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Dossier. Espaces politiques au féminin

Des femmes en représentation

Le politique et le féminin dans la presse
Women on Stage. Politics and Womanhood in the Newspapers
Pierre Leroux et Cécile Sourd
p. 73-86

Résumés

La représentation des femmes politiques dans la presse relève d’un ensemble de principes naturalisés. L’univers politique dominé par des hommes associe à la figure de l’entrepreneur politique des qualités « masculines » et la représentation des femmes tend à se référer à leur rôle traditionnel au sein de l’univers domestique. Encore relativement peu nombreuses aux postes de premier plan, les femmes politiques françaises ont bénéficié de l’intérêt de la presse dans le contexte de la mise en place de la parité. Cependant, la représentation des femmes, quel que soit leur type d’investissement dans l’univers politique, relève pour une large part de la convocation de stéréotypes de genre et de la mise en scène du « féminin ».

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Texte intégral

1En France, les débats qui ont précédé la loi de 2001 sur la parité et, par la suite, l’application de celle-ci, ont fait émerger dans la presse la question des femmes en politique d’une façon nouvelle. Si la loi n’a qu’en partie bouleversé l’univers politique (les effets restent limités aux scrutins de liste, et, pour les autres représentants et dans les instances de pouvoir de façon générale, la progression du nombre de femmes ne connaît pas une évolution marquante), les médias ont cependant accordé une attention et une place nouvelle aux femmes politiques comme témoignage de nouvelles pratiques du métier.

  • 1 L’étude de la représentation des « femmes de présidentiables » (Restier, 1999) montre que l’intérêt (...)
  • 2 Voir le cas des « jupettes » du gouvernement Juppé en 1995.
  • 3 Les portraits d’une femme politique et d’une actrice de cinéma comportent plus de points communs co (...)

2Cependant, l’intérêt de la presse n’est pas nouveau : le faible nombre de femmes dans l’univers politique français (Dulong, 2003 ; Sineau, 2001)1 l’a inévitablement amenée à publier des articles sur les rares femmes qui émergeaient au premier plan. Pour autant, on est loin de la banalisation, puisque l’occupation de postes de pouvoir par des femmes prend encore en France une dimension pionnière (première femme titulaire de tel ministère, nouveaux « records » du nombre d’occupantes de poste de pouvoir qui va de pair avec leur médiatisation)2. Au même titre que leurs homologues masculins, les femmes utilisent la presse comme élément de légitimation (Leroux, Teillet, 2004) et la récurrente question du « renouvellement » du monde politique (de ses acteurs, de ses pratiques…) a momentanément trouvé à s’incarner dans le stéréotype de la « féminité » comme une autre façon d’exister et de faire de la politique (Dulong, Matonti, 2002). En acquérant une place privilégiée, la représentation des entrepreneuses politiques ne peut cependant se poser en termes tout à fait neufs pour la presse. D’abord, il faut rappeler que l’écriture journalistique se trouve au carrefour de nombreuses contraintes et que la marge de manœuvre du professionnel des médias face au traitement d’un sujet est bornée par des aspects techniques (règles d’écriture, nombre de signes, place de l’illustration, etc.) et par la prédéfinition et le formatage (angle) variable selon les supports et les titres, mais toujours bien présent. On peut également renvoyer à des contraintes de style et de genre, propres à un titre, qui constituent une sorte d’autoréférence pour l’auteur d’un article : le portrait en dernière page de Libération s’inscrit dans une série relativement homogène, quelles que soient par ailleurs les personnalités dont on parle ; tout comme les pages centrales de Paris Match, où se déploie la forme longue du portrait « privé », sont obligatoirement illustrées par des photographies pleine page (ouvrant généralement par une double page) avec un contenu certes différencié3 mais relativement routinisé.

  • 4 Jusqu’à une période très récente, la question du genre constituait une thématique largement méconnu (...)
  • 5 Interrogés sur leurs pratiques (Sourd, 2003 : 49-50 ; 2004 : 106-108), les journalistes, qu’ils soi (...)

3En outre, la production journalistique n’est pas une re-création permanente des visions du monde social : dans une très large mesure, elle reprend, selon l’expression de Pierre Bourdieu, « des principes de vision et de division » dont elle transmet un reflet en partie déformé par le prisme de ses contraintes spécifiques. Ainsi la représentation du monde politique est-elle largement tributaire – même lorsqu’il s’agit des femmes – de la domination « naturelle » (dans le sens où, n’étant jamais interrogée, elle en a l’apparence) des hommes dans cet espace. De même, la question du genre – différenciation sociale entre les sexes (Goffman, 2002) –, « habitus sexué » selon la formule de Pierre Bourdieu (1998), reste largement étrangère aux questions sur la presse4 en raison, là aussi, d’un phénomène de naturalisation. Les stéréotypes de genre – invisibles et impensés – conditionnent des « catégories cognitives » (Héritier, 1996 : 28) relatives à la dualité fondamentale de la société entre le masculin et le féminin5.

4Le propos de cette contribution est donc moins de relever les éléments qui contribuent à la représentation des femmes politiques que de tracer un cadre général d’analyse de la représentation du genre, à partir de quelques points saillants illustrés par l’exemple de trois femmes investies, à différents titres, dans le monde politique : Marine Le Pen, Cecilia Sarkozy et Ségolène Royal. Sans constituer un échantillon complet de responsabilités politiques, ces femmes reflètent une certaine diversité d’investissement ; en évitant de considérer la question de la représentation féminine en politique, uniquement à travers des élues de grands partis, celui-ci autorise donc à poser la question plus large de la légitimation publique de l’investissement par les femmes de divers « rôles » politiques. Des trois femmes choisies, les deux premières – Ségolène Royal, Marine Le Pen – sont détentrices de mandat, une seule a eu par le passé des responsabilités de premier plan (Ségolène Royale ministre socialiste, est aujourd’hui présidente de région). Enfin, Cécilia Sarkozy prétendante – à travers la presse au moins – à un rôle politique se trouve au carrefour de la figure sociale classique du monde du travail (conjointe collaboratrice) et du monde de la politique (bras droit, conseillère, éminence grise…). Par ailleurs, aucune de ces femmes ne doit sa carrière à la règle paritaire : elles représentent des logiques politiques fortement différenciées avec, à l’origine, des modes de légitimation d’ordre divers : technocratique pour Ségolène Royal, héritée pour Marine Le Pen, conjugale et médiatique pour Cecilia Sarkozy.

5La période retenue (2000 à 2004) a été choisie parce qu’elle autorise à reposer la question de la représentation des femmes dans la presse, alors que le principe de leur place dans le champ politique français ne semble plus se poser dans les mêmes termes. Si les débats précédant le vote de la loi sur la parité ont donné lieu à des affrontements entre des adversaires se référant à des questions de principes (universalisme) ou des partisans argumentant sur la nécessité d’une représentation paritaire, le vote de la loi a provisoirement clos le débat. Aujourd’hui, la question semble considérée comme résolue alors qu’elle demeure problématique au vu des limites de la loi et des résistances du champ politique (application limitée au scrutin de liste, progression limitée du nombre de femmes dans les exécutifs locaux, faible nombre de femmes dans les deux chambres en raison en premier lieu du faible nombre de candidatures féminines présentées par les grands partis).

6Le corpus se fonde sur l’analyse de trois journaux : un quotidien Libération, un hebdomadaire d’information Le Point, et un hebdomadaire grand public Paris Match. C’est moins la diversité des sympathies politiques (Libération est proche de la gauche de gouvernement, Paris Match n’a pas de sympathie politique affirmée mais reste finalement très conservateur, et Le Point est à droite) que la diversité du rapport à la politique qui paraît pertinente dans cette sélection : l’approche du quotidien privilégie le traitement à chaud des nouvelles et, a priori, est plus factuelle que celle du news magazine qui privilégie un traitement « éditorialisant » de l’actualité avec la volonté d’être du côté de la distance au fait et de l’analyse ; quant à l’hebdomadaire grand public, il est largement ouvert à la représentation de l’espace privé et de l’intimité des acteurs politiques avec, de façon complémentaire et congruente, une approche de la compétition politique évaluée au travers de sondages. Cependant, aucun des supports choisis n’a le privilège exclusif d’un type de regard ou d’analyse (Libération et Le Point publient des portraits « sensibles » des leaders politiques, Paris Match consacre une partie de ses pages à de l’analyse des rivalités politiques), et tous ont en commun une vision du politique centrée sur la compétition des agents de l’univers politique.

7Précisons enfin que l’analyse privilégie les articles centrés sur la présentation d’une dimension individuelle – mais pas obligatoirement privée – de la pratique politique, les articles relevant d’une actualité politique factuelle – souvent plus courts – ne laissant le plus souvent aux entrepreneurs politiques qu’un rôle d’acteur institutionnel en grande partie dépersonnalisé.

La ritualisation de la féminité dans la presse

  • 6 La question de la ritualisation de la représentation des femmes investies dans le monde politique t (...)

8La naturalisation des conséquences de la division sociale entre les sexes conditionne les visions que la presse propose à ses lecteurs et on peut parler d’une ritualisation de la représentation des femmes politiques, au sens que Erving Goffman (1988 : 159) donnait à ce terme pour analyser la représentation – photographique – de la féminité dans la publicité, et relever quelques analogies entre les contraintes de production du discours publicitaire et du discours journalistique : les publicitaires doivent « raconter une histoire au moyen de ressources « visuelles » limitées qu’offrent les situations sociales » tout comme les journalistes disposent de ressources langagières (et éventuellement visuelles) limitées pour rendre compte de faits sociaux en raison des contraintes spécifiques de l’écriture journalistique6.

Le lien masculin/féminin

  • 7 Les principes de représentation sociale des femmes sont largement dépendants des modèles sociaux an (...)
  • 8 S. Royal est « la passionaria du Marais poitevin » (Le Point, 08/06/01) tandis que M. Le Pen est «  (...)
  • 9 M. Le Pen est décrite comme « l’égérie du populisme » (Le Point, 14/06/02).
  • 10 M. Le Pen est « la pétroleuse blonde » (Le Point, 24/05/02).
  • 11 « Marie-France Stirbois, face à Marine Le Pen : deux dames de fer qui s’affrontent au FN » (Paris M (...)

9La production journalistique emprunte au réservoir de représentations communes, relatives à la fois au politique et au genre féminin. Les catégories de pensée associées au politique – implicitement « masculines » – ont modelé les contours du métier et les « contraintes de rôle » (Lagroye, 1997). Elles se retrouvent dans la presse à travers la mise en avant de qualités telles que l’ambition, la pugnacité, le courage, l’autorité ou encore la force. Mais les stéréotypes du genre féminin, au sens le plus traditionnel7, sont présents à la fois dans des références à la maternité, au mariage, ou à la gestion du foyer comme rôles « naturels » des femmes, et à travers des qualités (et des défauts) associés au « féminin ». Les références mobilisées pour caractériser les femmes en politique sont relativement redondantes et renvoient à des archétypes de la vision des « femmes de pouvoir », du fait de la rareté historique de figures féminines associées au politique : on retrouve régulièrement celle de la « pasionaria » (Bertini, 2002)8, de l’ « égérie9 », de la « pétroleuse10 », ou encore de la « dame de fer11 ». Une autre figure mythique, au sens où l’entend Roland Barthes (1957), est celle du pouvoir féminin comme pouvoir occulte dans le cas de Cécilia Sarkozy. « L’éminence grise bénévole du ministre de l’Intérieur » (Le Point, 13/12/02) renvoie implicitement à la figure de Madame de Maintenon, à celle de l’épouse ou maîtresse d’un homme de pouvoir, de la muse ou inspiratrice d’un créateur, qui possèdent à travers la chair une influence contre laquelle les hommes demeurent impuissants (Coquillat, 1983). Pour les femmes, cette référence à la sexualité se traduit par une attention particulière (et spécifique) portée à leur apparence : leur vêtement, leur coiffure, l’évaluation de leur séduction par rapport à un idéal-type du corps féminin (Dulong, Matonti, 2002).

10Ainsi loue-t-on l’« élégante » (Libération, 12/08/02) Cécilia Sarkozy, sa « silhouette longiligne » (Libération, 12/08/02), « flamboyante dans son tailleur rouge » (Le Point, 28/11/03), et semble-t-on déplorer que Ségolène Royale ait « longtemps gâché sa beauté sous de longues jupes plissées » (Libération, 20/04/04). On note aussi que Marine Le Pen ressemble tellement à « ce père adoré dont elle a hérité la silhouette massive » (Le Point, 24/05/02). La femme « être perçu » (Bourdieu, 1998 : 94) est constamment soumise à la domination symbolique du regard des autres, et à une « contrainte de féminité ».

L’incontournable publicisation de l’espace privé

  • 12 N’en témoigne que la publication, dans les pages de Paris Match, des photos de l’accouchement de S. (...)
  • 13 « La nouvelle présidente […] consacre aujourd’hui le plus de temps possible à sa région… Sans oubli (...)
  • 14 Elle a été officiellement nommée chef de cabinet de son mari élu président de l’UMP (voir Libératio (...)
  • 15 « Simplement, Place Beauvau, Cécilia Sarkozy a plus de mal à dégager du temps pour organiser, comme (...)

11Actuellement, la large divulgation sociale de la vulgate psychologique et psychanalytique, liée à l’intérêt marqué de la presse pour les « coulisses » et à la forte personnalisation du monde politique (Legavre, 2002) comme facteurs explicatifs des jeux de pouvoir donne aujourd’hui une large place à des principes de décryptage fondés sur la publicisation de ce qui relevait il y a peu de l’espace privé (Giddens, 1993). L’instrumentalisation par les acteurs politiques eux-mêmes de cette publicisation ne permet plus d’employer le terme de « vie privée » pour désigner la contribution de l’espace intime (vie quotidienne, conjugalité, famille, loisirs…) à la construction des entrepreneurs et entrepreneuses politiques12. L’étude minutieuse de la presse montre bien qu’une curiosité plus grande est portée à l’univers familial et sentimental des femmes politiques que des hommes (Sourd, 2003 : 82). L’identité publique comme « identité stratégique » des agents politiques (Collovald, 1988) peut laisser une part variable à la publicisation de la sphère privée. Peu d’articles sur Ségolène Royal omettent de mentionner son rôle de mère de famille nombreuse, relayant de nombreuses anecdotes de son quotidien13. Cécilia Sarkozy, sans titre officiel à l’époque14, se met en scène comme l’épouse dévouée, consacrant sa vie à aider son mari afin qu’il puisse mener sa carrière politique en toute sérénité15. Marine Le Pen ne semble pas souhaiter donner une place à son univers privé dans la construction de son image publique. Pourtant, aucun article n’oublie de rappeler qu’elle a trois enfants, dont deux jumeaux, qu’elle est divorcée et le nom de son compagnon, responsable des investitures au Front national.

  • 16 L’étude à laquelle nous renvoyons traite plus largement de la représentation d’élues nationales dan (...)

12Un plus large éventail de profils (Sourd, 2003)16 révèlerait que la plupart des portraits de femmes en politique renvoient à la sphère privée (nom et profession du conjoint, nombre et âge des enfants, ascendants, etc.), tandis que les mêmes informations pour un homme découlent plus généralement d’une instrumentalisation par lui-même de son intimité. Ce constat est à rapprocher de la dichotomie fondamentale entre « l’univers public, masculin, et les mondes privés, féminins » (Bourdieu, 1998 : 82). La femme est historiquement et culturellement liée au monde de l’intérieur, du domestique, et malgré les évolutions, ces schèmes d’appréhension restent des catégories puissantes de représentation dont les entrepreneuses politiques peinent à s’émanciper : « Les femmes politiques sont d’abord des mères et ensuite des femmes politiques » (Freedman, 1997 : 150). L’univers domestique se révèle comme un principe majeur de ritualisation de la représentation des femmes : « Même au plus fort de sa carrière, Ségolène est très mère de famille » (Libération, 20/04/04)17.

13Une femme peut faire de la politique, mais à la différence des hommes, elle doit également –et peut-être avant tout – apporter la preuve de la bonne prise en charge de son univers domestique comme gage de la préservation de l’ordre social et moral. De ce fait, on peut déceler un mouvement circulaire dans le lien entre vie « privée » des femmes politiques et médias : les femmes mettent en scène leur être privé pour communiquer à travers les médias. Dans le même temps, c’est l’ordre social lui-même qui exige, à travers les attentes de la presse, qu’une femme remplisse ses rôles « privés » pour être un personnage public acceptable.

L’injonction à « rester femme »

  • 17 « La politique ne vaut pas le coup de sacrifier sa vie de famille » (Le Point, 16/05/03). Dans le c (...)

14Ainsi la relative « modernisation » de la figure de la femme politique ne se fait-elle qu’à travers l’ajout au rôle traditionnel de la figure de l’entrepreneuse politique pour en donner une image « aboutie » : « À 47 ans, avec un teint de rose, Ségolène Royal ressemble bigrement à cette « nouvelle femme, sereine, qui réunit enfin la synthèse de trois pouvoirs : carrière, maternité et vie affective » qu’elle décrivait en 1990 dans une tribune féministe-nunuche » (Libération, 12/06/01). Ce qui n’est possible qu’au prix d’une « organisation implacable » (Le Point, 26/08/04). Ségolène Royal devient un modèle de réussite politique fonctionnant parfaitement grâce au « fusible social » que représente sa priorité sans appel pour sa vie privée17. Les ambitions liées à la carrière politique ne pourraient donc s’affirmer pour une femme qu’après qu’elle se soit assurée du bon fonctionnement de la sphère domestique dont elle doit assumer la charge.

  • 18 Dans la mesure où les entrepreneurs et entrepreneuses politiques perçoivent les attentes supposées (...)

15Cécilia Sarkozy est principalement représentée à travers le stéréotype de l’épouse qui suit et aide son mari dans sa carrière, complémentarité d’où naît l’efficacité. Ce schéma très classique du couple recouvre presque parfaitement la dichotomie fondamentale intérieur/extérieur, même si pour Cécilia Sarkozy, son rôle d’épouse en fait clairement un personnage public à part entière : « Nicolas Sarkozy est partout, relayé avec éclat par une épouse, Cécilia, en train de se faire un prénom au point de nourrir les polémiques » (Le Point, 17/01/03). L’image médiatique qu’elle véhicule est celle d’une « épouse modèle et énergique », très liée à l’univers domestique, qui supervise tout « de la composition des repas à la réfection des cuisines ». À cette représentation archétypale de la féminité est parfois associée la figure plus légitime en politique de « conseillère », dont l’ambiguïté génère assez de flou pour laisser un mystère sur les attributions et l’influence réelle, et qui trouve à se décliner dans les titres de « superintendante », de « patronne » ou encore de « coach »18.

« Trahir son rôle de genre » : le répertoire du masculin politique dans le discours médiatique

  • 19 Par exemple : « Marine Le Pen, « femme forte à la fois rude et glamour, cogneuse et blonde » », sel (...)

16L’identité publique de Marine Le Pen obéit à des principes de construction différents. Bien qu’elle soit fondée sur les mêmes catégories de pensée relatives au genre féminin, sa situation politique permet de développer d’autres aspects. Héritière femme d’un parti aux mains d’un leader ayant fait de la virilité une catégorie politique de représentation (comme symbole de l’action, du courage, en opposition à la veulerie de « l’établissement » – Boumaza, 2004), et confrontée à l’hostilité journalistique générale présentant le Front national comme un repoussoir (Le Bohec, 2004), Marine Le Pen conjugue en quelque sorte les traits négatifs du féminin au masculin. La redondance des rappels de sa ressemblance avec son père l’associe implicitement à un physique d’homme et « virilise » son identité : « Le fils de son père » (titre du Point, 24/05/02), « Le Pen en jupon » (Le Point, 25/04/03), ou « hussarde blonde » (titre du Point, 22/11/02), elle est stigmatisée par les allusions à ses manières un peu rudes, à ses « coups de gueule », à sa voix rauque et à ses paroles souvent empreintes de violence19. Trop masculine, à l’instar par exemple de Margaret Thatcher (« le meilleur homme de son cabinet »), elle semble trop affranchie du rôle féminin, et est confrontée à une situation de double bind caractéristique des femmes en position de pouvoir : « Plus généralement, l’accès au pouvoir, quel qu’il soit, place les femmes en situation de double bind : si elles agissent comme des hommes, elles s’exposent à perdre les attributs obligés de la « féminité » et elles mettent en question le droit naturel des hommes aux positions de pouvoir ; si elles agissent comme des femmes, elles paraissent incapables et inadaptées à la situation » (Bourdieu, 1998 : 96). Le phénomène est encore accentué par les particularités politiques de son parti et de sa situation : l’intégration de femmes dans un parti dont la tradition se réfère à une division traditionnelle entre les sexes, est problématique dès lors qu’il s’agit de prétendre à la fois incarner, pour les militants, les valeurs du parti (François, Birenbaum, 1987) mais également succéder au leader charismatique, tout en essayant, à l’extérieur, de donner à travers la promotion d’une femme et les usages de la « féminité », une image « adoucie » du parti.

Le poids de la figure de « l’homme politique » et ses limites

  • 20 « Elle veut coûte que coûte laisser sa marque. Elle épuise ses collaborateurs » (Libération, 20/04/ (...)
  • 21 « Son individualisme, sa propension à tout ramener à elle lui ont été beaucoup reprochés » (Le Poin (...)
  • 22 « Au risque de faire preuve d’accès répétés d’autoritarisme en voulant mener son monde à la baguett (...)
  • 23 « Tant mieux pour moi », dit-elle dans un sourire carnassier. […] Ségolène Royal rêve de dévorer El (...)

17Toutefois, cette « masculinisation » des portraits de femmes en politique ne s’arrête pas à ce cas particulier et montre que l’idéal type de l’entrepreneur politique relève socialement d’un genre masculin auquel la femme ne peut trop emprunter sans se trouver en décalage avec la définition sociale qui la caractérise. En effet, les seules spécificités « féminines » ne permettraient pas de se conformer à l’acception générale des attributs d’un personnage en politique, mais, dans le même temps, l’injonction à « rester femme » pèse toujours comme une menace. Un excès de « masculinité », des comportements trop facilement assimilables à ceux des hommes, ou manquant de « féminité », les conduiraient tôt ou tard à être accusées de trahir leur genre. La réussite en politique de Ségolène Royal est suspectée pour cette raison : trop d’ambition20, d’individualisme21, d’autoritarisme22, de volonté de réussir23, son « comportement autocrate » (Le Point, 08/06/01), et à sa « férocité » empruntent par trop ouvertement aux usages masculins légitimes. Tout en jouant habilement des différentes composantes identitaires, Ségolène Royal n’est pas à l’abri de ce qu’on peut interpréter comme un rappel à l’ordre : Libération semble considérer qu’elle a passé la limite du socialement tolérable et de la trahison du genre lorsque, ministre de l’Environnement, « elle part pour le Sommet de le Terre à Rio, […] enceinte de huit mois » (Libération, 20/04/04). Ainsi, pour les femmes, se conformer au « rôle » politique qu’impose la fonction oblige-t-il à satisfaire au rôle socialement dévolu à « la » femme.

Conclusion

18Encore largement minoritaires aux postes de premier plan, les femmes investies en politique constituent toujours pour la presse des curiosités et bénéficient d’une couverture médiatique assez large. Cette apparente « reconnaissance » de la place des femmes est cependant fondée sur un paradoxe : le modèle « réussi » de femme politique semble, dans les représentations, relever des stéréotypes les plus anciens sous l’influence de deux facteurs. D’une part, le discours des médias se fait « naturellement » le reflet des rapports de genre qui travaillent l’ensemble de la société et est à la fois miroir de ces identités et vecteur de leur entretien. D’autre part, l’espace politique n’accueille les femmes qu’en les plaçant en porte à faux par rapport à des exigences contradictoires auxquelles elles ne pourraient satisfaire : incarner la « féminité » dans un univers défini par des stéréotypes dominants, et partant implicitement masculins.

19Cependant, on peut remarquer que, faute d’inventer d’autres modèles, la presse pourrait sans doute aider à en promouvoir de nouveaux si les femmes politiques elles mêmes n’étaient souvent tentées, face à la prédéfinition sociale du rôle de l’entrepreneur politique autour d’une image sociale « moyenne », de produire et d’instrumentaliser publiquement pour ce qu’elles imaginent être un profit, les composantes les plus traditionnelles de la « figure féminine ». Au-delà du constat établissant que les femmes de pouvoir ne contribuent que très rarement à un combat pour la promotion des femmes dans cet univers (Sineau, 1988, 2001), et sans minorer le phénomène d’ajustement obligé aux demandes des médias qui limite leur autonomie dans ce domaine, on peut s’étonner que beaucoup de ces femmes répondent aux attentes de la presse en déclinant leur identité publique autour des traits sociaux les plus conventionnels du couple ou de la famille, et qu’elles renoncent à donner à voir une image plus en prise avec les réalités présentes des femmes de pouvoir.

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— 2001, Profession femme politique. Sexe et pouvoir sous la Cinquième République, Paris, Presse de Science Po.

Sourd C., 2003, L’exclusion symbolique des femmes politiques dans les médias français. Une analyse des campagnes électorales de 2002 dans la presse hebdomadaire, mémoire de fin d’études, Institut d’études politiques, Lyon.

— 2004, Journalistes et candidat(e)s. La différence de sexe dans la campagne des élections régionales de 2004 en Rhône-Alpes, mémoire de DEA en science politique, Institut d’études politiques, Lyon.

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Notes

1 L’étude de la représentation des « femmes de présidentiables » (Restier, 1999) montre que l’intérêt de la presse est ancien et que, historiquement, il est croissant.

2 Voir le cas des « jupettes » du gouvernement Juppé en 1995.

3 Les portraits d’une femme politique et d’une actrice de cinéma comportent plus de points communs comparativement, que celui d’une femme ministre avec son homologue masculin.

4 Jusqu’à une période très récente, la question du genre constituait une thématique largement méconnue et délaissée de la recherche française (Mattelart, 2003). Les travaux sur la représentation médiatique du politique en termes de genre étaient rares, limités aux enquêtes menées par l’Union interparlementaire, à une recherche anglo-saxonne plus développée (Norris, 1997 ; Ross, 2002), et à quelques ouvrages scientifiques (Freedman, 1997 ; Bertini, 2002) et militants (Barré, Debras, Henry, Trancart, 1999) en langue française. Selon É. Neveu (2000), ce manque est dû au poids d’héritages culturels et d’impensés particulièrement forts dans le monde académique français, conduisant ainsi à une sociologie du journalisme gender-blind, insensible aux effets sociaux des différences de sexe. Le contexte de la parité a permis à la fois que soient visibilisés les travaux existants sur le genre et de multiplier les recherches spécifiques sur les conséquences de cette loi (voir Politix, 2002).

5 Interrogés sur leurs pratiques (Sourd, 2003 : 49-50 ; 2004 : 106-108), les journalistes, qu’ils soient homme ou femme, affirment pour la grande majorité « faire la même chose » lorsqu’ils parlent d’un homme ou d’une femme politiques. La plupart n’ont pas l’impression – voire nient catégoriquement – effectuer un traitement différent selon le sexe du personnage en question.

6 La question de la ritualisation de la représentation des femmes investies dans le monde politique trouve son origine dans les travaux que nous menons de façon plus large sur l’investissement de l’univers politique par des femmes (Leroux 2003, Leroux, Teillet, 2004a et B, Sourd, 2003, 2004), et sur les phénomènes spécifiques de représentation dans la presse. Cette étude converge en bien des points avec le travail mené par D. Dulong et F. Matonti (2002) qui soulignent l’inertie de la représentation des femmes malgré la loi sur la parité. Toute notre gratitude à D. Dulong dont la relecture attentive et les conseils sur une version antérieure de ce texte ont été précieux.

7 Les principes de représentation sociale des femmes sont largement dépendants des modèles sociaux anciens, empruntant peu le modèle émergent au milieu du XXe siècle de « la femme non liée » (Heinich, 2003).

8 S. Royal est « la passionaria du Marais poitevin » (Le Point, 08/06/01) tandis que M. Le Pen est « la passionaria nationaliste » (Le Point, 24/05/02).

9 M. Le Pen est décrite comme « l’égérie du populisme » (Le Point, 14/06/02).

10 M. Le Pen est « la pétroleuse blonde » (Le Point, 24/05/02).

11 « Marie-France Stirbois, face à Marine Le Pen : deux dames de fer qui s’affrontent au FN » (Paris Match, 29/10/04).

12 N’en témoigne que la publication, dans les pages de Paris Match, des photos de l’accouchement de S. Royal alors ministre de l’Environnement, ou encore ces phrases relevées dans Le Point (09/05/03) : « Place Beauvau, sous l’œil des caméras de télé, l’ancien maire de Neuilly a fait de l’antre de Cambacérès une sorte de maison du bonheur à la Chouchou et Loulou, où l’on bute au pied d’un escalier d’honneur contre les jouets de son fils Louis, où apparaît dans l’embrasure d’une porte sa super-woman d’épouse, Cécilia ».

13 « La nouvelle présidente […] consacre aujourd’hui le plus de temps possible à sa région… Sans oublier toutefois d’emporter, dans le train qui la mène à Poitiers, le jean préféré de sa fille Flora, en colo à Melle : « J’ai promis de lui rapporter » » (Paris Match, 15-21/07/04).

14 Elle a été officiellement nommée chef de cabinet de son mari élu président de l’UMP (voir Libération, 01/12/2004). Voir également l’analyse de ce « couple en politique » par Chr. Restier-Melleray dans cette livraison de Questions de communication.

15 « Simplement, Place Beauvau, Cécilia Sarkozy a plus de mal à dégager du temps pour organiser, comme à Bercy, de grands dîners mélangeant chefs d’entreprise et gens du spectacle, copains et ministres. Elle n’en fait plus qu’un par mois » (Le Point, 18/10/02).

16 L’étude à laquelle nous renvoyons traite plus largement de la représentation d’élues nationales dans la presse.

17 « La politique ne vaut pas le coup de sacrifier sa vie de famille » (Le Point, 16/05/03). Dans le cas de S. Royal, cette référence à l’univers privé sert aussi de base à la compétence politique revendiquée dans le domaine familial. Responsabilités politiques et vécu personnel venant se renforcer mutuellement dans le parcours biographique : après avoir été ministre de l’environnement (1992), elle a participé aux gouvernements de L. Jospin entre 1997 et 2002, comme ministre déléguée chargée de l’enseignement scolaire (1997-2000), ministre déléguée à la famille et à l’enfance (2000-2001) et à nouveau à la famille, à l’enfance et aux personnes âgées (2001-2002), jusqu’à en faire pour les médias, depuis la fin de ses responsabilités gouvernementales, une référence « à gauche » sur les questions de l’enfance et de la famille. Pour une analyse détaillée de ce parcours, voir C. Achin (2004).

18 Dans la mesure où les entrepreneurs et entrepreneuses politiques perçoivent les attentes supposées de différents médias et de leur lectorat, et en fonction de leur compétence d’acteur et de metteur en scène d’un personnage public, les rôles publics qui sont investis peuvent être très variés.

19 Par exemple : « Marine Le Pen, « femme forte à la fois rude et glamour, cogneuse et blonde » », selon les publicitaires » (Le Point, 25/04/03).

20 « Elle veut coûte que coûte laisser sa marque. Elle épuise ses collaborateurs » (Libération, 20/04/04). Elle n’hésite pas à « écraser » les autres sur son passage : « Et le surlendemain, resplendissante, elle humilie la copine en empiétant publiquement sur ses plates-bandes » (Libération, 12/06/01).

21 « Son individualisme, sa propension à tout ramener à elle lui ont été beaucoup reprochés » (Le Point, 26/08/04).

22 « Au risque de faire preuve d’accès répétés d’autoritarisme en voulant mener son monde à la baguette » (Libération, 31/07/04).

23 « Tant mieux pour moi », dit-elle dans un sourire carnassier. […] Ségolène Royal rêve de dévorer Elisabeth Morin dans la région symbole de Raffarin » (Paris Match).

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Pour citer cet article

Référence papier

Pierre Leroux et Cécile Sourd, « Des femmes en représentation »Questions de communication, 7 | 2005, 73-86.

Référence électronique

Pierre Leroux et Cécile Sourd, « Des femmes en représentation »Questions de communication [En ligne], 7 | 2005, mis en ligne le 05 octobre 2015, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/questionsdecommunication/4076 ; DOI : https://doi.org/10.4000/questionsdecommunication.4076

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Auteurs

Pierre Leroux

Université catholique de l’Ouest
Centre de recherche sur l’action politique en Europe
CNRS/Université Rennes 1
pierre.leroux@libertysurf.fr

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Cécile Sourd

Université Lumière, Lyon 2
UMR Triangle
Institut d’études politiques, Lyon
Cecile.Sourd@univ-lyon2.fr

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Droits d’auteur

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Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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