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La mosquée Muhammad al-Amîn à Beyrouth : mausolée involontaire de Rafic Hariri1

Muhammad al-Amin Mosque in Beirut: Rafik al-Hariri's unintended mausoleum
Franck Mermier
p. 177-196

Résumés

Les plans pour  la construction de la Mosquée Muhammad al-Amin remontent aux années 1950. Mais ce n’est qu’en octobre 2003 que Muhammad Qabbani, Mufti de la République libanaise ainsi que le premier ministre Rafik Hariri inaugurèrent le bâtiment. L’assassinat de Rafik Hariri, le 14 février 2005 a eu de considérables répercussions sur la scène politique libanaise avec, au premier chef, le retrait des forces armées syriennes du Liban. Aujourd’hui, Rafik Hariri repose dans la mosquée Muhammad al-Amin entouré des sept personnes tuées en même temps que lui.Notre article explore les origines du projet de cette mosquée et propose une analyse des dynamiques sociopolitiques et symboliques qui ont accompagné les phases successives de sa construction. Nous avons également interrogé les différentes perceptions suscitées par un projet architectural d’une telle ampleur.

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Mots-clés :

mosquée, Rafic Hariri

Keywords:

Rafic Hariri, mosque
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Texte intégral

  • 1  Je remercie chaleureusement pour leur aide : Rassem Badran, Waddah Charara, Nada Chalabi, Chawqi D (...)
  • 2  Voir, pour Casablanca, Cattedra, 2000 et, pour Mascate, Mermier, 2002.

1La mosquée Muhammad al-Amîn semble être un autre avatar de ce cercle de nouvelles grandes mosquées qui ont été érigées ou sont en voie de l’être, ces dernières années, d’un bout à l’autre du monde arabe sous l’effet apparent d’une surenchère irrésistible : la mosquée Hassan II de Casablanca, la mosquée du Sultan Qabous à Mascate, la mosquée cheikh Zayed à Abou Dhabi, la mosquée Ali Abdallah Saleh à Sanaa… Les logiques de légitimation qui conduisent à refaçonner le territoire urbain ou à réinventer le patrimoine2 paraissent se donner à lire de manière transparente. En se rattachant à ce cercle vertueux, la mosquée al-Amîn ne rajouterait qu’un maillon supplémentaire à cette chaîne de monuments du présent, qui découlerait d’un processus de patrimonialisation axé non pas sur la mise en valeur du passé mais sur l’établissement d’« une relation de fondamentale étrangeté avec ce temps révolu »(Poulot, 1998 : 10).  Si, la transformation de lieux en patrimoine peut voir s’articuler la production d’une identité urbaine liée à la centralité (Althabe, 1998 : 23), ce serait plutôt, dans les cas précédemment cités, avec les centres du pouvoir dont les signatures toponymiques tissent l’entrelacs d’une double sacralité, religieuse et politique, se renforçant l’une l’autre. Ce n’est cependant pas à ce registre que renvoie, au moins dans son intention première, l’édification de la mosquée Muhammad al-Amîn et ce, d’autant plus, que la centralité politique au Liban est loin d’être clairement identifiée. Il reste que ces nouvelles mosquées monumentales, y compris celle de Beyrouth, symbolisent tout autant, et dans une autre perspective, la disjonction de plus en plus grandissante entre l’État et la société urbaine, qui se manifeste notamment par un déficit de représentation et de participation dans les institutions édilitaires.

2Le paradoxe de cette mosquée serait que son édification a reformulé la structuration de l’espace urbain à travers une forme de territorialisation politique d’ordre communautaire qui, tout à la fois, subvertit et ajoute une nouvelle dimension au caractère extraverti du nouveau centre-ville de Beyrouth tel qu’il a été conçu par Rafic Hariri : soit la création d’un espace public à l’échelle régionale porteur notamment d’une urbanité de substitution pour ses visiteurs et ses investisseurs originaires des pays de la péninsule Arabique.

  • 3  Au nom du Prophète, Muhammad, a été accolé le qualificatif d’al-Amîn : fidèle, loyal.
  • 4  L’inauguration a eu lieu le 18 octobre 2008.

3Le 14 février 2005, Rafic Hariri, Premier ministre du gouvernement libanais, trouvait la mort dans un attentat. Deux jours plus tard, une foule imposante accompagnait sa dépouille mortelle jusqu’à sa dernière demeure, place des Martyrs dans le centre-ville de Beyrouth. Sa tombe, située aux abords de la mosquée Muhammad al-Amîn3 (fig. 1), transforma celle-ci en un mausolée bien involontaire si l’on en juge par l’opposition initiale de Rafic Hariri à son édification. Aujourd’hui, son nom est intimement associé à cet édifice religieux destiné à devenir la Grande mosquée de Beyrouth, son inauguration attendant une conjoncture politique favorable4.

Fig. 1. Vue générale de la mosquée Muhammad al-Amîn avec les tombeaux sous les tentes blanches

Fig. 1. Vue générale de la mosquée Muhammad al-Amîn avec les tombeaux sous les tentes blanches

Franck Mermier

4La guerre de l’été 2006 avait déjà repoussé l’ouverture officielle de la mosquée, la crise politique qui lui a succédé, avec notamment la montée des tensions inter-communautaires entre chiites et sunnites, a différé d’autant son ouverture. En décembre 2006, des militants de l’opposition ont commencé à camper sur la place Riyad al-Solh et sur la partie de la place des Martyrs laissée libre par les forces de sécurité. Celles-ci contrôlent sévèrement l’accès au périmètre situé devant la mosquée et les tombeaux pour permettre notamment aux délégations libanaises ou étrangères de venir rendre hommage à la mémoire de Rafic Hariri, rituel imposé symbolisant l’allégeance ou le soutien politique. Ainsi « consacrée » par cette double fonction religieuse et funéraire, cette portion de territoire urbain n’était cependant pas destinée à être réservée au sacré dans les plans initiaux de reconstruction du centre-ville.

  • 5  Société libanaise de développement et de reconstruction du centre-ville de Beyrouth.

5C’est l’autre paradoxe de cette réalisation architecturale qui s’est insinuée dans les plans de Solidere5, la société en charge de la reconstruction dirigée par Rafic Hariri, sous l’emprise des rivalités politiques inter-sunnites et qui a ainsi requalifié de manière radicale, mais aussi dramatique, la place des Martyrs et le centre-ville de Beyrouth.

6Cette mosquée, dont la gestation a duré une cinquantaine d’années, a été conçue pour être la plus grande mosquée de la ville et du pays. Sa symbolique architecturale et les perceptions contrastées qu’elle a suscitées doivent être interrogées en tant qu’elles éclairent la place qui lui a été dévolue dans le nouveau contexte urbain du centre-ville mais aussi par rapport au patrimoine musulman libanais. Mais l’histoire de la mosquée Muhammad al-Amîn est aussi celle du leadership sunnite libanais. Elle manifeste les jeux de rivalité et d’alliance qui caractérisent les relations entre ses différents représentants et institutions politiques et religieuses

7C’est donc à partir d’un essai de reconstitution historique que j’étayerai un propos qui vise à questionner les dimensions citadines et extra-urbaines de ces enjeux, la diversité et l’articulation des différents pouvoirs agissant sur l’espace urbain mais aussi à prendre en compte le surgissement de l’événement, en l’occurrence l’assassinat de Rafic Hariri, dans la redéfinition des représentations et du statut du lieu.

De la zawiyat Abi Nasr …

  • 6  La zâwiya est un édifice de dimension modeste qui comporte une mosquée où se réunissent les adepte (...)

8Sans entrer dans le détail des métamorphoses du centre-ville de Beyrouth ou seulement de la place des Martyrs, un temps appelée aussi place des Canons puis plus communément al-Bourj par les Beyrouthins jusqu’à l’ajout du nom de place de la Liberté durant les manifestations ayant suivi l’assassinat de Hariri, il faut cependant rappeler la grande concentration des édifices religieux dans ce périmètre de la ville : 10 églises appartenant aux différentes confessions chrétiennes, 5 mosquées auxquels s’ajoutent 2 zâwiya6 (Ibn ‘Arrâq et Ouzaï qui ne sont pas encore restaurées) et, tout récemment, la mosquée Muhammad al-Amîn. Tous les lieux de culte musulmans appartiennent à la communauté sunnite, il n’y a pas de lieu de culte chiite. Durant la phase dite de reconstruction, à partir de 1992, les lieux de culte ont été les premiers édifices à être restaurés, au détriment d’autres repères spatiaux du centre-ville, la société Solidere s’étant engagée à financer sur ses fonds propres 10 % du coût de leur restauration.

9La mosquée Muhammad al-Amîn a été construite sur une partie de l’emplacement qui était occupée par la zâwiya Abî al-Nasr, fondée en 1853 par le cheikh Muhammad Abû al-Nasr al-Yâfî. Ce terrain avait été donné par le sultan ottoman Abdül-Majid au cheikh de la confrérie al-Bakariyya al-khalwatiyya, le syndic des descendants du Prophète (naqîb al-ashrâf) Omar Abû al-Nasr al-Yâfî dont le nom avait été donné à une des portes de la ville située près de la place de la Tour (sâhat al-bourj) : bâb Abî-l-Nasr.

10Cette largesse du sultan venait rétablir l’équilibre confessionnel entre musulmans et chrétiens du fait qu’elle succédait au don de terrain qu’il venait de faire aux sœurs de la congrégation lazariste en remerciement de leur action médicale. Elles y construisirent un couvent qui devint par la suite l’immeuble Lazariyyé. La zâwiya servait de lieu de prière et abritait des séances de dhikr pour les disciples de la confrérie al-Sadîqiyya al-khalwatiyya dont Muhammad Abû al-Nasr al-Yâfî était le cheikh. Il avait réservé une partie de sa demeure pour les activités religieuses et il accueillit l’Emir algérien Abdelkader alors que celui-ci transitait par Beyrouth avant de se rendre à Damas en 1853 (Taha al-Wâlî, 1973 : 111 et Tabbâra, 1955 : 501).

11Le cheikh Muhammad Abû al-Nasr al-Yâfî fit aussi construire en bordure de la place de la Tour (sâhat al-burj) le souk Abi al-Nasr et un café qui deviendra le célèbre café des glaces (qahwat al-quzâz) (Fakhouri, 2003 : 258). La zâwiya Abû al-Nasr qui fit place à la mosquée Muhammad al-Amîn, détruite après le commencement de la guerre civile en 1975, était située en arrière de ce café des glaces et du souk Abî al-Nasr qui rassemblait essentiellement des épiceries appartenant aux familles sunnites Ghandour, Sinno, Merhi, Habbal et au waqf maronite (Gorra, 1972 : 108).

12Ces édifices jouxtèrent par la suite la cathédrale Saint-Georges des maronites. Celle-ci fut consacrée en 1894 après dix ans de travaux et suscita un émoi peut-être comparable à celui provoqué par la mosquée Muhammad al-Amîn. Elle prenait en effet le pas, par ses dimensions, sur tous les autres lieux de culte de la ville, chrétiens ou musulmans. Pour les Grecs-orthodoxes notamment, considérés avec les sunnites comme les citadins de Beyrouth par excellence, l’édification de la cathédrale fut ressentie comme une provocation.

  • 7  La fonction de Mufti de la République libanaise a été créée par le régime mandataire français en 1 (...)

13Il semble que le passage de la zâwiya Abî al-Nasr à la mosquée Muhammad al-Amîn se soit réalisé en 1933 sur un lot de la parcelle cadastrale 323 à partir de la mise en waqf familial au nom de la famille Abû al-Nasr. En 1948, le tribunal sunnite de Beyrouth décida de transférer la propriété de ce terrain à l’administration des waqfs. C’est d’ailleurs cette date qui est prise pour référence par la Dâr al-Fatwa7 pour attester sa tutelle sur cette mosquée.

… à la mosquée Muhammad al-Amîn 

  • 8  Discours du Mufti Muhammad Rachîd Qabbânî, An-Nahâr, 30/10/2001.

14Le projet de construction de la (grande) mosquée Muhammad al-Amîn remonterait au moins jusqu’aux années 1940. C’est en effet en 1945 que fut créé un comité de la mosquée Muhammad al-Amîn, celle-ci ayant été enregistrée comme bien waqf en 19488. Ce comité avait pour objectif de collecter des dons pour l’achat des parcelles de terrain nécessaires à l’édification de la mosquée. Les parts achetées auraient été enregistrées à l’administration des waqfs jusqu’en 1965. Le comité se transforma, cette année-là, en association officielle (association de la mosquée Muhammad al-Amîn) accréditée auprès du ministère de l’Intérieur libanais. Dès lors, l’association enregistra à son nom les parcelles de terrain qu’elle réussissait à acquérir. Le projet de la mosquée Muhammad al-Amîn visait à remplacer la mosquée al-‘Umari, la plus vieille mosquée de la ville, en tant que grande mosquée de Beyrouth.

  • 9  Entretien avec Muhammad al-Machnûq, Beyrouth, 03 mars 2006.

15L’association avait pour objectif d’acheter tous les lots des propriétaires privés de la parcelle où était prévue l’édification de la mosquée. Dans les années 1950, ses membres obtinrent de Boutros al-Khûrî, un grand commerçant chrétien, la cession gracieuse d’un terrain et du banquier juif Safrâ, la vente d’un autre, ce qui aurait incité d’autres propriétaires, notamment chrétiens, à lui vendre leurs lots9. Les deux parcelles concernées, 323 et 306, occupaient une surface de 1559 mètres carrés et leur propriété étaient répartie entre les familles Zantût, Al-Sahmarânî, Safrâ, al-Gharzûzî et al-Khûrî. L’association s’employa également à libérer la parcelle 323 des 18 commerces qui l’occupaient.

16Dans les années 1960, les comités des autres mosquées sunnites de la ville collectaient aussi des dons au bénéfice de ce projet qui était considéré comme une affaire islamique d’importance située à un niveau proche de celui de l’obligation de la zakât (impôt islamique) (Charâra, 1995). Les dons provenaient de toutes les classes de la population, les plus pauvres s’acquittant de quelques piastres pour cette œuvre pieuse, et émanaient même de commerçants chrétiens des souks.

  • 10  Président : le médecin Muhammad Khâlid. Vice-Président : le cheikh Adîb al-Suyûfî. Secrétaire : Ka (...)

17Cette association était présidée, avant le déclenchement de la guerre civile en 1975, par Muhammad Khâlid, son vice-président étant le cheikh Adîb al-Suyûfî et rassemblait, dans son conseil d’administration, des membres de l’élite citadine sunnite de Beyrouth10.

18L’autonomie dont jouissait l’association de la mosquée par rapport à l’administration des waqfs révèle bien la domination des figures politiques sur les institutions religieuses. Ainsi que l’écrivait Michael Johnson dans son étude sur le leadership sunnite à Beyrouth :

19« Il était non seulement prudent, pour un zaïm, d’être identifié aux organisations religieuses afin de promouvoir son statut en tant que notable mais il devenait de plus en plus nécessaire de séculariser de telles institutions pour limiter le pouvoir des prêtres et des ulémas » (Michael Johnson, 1986 : 110).

  • 11  Johnson, 1978. Sur l’histoire de l’association des Maqâsid de Beyrouth, voir Chbârû, 2000.

20L’institution majeure du Beyrouth sunnite était les Maqâsid dont le contrôle était tout à la fois une source de pouvoir et de rivalité entre ses différents représentants politiques11.

  • 12  En 1986, la gestion de ces « cellules sociales » fut transférée aux Maqâsid. Entretien avec Muhamm (...)

21Ainsi Abdallah al-Machnûq, élu député de Beyrouth en 1960 puis ministre de l’Intérieur et de l’Information sous le régime de Fouad Chehab (1958-1964), fut directeur général de l’association des Maqâsid puis membre de son conseil d’administration alors que Saeb Salam, plusieurs fois Premier ministre entre 1953 et 1973, fut président des Maqâsid de 1958 à 1982. Après la disparition de Muhammad Khâlid, décédé en 1981, Saeb Salam devint le président de l’association et Abdallah al-Machnûq en fut le vice-président. Ce dernier créa les cellules sociales (al-khalâyâ al-ijtimâ’iyya) qui étaient des centres communautaires composés d’une mosquée, d’une bibliothèque, d’une école, d’une salle de conférence et parfois d’une clinique. La première fut fondée en 1952 à Beyrouth et 17 autres furent construites dans tout le Liban. Ces cellules sociales s’adressaient aux sunnites les plus pauvres dans un but caritatif mais aussi éducatif, religieux ou professionnel12. Le projet des cellules sociales bénéficia de l’aide financière du régime saoudien tout comme l’association de la mosquée Muhammad al-Amîn.

  • 13  Les noms des donateurs et les montants de leurs dons ont été publiés dans un communiqué du comité (...)

22Parmi les principaux donateurs de cette dernière, on rencontrait ainsi le roi Faysal b. Abd al-Aziz b. Saoud qui fit un don d’un montant de 1 250 000 livres libanaises, le président Gamal Abd al-Nasser qui accorda 20 000 livres égyptiennes et le cheikh Sâlim al-Sabâh l’émir du Koweït13. La rivalité égypto-saoudienne, depuis la naissance du régime nassérien, s’étendait aussi à la captation des allégeances au sein du leadership sunnite libanais. Ainsi, Saëb Salam devint le leader principal de la communauté sunnite de Beyrouth par son allégeance déclarée au nassérisme. Durant la guerre civile de 1958, il joua un rôle actif contre le président Chamoun(Johnson, 1986 :75). Durant les années 1960 cependant, il se réconcilia avec ce dernier et fit alliance avec le régime saoudien qui subventionnait l’association des Maqâsid(Johnson, 1986 : 76 et 150).

23Ce projet de mosquée s’inscrivait ainsi dans la dynamique politique de Saeb Salam. Il reflétait de fait une volonté politique du leadership politique sunnite beyrouthin de s’affirmer tant sur les plans local que national et international, dans ses dimensions panarabe et panislamique, tout en jouant sur les rivalités des puissances arabes de l’époque. Et de même que les Maqâsid étaient associés à la notabilité sunnite de Beyrouth, les noms des familles sunnites parmi les plus puissantes de Beyrouth s’attachèrent à la zâwiya Abî al-Nasr puis à la mosquée Muhammad al-Amîn. Un des fondateurs des Maqâsid en 1878 était Badî’ al-Yâfî, fils du Mufti Muhyî al-Dîn Abû al-Nasr al-Yâfî. Un de ses descendants, Abdallâh Yâfî fut le principal rival de Saeb Salam pour le leadership de la communauté sunnite de Beyrouth et pour le poste de Premier ministre dans les années 1950 et 1960.

24Il reste qu’en dépit de ces collectes de dons, le projet ne se réalisa pas avant la guerre. Certains Beyrouthins se rappellent encore qu’à la veille de la guerre civile une pancarte se dressait à l’angle de la rue Emir Béchir et de la place des Martyrs pour signaler qu’ici serait construite la mosquée Muhammad al-Amîn.

L’association de la mosquée, les Ahbâch et la Dâr al-Fatwa

  • 14  An-Nahâr, 30/10/2001.
  • 15  An-Nahâr, 12/04/2001
  • 16  Voir Al-Mustaqbal, 04 octobre 2003, p. 4. Voir aussi l’ouvrage Lubnân fî ‘ahd al-ra’is Rafiq al-Ha (...)

25Il semble qu’en 1998 le mufti de la république libanaise, Muhammad Qabbânî, prit la décision d’entreprendre la construction de la mosquée. Il lança officiellement le projet le 29 octobre 2001 lors d’un discours qu’il prononça à Dâr al-Fatwa devant un parterre de personnalités sunnites et l’ambassadeur saoudien14. En avril de la même année, la Dar al-Fatwa remettait un chèque de 442 500 $ à la société Solidere en paiement d’une deuxième tranche pour l’achat d’un terrain destiné à agrandir le périmètre de la future mosquée15. Mais ce n’est que le 3 octobre 2003, que le chantier fut finalement inauguré par le mufti et le Premier ministre Rafic Hariri16.

  • 17  La Dâr al-Fatwa prit possession en octobre 2002 des biens fonciers et des fonds bancaires de l’Ass (...)
  • 18  Al-Nashrat al-dawriyya li-mirsad al-jam’iyyât al-ahliyya fî Lubnân (Bulletin pour l’observation de (...)
  • 19  Ibid.
  • 20  Al-Mustaqbal, 11/10/2002.
  • 21  An-Nahâr, 31/10.2002.

26Cette inauguration avait été précédée de la dissolution par décret officiel de l’association de la mosquée Muhammad al-Amîn le 30 août 2002 et du transfert de ses biens à l’administration des waqfs17. Depuis le début des années 1990, l’association était présidée par Muhammad Hassûna et comptait dans son directoire Kamâl al-Tawîl, Sâlih al-Habbâl et Misbâh al-Zayyât, tous issus de familles commerçantes sunnites de Beyrouth. L’association avait recommencé à procéder à des collectes pour la construction de la mosquée. Elle avait érigé une tente qui symbolisait son emprise sur le lieu et servait à abriter le rituel de la prière du vendredi dirigée par le cheikh Khâlid Othmân, proclamé orateur de la mosquée (khatîb). L’association avait refusé d’enregistrer la parcelle auprès de la société Solidere qui prévoyait d’ériger, à cet emplacement, des locaux commerciaux, arguant du fait qu’il s’agissait d’un bien waqf et que « la loi ne permet pas de le vendre, de le céder gratuitement ou de l’échanger »18. Le cheikh Khalid Othmân prétendit même que la parcelle 323 avait été enregistrée au nom de Solidere et que l’ancien président de l’association, Saeb Salam, avait dû la récupérer par la force tandis qu’un autre terrain (lot 306) appartenant à l’association n’avait pu être repris à Solidere19 ! Dès la publication de l’arrêté du Conseil des ministres relatif à cette dissolution, des dizaines d’associations et d’institutions musulmanes beyrouthines publièrent des communiqués de soutien à cette décision tandis que les représentants de 35 d’entre elles se réunissaient à la Dâr al-Fatwa en signe de solidarité20. Un des membres fondateurs de l’association en 1945, Kamâl Abd al-Qâdir al-Tawîl adressa, lui, une lettre au Mufti pour protester à nouveau contre la dissolution et demander la tenue d’un débat contradictoire au Dâr al-Fatwa en présence des représentants de la communauté sunnite21.

  • 22  Décision du Conseil d’État, n°721/2003-2004, 24/06/2004.
  • 23  Muntadâ Sawt, 19/07/2002
  • 24  An-Nahâr, 07/09/2002.

27 L’un des motifs avancés par la Dâr al-fatwa pour la dissolution de l’association était que celle-ci « sème l’esprit de division et menace la stabilité de la société islamique de Beyrouth »22. Rafic Hariri déclara, peu avant la dissolution de l’association, qu’ « il était devenu clair qu’un groupe s’était introduit dans le projet de construction de la mosquée à des fins politiques »23. L’un des principaux opposants à cette politique de reprise en main de la part des autorités officielles sunnites, fut le cheikh Khâlid Othmân qui lança le mouvement Courant de défense de la mosquée Muhammad al-Amîn et des droits des habitants de Beyrouth (tayyâr al-difâ’ ‘an jâmi’ Muhammad al-Amîn wa huqûq ahl Bayrût) le 6 septembre 2002 lors du prêche du vendredi devant plusieurs centaines de fidèles réunis à l’emplacement de l’oratoire édifié sur le lieu de la future mosquée24.

  • 25  Ils auraient aussi fait partie de l’association pour la préservation du Coran (Jam’iyyat li-l-muhâ (...)
  • 26  Al-Ahbâch signifie Ethiopiens en arabe et réfère au cheikh Abdallah al-Harari, surnommé al-Habachî (...)
  • 27  Comme dans l’article de Hamzeh et Dekmejian, 1996.

28De fait, le cheikh Khâlid Othmân et deux frères de la famille Habbâl25, appartenant à l’association de la mosquée, étaient alors membres de l’Association des projets de bienfaisance islamique, connu aussi sous le nom de Ahbâch26. Ce mouvement politico-religieux était soutenu, à cette époque, par le régime syrien et affrontait tout à la fois les représentants de l’islam sunnite officielle comme Dâr al-Fatwa ou les partis islamistes sunnites comme celui des Jamâ’at islâmiyya, proche des Frères musulmans. Les Ahbâch dirigeaient aussi leurs critiques envers Rafic Hariri en raison notamment de ses liens avec les dirigeants wahhabites d’Arabie Saoudite. Bien que ce mouvement ait été présenté, parfois favorablement27, comme rattaché à la tradition de la confrérie soufie des Rifâ’iyya, il exprimait aussi son hostilité aux représentants des confréries soufies (Böttcher, 2002 : 60).

  • 28  Les services de renseignements syriens au Liban furent dirigés par Ghazi Kanaan de 1982 à 2002 pui (...)
  • 29  Entretien avec Waddah Charara, Beyrouth, 07/02/2007.

29La prise de contrôle de l’association de la mosquée par les Ahbâch peut apparaître comme résultant de menées extérieures représentées par l’immixtion des services de renseignement syriens. Il fallut l’accord de leur chef au Liban28 pour que la procédure juridique de dissolution de l’association de la mosquée soit menée à son terme. Il n’en reste pas moins que les protagonistes de l’affaire, qu’ils soient ou non Ahbâch, appartiennent tous à de vieilles familles citadines dont certains de leurs membres s’étaient spécialisés dans le commerce d’alimentation comme les familles Tawil et Habbal, le milieu des commerçants sunnites liés au port de Beyrouth ayant longtemps constitué une pépinière de forces rivales pour la gestion des Maqâsid et de Dâr al-Fatwa29.

  • 30  Quatre militants du groupe islamiste-jihadiste de ‘Usbat al-Ansâr ont été condamnés à mort pour ce (...)
  • 31  Voir l’enquête de Hanâ’ Dandan, « Sirâ’ ‘alâ masâjid Bayrût » (La lutte pour le contrôle des mosqu (...)
  • 32  Entretien avec Waddah Charara, Beyrouth, 07/02/2007.

30Cette mainmise sur l’association par les Ahbâch faisait converger plusieurs sources d’opposition au leadership de Rafic Hariri et du Mufti sur la communauté sunnite. Elle s’inscrivait notamment dans une stratégie des Ahbâch pour faire élire leur dirigeant, Nizâr al-Halabî, à la fonction de Mufti avant qu’il ne soit assassiné en 199530. C’est aussi dans ce but que les Ahbâch, à l’instar des Jamâ’ât islâmiyya, s’efforcèrent et réussirent à s’emparer de plusieurs mosquées, notamment à Beyrouth, en recourant à la force31 alors que la Dâr al-Fatwa tentait de reprendre le contrôle de toutes les mosquées. En septembre 1993, le Mufti avait même dû appeler l’État  à l’aide contre ces organisations accusées de recevoir un appui étranger et de vouloir « diviser le peuple comme en Algérie et en Égypte »(Harris, 1997 : 306). L’action des Ahbâch était ainsi tolérée, sinon encouragée, par le régime syrien qui alimentait les rivalités entre les différents leaderships sunnites, soutenant les Ahbâch contre Dâr al-Fatwa et Hariri tout en appuyant l’élection du mufti Muhammad Qabbânî, après l’avoir mis à l’épreuve plusieurs années suite à l’assassinat de Hassan Khâlid en 198932.

  • 33  Sur cette question, voir Skovgaard-Petersen, 1998 : 74-77 et Manâr al-Hudâ (octobre, novembre et d (...)
  • 34 Manâr al-Hudâ, n° 76, 1999.
  • 35  La littérature sur cette question est vaste. Voir notamment Beyhum, 1990 ; la série d’ouvrages réd (...)
  • 36  En juin 2006, il changea son nom en Union du Beyrouth de la dignité (ittihâd Bayrût al-karâma) tou (...)
  • 37  Voir May ‘Abûd Abî ‘Aql, Wast Bayrût bayna al-iktichafât wa-l-jarrâfât (Le centre de Beyrouth, ent (...)

31Enfin, les Ahbâch jouèrent sur une corde sensible en lançant une campagne pour la préservation du patrimoine islamique de Beyrouth. La revue de l’Association des projets de bienfaisance islamique, Manâr al-Hudâ, publia, dès son lancement en 1992, des articles sur les sites historiques de la ville de Beyrouth. Elle entreprit une campagne pour dénoncer la vente de terrains waqfs et notamment de cimetières musulmans du centre-ville à la société Solidere33. Cette dernière était accusée de vouloir transformer le terrain de la mosquée Muhammad al-Amîn en jardin public et de détruire les biens waqfs pour les transformer « en simples numéros dont disposeraient des investisseurs de différentes origines, venant de pays proches, lointains, voire ennemis, dans les bourses locales et étrangères »34. Cette campagne relayait ainsi le ressentiment de nombreux Beyrouthins vis-à-vis de la politique de « reconstruction » de Hariri perçue comme une entreprise de destruction et de spoliation35. Le nom du mouvement lancé par le cheikh Khâlid Othmân fait d’ailleurs référence aux « droits des habitants de Beyrouth » dans son intitulé (tayyâr al-difâ’ ‘an jâmi’ Muhammad al-Amîn wa huqûq ahl Bayrût)36. Par ailleurs, de nombreuses critiques, relayées notamment par le journal An-Nahar, s’étaient élevées contre la manière dont s’étaient déroulées les fouilles archéologiques du centre-ville devenu un immense chantier archéologique entre 1993 et 199937.

32L’opposition des Ahbâch à Rafic Hariri et au Mufti, ceux-ci étant accusés de faire obstacle à l’édification de la mosquée Muhammad al-Amîn, avait adopté, dans le cadre beyrouthin, une tactique faisant confluer la défense du patrimoine islamique et de l’Islam. La mosquée devenait de fait l’objet de toutes les surenchères comme le révèle l’irruption du prince saoudien, Walid Ben Talal, dans ce projet.

33La rivalité entre Rafic Hariri et le prince saoudien Walid Ben Talal semble avoir été déterminante pour la réalisation du projet. Ce dernier bénéficie de la double nationalité, saoudienne et libanaise, son grand-père maternel étant Riad El-Solh, un des pères de l’Indépendance libanaise. Les médias libanais prêtèrent au prince saoudien des ambitions politiques au Liban et bruissèrent des rumeurs concernant sa candidature potentielle au poste de Premier ministre du Liban en 2002. Ses critiques envers la politique économique de Hariri, ses investissements au Liban avec notamment la construction de l’hôtel Mövenpick inauguré en juillet 2002 en présence du Président Lahoud, le soutien à ce dernier pour la reconduction de son mandat jugée anticonstitutionnelle, l’achat d’actions dans les principaux quotidiens du pays et la création d’une fondation caritative, semblaient préparer un destin politique au Liban(Khan, 2005 : 335-340).

  • 38  An-Nahâr, 09/08/2002.

34En mars 2002, il remit un chèque de 2 millions de dollars au Mufti de la République libanaise, Muhammad Rachîd Qabbânî, pour l’achat du lot 1488 afin d’élargir le périmètre de la mosquée Muhammad al-Amîn. L’administration des waqfs remit la somme un mois plus tard à la Société Solidere en contrepartie de son acquisition du lot mentionné. L’association de la mosquée Muhammad al-Amîn, présidée par Muhammad Hasûna, adressa une lettre à Walid Ben Talal, le jour où le décret de dissolution était examiné en conseil des ministres en août 2002, pour lui faire part de la « guerre » qu’aurait déclenché Rafic Hariri contre l’association et de la « rancœur » qu’il aurait éprouvée suite au don du prince saoudien38. Rafic Hariri écarta son concurrent et fit un pas décisif en prenant l’engagement de construire la mosquée aux frais de la Fondation Hariri. Il fit ainsi don de 20 millions de dollars pour l’édification d’un lieu de culte qui allait bouleverser le plan d’aménagement de la place des Martyrs.

La mosquée et la place des Martyrs

35Après la fin de la guerre (1990), les différents plans directeurs proposés pour la « reconstruction » du centre-ville, le dernier ayant été adopté en 1994, ne prévoyaient en rien l’édification d’un lieu de culte sur l’emplacement de l’actuelle mosquée Muhammad al-Amîn. A sa place, des locaux commerciaux étaient prévus sans que, pour autant, le souk Abî-l-Nasr eut été programmé pour renaître de ses cendres !

36L’absence de la mosquée dans les projets initiaux de Solidere est d’autant plus surprenante qu’elle est aujourd’hui le monument le plus important du centre-ville de Beyrouth. Un dessin, publié dans un ouvrage paru en 1966(al-Hût, 1966) (fig. 2), projetait déjà une vision monumentale, aux dimensions et au volume imposants. Cette représentation n’est en rien anecdotique car elle renvoie à la fonction dévolue à cette mosquée. Elle était certes destinée à devenir la Grande Mosquée de Beyrouth mais aussi celle du Liban en rattachant ce pays sur la carte de l’Islam sunnite par un repère monumental qui le relierait à la chaîne urbaine des symboles sunnites : la mosquée omeyyade de Damas, la mosquée al-Azhar du Caire, la mosquée de Kairouan…

37Fig. 2 Projet publié dans ‘Abd al-Rahmân al-Hût Al-Jawâmi’ wa-al-masâjid al-charîfa fî Bayrût, 1966

  • 39  Voir l’étude de Bonne, 1995.

38L’association progressive et tardive de la mosquée Muhammad al-Amîn à la personne de Rafic Hariri s’est établie parallèlement à l’instauration de son leadership hégémonique sur la communauté sunnite que son succès aux élections législatives de 2000 vint couronner. Si l’ex-Premier ministre libanais a longtemps été défavorable à la construction d’une mosquée d’une telle ampleur, jouxtant et dominant la cathédrale maronite, la nature même de son leadership, fondé sur le patronage (et donc le mécénat)39, suscitait un jeu d’interdépendance avec les personnes et les institutions dont il entendait gagner l’allégeance. C’est ainsi que sa relation avec le Mufti et Dâr al-Fatwa n’était pas à sens unique. Elle impliquait une part d’autonomie dans la gestion du champ religieux sunnite même si la réforme de 1996 préparée par des conseillers de Hariri aurait fait de ce dernier le « grand-électeur » du mufti de la république (Rougier, 2004 :118).

  • 40  Entretien avec Rasem Badran, Amman, 30/04/2006.

39C’est en effet le mufti qui décida, en dernier lieu, du choix du projet architectural sur les trois présentés. Celui du célèbre architecte jordanien Rasem Badran qui avait été sélectionné par la société Oger de Rafic Hariri pour l’aménagement du front de mer de Saïda, était le plus ambitieux en termes d’intégration urbaine et le moins imposant en termes de dimension et de volume(Steel, 2005 : 118-121).Rasem Badran désirait, selon ses propres termes, traduire l’égalité des religions au centre-ville, établir un dialogue entre elles et intégrer l’environnement immédiat constitué du « jardin de la paix » et des ruines archéologiques. Il souhaitait que son architecture fasse s’imbriquer les fonctions sociales et spirituelles de la mosquée et de la cathédrale maronite adjacente40. Le mufti a refusé ce projet en l’assimilant ironiquement à une mosquée du quartier beyrouthin de Basta Tahta dont les dimensions modestes figurent un contre-modèle face à l’exemplarité de la mosquée Muhammad Ali du Caire à l’aspect monumental affirmé et qu’il connaissait de visu depuis ses études à Al-Azhar. Le deuxième projet inspiré de l’architecture mamelouk, celui de l’architecte égyptien Sâlih Lam’î, ancien doyen de l’université arabe de Beyrouth, fut lui aussi écarté.

  • 41  Elle abritera un petit musée pour exposer les objets archéologiques trouvés sur le site durant la (...)

40Le projet retenu est celui de Azmî Fakhoury, un architecte de la société Oger-Liban (principale compagnie de Rafic Hariri). Il n’est pas sans rappeler la mosquée Bahâ al-Dîn al-Harîrî de Saïda, inaugurée le 24 mars 2005, et dont Sâlih Lam’î et Azmî Fakhoury ont été les architectes. La mosquée Muhammad al-Amîn mêle des éléments de style mamelouk (à l’intérieur) et ottoman (à l’extérieur). La mosquée Muhammad al-Amîn occupe une superficie de 10 381 mètres carrés et a été prévue pour accueillir 7 000 orants, 4 200 hommes au rez-de-chaussée, 1200 autres à l’étage inférieur en cas de nécessité et 850 femmes à l’étage supérieur41. Elle dispose de trois coupoles et de quatre minarets. A l’instigation de certains responsables de Solidere et d’un conseiller de Rafic Hariri, leur hauteur fut rabaissée de 10 mètres tandis que celle des coupoles le fut de 14 mètres afin de satisfaire aux revendications chrétiennes, l’alignement de la mosquée par rapport à la cathédrale étant conservé. Il n’en reste pas moins que la mosquée surplombe la cathédrale maronite d’un mètre.

  • 42  Voir le très beau livre de Tuéni et Sassine,  2000.

41La construction de la mosquée a pu raviver un temps la discorde confessionnelle, elle a surtout transgressé une règle non écrite de l’urbanisme beyrouthin qui empêchait les édifices religieux d’empiéter sur la place des Martyrs. Celle-ci était, avant la guerre de 1975, un espace public fortement fréquenté où la fonction religieuse était exclue. Elle était la principale porte de la ville avec ses cafés, ses hôtels, ses négoces, ses stations de taxi et de bus, lieu de passage et de mixité confessionnelle42. Le caractère imposant de cette nouvelle mosquée a non seulement rompu avec la discrétion des autres lieux de culte, à l’exception relative de la cathédrale maronite, mais elle a aussi modifié le plan d’aménagement de la place qu’il a fallu adapter à la taille du bâtiment et à sa hauteur.

  • 43  Entretiens avec Fadi Jammali, Beyrouth, Solidere, 24/03/2006 et 11/12/2006.

42En 2005, durant la compétition internationale pour l’aménagement de la place des Martyrs pour laquelle 120 candidats ont présenté des projets, l’assassinat de Rafic Hariri et le choix de l’enterrer aux abords de la mosquée entraînèrent de nouvelles perturbations dans le plan directeur. L’équipe d’architecte et de paysagistes grecs, lauréate du concours, fut ainsi obligée de repenser avec Solidere le projet d’aménagement initial. Le terrain où sont aujourd’hui situés les tombeaux de Rafic Hariri et de ses sept gardes du corps était destiné à accueillir un immeuble. L’espace funéraire a ainsi créé un vide et accentué l’hétérogénéité urbaine de la place43. En janvier 2006, un nouveau plan directeur a été adopté pour tenter de remédier à ces déséquilibres (élévation des bâtiments revue à la hausse côté est, déplacement de la statue des Martyrs en fonction du futur tombeau, arcades pour marquer la place, passage piétonnier côté est…).

43Le nouveau centre-ville de Beyrouth, tel qu’il était conçu par Solidere, excluait comme une incongruité contre-productive, l’édification d’une nouvelle mosquée d’une taille aussi imposante. Il était destiné dans l’esprit de son concepteur principal Rafic Hariri, à être un espace public extraverti, un lieu de divertissement, de consommation et d’investissements tourné vers les pays du Golfe, en bref un espace profane excluant l’irruption du sacré. Celui-ci est d’autant plus envahissant aujourd’hui qu’il se décline sur les registres du religieux, de la nation et de la mort et qu’il enveloppe et mêle ses différents supports spatiaux que sont la mosquée, les tombeaux et la place des Martyrs.

Une mosquée devenue mausolée

44Le statut de cette mosquée aurait-elle changé du fait de l’événement et de la proximité de la tombe de Hariri ? Perçue par beaucoup, et pas seulement par des chrétiens, comme étant la mosquée de la discorde, jâmi’ al-fitna, est-elle devenue aujourd’hui celle de la concorde et de l’unité nationale (le lieu d’un pèlerinage national : mazâr al-watan) ? Les polémiques suscitées par le projet architectural de cette mosquée sont-elles définitivement enterrées en raison de l’aura symbolique qu’elle a récemment acquise ?

45Le 14 février 2005, Rafic Hariri trouvait la mort dans un attentat qui allait donner le signal de profonds bouleversements politiques au pays du Cèdre avec, en point d’orgue, le retrait des troupes syriennes du Liban. Il est aujourd’hui enterré, à l’ombre de la mosquée Muhammad al-Amîn. Sur cette place des Martyrs, reconfigurée par l’œuvre de « reconstruction » du centre-ville réalisée par l’ex-Premier ministre, la mosquée se dresse aujourd’hui comme un mausolée involontaire.

Fig. 3.Tombe de Rafic Hariri, photo prise en 2007

Fig. 3.Tombe de Rafic Hariri, photo prise en 2007

Franck Mermier

46De tout le pays, des centaines de milliers de Libanais sont venus rendre un dernier hommage à leur ex-Premier ministre devenu le symbole d’un Liban réconcilié aspirant à une souveraineté pleine et entière. Les chaînes de télévision libanaises acquises à l’opposition d’alors, qui sont parmi les plus regardées, Future TV et la LBC, retransmirent en direct les manifestations et les rassemblements de la place des Martyrs qui réclamaient la vérité sur son assassinat et le retrait de l’armée syrienne

Fig. 4. Manifestation sur la place des Martyrs, 14 mars 2005

Fig. 4. Manifestation sur la place des Martyrs, 14 mars 2005

Franck Mermier

47Elles insistèrent sur les prières communes qui rassemblaient chrétiens et musulmans face au tombeau du nouveau martyr de l’indépendance. Le signe de croix et la prière musulmane se déroulant en simultané, passant en boucle sur les écrans, reproduits dans les pages des quotidiens libanais An-Nahar et Al-Mustaqbal (journal appartenant à Hariri), ont semblé symboliser un nouveau pacte national. Celui-ci était censé sortir définitivement le pays de la guerre après 15 ans d’une paix sous occupation.

48Avant l’assassinat de Hariri, nombre de Beyrouthins se plaignaient que l’espace sonore du centre-ville était saturé par la concurrence entre la cloche des églises et l’appel du muezzin comme si chacun se devait d’affirmer sa présence en ce lieu. Symbole d’un Liban reconstruit et d’une paix retrouvée, le centre-ville est aussi un espace où la coexistence et les conflits confessionnels se manifestent de manière hautement symbolique du fait de la proximité des lieux de culte des différentes confessions. En 2000, les travaux de restauration et d’extension de la mosquée ‘Umarî, construite à l’emplacement de l’église Saint-Jean des Croisés (1110), avaient suscité de nombreuses protestations, notamment dans les pages du quotidien An-Nahâr. De nombreuses critiques, émanant souvent des milieux chrétiens mais pas seulement, se sont aussi portées contre l’architecture de la mosquée Muhammad al-Amîn qui écrase de son volume la cathédrale maronite adjacente sans prévoir de jonctions spatiales et symboliques avec elle. La mort tragique de Rafic Hariri a fait taire les critiques sur la symbolique architecturale de la mosquée qui semblait vouloir signifier une domination sunnite sur le centre-ville, voire la ville toute entière. En voici une trace dans ce commentaire optimiste écrit après le retrait syrien du Liban (avril 2005) :

  • 44  Ibrahim Najjar « Pour une troisième république », Tribune libre, supplément du n°294 du 20 mai 200 (...)
  • 45  France Culture, 5 avril 2005.

49 « C’est le 14 mars 2005 que la longue guerre du Liban s’est achevée. Place des martyrs, le peuple libanais unanime a redécouvert, avec sa jeunesse, ses idéaux de liberté. Les Libanais se sont unis autour des principes fondateurs du pays. Dépassant les clivages tenaces, les jeunes du Liban ont entraîné la population insoumise, faisant une fête historique à la dignité retrouvée. Toutes les communautés, par-delà toutes leurs spécificités respectives ont su clamer ce que Taëf n’avait pas réussi à instaurer. La mosquée Al Amine devint, soudain, plus belle, plus amicale et moins provocante qu’auparavant, pour toutes les religions de cette nation ; les slogans furent entonnés avec un réel partage, de bonheur et de libération. L’assassinat du président Hariri fut ainsi le catalyseur de la refondation du Liban d’après Taëf »44. Le journaliste et historien Samir Kassir allait dans le même sens, moins de deux mois avant son assassinat (le 2 juin 2005), lorsqu’il déclarait au cours d’un débat radiodiffusé que « Après sa mort, cette mosquée a joué un rôle contraire à celui dont on craignait qu’elle soit investie puisqu’elle a rassemblé les Libanais de toutes les confessions »45.

  • 46  Selon les mots de Ahmad Beydoun, entretien, Beyrouth, 09/05/2005.
  • 47  Voir l’article du Père Michel Saba’, « Al-Darîh al-nâtiq » (Le tombeau qui parle), Al-Mustaqbal, 1 (...)
  • 48  Né à Saïda dans une famille de condition modeste,  Rafic Hariri, détenteur d’un diplôme de comptab (...)

50L’assimilation des deux monuments, funéraire et religieux, a sinon transformé totalement la perception de la mosquée, du moins désamorcé quelque peu sa charge symbolique initiale comme si « le tombeau avait annexé la mosquée »46. En l’annexant, il a neutralisé, là aussi partiellement, son caractère agressif vis-à-vis de son environnement chrétien. Il a aussi consacré, dans le sang47, le lien entre Beyrouth et Rafic Hariri, la mosquée étant parfois appelée mosquée Hariri, tandis que celle de Saïda, qui porte le nom de son père et voisine son tombeau, marque l’origine familiale des Hariri dans cette ville. Dans les deux cas, la filiation au lieu est signée par un monument extraverti, aux références patrimoniales multiples, qui n’est pas sans traduire la singularité du leadership politique de Hariri et le caractère composite de ses ancrages urbains48. Et le dévoilement, le 14 février 2008, de la statue de Rafic Hariri sur le lieu de son assassinat, face à l’hôtel Saint-Georges, pour commémorer le troisième anniversaire de son décès et à l’occasion d’une manifestation des forces du 14 mars, marque d’un nouveau repère cette identification politique, en dissociant cependant cette représentation figurative du leader politique de l’espace religieux auquel il est associé.

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Notes

1  Je remercie chaleureusement pour leur aide : Rassem Badran, Waddah Charara, Nada Chalabi, Chawqi Douaihy, Fadi Jammali, Farès Sassine, Ridwan al-Sayyed, Amira Solh, Mohammed Machnouq, Mohammed Noukari, Bachchar Qouatly, Elsa Zakhia. Je reste seul responsable des erreurs éventuelles et des interprétations contenues dans ce texte.

2  Voir, pour Casablanca, Cattedra, 2000 et, pour Mascate, Mermier, 2002.

3  Au nom du Prophète, Muhammad, a été accolé le qualificatif d’al-Amîn : fidèle, loyal.

4  L’inauguration a eu lieu le 18 octobre 2008.

5  Société libanaise de développement et de reconstruction du centre-ville de Beyrouth.

6  La zâwiya est un édifice de dimension modeste qui comporte une mosquée où se réunissent les adeptes d’un cheikh de confrérie pour accomplir le rituel de la prière et des séances de dhikr. Un enseignement religieux y est dispensé. Il peut aussi servir de refuge pour les voyageurs et les indigents.

7  La fonction de Mufti de la République libanaise a été créée par le régime mandataire français en 1931. La Dâr al-Fatwa désigne le siège beyrouthin de l’administration du Mufti, construit après l’Indépendance du Liban (1943). Elle réunit les services religieux, éducatifs et l’administration des waqfs de la communauté sunnite.

8  Discours du Mufti Muhammad Rachîd Qabbânî, An-Nahâr, 30/10/2001.

9  Entretien avec Muhammad al-Machnûq, Beyrouth, 03 mars 2006.

10  Président : le médecin Muhammad Khâlid. Vice-Président : le cheikh Adîb al-Suyûfî. Secrétaire : Kamâl Abd al-Qâdir al-Tawîl. Trésorier : al-haj Muhammad Khâlid Hassûna. Comptable : al-Hâj Nozâr ‘Îdû. Membres : al-hâj Muhammad al-Iskandarânî, al-hâj Ahmad al-Sîdâni, al-hâj Bakrî Mehyû, al-hâj Umar Mehyû, al-hâj Sâbir Fathallah, al-hâjj Râshid Munaymané, al-hâj Ahmad al-Khatîb, al-hâj Muhammad Khayr Batayyif, Jamîl Saqr, Nizâr Ali Hassan, Ahmad al-Rawâs, Hasan al-Saghîr. Voir Muhammad Taha al-Wâlî, Târîkh al-masâjid…, op. cit., p. 112.

11  Johnson, 1978. Sur l’histoire de l’association des Maqâsid de Beyrouth, voir Chbârû, 2000.

12  En 1986, la gestion de ces « cellules sociales » fut transférée aux Maqâsid. Entretien avec Muhammad al-Machnûq, Beyrouth, 03 mars 2006.

13  Les noms des donateurs et les montants de leurs dons ont été publiés dans un communiqué du comité de la mosquée Muhammad al-Amîn en 1966. Voir Taha al-Wâlî, 1973 :112.

14  An-Nahâr, 30/10/2001.

15  An-Nahâr, 12/04/2001

16  Voir Al-Mustaqbal, 04 octobre 2003, p. 4. Voir aussi l’ouvrage Lubnân fî ‘ahd al-ra’is Rafiq al-Hariri (Le Liban sous le régime du président Rafic Hariri) qui évoque la pose de la première pierre en novembre 2002.

17  La Dâr al-Fatwa prit possession en octobre 2002 des biens fonciers et des fonds bancaires de l’Association qui s’élevaient à 81 059 dollars dont 13 pièces d’or d’une valeur de 1 059 dollars (As-Safîr, 28/10/2002).

18  Al-Nashrat al-dawriyya li-mirsad al-jam’iyyât al-ahliyya fî Lubnân (Bulletin pour l’observation des associations civiles au Liban), Centre de recherche et de formation pour le Développement, n° 14, 30/11/2002, p. 14-15.

19  Ibid.

20  Al-Mustaqbal, 11/10/2002.

21  An-Nahâr, 31/10.2002.

22  Décision du Conseil d’État, n°721/2003-2004, 24/06/2004.

23  Muntadâ Sawt, 19/07/2002

24  An-Nahâr, 07/09/2002.

25  Ils auraient aussi fait partie de l’association pour la préservation du Coran (Jam’iyyat li-l-muhâfazat ‘alâ-l-Qur’ân al-karîm).

26  Al-Ahbâch signifie Ethiopiens en arabe et réfère au cheikh Abdallah al-Harari, surnommé al-Habachî (l’Ethiopien) qui s’installa à Beyrouth en 1959 (ou 1960) et rassembla un groupe de disciples. Ses adeptes prirent le contrôle, en 1983, de l’Association des projets de bienfaisance islamique, qui recrute essentiellement au sein de la population sunnite. L’Association prit part aux élections législatives libanaises de 1992 et conquit un poste de député à Beyrouth (Adnân Traboulsi) qu’elle perdit lors des élections de 1996. En 1995, son dirigeant Nizar al-Halabî était assassiné par des militants islamistes. Les Ahbâch ont développé un système doctrinal mêlant des éléments du soufisme, du sunnisme et du chiisme. Ils critiquent fortement les idéologies islamistes telles que le salafisme et le wahhabisme. Le mouvement des Ahbâch a essaimé hors du Liban pour devenir une organisation transnationale avec de nombreuses branches en Europe et aux États-Unis.  Voir notamment Hamzeh et Dekmejian, 1996 ; Skovgaard-Petersen, 1998 ; Pierret, 2003 ;  Rougier, 2004 : 101-126 et ‘Imâd, 2006 : 109-154.

27  Comme dans l’article de Hamzeh et Dekmejian, 1996.

28  Les services de renseignements syriens au Liban furent dirigés par Ghazi Kanaan de 1982 à 2002 puis par Rustom Ghazalé de 2002 à avril 2005, date du retrait total des troupes syriennes du Liban.

29  Entretien avec Waddah Charara, Beyrouth, 07/02/2007.

30  Quatre militants du groupe islamiste-jihadiste de ‘Usbat al-Ansâr ont été condamnés à mort pour cet assassinat. Un Palestinien et deux Libanais furent exécutés en mars 1997. Voir Rougier, 2004 :108-110.

31  Voir l’enquête de Hanâ’ Dandan, « Sirâ’ ‘alâ masâjid Bayrût » (La lutte pour le contrôle des mosquées à Beyrouth), Ash-Shirâ’, n° 574, 26 avril 1993, p. 16-19 et l’étude de Doueihy, 1997.

32  Entretien avec Waddah Charara, Beyrouth, 07/02/2007.

33  Sur cette question, voir Skovgaard-Petersen, 1998 : 74-77 et Manâr al-Hudâ (octobre, novembre et décembre 1994 ; janvier, mars, juillet et décembre 1995 ; mars et septembre 1996).

34 Manâr al-Hudâ, n° 76, 1999.

35  La littérature sur cette question est vaste. Voir notamment Beyhum, 1990 ; la série d’ouvrages rédigés par Beyhum, Tabet, Corm et Salam, 1995 ; Rowe et Sarkis (éd.), 1998 ; Akl et Davie, 1999.

36  En juin 2006, il changea son nom en Union du Beyrouth de la dignité (ittihâd Bayrût al-karâma) tout en se situant toujours dans l’opposition sunnite à la famille Hariri. Peu connu hors du milieu sunnite beyrouthin, le nom de Khâlid Othmân apparaît surtout dans des communiqués distribués dans la presse, sa parole ne dépassant guère le cercle de ses partisans dans son quartier de Zaydaniyya sauf à de rares occasions et notamment sur la chaîne Al-Manar appartenant au Hezbollah.

37  Voir May ‘Abûd Abî ‘Aql, Wast Bayrût bayna al-iktichafât wa-l-jarrâfât (Le centre de Beyrouth, entre découvertes et bulldozers), Beyrouth, s. éd., 1999 (milaffât An-Nahâr).

38  An-Nahâr, 09/08/2002.

39  Voir l’étude de Bonne, 1995.

40  Entretien avec Rasem Badran, Amman, 30/04/2006.

41  Elle abritera un petit musée pour exposer les objets archéologiques trouvés sur le site durant la construction.

42  Voir le très beau livre de Tuéni et Sassine,  2000.

43  Entretiens avec Fadi Jammali, Beyrouth, Solidere, 24/03/2006 et 11/12/2006.

44  Ibrahim Najjar « Pour une troisième république », Tribune libre, supplément du n°294 du 20 mai 2005 Le Monde-Proche-Orient, p. I-II.

45  France Culture, 5 avril 2005.

46  Selon les mots de Ahmad Beydoun, entretien, Beyrouth, 09/05/2005.

47  Voir l’article du Père Michel Saba’, « Al-Darîh al-nâtiq » (Le tombeau qui parle), Al-Mustaqbal, 18/02/2007.

48  Né à Saïda dans une famille de condition modeste,  Rafic Hariri, détenteur d’un diplôme de comptabilité, fera fortune en Arabie saoudite où il émigre à l’âge de 23 ans.  Selon l’urbaniste-architecte Henri Eddé, les modèles de Rafic Hariri pour la reconstruction du centre-ville auraient oscillé entre Monaco et l’Arabie saoudite et le rapport qu’il entretenait avec le centre-ville de Beyrouth n’émanait certes pas d’une fréquentation assidue et d’une mémoire embuée de nostalgie comme pour certains Beyrouthins. Au cours d’une visite du centre-ville détruit qu’avait fait l’auteur en compagnie de Rafic Hariri, ce dernier aurait déclaré : « Vous voyez, me dit-il, ce coin de rue à l’angle du Grand-Théâtre, c’était la limite que je ne pouvais franchir lorsque j’étais jeune car je n’en avais pas les moyens. Me voici aujourd’hui, et pour la première fois, de cet autre côté que je ne connaissais pas et que je suis pourtant en mesure de reconstruire » (Eddé, 1997 : 20).

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Table des illustrations

Titre Fig. 1. Vue générale de la mosquée Muhammad al-Amîn avec les tombeaux sous les tentes blanches
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Titre Fig. 3.Tombe de Rafic Hariri, photo prise en 2007
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Titre Fig. 4. Manifestation sur la place des Martyrs, 14 mars 2005
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Pour citer cet article

Référence papier

Franck Mermier, « La mosquée Muhammad al-Amîn à Beyrouth : mausolée involontaire de Rafic Hariri »Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, 125 | 2009, 177-196.

Référence électronique

Franck Mermier, « La mosquée Muhammad al-Amîn à Beyrouth : mausolée involontaire de Rafic Hariri »Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée [En ligne], 125 | 2009, mis en ligne le 05 janvier 2012, consulté le 19 avril 2024. URL : http://journals.openedition.org/remmm/6241 ; DOI : https://doi.org/10.4000/remmm.6241

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Auteur

Franck Mermier

 

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