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Dossier. Plateformiser, un impératif ?

Faire face aux plateformes

La communication numérique entre tactiques et dépendances
Facing the platforms. Organizational communication between tactics and dependency
Camille Alloing, Samuel Cossette et Sara Germain
p. 141-168

Résumés

La communication numérique des organisations semble ne pouvoir faire l’économie du recours aux plateformes de médias sociaux. Leur usage est dévolu aux community managers (gestionnaires de communautés). Les activités de ces professionnels sont sous l’emprise des standards des plateformes qui prescrivent les pratiques pertinentes, autorisent les usages, évaluent leur performance et encadrent les relations avec les publics comme les contenus qui leur sont proposés. Par l’analyse de publications Facebook d’organisations françaises et québécoises, et d’entretiens avec des gestionnaires de communautés, nous décrivons les formes de cette standardisation, les dépendances qu’elle génère et les tactiques employées pour la contourner et l’instrumentaliser. La plateformisation de la communication est ainsi envisagée comme le résultat des résistances qu’elle provoque quand les pratiques visant à s’autonomiser des modèles des plateformes renforcent leur emprise.

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Texte intégral

1« Le plus difficile dans le numérique est de ne pas être le maître de nos audiences. Pour moi les vrais maîtres ce sont Google, Apple, Facebook et Amazon. C’est eux qui dictent les règles. » Cette phrase prononcée lors d’un entretien par un praticien de la gestion de communautés en ligne, un community manager (CM), s’inscrit dans la lignée de nombreuses autres que nous avons pu recueillir. Un constat qui résonne avec la notion de plateformisation lorsqu’elle désigne la subordination, ou non, d’activités communicationnelles aux standards et modèles (idéologiques, économiques, techniques, etc.) des plateformes de médias sociaux.

2Les idéologies portées depuis plus de quinze ans par les tenants du « Web 2.0 » construisent des imaginaires d’instrumentalisation des liens sociaux numériques pour les organisations (Galibert et Cordelier, 2017). Les community managers, à l’interface entre les organisations et les plateformes, ont pour objectif de faire de cette instrumentalisation un levier de performance par la mobilisation constante de l’attention des publics (Jammet, 2018a). Pour faire appliquer leurs normes par ces professionnels de la communication, les plateformes déploient un ensemble de prescriptions, de contraintes d’usage, de récompenses et de sanctions. Elles modifient aussi régulièrement leurs modes de calcul algorithmique conduisant les community managers, par « réactivité » (Espeland et Sauder, 2007), à changer constamment leurs pratiques. Ne pas pouvoir faire sans les plateformes, devoir faire avec leurs modèles et standards, tout en essayant de faire autrement pour (re)gagner en maîtrise, sont les symptômes d’une possible plateformisation des actions de communication des organisations. Partant de là, nous souhaitons discuter la question suivante : comment les community managers font-ils face à la plateformisation de leurs pratiques, entendue comme la standardisation de leurs usages autant que l’instrumentalisation des normes imposées ?

  • 1 Cette étude soutenue par la fondation Audencia est réalisée avec Julien Pierre (Audencia Business (...)
  • 2 Ce projet, intitulé Affects numériques et travailleurs du clic (Antic), est financé par le Conseil (...)

3Pour répondre à cette question, nous nous appuyons sur une approche en sociologie des usages « qui observe […] la mise en œuvre sociale des technologies de communication pour ainsi dire “in situ” » (Jouët, 1993 : 117). Ce cadre est la plateforme Facebook, d’où sont extraites et analysées 3 639 publications de 26 organisations françaises1 (en 2017) et 18 québécoises2 (en 2020). La littérature concernant la plateformisation montre qu’il s’agit d’un processus d’adaptation aux modèles des plateformes. L’analyse comparative de ce corpus permet alors de circonscrire les effets dans le temps de cette adaptation en termes de standardisation des usages et des productions. Comme artefact technique, Facebook « implique la mise en œuvre de compétences et de savoirs proprement sociaux chez les acteurs » (Akrich, 1993 : 97), que nous restituons ensuite par l’analyse de 41 entretiens avec des community managers. Puis, nous croisons ces résultats à certaines « règles » édictées par Facebook afin de décrire comment ces compétences, savoirs et usages, répondent aux standards de la plateforme autant qu’ils les contournent ou détournent. Nous discutons enfin de certaines de ces « tactiques » déployées pour faire avec et contre la plateformisation de la communication des organisations. Suivant Michel de Certeau (de Certeau et al., 1990 : 63) et ses travaux sur les « Arts de faire », nous présentons les pratiques des community managers face aux plateformes comme nécessaires à « des procédures qui valent par la pertinence qu’elles donnent au temps – aux circonstances que l’instant précis d’une intervention transforme en situation favorable ».

La plateformisation : des modèles qui (dé)forment les pratiques

4La notion de plateforme, particulièrement lorsqu’elle qualifie les médias sociaux de Facebook à Twitter, suscite de nombreuses représentations (Gillespie, 2010). Vincent Bullich et Benoît Lafon (2019) en proposent une définition infocommunicationnelle pertinente :

« Une “plateforme” se rapporte à un modèle d’organisation de la médiatisation, composé d’une architecture sémio-technique, d’un ensemble d’opérateurs d’activation et de régulation des activités des usagers comme des contenus proposés et d’un mode de valorisation propres. »

5Ces régulations sont principalement algorithmiques et permettent de coordonner des catégories hétérogènes d’acteurs (Benavent, 2016). Elles portent autant sur les expressions des usagers que sur les contenus variés qu’elles médiatisent. Mais pour autant, les plateformes ne produisent pas ces contenus, elles mettent à disposition les fonctionnalités pour le faire, puis réagencer, remixer, annoter ou encore évaluer (Alloing, 2016a). Ensuite, elles valorisent l’ensemble des données produites par les interactions des différents usagers avec ces contenus et avec les autres usagers. Ces données permettent d’optimiser leurs services d’intermédiation, comme le ciblage publicitaire pour les annonceurs (Casilli, 2018).

6Ainsi les plateformes de médias sociaux offrent-elles un champ d’investigation singulier pour des recherches en communication qui s’attachent à décrire « la façon dont [leurs] affordances […] permettent et limitent simultanément l’expression, ainsi que la façon dont les préoccupations techniques, sociales et économiques [en] déterminent la structure, la fonction et l’utilisation » (Plantin et al., 2018 : 298). En somme, ces structures peuvent être analysées en fonction des modèles qu’elles produisent à divers niveaux :

  • idéologiques, par l’élaboration de discours d’accompagnement (Rebillard, 2011) qui justifient les autres modèles ;
  • économiques, par le développement de « marchés multifaces » (Rieder et Sire, 2014 : 199), et d’activités centrées sur l’intermédiation et la coordination d’acteurs ;
  • politiques, par la manière dont, par exemple, elles (dés)organisent le travail (Abdelnour et Bernard, 2018 ; Casilli et Posada, 2019), ou encore les relations entre les institutions politiques et les citoyens (Mabi, 2015 ; Algan et al., 2016) ;
  • techniques, en produisant des fonctionnalités standardisées qui s’insèrent dans d’autres dispositifs, puis en centralisant le stockage, le traitement et l’accès aux données qui y sont capturées (Helmond, 2015) ;
  • communicationnels, par une mise en relation algorithmique des publics, une mise à disposition et une valorisation semi-automatisée des contenus ;
  • d’usage, en régulant cette communication par la modération (Gorwa et al., 2020), et en développant des interfaces et fonctionnalités qui encadrent, orientent, et contraignent les usages (Marwick et Boyd, 2011 ; Costa, 2018 ; Alloing et Pierre, 2021).

7Quand ces modèles deviennent dominants et guident les stratégies des acteurs, on parle alors de « plateformisation » (Helmond, 2015). Celle-ci génère des tensions lorsqu’elle s’impose à des acteurs et réorganise leurs pratiques. Dans les secteurs de la communication, les industries culturelles (Nieborg et Poell, 2018 ; Bullich et Schmitt, 2019) et médiatiques (Amiel et Joux, 2020), qui n’ont d’autres choix que d’utiliser certaines plateformes pour atteindre leur public devenu captif (Alloing, 2016b), en sont un exemple. Ainsi, lorsque les milieux journalistiques sont « plateformisés », une relation de dépendance émerge avec des dispositifs devenus outils de publication et de mesure d’audience (Sebbah et al., 2020). Là où cette dépendance était déjà présente sous d’autres formes, Franck Rebillard et Nikos Smyrnaios (2019) soulignent que la plateformisation de ces entreprises médiatiques l’accentue. Les pratiques de community management deviennent alors essentielles pour s’adapter aux temporalités des médias sociaux et y intervenir (Mellot et Theviot, 2019).

8La plateformisation est ainsi un processus conduisant des organisations à s’adapter aux modèles des entreprises dominantes de médias sociaux par lesquelles elles veulent communiquer avec leurs publics. Cette adaptation nécessite de s’approprier les usages qui découlent de ces modèles. Ainsi de nouveaux métiers centrés sur ces usages apparaissent-ils (Coutant et Domenget, 2015). Leur activité principale est de transformer en contenus valorisables par les plateformes les diverses productions de leurs employeurs (aspect « média »), et en visibilité les interactions avec leurs publics (aspect « social »). Les gestionnaires de communautés sont l’archétype de ces travailleurs, dont le rôle est d’être des intermédiaires dans ces espaces d’intermédiations que sont les plateformes.

Animer des pages Facebook : un métier sous prescriptions

9D’abord bénévoles pour animer et modérer les premières « communautés » d’internautes, les CM se sont professionnalisés avec la croissance de l’usage des médias sociaux par les publics des organisations (Guéguen et al., 2010). Leurs activités regroupent un ensemble de tâches circonscrites (Alloing et Pierre, 2019, 2021 ; Pignard-Cheynel et Amigo, 2019 ; Ihadjadene et al., 2019) : interaction avec les publics et modération de leurs propos, veille stratégique, mesure des résultats, formation des collaborateurs et parfois définition des stratégies. Au centre de ces activités se trouve un travail d’éditorialisation, c’est-à-dire de mobilisation de segments de contenus « pour la production d’autres contenus dont ils constituent les composants » (Bachimont, 2007) : ajout d’un texte à une image, d’une image à un lien, d’émojis à un message. Ces activités, tant documentaires que communicationnelles, supposent l’appropriation d’usages multiplateformes (Millette, 2013), et donc l’acquisition continue de nouvelles compétences (Coutant et Domenget, 2015). Elles permettent de s’adapter à la régulation algorithmique qui leur est imposée (Jammet, 2018a) afin de favoriser la prescription endogène ou automatisée de leurs contenus.

10De nombreux travaux francophones décrivent les pratiques des CM ou les objectifs qu’elles visent (Stenger et Coutant, 2011 ; Galibert, 2014 ; Jammet, 2016 ; Salles, 2018). Mais peu analysent en quoi les modèles des plateformes définissent ces pratiques, les orientent, les contraignent ou décrivent les conséquences de ce travail d’adaptation (Jammet, 2018b ; Alloing et Pierre, 2019). Incontournable dans les stratégies de communication (Alloing, 2016b) avec son milliard d’usagers revendiqués, son modèle typique de la plateforme-infrastructure (Helmond et al., 2019), mais aussi sa certification en community management3, Facebook est un terrain fertile pour ces analyses.

Facebook et ses bons conseils

11Facebook et ses modèles ont été discutés par de nombreux auteurs (Ertzscheid, 2020). Nous souhaitons synthétiser ici la littérature produite par l’entreprise elle-même pour guider les organisations souhaitant communiquer sous l’emprise de ces modèles. En l’occurrence, cette littérature provient du site Facebook for business4. Présenter cette « littérature grise » (Schöpfel, 2012), qui recommande et interdit certaines actions, permet par la suite de mieux saisir en quoi des usages observés et restitués sont le résultat de l’adaptation aux discours de la plateforme ou à leur contournement. Nous avons sélectionné 24 pages francophones proposant des recommandations consacrées à trois grands thèmes : les contenus, les techniques de communication et les statistiques des pages Facebook. La méthode et les pages sélectionnées se trouvent dans les annexes 1 et 2. En synthèse, Facebook :

  • incite à s’inspirer des concurrents, et propose des études de cas afin d’illustrer ses recommandations5 ;
  • associe chaque type de contenu, dont la pertinence est évaluée en fonction des statistiques, à un but bien précis et des standards techniques (taille, format, etc.) ;
  • souligne l’importance de publier des contenus « originaux », c’est-à-dire qui sont éditorialisés, si possible grâce aux différentes fonctionnalités de la plateforme ;
  • recommande des usages en présentant systématiquement leur intérêt pour les publics ou l’image des organisations ;
  • donne des indices sur la manière dont son algorithme sélectionne les contenus qu’il va présenter à ses usagers, afin d’appuyer là aussi ses conseils ;
  • recommande des contenus et des techniques, comme les jeux-concours, mais signale certaines sanctions s’ils sont employés comme des « pièges à interaction » ;
  • interdit des sujets dans les publications, ou en limite leur visibilité et monétisation ;
  • signale, en cas de manquement aux « standards de la communauté », sanctionner automatiquement les publications incriminées.

12La plateforme oriente les organisations avec des conseils autoréférentiels : les bonnes pratiques sur Facebook sont celles que le réseau valorise, et dont la mesure est fournie par lui. À l’inverse, les mauvaises pratiques entraînent – a minima – une baisse de la visibilité des publications dans le fil d’actualité des publics. Que cela ait été intentionnel ou non, être sanctionné signifie perdre le temps investi pour amener l’algorithme de la plateforme à rendre visibles les publications.

13Afin de faire un usage performant et stratégique d’une plateforme comme Facebook, les organisations recrutent des praticiens dont l’objectif premier est de s’en approprier l’usage. Pour favoriser cette démarche, Facebook propose des recommandations qui ne peuvent être ignorées sous peine de sanctions. Comment, dès lors, les praticiens organisent-ils leurs activités, qui se veulent créatives et autonomes par ethos (Dupont et Perticoz, 2016), avec les standards de Facebook ? Et quelles pratiques, quels symptômes et quelles conséquences résultent de cette mise en conformité ? Pour apporter des pistes de réponse à ces questions, nous comparons deux enquêtes menées à trois années d’intervalle afin de décrire les usages analogues des community managers, puis restituons leurs réflexions sur ces usages.

Méthodes et corpus : deux enquêtes, deux pays, une même plateforme

14Nos corpus sont constitués de 41 entretiens, et de 3 639 publications extraites de 45 pages Facebook. Ils sont issus d’une enquête (enquête 1) menée en France entre septembre 2017 et avril 2018, et d’une autre (enquête 2) au Québec de septembre 2020 à juin 2021. Ces deux recherches s’inscrivent dans une démarche similaire : étudier les pratiques des CM par des méthodes mixtes, afin de comprendre les compétences qu’elles impliquent. Nous signalerons les ressemblances et différences sur les méthodes qui ont conduit à leur constitution. L’intérêt de ces croisements est de pouvoir discuter par la suite les similitudes des usages observés et restitués dans des corpus de prime abord hétérogènes.

Analyse de publications Facebook

15La collecte de publications Facebook a été réalisée selon la démarche d’échantillonnage suivante :

  • à partir de critères prédéfinis6, nous avons identifié, via divers annuaires, des organisations pertinentes ;
  • une fois ces organisations identifiées7 :
    • pour l’enquête 1, nous avons directement collecté les données, l’objectif n’étant pas à l’origine de faire une enquête qualitative ;
    • pour l’enquête 2, nous avons d’abord cherché à obtenir un entretien avec les CM de 10 de ces pages. Puis nous avons par la suite fonctionné par recommandation, chaque personne rencontrée nous en conseillant d’autres.

16Pour l’enquête 1, les données ont été collectées via l’application Netvizz (Rieder, 2013 ; Pierre et Alloing, 2018). À partir des 26 pages sélectionnées, nous avons voulu collecter leurs 100 dernières publications, et obtenu (suite à diverses limites de l’interface de programmation [API] présentées dans l’annexe 3) 2 403 publications. Elles s’échelonnent du 10 décembre 2016 au 27 septembre 2017 et sont accompagnées de leurs interactions (commentaires, likes, etc.).

17Pour l’enquête 2, Facebook ayant interdit Netvizz, nous avons collecté les éléments statistiques (volumes et types d’interactions) de 1 236 publications publiées sur 19 pages entre le 1er sept. 2020 et le 31 oct. 2020. Nous avons eu recours au plug-in Google Chrome nommé Scraper, qui permet d’extraire les éléments contenus dans les balises HTML d’une page. Avec les données collectées, nous avons produit deux traitements quantitatifs :

  • les taux d’interaction et de commentaires par abonnés/fans (annexe 3), afin d’analyser la possible « performance » (selon Facebook) des pages, ces taux étant performatifs (Alloing et Pierre, 2019 : 101). Cependant ils nous offrent la possibilité de mieux contextualiser les propos des CM lorsqu’ils évoquent leurs variations, et de proposer des analyses comparatives pour interroger l’efficience supposée des pratiques qu’ils évaluent ;
  • une répartition des types de contenus/médias (liens, images, etc.) par organisations (annexe 4) pour appréhender l’évolution dans le temps des contenus les plus plébiscités.
  • 8 L’enquête 1 se voulant quantitative à l’origine, cette analyse a été (re)déployée pour le présent (...)
  • 9 Les éléments gardés pour comparaison ont été les suivants : les types de contenus, la présence d’é (...)

18Ensuite, une approche ethnographique numérique (Hine, 2000) a été déployée pour les deux enquêtes ainsi que pour chaque page sélectionnée. Pour l’enquête 1, la publication la plus interactive par page (26 en tout)8 a été identifiée. Pour l’enquête 2, nous avons sélectionné les trois publications avec le plus d’interactions (57 en tout). Certains de leurs éléments, en particulier les techniques de communication employées (annexe 5), ont été regroupés dans une grille d’analyse commune9 à des fins de comparaison.

Entretiens avec des CM

19Nous avons mené 22 entretiens pour l’enquête 1 et 19 pour l’enquête 2, avec une approche semi-directive. Cinq thèmes similaires pour les deux enquêtes ont été abordés : le parcours de l’interviewé, l’organisation de son travail, les techniques utilisées, les implications socioaffectives, ainsi qu’une confrontation à des publications. La présentation globale des entretiens et des profils est dans l’annexe 6.

  • 10 Nous avons rencontré 19 personnes travaillant pour 18 organisations.

20Pour l’enquête 1, seuls quatre CM animent les pages Facebook analysées, celles-ci ayant été sélectionnées préalablement à l’accord pour un entretien. Afin de pallier cela, l’enquête 2 a donc attendu l’accord des CM pour lancer les analyses10. À partir des corpus issus des deux enquêtes, nous avons procédé, pour l’écriture du présent article, à une analyse inductive générale (Thomas, 2006). 313 extraits en lien avec la question de recherche posée en introduction ont été étiquetés puis classés thématiquement jusqu’à l’obtention de six catégories finales, qui comprennent entre 37 et 99 extraits chacune. Ces catégories sont présentées dans la partie suivante et permettent d’agencer les propos tenus par les travailleurs rencontrés.

Résultats et analyses : des publications qui se ressemblent, une dépendance qui rassemble

21D’abord, nous présentons les résultats du traitement quantitatif des publications de chaque page (annexes 3 et 4), dont les taux d’interaction (likes, réactions, commentaires) et les types de contenus utilisés (vidéos, images, etc.). Ces données quantitatives permettent de constater si les pratiques employées par les CM sur Facebook sont en cohérence avec les recommandations de la plateforme. Ensuite, nous décrivons les techniques de communication les plus utilisées dans les publications les plus populaires. Les similitudes dans ces corpus constitués dans deux pays différents, avec des organisations différentes et à trois années d’écart, mettent en exergue dans la partie discussion ce qui relève d’une forme de standardisation de la communication. Nous restituons ensuite les discours des 41 CM rencontrés, en soulignant les pratiques et usages qui résultent de l’adaptation aux modèles et aux contraintes imposées par Facebook, de même que les tactiques mises en œuvre pour les contourner ou s’en détourner.

Analyse des publications : des résultats variables pour des techniques comparables

22La comparaison des statistiques des pages Facebook des deux enquêtes (annexe 3) montre un écart de 6 % du volume d’interactions moyen par abonnés (le taux d’engagement). De même, environ 42 % des publications de l’enquête 1 génèrent des interactions, et 5 % des commentaires, contre 26 % et 7 % dans l’enquête 2. Ces variations peuvent s’expliquer par de multiples facteurs, dont les changements d’algorithmes survenus en 201811 (Meese et Hurcombe, 2020), mais aussi la différence des types de contenus multimédias utilisés en réponse.

  • 12 Il faut souligner que la page R2 (média) représente à elle seule un peu plus du tiers (33,67 %) de (...)

23Sur les deux enquêtes, les publications incorporent de nombreux contenus multimédias. D’ailleurs, ils sont plus nombreux en 2020 qu’en 2017. En effet, si les publications de type « texte » représentaient 14,07 % des publications totales en 2017, ce ratio a diminué significativement à 0,32 % en 2020. Les photos et les vidéos sont largement privilégiées, représentant plus des deux tiers des publications totales en 2017 et plus de la moitié en 2020. L’usage de la vidéo est constant (environ 25 %) d’une période à l’autre, là où celui d’images a diminué d’environ 16 %. Les pages observées dans l’enquête 2 ont recours à une plus grande diversité de contenus que dans l’enquête 1 : le partage de liens a compté pour près du tiers des publications (31,71 %)12 en 2020, une proportion deux fois plus élevée que pour 2017. Les liens partagés pointent en grande majorité vers les sites des organisations, comme le préconise Facebook. En outre, la fonction carrousel lancée en 2015 pour réaliser des publicités est quasi inexistante en 2017, là où elle est utilisée de manière détournée pour afficher plusieurs images non publicitaires dans 8 % des publications en 2020.

Contenus et techniques de communication

24Dans les 83 publications les plus populaires, les vidéos et les photos sont les plus présentes. Cette tendance s’observe autant en 2017 qu’en 2020. Nous pouvons noter que les pages avec le plus haut taux d’interaction par abonnés utilisent des contenus différents : D1, F1 et B2 des images, D2 et O2 des liens, X1 des vidéos (annexe 4). De même, ce taux n’est pas systématiquement corrélé à celui des commentaires : certaines pages dont l’engagement est en dessous de la moyenne ont un taux de commentaire par abonnés plus élevé (comme L2, R1, L1 ou encore K1). Les types de contenus n’expliquent donc pas tout. Il parait alors pertinent de s’intéresser aux techniques de communication utilisées, ainsi qu’aux formes d’éditorialisation de ces contenus.

  • 13 Selon Wikipédia, « le jour du dépassement, ou jour du dépassement de la Terre (en anglais : Earth (...)
  • 14 Afin de préserver l’anonymat des personnes rencontrées dans nos enquêtes, nous illustrerons nos pr (...)

25Dans les 83 publications les plus populaires analysées, nous avons qualifié 8 types de techniques de communication, auxquelles les CM ont eu recours 137 fois (voir annexe 5 pour leur description). Nous pouvons émettre l’hypothèse, à étayer par l’analyse des entretiens puis la comparaison avec les recommandations Facebook que ces pratiques s’avèrent efficaces pour accroître les interactions. En 2020 comme en 2017, une technique fréquemment observée est le newsjacking, entendu comme le recours à une actualité, ou son détournement, pour diffuser un message de l’organisation. Le procédé permet d’ancrer une publication dans l’actualité du moment, comme le « jour du dépassement »13 afin de montrer les valeurs de l’organisation (illustration 1)14.

Illustration 1. Exemple de newsjacking (Y1).

Illustration 1. Exemple de newsjacking (Y1).
  • 15 Un influenceur est un individu dont la visibilité sur les médias sociaux numériques est utilisée c (...)

26Outre cette technique, les organisations établissent des partenariats avec des personnalités publiques et des « influenceurs »/leaders d’opinion15 pour la production de contenus exclusifs. Les personnalités choisies sont liées au contexte culturel dans lequel l’organisation évolue, à leurs actualités ou encore aux publics visés. En termes d’éditorialisation, les publications de ces partenariats offrent un moyen de citer un grand nombre d’autres pages, ce qui s’observe par l’utilisation de la fonctionnalité d’identification (@). 37 publications avec identifications ont été observées en 2020 et 13 en 2017. Citer une autre page permet potentiellement d’apparaitre dans le fil des abonnés de celle-ci. Les pages qui emploient le plus cette fonctionnalité sont les médias, qui sont également ceux qui référencent le plus de personnalités publiques (illustration 2).

Illustration 2. Exemple de mise en avant de personnalités publiques et de citations (U1).

Illustration 2. Exemple de mise en avant de personnalités publiques et de citations (U1).

27Dans l’enquête 2, le recours aux personnalités publiques est privilégié pour les jeux-concours. Si ce mécanisme était déjà présent dans l’enquête 1 (illustration 3), il se systématise en 2020.

Illustration 3. Exemple d’un jeu-concours s’appuyant sur une personnalité publique.

Illustration 3. Exemple d’un jeu-concours s’appuyant sur une personnalité publique.

28La part de jeux-concours qui génèrent des publications avec un fort taux d’interactions diminue en 2020 par rapport à 2017. Les « petits » concours utilisés comme appels à l’action avec des mécanismes plus simples qui ne supposent pas de s’inscrire sur un site, par exemple, restent cependant présents (illustration 4). Pour le dire autrement, ces techniques ne demandent pas un investissement conséquent en temps, production de contenus et organisation.

Illustration 4. Exemple d’un jeu-concours.

Illustration 4. Exemple d’un jeu-concours.

29Nous observons l’apparition, dans l’enquête 2, de la personnalisation des contenus avec l’utilisation « d’anecdotes » (pour reprendre un terme employé par Facebook). Par exemple, des publications où sont mis en avant le parcours atypique d’un employé ou un fait historique peu connu sur l’organisation. Ce type de publication se contente de textes, courts ou longs (c’est-à-dire qui nécessitent de cliquer sur « Afficher la suite »), agrémentés d’une image. Comme avec les questions ou certains jeux-concours, développer des mécanismes ou des contenus élaborés n’apparait pas nécessaire pour les produire. Dans notre corpus de publications populaires, ces techniques sont d’ailleurs souvent associées (comme une question qui incite à commenter suite au partage d’une actualité).

30D’un point de vue rhétorique, les appels à l’action (call-to-action) perdurent dans l’éditorialisation : « cliquez ici », « laissez-nous savoir en commentaire », etc. On observe de même une utilisation de l’humour par certaines organisations, en association à d’autres techniques, pour appeler à l’interaction. Nous distinguons l’humour d’autres formes rhétoriques, au sens où ce ne sont pas nécessairement les informations relayées qui sont drôles en elles-mêmes, mais leur éditorialisation. L’illustration 5 est l’archétype de l’agencement de multiples techniques (newsjacking, question, call-to-action, humour), et d’un contenu qui performe en 2017.

Illustration 5. Deux exemples de recours à l’humour, dont l’un associé à un appel à l’action et l’autre à une question posée en lien avec l’actualité musicale (V1).

Illustration 5. Deux exemples de recours à l’humour, dont l’un associé à un appel à l’action et l’autre à une question posée en lien avec l’actualité musicale (V1).

31Enfin, notons que l’éditorialisation des contenus peut aussi faire appel aux émojis (voir l’ensemble des illustrations précédentes), et dans une moindre mesure aux mots-clics (#, ou hashtag ; illustration 6) : 14 publications avec des émojis et six avec des mots-clics dans les 26 les plus populaires de l’enquête 1, 34 avec des émojis et six avec des mots-clics dans les 57 de l’enquête 2. Comme pour l’humour, tous les CM n’ont pas un usage systématique de cette grammaire affective (Alloing et Pierre, 2021), même si toutes les organisations de nos corpus y ont recours dans leurs publications. De même pour les mots-clics, qui permettent de lier les publications à d’autres sur la plateforme, mais qui semblent moins faire recette que sur Twitter (ibid.).

Illustration 6. Exemple d’usage d’un mot-clic pour la publication d’une actualité (T1).

Illustration 6. Exemple d’usage d’un mot-clic pour la publication d’une actualité (T1).

32L’analyse des publications révèle que les types de contenus et les techniques pour les mettre en circulation sont globalement similaires, malgré l’hétérogénéité des organisations sélectionnées. C’est l’agencement de l’action qui évolue. D’un côté, les investissements qui semblent nécessaires pour produire des vidéos, en partenariat par exemple, augmentent ; de l’autre, les techniques plus élaborées pour générer des interactions, comme un jeu-concours, sont moins présentes, au profit d’autres, simplifiées comme les anecdotes et les questions. Ces évolutions répondent-elles seulement aux changements algorithmiques de la plateforme ?

33Nos observations offrent un regard limité sur l’organisation du travail des CM, l’analyse quantitative ne permettant pas une compréhension plus approfondie des motivations derrière les choix éditoriaux ou encore les objectifs propres de l’organisation. Nos analyses ne permettent que d’estimer la « performance » selon les standards établis par la plateforme. Des investigations plus en profondeur permettraient de mettre en lien les types de techniques et d’organisation avec les taux d’interaction. Par exemple, sur les deux enquêtes, deux secteurs génèrent un « engagement » élevé (plus de 30 %) : la politique (partis) et les institutions publiques. Ici, nous souhaitons comparer ces observations aux prescriptions du site Facebook for business, mais aussi de comprendre les usages localisés et les représentations quant à leur finalité ou performance, que ces techniques appellent. Dit autrement, comprendre ce que ces observations impliquent comme pratiques, selon les acteurs qui les déploient.

Entretiens : se jouer de l’instrument

34Les 41 praticiens rencontrés pratiquent le community management depuis neuf ans pour les plus expérimentés, un an pour les moins, et ont des intitulés de postes variés (annexe 6) : 19 community managers qui interagissent avec les publics et diffusent les contenus, 14 social media managers, qui définissent les stratégies globales, trois spécialistes des contenus, et cinq praticiens dont les activités ne s’arrêtent pas aux médias sociaux.

35Chaque poste ne produit pas les mêmes rapports aux plateformes, entre des gestionnaires sensibles aux évolutions des fonctionnalités, et des stratèges qui définissent les objectifs pour guider les actions. De même pour les années d’expérience, qui jouent sur la prise de recul concernant les évolutions des plateformes. Pour autant, tous ces acteurs sont en lien entre eux. Nous parlerons ici de CM pour désigner ces professionnels, peu importe leur statut.

36Nous avons regroupé en six catégories les éléments de leurs entretiens qui évoquent explicitement les usages observés dans la partie précédente, ainsi que ceux qui font référence aux plateformes – spécifiquement Facebook – et à l’incidence de leurs modèles (techniques, économiques, etc.) sur leurs activités quotidiennes. Ces catégories sont avant tout heuristiques, nous permettant de trouver un fil conducteur dans notre restitution. Elles se nomment : « apprentissage », « métriques », « techniques », « contenus », « tactiques » et « dépendance ».

Apprendre les techniques et les mesures afin de produire des contenus

37Selon 27 de nos interviewés, le métier de CM nécessite ce que nous qualifions d’un « apprentissage ». Constant, il concerne autant les usages des dispositifs que les techniques et tendances de la communication numérique. Même s’il passe par « les formations sur Facebook, aller beaucoup lire sur le sujet » (TR), il consiste avant tout, comme le signalent 10 CM, à observer ce que font leurs concurrents. Parmi eux, 4 issus d’institutions publiques ont expliqué se rencontrer de manière ponctuelle. Associées au suivi de l’actualité des plateformes et du métier, ces observations permettent de « s’inscrire dans les tendances actuelles […] et les standards des médias sociaux » (PC), afin de définir les contenus ou les techniques appropriées. Une fois ces tendances identifiées, cet apprentissage est avant tout expérientiel, ainsi que le soulignent 6 CM. Il se construit sur la base d’« essais-erreurs [afin] de voir qu’est-ce qui fonctionne, qu’est-ce qui fonctionne moins » (HT).

  • 16 Selon Twitter, les « impressions » sont le « nombre de fois qu’un utilisateur reçoit un Tweet dans (...)

38La pertinence comme la performance de ces expérimentations, et plus généralement de l’ensemble des actions des CM, sont évaluées par les statistiques des plateformes. La question des métriques est ainsi évoquée par 23 interviewés. 17 d’entre eux soulignent le rôle déterminant de ces statistiques pour définir leurs objectifs, constatant alors la faible part d’objectifs qualitatifs. De manière assez significative, 25 CM emploient la terminologie « d’engagement » propre à Facebook, ou encore pour neuf, de « portée organique ». S’ils ne comprennent pas les tenants et aboutissants de ces quantifications, elles guident néanmoins le choix des contenus et des techniques : « des fois notre taux d’impression16 a complètement baissé sans aucune raison. Du coup je dois produire énormément de vidéos pour avoir un reach [engagement] correct, c’est un travail sans relâche » (CC).

39Les différentes techniques de communication que nous avons présentées dans la partie précédente sont évoquées par 18 des personnes interrogées. Elles visent à générer des interactions, car « quand les gens commentent, aiment, partagent ce qu’on fait, nous on fait bien notre job » (PC). Celles évoquées sont peu variées : faire des « call-to-action » pour 10 d’entre eux, poser une question pour quatre, faire un jeu-concours pour six ou encore détourner l’actualité pour un. Ce recours est expliqué d’abord par le fonctionnement des plateformes : « En ce moment, Facebook, ils veulent beaucoup d’interactions, que les gens s’identifient aux publications, pis les commentaires, pis les partages. “Fait que j’essaie de faire des appels à l’action, des partages à commenter. » (LF) Les attentes de publics guident aussi ces choix. Elles sont estimées par les métriques et des expérimentations continues. Ainsi un CM nous dit-il qu’il « commence à poster, voir ce qui fonctionne le mieux […] et ce qui pourrait intéresser la communauté » (AM). Pour 11 d’entre eux, l’humour, qu’il soit employé pour mettre en circulation un contenu en l’insérant dans des appels à l’action ou qu’il soit présent dans les contenus eux-mêmes, est un levier efficace pour produire des interactions. Plus largement, le « storytelling, des choses dynamiques […] un langage assez familier, avec des trucs accrocheurs, fun » (LF) permet d’attirer l’attention des publics. En termes d’usages, « toutes les fonctionnalités qui sont offertes par les plateformes doivent être utilisées » (ZZ). Si divers logiciels sont également utilisés (Talkwalker, Hootsuite, Echobox), les outils « natifs » proposés par Facebook sont privilégiés, même pour créer des contenus (Creator Studio).

Des contenus, des tactiques et de la dépendance

  • 17 Au sens de prendre.

40La question des contenus les plus performants ou non sur Facebook, de leur forme autant que de leur intérêt pour les publics, est évoquée par 25 des CM rencontrés. Leur production est beaucoup liée aux catégories précédentes. Connaître les tendances est essentiel. Par exemple, 5 CM en 2017 nous expliquent utiliser des GIF animés, mais juste 2 en 2020. L’un d’eux déclare cependant qu’il faut « vraiment faire attention à ces grandes tendances du social media qui te disent que la photo marche mieux, donc tout le monde met des photos et puis derrière finalement ça ne marche pas aussi bien » (PL). Comprendre les statistiques des plateformes est donc important pour estimer ce qui marche. Ainsi le contenu vidéo, cité par 10 entretenus, « nous donne les meilleures stats » (SG). Il est « privilégié » sur Facebook (JT), car « ce genre de contenu là, l’algorithme va continuer de le pousser tout seul » (DJM). Mais produire des vidéos a un coût, comme le soulignent 2 CM (RR et OI). Le recours aux contenus visuels (images, vignettes, photos) va de soi dans les deux enquêtes : « ce qui pogne17 pas, ça va être un message avec pas de photo, pas de visuel » (OV), « il y a pratiquement aucun engagement » (RB). Dans tous les cas, une fois le contenu calibré en fonction des statistiques, des « commentaires du public » (ZZ), voire du « feeling » (EN) et du « gros bon sens » (EA), la façon de le lier à une technique de communication selon les contextes, publics et objectifs, est primordiale.

41L’ensemble de ces choix techniques et éditoriaux relèvent ainsi de ce que nous qualifions de tactique, au sens de M. de Certeau et al. (1990 : 46) : là où la stratégie définit un lieu propre à celui qui la déploie, la tactique « n’a pour lieu que celui de l’autre ». Pour les CM, ce lieu est la plateforme, qui est évoquée par 18 de nos interviewés comme un espace où « on a aucun moyen d’expliquer pourquoi certaines semaines on a des creux et pourquoi certains posts ont fonctionné mieux que d’autres » (MA), et où « on sait jamais vraiment [ce qui va marcher], [alors] ce qu’on fait, c’est qu’on pratique » (PC). 4 mentionnent des temporalités qui imposent la réactivité dans les interactions avec les publics, là où 7 autres soulignent la constante évolution des usages recommandés ou non par les plateformes. Ces adaptations imposent de connaître les « codes des publics » (HP) de chaque plateforme, pour y adapter les techniques ou contenus. Les praticiens interrogés soulignent aussi l’importance de l’éditorialisation afin d’adapter leurs publications, de les mettre en adéquation avec les attentes des publics et les objectifs de leur organisation. Cette éditorialisation passe par les mots-clics pour 6 des interviewés, et surtout par les émojis pour 25 d’entre eux, qu’ils répondent à une politique éditoriale établie ou non. Au-delà de l’usage tactique des fonctionnalités de la plateforme, c’est « l’authenticité » du CM qui peut faire la différence, car « l’humain appelle l’humain [et] du contenu qui a rapport à l’humain va toujours être assez engageant » (DH). Ainsi, plus que leur capacité à utiliser des dispositifs ou comprendre les métriques, « l’humour, l’humain, la créativité, l’émotion » (DH), « faire sentir [aux publics] qu’ils sont importants » (RO), sont évoqués comme des qualités qui permettent d’adapter leurs usages aux plateformes pour les rendre pertinents et performants.

42Parler des plateformes ne peut se faire sans citer les « algorithmes ». 17 CM mettent en exergue les représentations qu’ils ont de l’algorithme d’une plateforme. Celui de Facebook, en particulier, est perçu par certains comme « notre pire ennemi dans notre job » (DJM) qu’il faut pouvoir « battre » pour « attirer l’attention » des publics (ZZ). Les évolutions de l’algorithme sont envisagées par 4 CM comme une réelle difficulté, car « on dirait que tu trouves une pratique qui fonctionne, pis après ça l’algorithme change » (EN). Surtout, les interviewés expliquent comment ces changements incessants contraignent leurs usages : « On essaie de mettre les liens dans les commentaires. Parce qu’on pense que l’algorithme aime pas qu’on mette des liens dans les publications » (PC), ou encore « comme Facebook change tous les 6 mois son algorithme […] moi très très vite j’ai commencé à me dire qu’il fallait qu’on anime de façon plus régulière et de façon plus active » (MS). Ces contraintes algorithmiques ne sont pas les seules citées. Pour 8 CM, Facebook est désigné comme une plateforme avec des règles particulièrement astreignantes, qui empêchent de publier « 16 fois par jour, sur tout et rien » (PC), qui pénalisent le fait « d’aimer » tous les commentaires d’une publication (PC), même si « je n’ai pas vraiment le souvenir qu’on ait suivi à 100 % ce que Facebook préconisait » (TM) pour éviter ces pénalités. L’algorithme des plateformes limite l’autonomie des CM en encadrant leurs capacités d’action. Cette nécessité d’inféoder ses actions aux évaluations automatisées des plateformes, ces changements incessants qui empêchent tout déploiement pérenne des usages éclairent une forme de dépendance aux plateformes.

43En somme, faire de la communication par/sur les plateformes de médias sociaux implique un « apprentissage » constant de nouvelles « techniques » et de nouvelles « métriques » utiles pour définir les « contenus » et « tactiques » qui limiteront les effets de « dépendance », autrement dit de subordination, à la plateforme.

Discussion : construire ses pratiques face à Facebook

44Dans nos entretiens, contrairement aux autres réseaux, Facebook est évoqué par l’ensemble des praticiens, là où nous ne l’avons pas cité dans nos questions ou thèmes. Facebook est une plateforme qui semble être plus qu’un simple outil. Ils cherchent à comprendre sa « portée » (AI), sa « mécanique » (RR). Ils essaient d’appliquer ce qu’elle « aime » (AZ) en suivant parfois ses formations (TR). Elle nécessite de « mettre énormément d’argent pour avoir les résultats qu’on attend » (JT), et « des fois […] trop d’énergie » (EN) pour performer, car si elle « coupe le robinet, on va perdre une part très importante de notre trafic et donc de notre chiffre d’affaires » (AM). Facebook n’est « pas vraiment une organisation éthique » (LF), mais son public « est beaucoup plus engagé » que sur d’autres plateformes (DJM) car « c’est réseau social à haute visibilité » (ZZ). Ces représentations façonnent des pratiques lorsqu’elles guident l’action. Elles révèlent Facebook comme un dispositif dont l’imposition des modèles qui le constitue s’apparente à un processus de plateformisation. On fait avec Facebook et ses modèles pour atteindre ses publics, et on ne peut plus faire sans Facebook lorsque l’on a investi dans cette plateforme.

45Les conseils donnés par Facebook, comme les « idées de publication », ne sont pas que des propositions pour, par exemple, « créer un lien émotionnel avec votre audience » en partageant des « anecdotes ». Ces discours signalent ce que la plateforme va médiatiser ou non. Lorsque les CM rencontrés définissent l’augmentation des interactions, de « l’engagement » comme objectif principal de leurs actions, ces « idées » peuvent être perçues comme des prescriptions. Des prescriptions qui deviennent des règles lorsque leur non-application entraîne des sanctions. Des règles qui se transforment en contraintes quand elles changent constamment. À ce titre, la diminution sensible des taux d’engagement entre 2017 et 2020 contraint les CM à multiplier les expérimentations et à appliquer ce qui est prescrit afin de pallier ces baisses dont ils ne saisissent que peu les causes.

46Les métriques sont essentielles pour évaluer ces expérimentations, comprendre si l’objectif est atteint et mesurer le succès d’une action. Peu importe si ces statistiques éclairent ou non l’atteinte des objectifs fixés par les organisations, qui peuvent être plus qualitatifs (obtenir des dons, répondre à des interrogations, etc.). De manière performative, ces statistiques sont un objectif en soi. La réussite nécessite d’« engager » les publics. Toute action qui engage un peu plus que la précédente est donc à reproduire. Pour s’assurer des taux performants, certaines organisations investissent dans le ciblage publicitaire. Par ailleurs, toute sanction s’évalue aussi par les métriques : mal faire, c’est voir la quantification de sa visibilité baisser. Pourtant, les praticiens savent que ces métriques ne font que refléter les choix de la plateforme, qu’elles sont un incitatif à toujours produire plus lorsque les taux affichés diminuent d’année en année. Mais elles évaluent aussi leur travail, déterminent si eux aussi sont performants. Dans ses discours, Facebook présente ses statistiques comme le seul moyen de comprendre les « intérêts » de ses usagers, de définir les meilleurs moments pour les atteindre. Elles sont alors ce qui modélise l’activité du CM, celle des publics, et les liens entre ces deux activités. Pour ne pas être guidés seulement par ces modélisations, les CM établissent des objectifs plus qualitatifs, comme la satisfaction des publics. Pour autant, ils ne peuvent se défaire de ces évaluations automatisées s’ils veulent performer sur la plateforme, et rendre compte de leurs actions.

47Avec les métriques, les recommandations du site Facebook for business concourent à un apprentissage nécessaire de l’utilisation de la plateforme. Ces discours construisent une figure idéale du public autant que de la présence numérique des organisations. Les usagers de la plateforme ont une attention à attirer, sont en recherche de liens émotionnels et de confiance, sont sensibles à certains types de sujets, peuvent se faire piéger par certaines techniques ou encore préfèrent des textes courts et percutants. En particulier, ils aiment les contenus « originaux », notion qui est au cœur des discours de notre corpus. Ainsi Facebook justifie-t-il la nécessité pour les CM d’être à l’affut des dernières tendances : afin d’être une organisation attrayante, dont on se souvient et en qui on a confiance. La plateforme permet de mettre en surveillance d’autres pages afin de comparer les performances, renforçant là encore une dépendance à ses mesures qui sont les seules aptes à fournir cette comparaison. Les CM nous disent allouer une partie de leur temps de travail (ou de leur temps personnel) à l’observation d’autres pages semblables, développant parfois une forme de mimétisme. Les publications que nous avons observées sont fortement similaires dans leurs recours à certains contenus et techniques, comme les usages qui semblent se normaliser. Pour se défaire de cette standardisation, induite par les normes de la plateforme que la majorité applique et que les algorithmes valorisent, les CM multiplient les essais-erreurs. Ils testent par eux-mêmes ce qu’ils voient ailleurs ou ce que la plateforme leur prescrit, et ce qui leur parait « original » ou pertinent pour les publics. Mais l’évaluation de ces tests étant faite par les statistiques de Facebook, les innovations sont rares. Les tactiques éditoriales, afin de contourner les cadres prescriptifs ou instrumentaliser les standards, sont alors elles aussi peu variées. Et lorsqu’elles deviennent des conventions pour la profession (comme poser des questions en incitant à l’usage des reactions), elles sont rapidement pénalisées ou encadrées par la plateforme (faire des call-to-action mais sans piège à clics).

48Facebook conseille plusieurs techniques pour « accroître l’audience » ou la faire interagir. Nos observations montrent un répertoire restreint, qui évolue peu dans le temps, et qui intègre les recommandations de la plateforme. Facebook évoque à plusieurs reprises, dans les discours de notre corpus, l’importance de partager des actualités. Ces actualités peuvent concerner l’organisation elle-même, mais les CM sont aussi invités à marquer « les actualités de [leur] empreinte pendant qu’elles sont au centre de l’attention » (annexe 3). Le newsjacking est dès lors très présent dans nos corpus, particulièrement en 2020 avec de nombreuses références à la pandémie. Puisque les métriques et les discours de la plateforme incitent à publier de manière régulière, le détournement de l’actualité dans une période avec peu d’activités est une technique utile, tout comme les anecdotes qu’elles respectent les sujets non pénalisés. Pour les CM, ces techniques qui ne supposent guère la création de contenus élaborés sont un moyen d’exprimer leur créativité et leur sensibilité quant aux attentes des publics. Elles sont de plus une occasion d’insérer des appels à l’action afin de générer des interactions à moindre coût. Cependant, des anecdotes aux questions ouvertes, chaque technique observée est recommandée et encadrée par Facebook. La nuance est alors subtile entre une méthode incitative et un « piège à interactions ». Les CM gérant des pages avec une plus faible visibilité évitent donc d’expérimenter des approches trop originales, préférant adapter ce qu’ils voient chez des pages plus populaires.

  • 18 Pour une synthèse de la chronologie des relations de Facebook avec les médias, lire : « Facebook e (...)

49Il en va de même pour les contenus. Lorsque Facebook incite à ce que « chacune de vos publications [comporte] du contenu, tel que des images, des GIF ou des vidéos », nos données montrent qu’en 2017 comme en 2020 plus de la moitié des publications en contiennent. Là où le partage de liens vers des sources extérieures est peu présent dans les corpus de notre première enquête, les CM de la seconde en font davantage. La différence est d’ailleurs flagrante pour les médias, dont les partenariats rémunérés n’ont cessé de se développer avec Facebook depuis 201818. Pour autant, les CM ne suivent pas les prescriptions à la lettre, en particulier lorsqu’elles ont trait aux standards techniques. Leur marge de manœuvre ne se situe pas dans la production des contenus en eux-mêmes, ou dans leur sélection, mais dans les moments où ils seront diffusés, et surtout dans leur éditorialisation.

Des manières de faire avec la dépendance à Facebook

  • 19 Notre article se concentre principalement sur les publications, et non les commentaires et autres (...)

50L’éditorialisation des contenus à diffuser participe aux tactiques déployées par les CM pour contourner les prescriptions de Facebook en détournant ses fonctionnalités19. Par exemple, lorsque la plateforme incite à écrire des textes courts, les CM préfèrent avoir recours aux émojis pour amener visuellement les publics à continuer de lire. Cette éditorialisation, via l’humour par exemple, leur permet de se distinguer, de contourner certaines règles afin d’adapter les demandes de leurs commanditaires aux contraintes de la plateforme, et à celles propres aux publics. Comme pour les mesures, les CM expérimentent au quotidien, jouent avec certaines limites, détournent des usages prescrits, cherchent à se démarquer. Pour filer la conception des tactiques M. de Certeau et al. (1990), si Facebook laisse peu de place aux CM pour marquer leurs propres usages, ils développent en réponse des manières de faire pour contourner certains cadres.

51En effet, les contraintes imposées par Facebook sont nombreuses. Et ce sont les algorithmes de la plateforme qui, pour les CM, les font respecter. Comme Facebook essaie de construire une figure idéale du public, les CM fabriquent en conséquence une figure typique de l’algorithme, à la fois ami et ennemi, source de réussites, de déconvenues et que l’on chercher à instrumentaliser. Mais lorsqu’ils jouent en suivant les règles de la plateforme, et qu’ils gagnent (en visibilité, engagement, etc.), alors ils incorporent un peu plus les standards prescrits. Et pour évaluer les gains, ou les pertes, ils n’ont de toute manière comme seul étalon que les statistiques du dispositif. De plus, ces algorithmes empêchent toute projection à moyen terme, puisque leurs critères et les effets de leurs traitements évoluent sans cesse. Les prescriptions de Facebook et la reproduction des actions qui ont déjà fonctionné sont en définitive le meilleur moyen de s’adapter à ces changements.

52Outre une normalisation des usages, il en résulte une dépendance typique d’un phénomène de plateformisation, c’est-à-dire une subordination de la communication des organisations aux modèles constitutifs de la plateforme. Cette dépendance s’observe à quatre niveaux :

  • lorsque Facebook devient la source d’audience principale de la présence numérique de l’organisation, et le moyen central pour attirer l’attention des publics. S’il est toujours possible de limiter les investissements directs20, il serait onéreux et risqué de quitter la plateforme pour réaccumuler un capital réputationnel dans d’autres espaces ;
  • lorsque les métriques sont le seul moyen d’évaluer les changements incessants des traitements algorithmiques. Malgré le fait que les CM connaissent les limites et parfois l’inutilité de ces mesures, ils ne peuvent faire sans et les consultent ainsi systématiquement ;
  • lorsque la production des contenus et le choix des techniques de communication répondent à ce besoin d’audience, et sont assujettis aux prescriptions de la plateforme. La créativité est bridée par les standards, tout du moins elle est fortement encadrée par eux ;
  • lorsque les praticiens continuent à utiliser cette plateforme malgré une conscience aiguë de cette subordination, des limites des standards qu’on leur impose, de l’incertitude quant aux tactiques auxquelles ils ont recours, et même de nombreux scandales qui jalonnent l’actualité de Facebook.

53En somme, face à Facebook, les pratiques des CM que nous avons observées se composent autour de la « double médiation » indiquée par Josiane Jouët (1993 : 101). Une première médiation, technique, qui va structurer ces pratiques, voire les standardiser, générant une dépendance puisque les modalités d’actions sont sous l’emprise du dispositif, de ses affordances et de ses règles. Une seconde médiation, sociale, qui s’appuie sur des représentations communes comme la figure de l’algorithme. Cette médiation permet de déployer des manières de faire afin de se réapproprier la plateforme, de construire des usages pour braconner les règles et détourner les affordances. Pour autant, les modèles de Facebook intègrent progressivement ces pratiques afin de les normer. Et plus les CM pratiquent, plus ils intègrent ces normes. La plateformisation se nourrit alors des résistances qu’elle génère quand les pratiques visant à s’autonomiser des modèles des plateformes renforcent leur emprise.

Conclusion 

54Observer, décrire et analyser ce que les CM font dans les plateformes, avec elles et contre elles, met en lumière ce que nous pouvons envisager comme la plateformisation de la communication des organisations. Celle-ci apparait lorsqu’une plateforme définit et régule ce qui doit être communiqué, comment le communiquer, quand et pour qui le faire. En somme, lorsqu’elle standardise les pratiques à l’aune de ses propres modèles. Pour Facebook, ce phénomène s’observe lorsque :

  • son modèle idéologique façonne les représentations que les organisations ont des publics et de leurs propres usages. Il génère une dépendance aux prescriptions de la plateforme ;
  • son modèle technique, des algorithmes aux statistiques, définit ce qui est performant et pertinent. Les organisations sont alors dépendantes de ces statistiques pour établir leurs objectifs d’action, et les CM déploient un ensemble de tactiques pour donner du sens à ces mesures et appréhender leurs changements incessants (diffusion d’un même contenu sur deux pages similaires par exemple) ;
  • son modèle économique de production de données pour le ciblage publicitaire détermine les effets attendus des pratiques des CM, à savoir générer des interactions. S’il n’y en a pas, alors les organisations doivent investir pour en obtenir davantage, ou avoir recours à des techniques souvent « interdites » (piège à clics) ;
  • son modèle politique organise les relations entre l’organisation et ses publics, en autorisant ou non certaines interactions, ce qui empêche de réelles innovations communicationnelles et normalise les manières de faire ;
  • son modèle communicationnel participe au développement de tendances et standards de communication. De nombreuses organisations doivent y adhérer pour maintenir une certaine réputation, ce qui conduit les CM à des formes d’éditorialisation contextuelles pour adapter des contenus prévus de longue date à ces nouvelles tendances ;
  • son modèle d’usage circonscrit les capacités d’action des praticiens, et implique un investissement soutenu pour se l’approprier et pour le contourner. Cet investissement renforce alors la dépendance pour l’amortir comme pour le renouveler constamment.

55En introduction, nous nous sommes demandé comment les community managers font face à cette plateformisation qui normalise leurs usages, standardise leurs contenus et limite leur autonomie. Ces praticiens de la communication doivent composer avec les modèles qui la caractérisent. Les contenus qu’ils mettent en ligne sont encadrés par des standards, mais ils peuvent contourner certains d’entre eux par leur éditorialisation. Les techniques qu’ils peuvent déployer sont limitées, mais ils se doivent d’être originaux et donc détournent les fonctionnalités de la plateforme afin de se différencier. Pour se distinguer, pour être tactiques à défaut d’être stratégiques, nous avons observé que ces praticiens de la communication font appel à leurs sensibilités, leur personnalité et leurs ressentis. Un ensemble de qualités qui irriguent leurs pratiques et qui ne peuvent être standardisées par les plateformes. Le meilleur moyen de ne pas être affecté par la plateformisation de son métier est-il alors de faire de ses propres affects un « lieu propre » (de Certeau et al., 1990 : 47) ?

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Document annexe

  • Annexes (application/pdf – 332k)
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Notes

1 Cette étude soutenue par la fondation Audencia est réalisée avec Julien Pierre (Audencia Business School). Dans cette même livraison, voir l’article « Le travail émotionnel numérique : faire de ses clics un moyen d’éviter les claques » s’appuyant sur cette étude.

2 Ce projet, intitulé Affects numériques et travailleurs du clic (Antic), est financé par le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH) du Canada dans le cadre d’une subvention développement Savoir.

3 Accès : https://www.facebook.com/business/learn/certification/exams/600-101-exam. Consulté le 30 juill. 2021.

4 Accès : https://www.facebook.com/business. Consulté le 30 juill. 2021.

5 Accès : https://www.facebook.com/business/news/insights/the-creative-behaviors-of-2020s-breakthrough-brands?ref=search_new_0. Consulté le 30 juill. 2021.

6 Les critères prédéfinis sont, par exemple : le nombre de salariés, les secteurs d’activité, la localisation, la présence sur les territoires français ou québécois, la gestion active (moins d’un mois) d’une page Facebook, etc.

7 Afin de préserver au mieux l’anonymat des personnes rencontrées, particulièrement pour l’enquête 2, nous ne citons pas les organisations. Dans les annexes 3 et 4 se trouvent cependant les secteurs d’activité, à savoir : l’informatique, les transports publics, la logistique, l’énergie, le multimédia, les jeux vidéo, l’enseignement supérieur, les organismes sans but lucratif, l’hôtellerie, le tourisme, le loisir, le sport, le commerce, les partis politiques, les institutions publiques et culturelles, les municipalités et les médias.

8 L’enquête 1 se voulant quantitative à l’origine, cette analyse a été (re)déployée pour le présent article.

9 Les éléments gardés pour comparaison ont été les suivants : les types de contenus, la présence d’émojis, les types d’interactions autour des publications, les types de techniques utilisées pour générer de l’interaction.

10 Nous avons rencontré 19 personnes travaillant pour 18 organisations.

11 Accès : https://about.fb.com/news/2018/01/news-feed-fyi-bringing-people-closer-together. Consulté le 30 juill. 2021.

12 Il faut souligner que la page R2 (média) représente à elle seule un peu plus du tiers (33,67 %) des publications présentant un lien externe.

13 Selon Wikipédia, « le jour du dépassement, ou jour du dépassement de la Terre (en anglais : Earth Overshoot Day ou EOD) correspond à la date de l’année, calculée par l’ONG américaine Global Footprint Network, à partir de laquelle l’humanité est supposée avoir consommé l’ensemble des ressources que la planète est capable de régénérer en un an. ». Accès : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jour_du_d%C3%A9passement. Consulté le 30 juill. 2021

14 Afin de préserver l’anonymat des personnes rencontrées dans nos enquêtes, nous illustrerons nos propos avec des impressions d’écran de pages pour lesquelles nous n’avons pas rencontré les gestionnaires (enquête 1).

15 Un influenceur est un individu dont la visibilité sur les médias sociaux numériques est utilisée comme levier de circulation et de diffusion des contenus d’une organisation.

16 Selon Twitter, les « impressions » sont le « nombre de fois qu’un utilisateur reçoit un Tweet dans son fil d’actualités ou ses résultats de recherche ». Accès : https://help.twitter.com/fr/managing-your-account/using-the-tweet-activity-dashboard. Consulté le 30 juill. 2021.

17 Au sens de prendre.

18 Pour une synthèse de la chronologie des relations de Facebook avec les médias, lire : « Facebook et les médias, une liaison diaboliquement complexe » de N. Pignard-Cheynel, sur La revue des médias. En ligne : https://larevuedesmedias.ina.fr/facebook-et-les-medias-une-liaison-diaboliquement-complexe. Consulté le 30 juill. 2021.

19 Notre article se concentre principalement sur les publications, et non les commentaires et autres échanges directs avec les publics, qui sont pour autant un terrain fertile à observer. Malgré un corpus substantiel de commentaires et de discussions à leurs propos dans nos entretiens, nous avons fait ce choix parce que la grande majorité des CM rencontrés produisent ou mettent en ligne des contenus (39 sur 41), là où seule une partie d’entre eux interagissent de manière quotidienne avec les publics (30 sur 41). D’autres publications centrées sur ces interactions sont envisagées.

20 En 2020, près de 1000 annonceurs ont décidé d’arrêter leurs investissements publicitaires sur la plateforme pour protester contre la prolifération de propos haineux sur celle-ci. Lire : Y. Gangloff, « Boycotté par les annonceurs, Facebook chute en bourse », Le Siècle digital. Accès : https://siecledigital.fr/2020/06/29/boycotte-par-les-annonceurs-facebook-chute-en-bourse. Consulté le 30 juill. 2021.

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Table des illustrations

Titre Illustration 1. Exemple de newsjacking (Y1).
URL http://journals.openedition.org/questionsdecommunication/docannexe/image/26730/img-1.png
Fichier image/png, 130k
Titre Illustration 2. Exemple de mise en avant de personnalités publiques et de citations (U1).
URL http://journals.openedition.org/questionsdecommunication/docannexe/image/26730/img-2.png
Fichier image/png, 429k
Titre Illustration 3. Exemple d’un jeu-concours s’appuyant sur une personnalité publique.
URL http://journals.openedition.org/questionsdecommunication/docannexe/image/26730/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 134k
Titre Illustration 4. Exemple d’un jeu-concours.
URL http://journals.openedition.org/questionsdecommunication/docannexe/image/26730/img-4.png
Fichier image/png, 670k
Titre Illustration 5. Deux exemples de recours à l’humour, dont l’un associé à un appel à l’action et l’autre à une question posée en lien avec l’actualité musicale (V1).
URL http://journals.openedition.org/questionsdecommunication/docannexe/image/26730/img-5.png
Fichier image/png, 686k
URL http://journals.openedition.org/questionsdecommunication/docannexe/image/26730/img-6.png
Fichier image/png, 728k
Titre Illustration 6. Exemple d’usage d’un mot-clic pour la publication d’une actualité (T1).
URL http://journals.openedition.org/questionsdecommunication/docannexe/image/26730/img-7.png
Fichier image/png, 387k
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Pour citer cet article

Référence papier

Camille Alloing, Samuel Cossette et Sara Germain, « Faire face aux plateformes »Questions de communication, 40 | 2021, 141-168.

Référence électronique

Camille Alloing, Samuel Cossette et Sara Germain, « Faire face aux plateformes »Questions de communication [En ligne], 40 | 2021, mis en ligne le 01 juin 2022, consulté le 16 avril 2024. URL : http://journals.openedition.org/questionsdecommunication/26730 ; DOI : https://doi.org/10.4000/questionsdecommunication.26730

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Auteurs

Camille Alloing

Université du Québec à Montréal, LabFluens, LabCMO, C-QC H24 2C4 Montréal, Canada

Articles du même auteur

Samuel Cossette

Université du Québec à Montréal, Cricis, C-QC H24 2C4 Montréal, Canada

Sara Germain

Université du Québec à Montréal, C-QC H24 2C4 Montréal, Canada

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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