qui s’exprime par les manières de s’habiller.

22Anna et Greta (10 ans toutes les deux, résidant à Mestre) ont été interviewées par Marta Duthika Scarpa, arrivée en Italie en bas âge, dans le cadre d’une adoption internationale de l’Inde : elle sait visiblement relancer des questions à partir de celles qu’elle-même a dû se poser depuis longtemps. Ainsi ces jeunes interlocutrices lui parlent initialement de deux camarades proches : Anna inclut Alberto et Greta, puis Giulia dans le « nous » qui la concerne. Suite à la relance de la chercheuse (« dans votre classe, avez-vous tous le même âge ? »), Anna répond négativement parce qu’ « il y a ceux qui font leur anniversaire à la mi-novembre, mi-décembre […] donc eux, ils ont 9 ans. Mais nous avons tous le même âge », sauf, en gros, « la Philippine ». Après avoir évoqué la présence d’une élève philippine en classe, Anna a un échange avec Greta, son amie : il en ressort que cette fille philippine, surnommée « la Cheyenne », loin de jouer dans un western avec John Wayne, fréquente une classe dont les élèves sont majoritairement âgés de 10 ans. Pourtant, si elle n’est pas dans le « nous » de Greta et Anna, ce n’est pas en raison de son âge (la chercheuse précise que cette fille a 11 ans). Greta souligne : « la Cheyenne est trop petite de taille (« nana » en italien, naine en français) et, en plus, « elle ressemble à Pinocchio » en raison de son nez ; puis Anna exclame : « Exact, une petite naine par rapport à toi ! » Même si selon Anna et Greta, ce sont deux garçons italiens de leur classe à porter le flambeau des plus petits en taille (« nani »), ce terme a été employé à plusieurs reprises pour désigner la « Cheyenne », qui n’est pas censée appartenir au « nous » d’Anna et Greta.

23Carlotta (bientôt 10 ans) a été interviewée par Alessandra Borin à Marocco di Mogliano Veneto en présence de son frère jumeau, Tommaso. À propos de leurs camarades de classe, Carlotta et Tommaso différencient les « embêtants qui ne connaissent pas de limites » (« rompi » en italien) de ceux qui sont « tranquilles » (« tranquilli » en italien). Carlotta inclut initialement deux garçons dans la liste de ceux qui ne sont pas « tranquilles », tandis que Tommaso ajoute Ana, fille jugée comme antipathique « bien qu’elle connaisse les limites et les règles dans les interactions ». Les jumeaux imitent la voix et les attitudes d’Ana en présence de la chercheuse. Il en ressort que si, pendant les cours, ils s’adressent à elle pour une raison quelconque, elle coupe court, en leur demandant de se taire avec sa voix nasale ou en s’adressant directement à l’institutrice. C’est seulement dans l’échange qui suit que Carlotta et Tommaso précisent qu’Ana est roumaine. Elle est arrivée en Italie depuis deux ans, « elle est grosse » et pèse 50 kilogrammes, bien qu’elle essaye de justifier son poids par ses muscles, au lieu de mettre l’accent sur les tissus adipeux que les autres lui attribuent. D’ailleurs, elle aurait aussi tendance à déranger le camarade assis derrière elle, alors que pour la même conduite, elle semble dénoncer Carlotta et Tommaso auprès de leur enseignante.

24Ainsi, les mêmes critères qu’Ana se donne pour intégrer le collectif de la classe, pour comprendre ce qui se dit et pour apprendre les cours de l’enseignante, deviennent des facteurs mobilisés pour l’exclure du groupe d’âge du « nous » de ses camarades, Camilla et Tommaso.

25Par ailleurs, même Maria, la mère de Camilla (11 ans), interviewée à Treviso par Alessandra Borin, en voulant rendre compte de négociations effectuées avec sa fille autour du vernis à ongle et des habits pour se rendre à l’école, a recours à une mise en comparaison avec une camarade philippine. Selon la mère de Camilla, sa fille qui est grande en taille, fait l’objet de plusieurs commentaires et appréciations en matière d’habillement de la part des enseignants, alors qu’une camarade habillée de la même manière, mais « dont on dirait qu’elle a 10 ans » (« puisqu’elle n’a pas eu ses règles »), donc un an de moins que sa fille, ne fait pas l’objet des mêmes formes de contrôle. La diversité d’attitude à son égard suscite des questions que Camilla formule ainsi à sa mère : « Mais pourquoi la K (la fille philippine) se maquille, se laque les ongles et les enseignants ne lui disent rien ? » L’explication de la mère de Camilla consiste à associer la nationalité philippine de cette camarade de sa fille avec le fait qu’elle est plus âgée que sa fille de 3 mois, tout en ayant l’apparence d’une fille de 10 ans : « Elle est petite, toute maigre », alors que Camilla, selon sa mère, fait beaucoup plus que son âge, certainement 15 ans. Maria voudrait donc éviter que sa fille provoque de l’intérêt sexuel autour d’elle. Dans cet entretien, c’est la mère de Camilla qui assigne sa camarade philippine à un âge postérieur à celui de sa fille, bien que cette « philippine » soit née 3 mois avant sa fille, la seule, selon elle, à pouvoir être véritablement exposée à toute forme de sexualisation.

26Il est difficile de statuer sur la manière dont ces camarades étrangers sont exclus du groupe d’âge du « nous ». Jusqu’à quel point ces écoliers italiens s’approprient-ils / elles des catégories parentales ou manifestent-ils tout simplement l’ordre social ambiant, selon la formulation de Lignier et Pagis (2012) ? En quoi, en revanche, des parents peuvent reprendre les catégories de leurs enfants pour négocier qu’ils se rendent à l’école avec des habits plus discrets, qui les fassent passer inaperçus aux yeux des adultes lesquels pourraient porter sur eux un regard bien plus sexué de celui qui pèse sur « la Philippine » ? Cet affichage décomplexé des catégories de perceptions employées à l’égard des élèves étrangers – que manifestent les jeunes interlocuteurs italiens ainsi qu’une partie de leurs parents −, est certes révélateur d’un « apprentissage collectif » de l’ordre social raciste (Eberhard, Rabaud, 2013 : 95). Toutefois, les propos de Maria permettent de voir comment les assignations d’âge et d’extériorité pesant sur la « Cheyenne » sont au service des principales inquiétudes d’une mère, souhaitant limiter la sexualisation du corps de sa fille. En revanche, la comparaison de sa fille Camilla avec l’élève philippine vise à présenter le style de celle-ci comme étant conforme et adéquat dans l’espace scolaire, ne suscitant pas de remarques particulières de la part des enseignants.

Conclusion

27En France, au début des années 2000, l’analyse émergeante et ambiguë des groupes d’âge chez les descendant‑e‑s de migrants a été écartée pour mieux clarifier les effets des hiérarchisations ethnico-raciales, pesant sur ces derniers, alors qu’aujourd’hui l’approche intersectionnelle défend l’articulation des construits sociaux. À l’affût du pouvoir d’agir sur soi et sur autrui que manifestent ces jeunes interlocuteurs, la lecture multidimensionnelle dans le cadre de la recherche CorAge a montré qu’au carrefour des choix enfantins se mettent en place des accommodements de taille. Ces derniers, chez les « enfants », tiennent compte des catégories de plusieurs adultes – les parents tout autant que des figures institutionnelles (scolaires, religieuses ou liées à l’intervention sociale) – agissant souvent par personne interposée. C’est le cas de multiples figures maternelles opérant tantôt dans le travail social (mère de Rachel et Yasmine) et inscrivant dans l’éducation de ses propres enfants l’évitement de l’assignation à la condition de « racaille », tantôt voulant faire écran aux catégorisations sexualisantes des enseignants qui pèsent sur sa fille, mais qui de fait les répercutent davantage en comparant sa fille Camilla avec une élève philippine. C’est également le cas de figures paternelles tantôt à la recherche d’une requalification par le réinvestissement de l’islam après le divorce, ce qui suppose des nouvelles injonctions pour ses filles ; tantôt voulant couper la socialisation de sa fille de tout lien avec la religion, bien que celle-ci soit intrinsèquement associée à sa propre perception de l’identité nationale de « ex-Yougoslave » vivant en Italie (père de Valentina).

28Aussi, l’exil politique d’Emin et le passé migratoire du côté du père de Simon alimentent une volonté de faire (réaliser un film, cuisiner) associée au grandir et qui vise à valoriser un lien politique et culturel avec des sociétés disqualifiées en France. En s’éprouvant sujets de leurs actes, ces « enfants » manifestent une autonomie néanmoins captive d’affichages qui leur semblent nécessaires. Directement ou indirectement impulsée par une imagination socialement structurée (récits familiaux migratoires, schémas disqualifiants à l’égard des enfants immigrés, catégories institutionnelles liées aux déviances associées aux périphéries urbaines), cette autonomie – à l’instar de celle manifestée par les interlocutrices canaques d’Armelle Testenoire (Cervulle, Kergoat, Testenoire, 2012 – est également due à des « conditions matérielles fournissant à l’action un cadre d’expérience » (Cervulle et al. 2012, ibid.) telles que la condition de demandeur d’asile, les rites de passage religieux, les espaces publics de construction du nous enfantin…

29Certes, dans le sillage de Saba Mahmood (2009), il s’agit de construire des analyses dépassant les failles d’un modèle féministe poststructuraliste qu’en rigidifiant la compréhension de la capacité d’agir, aurait empêché de penser le sujet hors de la dimension de l’émancipation. Ainsi, sans se réduire à la désobéissance ni à la résistance, la capacité d’agir s’exprime également dans des pratiques qui, au-delà du sujet politique émancipé, favorisent la reproduction sociale ou, à tout le moins, des situations ambivalentes (Cervulle et al. 2012, ibid.). C’est pourquoi, si l’agentivité de ces jeunes interlocuteurs déconstruit la notion de dressage enfantin qui imprègne encore des importantes théories au sein des relations interethniques (Juteau, 1999 notamment), elle montre néanmoins les écueils d’une continuité, plus ou moins dissimulée, avec les logiques parentales et institutionnelles. Ainsi il ne suffit pas de prendre en compte les modalités par lesquelles les « enfants » sont susceptibles d’interpeller leurs parents. Il importe de se demander quels sont les acteurs effectifs du grandir − dont les jeunes interlocuteurs doivent rester centraux − et que signifie agir au sein du grandir enfantin pour chacun des sujets concernés par ce processus individuel et collectif à la fois.

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Notes

1 Le terme d’ethnicisation désigne le processus par lequel l’appartenance ethnique, imputée ou revendiquée, devient une catégorie structurante des relations, actions et interactions, à côté et souvent au détriment d’autres catégories et modes d’appartenance (De Rudder et al., 2000). Cette forme de minorisation consistant à renvoyer constamment une personne « à son collectif de référence, son groupe […] qui est censé l’exprimer et auquel on l’identifie entièrement » (Bertheleu, 1997 : 129), est donc proche de la racisation. Toutefois celle-ci penche davantage du côté de (ce qui est représenté comme étant de l’ordre de) l’inné et de « la production de différences constitutives d’une altérité collective plus ou moins radicale » (De Rudder et al., 2000 : 32). Aussi, différentes approches théoriques et traditions politiques ont distingué ces deux processus, en fonction des rapports de pouvoir qu’ils traduisent et manifestent (Bolaffi, 2003), selon les modalités de prise en compte des différenciations culturelles (Barth, 1984) ou selon les conceptions de l’appartenance nationale et de la citoyenneté (Poiret, Hoffman, Audebert, 2011).

2 La configuration italienne des travaux dans le domaine des migrations et du racisme a conduit à aborder très vite la question de l’enfance sans limiter l’analyse des relations interculturelles à l’espace scolaire, même si c’est à partir de ce champ qu’émerge une partie des interrogations. Voir notamment Graziella Favaro (1997) ; Paola Tabet (1997) ; Nicoletta Diasio (2001) ; Franca Balsamo et al. (2002), avec un développement de travaux sur les mineurs dits « non-accompagnés » à partir des années 2000.

3 Il existe toutefois des exceptions dans quelques travaux féministes ayant, dès la seconde moitié des années 1970, pointé la présence de femmes ayant migré seules (Morokvasic, 2008), ce qui s’est prolongé au fil du temps dans différentes approches forgées dans le cadre d’un champ de recherche portant sur genre et migrations, comme le montre clairement le dossier thématique « Femmes, genre, migrations et mondialisation » des Cahiers du Cedref, n° 16, en 2008.

4 Mireille Eberhard et Aude Rabaud mettent en avant le caractère familial de l’expérience du racisme et des réponses que celle-ci suscite face aux formes d’injustice, subordination, humiliation et maltraitance qui lui sont associées. Que ce soit en termes de déni et dénégation, sous la modalité de la co-gestion familiale ou encore d’exercices du stigmate raciste à l’égard d’une partie des membres de la famille élargie, cet article montre la difficulté de distinguer les « matrices perceptives » construites à travers la famille ou par son biais et les consciences individuelles des jeunes adultes qui racontent leurs expériences enfantines (directes ou indirectes) du racisme. En d’autres termes, les dimensions perceptives et affectives des faits de racisme sont ici engluées dans la mémoire familiale et dans ses obstacles heuristiques, atténuant la prise en compte des postures individuelles.

5 En revanche, ces dernières années la littérature anglophone a connu de nombreuses publications mettant le focus sur une analyse de l’ethnicité enfantine au quotidien, au-delà des contextes institutionnels. Voir en particulier les dossiers thématiques de la revue Childhood, dirigés respectivement par Barrie Thorne (2004) puis par Véronique Pache Huber et Spyros Spyrou (2012) ainsi que le dossier thématique de la revue Children and Society dirigé par Virginie Morrow et Paul Connoly (2006).

6 Voir, entre autres, le travail mené au sein du GDR 1174 du CNRS (Migrations internationales et relations interethniques, dirigé par Véronique De Rudder) composé de chercheurs de différents laboratoires français entre la première moitié des années 90 et le début des années 2000.

7 Les travaux des raciologues, i.e. les spécialistes de l’étude des « races humaines » (Reynaud Paligot : 2006, p. 2), ont produit une biologisation de l’ancienne « typification empirique » des peuples. Voir notamment Colette Guillaumin (1972 ; 1977 ; 1992) ainsi que Pierre-Jean Simon (1993). L’émergence du terme ethnie parait remonter à l’ouvrage de Vacher de Lapouge (1888-89). Ce mot sera ensuite utilisé par Alfred Fouillé (1898) et par Félix Regnault (1920). Alors que ce dernier différencie l’ethnie suivant un critère linguistique de la race liée à un critère anatomique, Georges Montandon (1935) sera responsable de la popularisation du mot en question, en raison du titre de son ouvrage L’ethnie française et de sa revue homonyme financée par l’Institut Allemand de Paris, puis par le Commissaire aux questions juives pendant la période vichyste. Ainsi les travaux de ces anthropologues physiques et de ces bio-anthropologues sont marqués par des doctrines racistes où le mot ethnie « conserve l’idée de groupement ‘naturel’, même si les traits somatiques ne sont perçus que comme des traits parmi d’autres, et que la langue se substitue à l’hérédité biologique » (Simon, 1993 : 50).

8 Max Weber a été le premier à s’écarter radicalement de la vision essentialiste de l’appartenance ethnique. Selon Weber les groupes ethniques se caractérisent moins par des traits spécifiques (territoires, religion, langue et rites) que par une croyance partagée des origines communes.

9 Comme le souligne Elke Winter (2004 : 72), Max Weber (1971 : 423) débute son analyse des relations ethniques en proposant de « jeter par-dessus bord le concept général d’ethnie », toutefois, dans le passage de la langue allemande au français les traducteurs français ont préféré introduire le mot ethnie là où l’auteur employait l’adjectif substantivé d’ethnique.

10 Dans la même période, David Lepoutre (1997) a étudié la violence exercée par les collégiens descendants de migrants de la Cité des Quatre-Mille à La Courneuve, dans le cadre de ce qu’il nomme une « culture de rue ». La théâtralisation des bagarres dans l’espace public est au centre de la sociabilité masculine des 10-16 ans apprenant à faire face, tout en s’initiant à l’expérience « valorisée et valorisante » de la force physique et du courage.

11 Les prénoms de nos jeunes interlocuteurs sont tous anonymisés : nous leur avons donné la possibilité de choisir leurs pseudonymes.

12 Ce paradoxe réside dans le fait que l’ensemble des conditions qui assujettissent le sujet sont aussi le moyen par lequel le sujet lui-même acquiert une identité et une capacité d’agir. Dans le sillage foucauldien, Saba Mahamood (2009) a pointé ce paradoxe dans l’analyse des formes de subjectivation des prédicatrices et participantes d’un courant du renouveau islamique au Caire, dont elle montre que leurs qualités, loin d’être un présupposé préalable, sont le produit de formes d’oppression associant genre, corps et imaginaire politique.

13 Voir notamment http://fr.answers.yahoo.com/question/index?qid=20070118023438AA67h5F (consulté en septembre 2013).

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Pour citer cet article

Référence papier

Simona Tersigni, « Grandir au prisme de l’ethnicisation en France et en Italie »Revue des sciences sociales, 51 | 2014, 92-101.

Référence électronique

Simona Tersigni, « Grandir au prisme de l’ethnicisation en France et en Italie »Revue des sciences sociales [En ligne], 51 | 2014, mis en ligne le 30 avril 2019, consulté le 18 avril 2024. URL : http://journals.openedition.org/revss/3429 ; DOI : https://doi.org/10.4000/revss.3429

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Auteur

Simona Tersigni

Enseignant-chercheur en sociologie, Université de Paris-Ouest Nanterre (Sophiapol et UMR 7367 de l’Université de Strasbourg)

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