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Modalités de l'appropriation patrimoniale des reliefs

Processes of patrimonial landform appropriation
Dominique Sellier et Claire Portal
p. 105-124

Résumés

En amont de la sélection ou de l'évaluation des géomorphosites, s'opèrent des processus, le plus souvent spontanés, qui contribuent à une patrimonialisation progressive des reliefs, c'est-à-dire à une considération de reliefs, proches ou lointains, comme des éléments objectifs du patrimoine d'individus ou de sociétés. La patrimonialisation débute par des modalités d'appropriation, qui précèdent des modalités de conservation et de transmission. Ces modalités d'appropriation s'accomplissent à différents moments dans le temps et s'exercent pendant des durées différentes. Ainsi, l'appropriation des reliefs, dans la perspective d'une patrimonialisation, s'effectue d'ordinaire selon des modalités immatérielles, ou principalement immatérielles : par la désignation des reliefs mémorables (par la toponymie), la description de ces reliefs (pour leur identification) et leur représentation (d'abord sur des cartes). Elle s'effectue également selon des modalités matérielles, ou principalement matérielles, qui laissent, pour leur part, des marques dans le paysage, par l'instrumentalisation cultuelle ou commémorative de certains reliefs, par la conquête et par l'exploitation économique, le plus souvent de type touristique. Cette dernière s'accompagne souvent d'actions foncières et juridiques, qui s'apparentent aux formes les plus achevées de l'appropriation patrimoniale.

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Texte intégral

I - Introduction

1Le processus de patrimonialisation, quel que soit son objet, comprend trois stades complémentaires : l'appropriation, la conservation et la transmission. L'appropriation des reliefs en tant que patrimoine représente le processus initial de leur prise en considération en tant que géomorphosites. Leur conservation relève des principes de la protection de la nature et ce qui s'apparente à de la transmission se fait principalement par la vulgarisation de savoirs (M. PANIZZA, 2001 ; M. AMBERT , 2004 ; E. REYNARD, 2005 ; E. REYNARD et al., 2009 ; D. SELLIER, 2009 ; C. PORTAL, 2010).

2La phase d'appropriation répond, en l'occurrence, à une démarche mentale, individuelle ou collective, ce qui implique qu'elle est essentiellement culturelle (M. PANIZZA et S. PIACENTE, 2004). On n'acquiert pas un relief en tant que patrimoine (sauf dans le cas de sites soumis à une exploitation touristique préalable). D'ordinaire, on adopte un relief comme patrimoine. Cette appropriation s'effectue selon deux modalités, parfois combinées : des modalités immatérielles, ou principalement immatérielles, et des modalités matérielles, ou principalement matérielles. Les premières n'impliquent, dans la majorité des cas, aucune emprise visible dans le paysage ; elles s'accomplissent par la désignation d'un relief (c'est-à-dire par la toponymie), par sa description (comme dans un récit) et par sa représentation (par l'image et d'abord par les cartes). Les secondes s'accompagnent ordinairement d'une emprise concrète dans le paysage ; elles s'accomplissent par l'instrumentalisation cultuelle ou commémorative d'un relief (comme l'édification d'un monument), par l'exploit (ou par la conquête sportive), par l'exploitation économique ou culturelle (le plus souvent à des fins touristiques), ce qui conduit, dans ce cas, à une appropriation foncière et, finalement, juridique.

II - Les modalités immatérielles de l'appropriation patrimoniale des reliefs

1 ) L'appropriation initiale des reliefs par leur désignation

3L'attribution d'un nom à un relief auquel on confère un intérêt particulier constitue la première façon de se l'approprier, mentalement. En réponse, la toponymie fait couramment référence aux reliefs. Traitée par les linguistes, les historiens et les sociologues, plus souvent que par les géographes, elle appartient au patrimoine culturel des sociétés (C. ROSTAING, 1965 ; S. GENDRON, 2003). Elle traduit la reconnaissance et ainsi l'appropriation d'un relief, par un individu ou par un groupe, comme élément marqueur du territoire à l'intérieur duquel celui-ci évolue. Elle s'établit dans une langue, qui elle-même constitue un patrimoine.

4L'oronymie débute le plus souvent par une désignation orale des reliefs. Elle s'applique d'abord à ceux d'entre eux qui fournissent des repères par leur forme, leurs dimensions, leurs altitude et position relatives, leur teinte ou leur ton (D. SELLIER, 2002, 2013). Elle donne lieu, ensuite, à une formulation écrite, sur les cartes et dans les récits, non sans risques de corruptions réitérées. En France, parmi d'autres exemples, les types de reliefs les plus souvent désignés sont les reliefs saillants, les monts (utilisés comme préfixes : Montceau-les-Mines, Montrichard, ou comme suffixes : Beaumont, Royaumont), les collines (Butte, Tertre), puis les plaines et les plateaux (La Plaine, Le Planet), les vallées (Vaucluse, Clairvaux), plus rarement les versants (Côte d'Or).

5La place des oronymes dans la toponymie, autrement dit l'appropriation initiale des reliefs par des mots, dépend des interactions de trois facteurs fondamentaux. Le premier, géographique, résulte des propriétés de l'espace concerné, donc de la géomorphologie. Le deuxième, historique, dépend de l'ancienneté et des étapes de l'occupation de l'espace considéré. Le troisième, sociologique, provient des types de populations concernées, notamment sédentaires ou nomades. Le fait que certains reliefs soient désignés alors que d'autres, proches ou ressemblants, ne portent aucun nom, résulte de ces interactions (Fig. 1).

Figure 1 - L'appropriation initiale des reliefs par leur désignation.

Figure 1 - L'appropriation initiale des reliefs par leur désignation.

Dans les Highlands d'Écosse, la hiérarchisation des volumes s'exprime par la différenciation entre les Beinn, montagnes les plus élevées (Glas Bheinn : la montagne bleue ou verte), les Meall, montagnes plus basses et plus arrondies (Meall Diamhain : la colline aux cerfs), les Cnoc, collines qui, sauf exceptions, surmontent les plates-formes inférieures (Cnoc an Droighin : la petite colline à l'épine noire), les Creag et les Torr, simples rochers ou escarpements (Creag Mhor : le grand rocher), servant collectivement ici de repères le long de la route d'Ullapool à Durness (massif de l'Assynt, Sutherland) ; pour l'anecdote, Druim na h-Uamha Moire, au nord, signifie la crête des grands trous, pour désigner une cuesta de calcaire à revers ponctué de dolines.

2 ) L'appropriation des reliefs par leur description

6La description sert à identifier un relief et à fournir un moyen de le repérer ou de le retrouver. Elle peut procéder, elle aussi, d'une transmission d'abord orale et s'exprime par plusieurs genres écrits.

7Les récits de voyages, d'expéditions ou de campagnes constituent des documents de première main destinés à rendre compte d'observations de terrain. Les descriptions de reliefs y sont fréquentes. Certaines relèvent de la simple évocation (comme le site d'Alésia dans La Guerre des Gaules). À l'inverse, d'autres comprennent des descriptions précises (comme celles du Mont Blanc par Horace Bénédict de SAUSSURE, des montagnes d'Amérique Latine par Alexander Von HUMBOLDT ou des mornes tropicaux par Claude LÉVI-STRAUSS). Certaines s'accompagnent d'interprétations dynamiques (comme celles de John MUIR, qui décrit les reliefs glaciaires de la côte pacifique de l'Amérique du Nord avec une précision impressionnante dès la fin du XIXème siècle ‒ J. MUIR, 1992). Il existe ainsi de multiples journaux de voyages (écrits sur le terrain, par définition au jour le jour) et récits de voyage sensu stricto (écrits au retour, à une date plus ou moins différée), comprenant des descriptions de reliefs par des voyageurs doués de curiosité et animés d'une volonté de transmettre : marins descendus à terre, officiers méharistes, reporters, explorateurs à la solde d'États ou de marchands. Les récits inspirés par les voyages de scientifiques présentent plus d'intérêt documentaire, mais demeurent peu nombreux (Charles DARWIN et les champs de blocs des Falkland ou les atolls de l'océan Pacifique, Édouard Alfred MARTEL et les reliefs karstiques, Jean MALAURIE et les versants à éboulis du Groenland, Théodore MONOD et les reliefs du Sahara). Tous participent, à différents degrés, à la notoriété des reliefs ou des types de reliefs considérés.

8Les textes littéraires participent, de même, à la notoriété et à la patrimonialisation des reliefs. Alors que les récits de voyages résultent d'une expérience vécue, les romans s'appuient sur une histoire imaginaire, même si une inscription dans le réel peut s'y exprimer à différents degrés. Pour les chercheurs, la description écrite sert à caractériser un relief et à fournir un moyen de le retrouver. Pour les écrivains, les reliefs contribuent à construire l'environnement des intrigues. Les légendes s'inscrivent elles-mêmes dans un contexte de folklore local, mais traduisent la mythologie de lieux dont les reliefs sont les éléments essentiels.

9Les textes littéraires, quels qu'ils soient, relèvent donc d'une approche des reliefs par la littérature et non plus seulement d'un récit écrit avec un talent littéraire. Ils relèvent d'hommes de lettres, reconnus comme tels, et voyageurs. Ils traitent des reliefs à travers l'évocation des paysages (André GIDE et le Tchad, Walter SCOTT et l'Écosse, Jules VERNE et le Telemark). Les textes traitent parfois du relief de façon documentaire, comme ceux de Kenneth WHITE, qui pratique la géopoétique, mais qui utilise aussi, avec adresse, des extraits de la thèse d'Alain GODARD (1965) à l'occasion d'une présentation des reliefs de l'Écosse (K. WHITE et J. HERVOCHE, 2001). Les simples allusions de GŒTHE et de George SAND au sujet des reliefs granitiques participent à la reconnaissance des spécificités de ces reliefs dans les massifs anciens, voire dans les chaînes de montagnes (A. GODARD, 1977 ; M. GEYER et al. 2007 ; M. PANIZZA et P. CORATZA, 2012). La double compétence à la fois littéraire et scientifique demeure néanmoins peu commune, en raison de la méconnaissance du vocabulaire géomorphologique, sauf de la part d'écrivains-géographes, dont le plus célèbre, Julien GRACQ, a notamment décrit la France de l'Ouest (La presqu'île) et le Massif Central (Lettrines). L'évocation littéraire incite aussi le lecteur à découvrir à son tour, sinon à aller voir sur place, ce que l'auteur a vu, en provoquant ainsi un processus de patrimonialisation "cumulée" du relief : on ne se déplace plus seulement pour visiter un relief, mais pour aller voir un relief devenu célèbre pour avoir été contemplé par un personnage connu.

10S'ils ne sont pas l'œuvre de voyageurs, accomplie au retour, les reportages, articles de revues et ouvrages encyclopédiques proviennent de journalistes, éditeurs ou vulgarisateurs, dans le but de décrire des pays, des paysages et des reliefs. Ils fournissent indirectement des informations d'ordre géomorphologique. Les revues "grand public", comme le National Geographic, demeurent ainsi de puissants moyens de diffusion de connaissances géographiques à travers des reportages, assortis de photographies de qualité, sur des pays souvent éloignés ou peu accessibles. Ces ouvrages et ces revues, qui conservent un lectorat, ont le mérite d'entretenir la curiosité pour les paysages et, à travers eux, pour les reliefs. Ils assurent la célébrité de sites souvent sélectionnés pour leurs caractères esthétiques ou dimensionnels, donc exceptionnels, mais ils n'en constituent pas moins un fond documentaire, patrimonial, incontestable.

11Les guides, écrits et illustrés par des auteurs qui disposent d'une connaissance directe ou indirecte des sites considérés, répondent à une démarche particulière : inciter à la visite, donc à aller voir. Ils répondent aussi à un objectif pratique : pouvoir servir sur le terrain (Photo 1). Les Guides Joanne, puis Les Guides Bleus, sont restés fameux pour leurs présentations géographiques. Les Guides Michelin, qui associent très tôt tourisme et trajets automobiles, publient également des informations utiles sur les reliefs. Plus récemment, les guides géolo-giques et naturalistes (tels que ceux publiés, entre autres, par les éditions Masson, Hachette, Gallimard ou Delachaux et Niestlé), où la géomorphologie demeure souvent indifférenciée de la géologie, se distinguent par la qualité de leurs commentaires et de leurs illustrations. De tels ouvrages participent eux aussi indirectement, à la patrimonialisation des reliefs et à la vulgarisation de la géomorphologie. Des descriptions de reliefs se sont développées, au cours des dernières années, sur d'autres supports que le papier : applications pour smartphones et tablettes, utilisation de sites internet (N. CAYLA, 2009 ; G. REGOLINI-BISSIG, 2012 ; S. MARTIN, 2013).

Photo 1 - L'appropriation des reliefs par leur description : une partie des collections de guides géologiques et géomorphologiques en vente à la librairie du Natural History Museum de Londres. [cliché : Dominique SELLIER]

Photo 1 - L'appropriation des reliefs par leur description : une partie des collections de guides géologiques et géomorphologiques en vente à la librairie du Natural History Museum de Londres. [cliché : Dominique SELLIER]

3 ) L'appropriation des reliefs par leurs représentations iconographiques

12Il s'agit de l'illustration du relief, sachant qu'il existe, ici aussi, tous les degrés entre représentation objective et représentation artistique. Dans tous les cas, se produit une appropriation immatérielle, mais effective, du relief à travers celle du paysage. Sa représentation concrète, par l'image, assure sa continuité, sa conservation éventuelle et donc, à nouveau, sa patrimonialisation.

13Les cartes sont des outils conçus pour se repérer et pour trouver un lieu. Elles comptent parmi les premières images produites par l'homme, comme en témoigne toujours le fait de tracer du doigt un trajet sur le sol. Les cartes sont des moyens de mesure des distances, en fonction d'une échelle, en même temps que des sources documentaires et de localisation des objets dans l'espace. Les premières cartes représentent des itinéraires schématiques, comme la table de PEUTINGER. Elles sont aussi destinées à retrouver des sites privilégiés, comme les portulans. Ce sont des cartes routières, au sens strict. Les cartes deviennent ensuite géométriques, grâce à la triangulation, au redressement photographique, puis au géoréférencement. Les cartes topographiques fournissent ainsi des informations objectives sur les dimensions et sur les formes de reliefs dans les trois dimensions. Elles reproduisent les reliefs avec un soin croissant, dans la mesure où ces reliefs servent de repères. Les cartes de base associent les reliefs (ou les associaient) à un fond topographique qui sert d'armature. Le relief a été d'abord figuré par les représentations conventionnelles de collines, de vallées, de lignes de crête et de chaînes de montagnes (comme sur les cartes de CASSINI) (Photo 2), puis par des points cotés, dont on a relevé l'altitude, et par des hachures (comme sur les cartes d'État-Major en France), enfin par des courbes de niveau assorties d'un estompage (comme sur les cartes publiées par l'IGN). Les atlas sont des recueils de cartes destinés à vulgariser la cartographie et sont, de cette façon, aux cartes ce que les encyclopédies sont aux récits de voyage. Les cartes spécialisées comme les cartes bathymétriques publiées, en France, par le Service Hydrographique et Océanographique de la Marine représentent les reliefs sous-marins par des sondes ou des isobathes. Les cartes géologiques publiées par le Bureau de Recherches Géologiques et Minières offrent le moyen de mettre en relation le relief et la structure. Les cartes géomorphologiques ont pour but fondateur de représenter les formes et les processus relatifs au relief. Les cartes permettent de construire des coupes et des blocs-diagrammes, relayés par les Modèles Numériques de Terrain, qui représentent, pour leur part, le relief en trois dimensions et qui comptent, eux aussi, parmi les vecteurs de la vulgarisation de la géomorphologie. Dans le domaine numérique, les globes virtuels, du type Google Earth, constituent un type de représentation cartographique qui s'est imposé comme nouveau moyen de diffusion des connaissances sur les reliefs.

Photo 2 - L'appropriation des reliefs par leurs représentations iconographiques (et par leur désignation). [cliché : Dominique SELLIER]

Photo 2 - L'appropriation des reliefs par leurs représentations iconographiques (et par leur désignation). [cliché : Dominique SELLIER]

La représentation du bassin de Carpentras au pied du mont Ventoux et à l'ouest des monts du Vaucluse, de la vallée du Rhône et de celle de la Durance, reproduits en 1580 sur les fresques de la galerie des Cartes géographiques du musée du Vatican.

14En dehors des cartes, le schéma descriptif est un dessin au trait, parfois rehaussé de couleurs, destiné à reconnaître et à mémoriser un relief : croquis dressé au cours d'un voyage, devant le motif, ou reproduit, avec retouches, pour une publication. Certains procèdent du dessin d'après photo, intégrant la géologie (schémas morphostructuraux). Ces représentations demeurent soucieuses de réalisme scientifique et permettent d'appuyer une description ou une démonstration.

15Le dessin artistique exécuté en plein air occupe une place intermédiaire entre le procédé graphique précité et la peinture. Il intègre inévitablement le relief s'il n'en fait pas déjà un sujet majeur. Généralement monochrome, il utilise la mine de plomb, l'encre ou la sanguine et le plus souvent un support léger comme le papier. Il peut donc être exécuté en plein air, comme une fin en soi, ou comme un croquis préparatoire à l'exécution d'une toile, avant l'invention de la peinture en tube qui libérera des contraintes de l'atelier. Les musées conservent les carnets de croquis de peintres de paysage ou de peintres d'histoire (William TURNER, Eugène DELACROIX...).

16La peinture constitue un moyen de représentation artistique du relief, comme la littérature. Le relief est donc, réciproquement, l'un des éléments majeurs des représentations picturales. Il est indissociable du genre paysage, mais se trouve représenté aussi, en fond, dans de nombreux tableaux d'histoire, portraits et scènes de genre. Le paysage apparaît, en premier lieu, comme décor dès le Moyen-Âge. Il devient un genre reconnu au XVIIème, puis spécialement prisé au XIXème siècle avec les romantiques (Caspar David FRIEDRICH) et les réalistes (Jean-Baptiste Camille COROT, Gustave COURBET), avant de devenir un genre majeur chez les impressionnistes (Claude MONET, Alfred SISLEY) et les peintres modernes (Paul CÉZANNE).

17La représentation du relief dans un tableau dépend de deux facteurs. Le premier correspond à la place du paysage (donc du relief) dans le tableau. Le paysage d'arrière-plan sert principalement de décor jusqu'au début du XIXème siècle : c'est le relief visible au quotidien, plus ou moins idéalisé (comme les downs qui figurent derrière le portrait de Mr and Mrs Andrew par Thomas GAINSBOROUGH) ; par la suite, le paysage-sujet devient l'élément essentiel du tableau (La plaine de Salisbury par John CONSTABLE). Le second facteur tient aux circonstances de localisation du site représenté et du degré de réalisme du tableau, qui déterminent son intérêt documentaire.

18La typologie croisée suivante peut être proposée à ce sujet. Dans un premier cas, qui pourrait être défini sous le titre de sites non désignés, représentés de manière stylisée, le relief demeure symbolique et de localisation inconnue, fournissant au sujet un décor anonyme, idéalisé, comme sur les tableaux peints jusqu'à la Renaissance, notamment par Léonard de VINCI, mais aussi sur des tableaux d'inspiration romantique, empreints d'une recherche du pittoresque ou du fantastique. L'invention picturale des reliefs sur un tableau montre toutefois leur caractère incontournable dans la conception esthétique de l'œuvre. Dans le cas, ensuite, de sites désignés, représentés de manière stylisée, le relief est reconnaissable ou localisé, mais représenté d'une manière caractéristique du courant artistique dans lequel l'œuvre s'inscrit, comme, par exemple, chez les impressionnistes (Claude MONET et Les rochers de Belle-Isle) ou chez les peintres modernes (Paul CÉZANNE et La Sainte-Victoire). Dans le cas suivant, relatif à des sites non désignés, représentés de manière réaliste, le relief reste de localisation inconnue ou imprécise, mais relativement juste dans sa représentation. Les œuvres concernées datent souvent du XVIIème ou du XVIIIème siècles, telles que celles de l'Âge d'Or hollandais (Jacob Van RUYSDAEL). Le relief est peint pour lui-même, comme sujet générique. Il peut accompagner des scènes de genre en extérieur (comme La construction d'un grand chemin de Joseph VERNET). Enfin, dans le cas des sites désignés, représentés de manière réaliste, le relief est localisé avec précision et représenté avec réalisme. Il devient une forme identifiable et définissable géomorphologiquement : falaises et estrans, escarpements rocheux et pentes d'éboulis (La baie de Weymouth par John CONSTABLE).

19Le tableau revêt alors un intérêt documentaire, comme dans l'œuvre des peintres anglais du XIXème siècle (William DYCE et les falaises du Kent ‒ Photo 3), des réalistes paysagers (Gustave COURBET et le Jura), des impressionnistes (Claude MONET à Varangeville), mais aussi d'une multitude de peintres paysagers des XIXème et XXème siècles. Au delà, le tableau témoigne parfois d'un processus dynamique ou d'un évènement historique, dans le cas du recul de glaciers ou de falaises, d'éruptions volcaniques (comme celles du Vésuve au XVIIIème siècle, reproduites par Joseph VERNET et par Pierre-Jacques VOLAIRE). Les reliefs les plus représentés sont, évidemment, les littoraux, les montagnes et les reliefs glaciaires d'abandon, les reliefs de la craie et du calcaire, les vallées, les escarpements et les chaos rocheux. Ces tableaux sont plus que des œuvres d'art. Ils deviennent des documents et des sources d'information ; le degré de réalisme et l'exactitude scientifique procèdent d'une perception réellement objective, en dépit de l'approche initiale (voir par exemple les travaux d'E. MOTTE sur les rivages de la Rance maritime, 2017).

Photo 3 - L'appropriation par la représentation iconographique : William Dyce, Pegwell Bay, Kent (A recollection of October 5th 1858, Tate Gallery, Londres). [cliché : Dominique SELLIER]

Photo 3 - L'appropriation par la représentation iconographique : William Dyce, Pegwell Bay, Kent (A recollection of October 5th 1858, Tate Gallery, Londres). [cliché : Dominique SELLIER]

Le tableau met en scène la famille de l'artiste en train de pratiquer la pêche à pied et s'apparente donc, en partie, à une scène de genre, voire à un portrait de groupe. Il se rapporte aussi à un moment historique, précisément daté, correspondant au passage d'une comète découverte dans le ciel du bassin de Londres. Il appartient surtout au genre paysage et présente un grand intérêt documentaire en matière de géomorphologie. Il concerne, certes, un sujet banal : une falaise de craie, située en l'occurrence au nord de la baie de Sandwich, près de Ramsgate, entre un plateau et un estran. Il représente aussi, sur ce dernier, des microreliefs monoclinaux dégagés par l'érosion différentielle, dont le front regarde vers l'observateur en raison du pendage des strates, et surtout des dépôts de type head, rapportés avec réalisme au sommet des falaises, dont le nom apparaît dans la littérature scientifique de l'époque et dont l'étude contribuera à la connaissance du Quaternaire dès qu'on leur accordera plus d'attention.

20La photographie de paysages est naturellement une technique majeure de représentation du relief. Elle s'inspire de la réalité, même si les technologies numériques permettent désormais d'en modifier l'apparence. La nature photography, développée aux États-Unis depuis le milieu du XIXème siècle, mérite d'être considérée comme l'une des premières expressions de la photographie de reliefs et l'un des premiers vecteurs de l'image de l'Ouest américain (Yannick LAGEAT, communication personnelle). La photographie documentaire enregistre une vue sans but initial spécifique, comme on photographie un monument, et constitue, en principe, une reproduction objective du relief, même si le choix du site de prise de vue, de l'angle, de l'éclairage et du cadrage dépendent du photographe ; elle fournit aussi un témoignage historique (là encore sur le recul de glaciers ou de côtes, l'écroulement de parois en montagne). La photographie scientifique fournit un moyen d'investigation supplémentaire, en s'assortissant de montages panoramiques, renseignés par des schémas tels que ceux qui accompagnent les thèses, articles et ouvrages de géomorphologie ; elle est complétée par les vues stéréoscopiques et images satellitaires qui représentent en premier lieu les reliefs et qui autorisent les traitements d'images, producteurs d'informations nouvelles (télédétection, MNT, géomatique). La photographie pédagogique est destinée à illustrer un manuel, un cours, une conférence ou une exposition, dans le cadre d'enseignements ou d'opérations de vulgarisation, en tout cas de transmissions de savoirs (diapositives, présentations Powerpoint) ; la photographie est en effet un vecteur de vulgarisation d'autant plus efficient qu'elle offre un support à des vecteurs secondaires (schémas). La photographie artistique est, à l'origine, d'ordre esthétique, mais profite parfois de la mise en œuvre de moyens d'accès exceptionnels, d'approches novatrices, d'angles de vue, de cadrage et d'éclairage qui valorisent les sujets géomorphologiques et qui contribuent aussi à leur vulgarisation.

21La photo-souvenir prend les reliefs comme sujets privilégiés et contribue précisément à conserver sous une forme iconographique un patrimoine géomorphologique (montagnes, falaises, gorges) ; elle permet aussi de montrer une image du lieu de ses pérégrinations. La prise de vue photographique est, en effet, indissociable du tourisme, au point d'occulter parfois l'observation in situ et de rapporter une image de ce qui n'a pas été réellement regardé ; en revanche, des visiteurs posent volontiers devant un panorama ou devant un site, ce qui correspond à une forme d'appropriation par la satisfaction personnelle d'avoir atteint ou fréquenté un site reconnu. Le relief est un patrimoine du regard. On peut donc distinguer, à ce sujet, le regard sur le relief sans photo, le regard sur le relief avant prise de vue, le regard sur le relief après prise de vue, la photo sans regard sur le relief, sinon éventuellement au retour, sur un écran, donc sans souvenir visuel véritable. Autre puissant vecteur de vulgarisation, antérieur à la récente propagation des images, la carte postale est un genre de photo-souvenir, achetée et conservée comme telle (quoique prise par un professionnel), ou adressée à un tiers pour témoigner d'un voyage. Les reliefs y figurent parmi les principaux motifs.

22Le cinéma se différencie de la photographie en fournissant une reproduction mobile par l'intermédiaire du panoramique, qui permet de balayer un relief sans réduire ses dimensions, du zoom et du travelling, qui permettent de changer d'échelle, d'agrandir un détail, ou de le replacer dans son environnement. Le cinéma traite le relief comme la peinture, à travers le paysage d'arrière-plan et le paysage-sujet. Le premier sert de décor, comme dans les westerns. Il devient alors un facteur d'identité culturelle, une représentation symbolique de l'Ouest, comme dans les films de John FORD (Monument Valley) mais aussi les westerns-spaghetti de Sergio LEONE (tournés en Espagne pour la ressemblance des reliefs avec ceux de l'Ouest américain) (N. JANIN, 1987). Le relief-sujet donne lieu aux films documentaires, qui utilisent largement les techniques propres au cinéma, dont le panoramique. Le relief a compté parmi les thèmes de prédilection des conférences de Connaissance du Monde ; il conserve cette fonction dans les reportages télévisés qui présentent parfois des paysages esthétisés au détriment de l'information scientifique. Les enregistrements par vidéo constituent un support nouveau et un mode de diffusion personnel ou collectif pratique de l'image des reliefs.

23Il convient, pour conclure, de souligner la relation triangulaire entre nom, texte et image (la désignation, la description et l'illustration) qui participent, séparément ou conjointement, à l'appropriation des reliefs en tant qu'éléments du patrimoine naturel et culturel des sociétés.

III - Les modalités matérielles de l'appropriation patrimoniale des reliefs

24Elles se traduisent par des opérations visibles sur le terrain, même si elles succèdent souvent à une reconnaissance immatérielle préalable. Elles sont de trois ordres.

1 ) L'instrumentalisation cultuelle ou commémorative des reliefs

25L'appropriation provient, en l'occurrence, de la consécration d'un relief par un mythe ou par un rite, souvent source de déplacements, individuels ou collectifs, concrétisée sur place par la mise en place d'un monument religieux ou commémoratif, voire par la signalisation d'une sépulture ou d'un lieu d'accident. L'appropriation est culturelle, mais présente un caractère matériel dans la mesure où elle crée un rapport spécifique avec l'espace : espace marqué, espace visité, lieu de rassemblement ou, à l'inverse, lieu interdit (K. KIERNAN, 2015). On distingue encore, à ce propos, plusieurs processus.

26Les reliefs consacrés par des mythes ou par des rites ‒ sans édifices ‒ relèvent de cas intermédiaires entre les modalités immatérielles et matérielles de la patrimonialisation. Ainsi des "montagnes sacrées" existent dans beaucoup de sociétés et dans chaque religion, sièges des dieux, sinon sites de communication avec eux, parfois lieux de sacrifices rituels, lieux défendus ou au contraire lieux de pèlerinage, lieux attachés à des légendes. Tels sont les cas du Mont Olympe et du Jotunheimen, reliefs les plus élevés de Grèce et de Scandinavie, respectivement sièges de la mythologie grecque et de la mythologie scandinave, ainsi que les montagnes sacrées d'Australie (mont Uluru, ou Ayers Rock), d'Inde ou de Tanzanie, les volcans sacrés du Japon et d'Indonésie, les lieux sacrificiels associés à certains sommets des Andes du Pérou, mais aussi les grottes et sanctuaires souterrains (Lourdes). Il existe aussi des villes aux reliefs emblématiques, devenus sources de notoriété (les sept collines de Rome, le pain de sucre christianisé de Rio de Janeiro, la montagne sacrée N-Toto à Addis-Abeba).

27Les reliefs consacrés par des édifices commémoratifs ou religieux s'accompagnent déjà, pour leur part, d'aménagements spécifiques. Dresser une pierre, ériger un monolithe, construire un cairn en empilant quelques pierres comptent parmi les actes les plus élémentaires pour établir un repère, jalonner un trajet, signaler une présence, un passage, une limite ou une appropriation territoriale, même provisoire. Ces marques, ordinairement faites pour être vues, privilégient les sites surélevés. Il s'agit, par exemple, des emplacements de mégalithes, des acropoles, établies par définition sur des collines, des chortens du Tibet, des statues monumentales de Bouddha au Sri Lanka, des innombrables reliefs christianisés, rochers marqués d'une croix ou d'une statue, comme à la pointe du Raz, et lieux élevés consacrés par un bâtiment religieux (comme Notre-Dame de la Garde à Marseille, le Sacré-Coeur à Montmartre ou encore les Météores en Grèce). Dans le registre laïc, pourraient être évoqués la croix de Lorraine dressée près de Colombey-les-Deux-Églises (quoique ce modèle de croix soit doté de significations religieuses initiales) ou les bustes titanesques sculptés à partir de reliefs naturels, comme au mont Rushmore dans le Dakota (mais dans un territoire sacré ancestral du peuple sioux).

28Les lieux de sépulture, cénotaphes et sites d'accidents s'accompagnent également d'édifices particuliers. De grandes sépultures créent parfois des reliefs où n'en existaient aucun de remarquable. Tels sont les tumulus dits carnacéens (parfois, eux aussi, christianisés, comme le tumulus Saint-Michel à Carnac, colline artificielle de plus de 10 m de hauteur), les tombes vikings construites en vue des côtes en Écosse ou, plus connues, les grandes pyramides égyptiennes. Beaucoup occupent des points élevés. D'autres sont édifiés pour servir de repères sur une surface uniforme, dans un désert, ou parmi plusieurs sommets voisins. Les sépultures creusées dans la roche constituent une seconde catégorie de reliefs artificiels, comme la Vallée des Reines en Égypte, les tombes du Pays Dogon (et le cénotaphe de Marcel GRIAULE) dans les grès de Bandiagara, mais aussi les taffoni sardes aménagés en tombeaux. Un monument tel que celui qui a été édifié à la mémoire du champion cycliste britannique Tom SIMPSON, près du sommet du mont Ventoux, ajoute à la notoriété d'une montagne déjà considérée comme un haut lieu de la culture provençale et de la pratique d'un sport populaire (Photo 4). Ces lieux relèvent de différents statuts. Certains sont interdits, en tout cas aux étrangers, aux incroyants ou aux femmes. D'autres sont occupés par des ermites ou par des moines (comme le Mont Athos ou le Mont Cassin ‒ Monte Cassino). D'autres sont attractifs et motivent des voyages et des déplacements en masse (pèlerinages, assemblées), comme, évidemment, à Lourdes, mais aussi au Croag-Patrick en Irlande, ou plus modestement au Mont Saint-Michel-de-Braspart dans le Finistère (Photo 5). Ces reliefs, sacrés, sinon consacrés, en tout cas vénérés, concernent le plus souvent des sommets, parfois des cavités. Leur artificialisation, par un monument, une croix ou une chapelle, contribue à leur patrimonialisation.

Photo 4 - L'instrumentalisation commémorative des reliefs. [cliché : Dominique SELLIER]

Photo 4 - L'instrumentalisation commémorative des reliefs. [cliché : Dominique SELLIER]

À 1780 m d'altitude, à moins d'un kilomètre (et en vue) du sommet du mont Ventoux (1910 m), en Haute Provence calcaire, la stèle érigée à la mémoire du champion du monde de cyclisme Tom SIMPSON, où subsiste l'usage de déposer une pierre ou un bidon, 50 ans après l'accident.

Photo 5 - L'instrumentalisation cultuelle des reliefs : le Mont Saint-Michel de Braspart (ou Menez Mikel, 381 m), vu du Roc'h Trévezel, dans le Finistère. [cliché : Dominique SELLIER]

Photo 5 - L'instrumentalisation cultuelle des reliefs : le Mont Saint-Michel de Braspart (ou Menez Mikel, 381 m), vu du Roc'h Trévezel, dans le Finistère. [cliché : Dominique SELLIER]

Dôme de grès armoricains (quartzites ordoviciens), chapelle entretenue à son sommet et lieu de pèlerinage annuel.

2 ) L'appropriation des reliefs par l'exploit ou par la conquête

29Elle est matérielle dans la mesure où elle nécessite un déplacement physique vers le site, mais souvent aussi une préparation lourde, qui donne lieu à une compétition entre nations ou entre individus, parfois l'abandon sur place d'éléments corrélatifs de l'exploit (matériels, drapeau, cairn), voire la mise en place de plaques ou de monuments commémoratifs. Cette forme d'appropriation intentionnelle répond à plusieurs motivations.

30Le projet d'atteindre en premier un relief remarquable, donc de parvenir à vaincre un relief reconnu pour ses particularités (on dit aussi conquérir), constitue, à l'évidence, une façon de se l'approprier. L'évènement reste dans l'histoire, avec une date et le nom du conquérant. Il s'intègre à un patrimoine culturel national s'il est accompli au nom d'un peuple ou d'un État. La conquête devient dans de telles conditions un enjeu et le relief se trouve doté d'une valeur supplémentaire. Les sites concernés sont généralement des sommets (comme le Mont Blanc atteint par le Docteur Michel PACCARD et le guide Jacques BALMAT en 1786 ou le mont Everest par Sir Edmond HILLARY et le sherpa TENSING en 1953) (Photo 6). Les pionniers sont des explorateurs, des voyageurs, des sportifs, souvent venus d'ailleurs. Il peut s'agir aussi de grottes et de gouffres, qui portent parfois le nom de leurs inventeurs, des spéléologues qui sont plus souvent, pour leur part, des autochtones (comme la grotte Chauvet dans l'Ardèche ou la grotte Cosquer dans les calanques de Marseille). De ce fait, de nombreux reliefs sont désignés par des patronymes, en souvenir de leur conquérant et en témoignage d'une appropriation avérée (comme les îles Kerguelen, le Vidjedalsbotn dans le massif des Rondane en Norvège), en l'honneur d'une personnalité politique (comme le Mont McKinley en Alaska, l'île du Prince Charles au Spitsberg, la chaîne de la Reine Maud en Antarctique), ou, plus rarement, en hommage à une personne privée (la Terre Adélie en Antarctique, le cap Martin en Terre Adélie...), quitte à remplacer un toponyme autochtone par un nom introduit, comme dans le cas, précisément, du Denali (devenu un temps le Mont McKinley). Ces patronymes concernent principalement des régions reculées ou élevées, inhabitées, tardivement explorées, situées à "la périphérie du monde".

Photo 6 - L'appropriation des reliefs par l'exploit ou par la conquête : le Mont Blanc. [cliché : Dominique SELLIER]

Photo 6 - L'appropriation des reliefs par l'exploit ou par la conquête : le Mont Blanc. [cliché : Dominique SELLIER]

Sommet atteint par le Docteur Michel PACCARD et le guide Jacques BALMAT en 1786, puis par Horace Bénédict de SAUSSURE en 1787, dont l'ascension, au delà de son propre mérite, doit sa célébrité à son récit.

31La réalisation d'un objectif scientifique s'exprime chez les explorateurs animés par une intention de découverte : un espace nouveau, généralement peu accessible, inconnu ou supposé, parfois un passage. Elle s'exprime aussi chez les chercheurs, notamment géologues et géomorphologues, dont les travaux, notamment cartographiques, imposent, ou imposaient, d'avoir parcouru l'ensemble de "leur terrain", forme effective d'appropriation, par l'expérience, mais aussi par la thèse !

32L'exploit sportif et la pratique d'un sport, en dehors du fait que la plupart des actions précitées se doublent d'une pratique sportive, procèdent également d'une forme d'appropriation personnelle d'un relief ou d'un type de relief. L'ascension du Ben Nevis (1343 m à gravir depuis le niveau de la mer) se pratique ainsi "pour le sport", de même que la diagonale des fous à la Réunion. Plusieurs sports se trouvent justement associés à un type de relief : l'alpinisme, désigné par un nom propre de relief, la spéléologie, désignée par un nom latin de relief, ou le canyoning, désigné par un nom espagnol de relief, l'escalade et ses parois équipées, le parapente, la plongée sous-marine et le rafting, mais aussi, et au delà, de nombreux sports de plein air : les sports d'hiver, le vélo en montagne (VTT)...

33La simple satisfaction personnelle d'avoir atteint un site déjà connu fait, pour sa part, transition avec le tourisme. Ainsi les grimpeurs veulent-ils réaliser l'exploit personnel d'atteindre un sommet déjà conquis, mais emblématique (comme l'Everest ou le Mont Blanc), voire de gravir l'ensemble des sommets d'une même catégorie (comme les Munroes, sommets écossais supérieurs à 3000 pieds, au nombre de 284 !). Il peut donc y avoir plusieurs formes de satisfactions personnelles, qui recoupent les motifs précédents : la satisfaction sportive, qui peut relever de l'exploit (Maurice HERZOG à l'Annapurna), la satisfaction spirituelle (PÉTRARQUE au mont Ventoux), mais aussi la satisfaction du chercheur, si justement exprimée par Théodore MONOD dans ses carnets (1936 ‒ T. MONOD, 1997) : On a la joie en revoyant de loin la montagne qu'on a grimpée la veille de se dire : "Toi ma vieille, ton compte est réglé, c'est fait, je sais mètre par mètre en quoi tu es".

3 ) L'appropriation directe des reliefs par le tourisme et par l'exploitation économique

34Le tourisme contribue à l'appropriation des reliefs dès le XVIIIème siècle, puis de façon croissante au cours des siècles suivants. Les modalités et la portée de ce processus évoluent néanmoins en fonction de facteurs socio-économiques (niveau de vie, niveau culturel des populations) et de facteurs techniques et structurels (état des moyens de transport, capacités d'accueil), mais aussi des moyens de diffusion, toujours plus nombreux, de l'affiche publicitaire, d'impact régional ou national, à une offre mondiale par Internet.

35La découverte, dans tous les sens du mot, de sites donc de reliefs, a toujours fourni un motif essentiel de voyages. S'il est des lieux mythiques qui ont constitué des limites du monde connu et qui ont justifié des expéditions menées au delà pendant des siècles, il en est aussi qui ont constitué depuis longtemps des lieux de villégiature incontournables, notamment en Europe. Le Grand Tour, à l'origine, comme on le sait, du tourisme, imposait la visite des Alpes, de la lagune de Venise, de la baie de Naples et du Vésuve, en même temps qu'il menait à une appropriation collective de ces reliefs par l'instauration d'itinéraires conventionnels empruntés jusqu'à nos jours (mais aussi des récits et des vues qu'on en rapportait). Ainsi, depuis le XIXème siècle, paysages et reliefs sont devenus des ressources touristiques fondamentales, vecteurs de flux humains et de profits considérables. Les plus anciens cas de mise en valeur touristique, en Europe de l'Ouest, concerneraient des littoraux (comme la Pointe du Raz, les falaises du Pays de Caux, la dune du Pyla), des cavités (le gouffre de Padirac, la grotte de Dargilan, l'aven Armand), des volcans (le Puy de Dôme), des glaciers et des sommets (la Mer de Glace, l'Aiguille du Midi).

36Les relations entre tourisme et géomorphologie ont été analysées depuis longtemps (J. MIÈGE, 1973) et les géomorphosites font actuellement l'objet de multiples nomenclatures, inventaires, classements et labellisations (E. REYNARD et al., 2009 ; J. BRILHA, 2018). En fait, la vue, la contemplation, la visite de reliefs demeure l'une des principales motivations des déplacements, des voyages et du tourisme, qui représente, lui-même, l'une des principales ressources économiques au monde. Le fait se vérifie aux niveaux local (les sites habituels des sorties dominicales des citadins), national (des sites comme la baie du Mont Saint-Michel, le Mont Blanc, le Pic du Midi, les gorges du Tarn, les rochers de Fontainebleau, appartiennent à l'espace vécu des Français) et mondial (la Monument Valley, l'Ayers Rock et le Machu Picchu, le Kilimandjaro et le Fuji Yama, la baie de Rio et celle d'Along appartiennent véritablement au patrimoine de l'humanité, avec ou sans label).

37Le tourisme représente un moyen d'exploitation économique, donc d'appropriation matérielle des reliefs. Cette exploitation s'exprime par des activités in situ (dont la perception de frais d'entrée, la vente de "souvenirs", la restauration et l'hébergement, mais aussi les affranchissements et les ressources fiscales) et ex situ (dont les prestations des agences de voyage et des compagnies de transport, la publicité, l'édition, la fabrication des produits dérivés). Le relief occupe en effet une place fondamentale dans le paysage touristique. Il est encore souvent considéré comme une "curiosité", pour des propriétés exceptionnelles, voire "pittoresques", son appropriation matérielle par le tourisme et, ainsi, sa patrimonialisation concernant, ici encore, ce qui se voit.

38Ce processus d'appropriation, essentiellement économique, répond cependant à plusieurs objectifs initiaux. Il peut procéder d'une volonté de protection de sites menacés, donc de conservation, par une collectivité territoriale. Il connaît alors plusieurs étapes : constat de dégradation ou de surfréquentation d'un site, nécessité d'en réglementer les accès, installation d'équipements, instauration d'un droit d'entrée éventuel. Il peut également procéder d'une volonté d'informer, donc d'assurer, déjà, une mission de transmission de connaissances, par divers moyens (panneaux d'informations, centres d'accueil, maisons de site, impliquant des équipements annexes) (Photos 7). Le tourisme constitue, dans cette perspective, l'un des principaux moyens de la vulgarisation de la géographie, notamment de la géomorphologie (N. CAYLA, 2009 ; G. REGOLINI-BISSIG, 2012 ; S. MARTIN, 2013). Ces deux objectifs répondent aux mécanismes ordinaires de patrimonialisation.

Photos 7 - L'appropriation directe des reliefs par le tourisme et par l'exploitation économique : le mont Denali (mont McKinley), massif le plus élevé d'Amérique du Nord (6171 m), vu depuis le centre d'accueil du parc national du même nom en Alaska. [cliché : Dominique SELLIER]

Photos 7 - L'appropriation directe des reliefs par le tourisme et par l'exploitation économique : le mont Denali (mont McKinley), massif le plus élevé d'Amérique du Nord (6171 m), vu depuis le centre d'accueil du parc national du même nom en Alaska. [cliché : Dominique SELLIER]

39L'appropriation touristique peut également procéder de la recherche explicite d'un profit. La "mise en tourisme" s'apparente alors à l'exploitation méthodique d'une ressource, en l'occurrence d'un relief ou d'un site offrant une vue sur un relief. Elle engendre des revenus directs par des ventes et par des emplois. Elle suscite aussi des coûts pour l'aménagement, l'exploitation et l'entretien du site, supportés par un service public, une entreprise ou une association. L'aspect financier génère différentes politiques : gratuité, comme (mais de moins en moins) au Royaume-Uni, au motif que le patrimoine appartient au peuple britannique ; entrées payantes pour compenser les coûts d'exploitation et réaliser de nouveaux investissements, si ce n'est pour obtenir des revenus au delà de la compensation des coûts de fonctionnement. Quoi qu'il en soit, toutes les formes de tourisme engendrent des ressources induites, en amont (la publicité, la construction), sur place (les commerces et les hébergements) et à la périphérie (les transports, la fabrication des produits dérivés). Les parcs nationaux, créés dans un souci de protection et d'encadrement du tourisme à une grande échelle, constituent parfois, ainsi, comme aux États-Unis ou en Australie, des sources de revenus considérables.

40Le relief est ainsi devenu, par endroits, un bien de consommation, qui risque de transformer progressivement le visiteur en client. Par ailleurs, la publicité, qui incite à la consommation, emprunte de nombreux vecteurs, déjà énumérés, dont la photographie, et entraîne une relation double avec le relief : la publicité pour le relief et le relief comme moyen publicitaire. En amont (c'est-à-dire avant le voyage), la médiatisation s'opère par affiches, incitatives (comme celles, anciennes ou actuelles, publiées par la SNCF, sur lesquelles le relief est déjà assimilé à un patrimoine régional ou national) ; elle s'effectue désormais essentiellement par les montages vidéo diffusés sur Internet. En aval, elle s'opère toujours par la carte postale, qui représente un support médiatique d'une longévité peu ordinaire dans l'histoire du tourisme, la photo-souvenir, rapportée du voyage, dont le genre perdure lui aussi depuis le début du XXème siècle et dont les sujets sont souvent d'ordre géomorphologique, mais aussi les cassettes vidéo et DVD. Ces images sont destinées à être revues après le voyage, pour conserver la mémoire de ce qui a été vu, pour faire partager une impression, mais aussi pour inciter les autres à "aller voir". Les brochures et dépliants touristiques servent à faire de la publicité en amont et à conserver un souvenir en aval. Toutefois, en dehors de notables et précoces exceptions (comme les dépliants distribués dès les années 1960 par Icelandair ou par la Compagnie Ferroviaire de Norvège), leur contenu se limite souvent à un exposé emphatique sur l'esthétique des paysages et sur leurs dimensions, sans réel contenu scientifique, parfois même sans souci de localisation. Il reste beaucoup à faire, dans ce domaine, par des géomorphologues animés d'une volonté de vulgarisation, en collaboration avec les gestionnaires de sites et les diffuseurs de documents.

41Réciproquement, les reliefs fournissent des décors ou des symboles utilisés en publicité, notamment par trois principaux vecteurs : les affiches, les spots télévisés et les magazines. Les images des reliefs les plus emblématiques demeurent à nouveau les baies, les volcans, les glaciers et les montagnes, symboles de pureté, de puissance et d'évasion. Le relief devient alors un support de marketing (et un produit d'identification des territoires), mais la photographie, les spots publicitaires ou encore les reportages télévisés participent en même temps à la patrimonialisation progressive du relief à travers la conception de sites emblématiques.

42Dans ces circonstances, le relief représente un patrimoine économique, au même titre que d'autres objets du tourisme, comme les monuments, qui peut engendrer des flux touristiques massifs et dynamiser certains territoires, en créant un apport financier de premier ordre, mais qui peut aussi contribuer à bouleverser les économies locales.

43Finalement, un relief peut s'acquérir (au sens matériel du terme) pour des raisons économiques, comme pour équiper une station de sports d'hiver (Alpes), construire des voies de circulation, implanter un aéroport, installer des habitations. Cette acquisition matérielle se fait par achat, don ou héritage (au sens juridique du terme), au bénéfice d'individus, de sociétés ou de services publics. Elle relève de plusieurs statuts : propriété individuelle, étendue (comme dans les Highlands d'Écosse) ou réduite (comme les habitations en bord de mer ou en montagne), propriété commune, qui procède de l'attribution d'usages plus que d'une appropriation réelle du sol (comme dans le cas des marais de Brière en Loire-Atlantique), enfin propriété des États et des collectivités territoriales. Ces modes d'acquisition de sites ‒ et de reliefs ‒ sont matérialisés par l'établissement d'actes de propriété, qui consacrent la réalité d'un patrimoine, en l'occurrence d'un bien marchand, lequel se négocie, se transmet par héritage, mais dépend de cadres juridiques et relève du droit commun (P. BILLET, 1994, 2002).

44Parallèlement, un relief peut être acquis dans un but de conservation et d'éducation, du fait de ses propriétés naturelles ou des menaces qui pèsent sur son environnement. Cette forme d'appropriation est le plus souvent collective. Elle procède alors des pouvoirs publics (États, administrations et organismes afférents) ou d'institutions privées aux objectifs reconnus (fondations, associations) et présente, en principe, un caractère définitif, ce qui constitue une garantie supplémentaire de protection. Elle concerne en premier lieu les réserves et les parcs naturels qui occupent des espaces croissants dans la plupart des pays et qui ont le plus souvent comme objectif de préserver des paysages, donc des reliefs. Cette forme d'appropriation matérielle de reliefs conduit pareillement à l'établissement d'un patrimoine foncier. Elle bénéficie de dispositions juridiques particulières dans le cas d'acquéreurs publics, notamment d'un droit de préemption des espaces menacés. Elle s'est développée depuis la fin du XIXème siècle, en particulier dans les massifs montagneux, les zones humides, les milieux côtiers. Le patrimoine naturel bénéficie donc, à nouveau, par ce biais, d'une reconnaissance juridique implicite. Dans tous les cas, les reliefs relèvent, finalement, d'un statut foncier et bénéficient de l'établissement de cadres juridiques qui représentent les marques les plus achevées de leur appropriation matérielle.

IV - Conclusion

45L'appropriation des reliefs ne représente que le premier stade d'un processus de patrimonialisation, auquel succèdent des modalités de conservation et de transmission (D. SELLIER, 2009 ; J. BRILHA, 2018). C'est seulement après cette procédure que se justifient, progressivement, l'identification et la reconnaissance des géomorphosites.

46La définition des géomorphosites bénéficie d'un consensus en relation avec des pratiques et des réalisations de plus en plus nombreuses. Leur sélection, leur classement et leur évaluation se fondent, pour la plupart, sur la distinction entre critères scientifiques et critères additionnels. Leur présentation aux visiteurs et touristes aboutit à une vulgarisation croissante de la géomorphologie. (E. REYNARD, 2009 ; E. REYNARD et al., 2009).

47Des processus, souvent spontanés et objectifs, contribuent en effet à une patrimonialisation progressive des reliefs, en amont de la détermination des géomorphosites. L'appropriation des reliefs, dans la perspective d'une patrimonialisation, s'effectue, d'ordinaire, selon des modalités immatérielles (par la désignation, la description, la représentation de reliefs mémorables), qui ne s'expriment théoriquement que peu, voire aucunement, dans le paysage, et par des modalités matérielles (par l'instrumentalisation de certains reliefs, leur conquête et leur exploitation économique), qui laissent le plus souvent des marques dans le paysage. Ces processus d'appropriation, dont l'analyse peut contribuer à définir une partie des critères additionnels utilisés dans la perspective de la sélection et de l'évaluation des géomorphosites, s'exercent à différents moments dans le temps et s'accomplissent pendant des durées différentes, certains appartenant au passé (par exemple la toponymie), alors que d'autres sont fonctionnels (par exemple l'exploitation touristique).

48Tout reste cependant à nuancer, selon les cas, à partir de la grille d'analyse proposée ici. Si la toponymie issue de la désignation de reliefs remarquables se présente d'abord comme immatérielle, les panneaux indicateurs plantés dans leur direction finissent par l'exprimer sur le terrain et sur les cartes. Si les aménagements touristiques représentent une forme d'emprise matérielle des plus notoires, y compris ceux qui sont censés accompagner une gestion soucieuse de l'environnement, il reste que beaucoup de géomorphosites n'impliquent aucun aménagement sur le terrain (en dehors, toutefois, de points de vue ou de simples sentiers...). Il existe donc toutes les transitions entre modalités immatérielles et matérielles de l'appropriation du patrimoine géomorphologique et toutes les variantes à l'intérieur de chaque catégorie de modalités.

Remerciements : Le texte de cet article se réfère, pour l'essentiel, au contenu d'une communication, intitulée "Les modalités immatérielles et matérielles de la patrimonialisation des reliefs", présentée au colloque international Les géomorphosites, levier de développement socio-économique local, 20ème Rencontre de l'Association des Géomorphologues Marocains, Université de Beni Mellal, Faculté des Lettres et Sciences humaines, 2-4 octobre 2014. Les auteurs remercient les organisateurs du colloque, en particulier le professeur Yahia EL KHALKI, Professeur à l'Université de Beni Mellal, d'avoir permis la publication de cet article. Ils remercient également Emmanuel REYNARD et Alexis METZGER, relecteurs de l'article, ainsi que Claude MARTIN, directeur de la revue.

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Table des illustrations

Titre Figure 1 - L'appropriation initiale des reliefs par leur désignation.
Légende Dans les Highlands d'Écosse, la hiérarchisation des volumes s'exprime par la différenciation entre les Beinn, montagnes les plus élevées (Glas Bheinn : la montagne bleue ou verte), les Meall, montagnes plus basses et plus arrondies (Meall Diamhain : la colline aux cerfs), les Cnoc, collines qui, sauf exceptions, surmontent les plates-formes inférieures (Cnoc an Droighin : la petite colline à l'épine noire), les Creag et les Torr, simples rochers ou escarpements (Creag Mhor : le grand rocher), servant collectivement ici de repères le long de la route d'Ullapool à Durness (massif de l'Assynt, Sutherland) ; pour l'anecdote, Druim na h-Uamha Moire, au nord, signifie la crête des grands trous, pour désigner une cuesta de calcaire à revers ponctué de dolines.
URL http://journals.openedition.org/physio-geo/docannexe/image/6233/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 880k
Titre Photo 1 - L'appropriation des reliefs par leur description : une partie des collections de guides géologiques et géomorphologiques en vente à la librairie du Natural History Museum de Londres. [cliché : Dominique SELLIER]
URL http://journals.openedition.org/physio-geo/docannexe/image/6233/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 1,1M
Titre Photo 2 - L'appropriation des reliefs par leurs représentations iconographiques (et par leur désignation). [cliché : Dominique SELLIER]
Légende La représentation du bassin de Carpentras au pied du mont Ventoux et à l'ouest des monts du Vaucluse, de la vallée du Rhône et de celle de la Durance, reproduits en 1580 sur les fresques de la galerie des Cartes géographiques du musée du Vatican.
URL http://journals.openedition.org/physio-geo/docannexe/image/6233/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 1,5M
Titre Photo 3 - L'appropriation par la représentation iconographique : William Dyce, Pegwell Bay, Kent (A recollection of October 5th 1858, Tate Gallery, Londres). [cliché : Dominique SELLIER]
Légende Le tableau met en scène la famille de l'artiste en train de pratiquer la pêche à pied et s'apparente donc, en partie, à une scène de genre, voire à un portrait de groupe. Il se rapporte aussi à un moment historique, précisément daté, correspondant au passage d'une comète découverte dans le ciel du bassin de Londres. Il appartient surtout au genre paysage et présente un grand intérêt documentaire en matière de géomorphologie. Il concerne, certes, un sujet banal : une falaise de craie, située en l'occurrence au nord de la baie de Sandwich, près de Ramsgate, entre un plateau et un estran. Il représente aussi, sur ce dernier, des microreliefs monoclinaux dégagés par l'érosion différentielle, dont le front regarde vers l'observateur en raison du pendage des strates, et surtout des dépôts de type head, rapportés avec réalisme au sommet des falaises, dont le nom apparaît dans la littérature scientifique de l'époque et dont l'étude contribuera à la connaissance du Quaternaire dès qu'on leur accordera plus d'attention.
URL http://journals.openedition.org/physio-geo/docannexe/image/6233/img-4.jpg
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Titre Photo 4 - L'instrumentalisation commémorative des reliefs. [cliché : Dominique SELLIER]
Légende À 1780 m d'altitude, à moins d'un kilomètre (et en vue) du sommet du mont Ventoux (1910 m), en Haute Provence calcaire, la stèle érigée à la mémoire du champion du monde de cyclisme Tom SIMPSON, où subsiste l'usage de déposer une pierre ou un bidon, 50 ans après l'accident.
URL http://journals.openedition.org/physio-geo/docannexe/image/6233/img-5.jpg
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Titre Photo 5 - L'instrumentalisation cultuelle des reliefs : le Mont Saint-Michel de Braspart (ou Menez Mikel, 381 m), vu du Roc'h Trévezel, dans le Finistère. [cliché : Dominique SELLIER]
Légende Dôme de grès armoricains (quartzites ordoviciens), chapelle entretenue à son sommet et lieu de pèlerinage annuel.
URL http://journals.openedition.org/physio-geo/docannexe/image/6233/img-6.jpg
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Titre Photo 6 - L'appropriation des reliefs par l'exploit ou par la conquête : le Mont Blanc. [cliché : Dominique SELLIER]
Légende Sommet atteint par le Docteur Michel PACCARD et le guide Jacques BALMAT en 1786, puis par Horace Bénédict de SAUSSURE en 1787, dont l'ascension, au delà de son propre mérite, doit sa célébrité à son récit.
URL http://journals.openedition.org/physio-geo/docannexe/image/6233/img-7.jpg
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Titre Photos 7 - L'appropriation directe des reliefs par le tourisme et par l'exploitation économique : le mont Denali (mont McKinley), massif le plus élevé d'Amérique du Nord (6171 m), vu depuis le centre d'accueil du parc national du même nom en Alaska. [cliché : Dominique SELLIER]
URL http://journals.openedition.org/physio-geo/docannexe/image/6233/img-8.jpg
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Pour citer cet article

Référence papier

Dominique Sellier et Claire Portal, « Modalités de l'appropriation patrimoniale des reliefs »Physio-Géo, Volume 12 | -1, 105-124.

Référence électronique

Dominique Sellier et Claire Portal, « Modalités de l'appropriation patrimoniale des reliefs »Physio-Géo [En ligne], Volume 12 | 2018, mis en ligne le 18 août 2018, consulté le 18 avril 2024. URL : http://journals.openedition.org/physio-geo/6233 ; DOI : https://doi.org/10.4000/physio-geo.6233

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Auteurs

Dominique Sellier

Institut de Géographie et d'Aménagement de l'Université de Nantes (IGARUN), Laboratoire CNRS UMR 6554 LETG-Géolittomer, Campus du Tertre, BP 81227, 44312, NANTES cedex 3.
Courriel : dominique.sellier@univ-nantes.fr

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Claire Portal

Université de Poitiers, Laboratoire Ruralités EA 2252, MSHS, bâtiment A5, 5 rue Théodore Lefebvre - TSA 81118, 86073 POITIERS cedex 9.
Courriel : claire.portal@univ-poitiers.fr

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