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Philosophies de la ressemblance

Que signifie « se ressembler » en biologie?

What Does Resemblance Mean in Biology ?
Guillaume Lecointre et Philippe Huneman
p. 75-98

Résumés

La biologie travaille sur des particuliers. De par son historicité, chaque entité biologique est unique. Nous devons pourtant les regrouper pour parvenir à en parler de manière générale. Nos classifications sont destinées à communiquer nos concepts, et ce faisant elles reflètent une intention. Comme nous sommes en science, nous préférons les procédures de regroupement (agglomératives) aux procédures de division, lesquelles finissent toujours par isoler les particuliers. En systématique, science des classifications, la géométrie de nos concepts est celle d’une hiérarchie par emboîtement, du plus général au plus particulier, plutôt qu’une hiérarchie par empilement (comme dans le cas de la scala naturae), parce que les premières pratiquent l’inclusion tandis que les secondes pratiquent l’inclusion et l’exclusion. Les êtres biologiques sont traversés par une foule de ressemblances différentes, et la ressemblance globale, à vouloir les saisir toutes, n’en saisit rigoureusement aucune. Elle ne se distingue pas de la différence globale. Or, nous voulons travailler sur les partages, pas sur les différences, lesquelles finissent par isoler les entités. Ces partages, ce sont des attributs communs ou des propriétés partagées : c’est la ressemblance vue en mosaïque (qui donnera lieu à un mosaïcisme phylogénétique). Mais quel type de ressemblance est pris en compte ? La ressemblance topologique est prioritaire (principe des connections), vient ensuite la ressemblance de forme et celle du processus de genèse (ou de mise en place : ontogénèse). La ressemblance de fonction est trop trompeuse pour être prise en compte. Mais trompeuse au regard de quel but ? Nous classons pour parler des origines de ce qui existe. La classification moderne des êtres vivants reflète leur généalogie passée, ou du moins ce que nous pouvons en reconstruire indirectement (la phylogénie). Et pour cela, la ressemblance topologique est la plus efficace.

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Texte intégral

1 Ce qu’il y a à classer

1La biologie ne travaille pas à partir d’universaux. Le niveau biologique d’organisation de la matière commence sur des entités suffisamment composées pour que leur structure garde la mémoire des étapes antérieures par lesquelles elles sont passées, elles-mêmes, ou bien leur lignage, cette mémoire étant aussi bien stockée dans leur génome que dans leur structure anatomique. Cette mémoire fait d’elles des individus [Durrive & Henry 2015]. Ceci n’est pas une condition suffisante pour définir la biologie, mais rend chaque individu unique par son historicité-même : l’identique n’existe pas en biologie, au sens où seraient identiques deux entités parfaitement superposables l’une à l’autre, à l’atome près. Mais l’impossibilité d’une identité parfaite en biologie ne tient pas qu’à l’historicité. Elle provient aussi du simple fait que les entités biologiques sont des flux dynamiques de matière, entités dont la permanence à l’échelle d’observation usuelle n’est que l’illusion produite par remplacement incessant à des échelles imperceptibles. Ceci reste vrai pour l’individu comme pour l’espèce. Si notre langage était réglé au niveau de description le plus proche possible de cette historicité, il faudrait faire de la biologie en donnant un prénom à chaque mouche, à chaque pâquerette. Pire, chaque cellule étant différente de sa voisine, nous en viendrions à donner un prénom à chaque cellule. Nous avons pourtant besoin de concepts et de noms de portée générale, ce qui rend le problème de la ressemblance particulièrement saillant en biologie : la généralité, et les mots qui s’y rattachent, se construisent sur le constat de la ressemblance. Mais il existe toujours un angle sous lequel une chose ressemble à une autre chose. On connaît ces tests en psychologie, où on montre à un enfant des cubes, des pyramides et des triangles tous gros, petits et moyens, et rouges, ou jaunes, ou verts : qu’est-ce qui ressemble à quoi ? Prioriser couleur, forme ou taille impliqueront des groupements différents si l’on doit partager l’ensemble d’objets selon leurs ressemblances.

2La question pour le biologiste est alors de spécifier quelles ressemblances sont biologiquement pertinentes, et au-delà, comment mesurer la « quantité de ressemblance » entre plusieurs choses. Intuitivement, un basset ressemble plus à un danois qu’à un chat – néanmoins, le chat et le basset se ressemblent par la taille. Comment justifier que selon la ressemblance qui compte biologiquement, basset et danois soient plus semblables que chat et basset ?

3Le critère de ressemblance pertinent, et la métrique des ressemblances, constituent deux aspects de la question biologique de la ressemblance. Ils sont fondamentalement définis, aujourd’hui, dans le cadre de la théorie évolutive darwinienne, dont le principe est l’association entre degrés de ressemblance et proximité historique. Quant à la relation entre proximité historique et « cahier des charges » de la classification biologique, elle ne deviendra opérationnelle qu’avec Willi Hennig en 1950. Le présent article remet en perspective une contrainte rationnelle profonde, bien que trop souvent oubliée : d’une manière générale en science, nos concepts ne sont rationnellement efficaces que si nous classons les entités du monde sur la base de partages de propriétés, et non sur des absences de propriétés. Ensuite, plus spécifiquement en sciences biologiques, ces partages traduisent un focus sur l’ascendance commune posée comme réquisit par Darwin en 1859, et rendue réalisable par Willi Hennig en 1950.

4Après avoir explicité de la manière la plus générale l’idée d’une métrique de ressemblance, et le projet de classification dans laquelle elle s’exprime, l’article présentera la notion centrale d’homologie puis le cadre darwinien où elle devient opératoire en s’articulant sur la notion d’ancestralité et en laissant de côté la dimension fonctionnelle ; ensuite nous expliciterons la méthodologie sous-jacente à la recherche de ressemblance, et enfin la logique profonde de la classification biologique, soit les notions de hiérarchie et d’emboîtements.

2 La métrique des ressemblances

5La ressemblance globale entre deux entités est la mesure symétrique de la dissemblance globale entre deux entités. Nous pouvons mesurer la ressemblance globale entre une séquence d’hémoglobine de cheval et une séquence d’hémoglobine humaine sous la forme d’une variable continue, elle sera le complément de leur dissemblance globale, également considérée sous forme d’une variable continue. C’est pourquoi, du point de vue global, le partage ne se distingue pas de la différence : dire que deux entités sont semblables à 70 % revient à dire que ces deux entités sont dissemblables à 30 %. C’est aussi pourquoi la taxonomie numérique [Sokal & Sneath 1963], dite aussi « école phénétique » de la classification du vivant [Tassy 1991], [Lecointre & Le Guyader 2016], [Darlu & Tassy 2019], en travaillant sur des distances globales entre les entités à classer, est impropre à identifier et exprimer des partages explicites et singuliers, et encore moins des signatures évolutives [Lecointre 1997], [Leclerc, Barriel et al. 1998]. En revanche, considérés à l’aide de variables discrètes de manière ponctuelle, trait par trait, les partages ne sont pas équivalents aux différences. Nous pouvons faire la liste des traits partagés entre deux entités, cette liste est finie et tend potentiellement vers la spécification des partages et donc la précision du vocabulaire, étant entendu que chaque entité est unique.

6Le chat et le chien partagent les poils, les griffes, les pavillons aux oreilles. Mais si nous nous intéressons à ce chat et ce chien, les griffes du chat sont rétractiles et non celles du chien ; les poils n’ont pas la même couleur et les pavillons de l’oreille n’ont ni la même forme ni la même longueur. Autrement dit, cette liste des partages requiert un effort de réflexion sur notre propre langage. Nous ne pouvons capter les partages que si notre langage occulte momentanément la diversité des choses par ce qu’on appelle une convention d’homologie (homo logos : le discours qui désigne ce que nous considérons comme les « mêmes »). En revanche, la liste des différences entre deux entités tend vers l’infini. Dans la fabrique de nos concepts scientifiques, les ressemblances, à travers le partage d’attributs et de propriétés spécifiés, doivent l’emporter sur les dissemblances ou les différences ; à cette seule condition nous pouvons expliciter des lois de la nature, qui sont toujours, de quelque manière qu’on les définisse, des généralités concernant des classes définies par des traits communs, comme « les mammifères ont des poils ».

7Si le but premier de la science est d’expliquer collectivement et rationnellement le monde réel [Lecointre 2018a,b], alors nous devons commencer par circonscrire les entités à expliquer, et surtout circonscrire des groupes d’entités qui relèvent du même type d’explication. Or, les ensembles se justifient, par définition, par le partage de propriétés entre leurs membres, et donc par une inclusion. La séparation n’est pas une activité qui forge des ensembles pertinents, car celle-ci peut potentiellement se fonder sur une dichotomie présence/absence. Dans ce dernier cas, on risque de définir un ensemble sur la base d’une absence d’attribut, ce qui contrevient au point de vue de la rationalité attendue dans le champ scientifique. Le provincial ressent bien l’exclusion dont il est l’objet à travers le concept de « province ». Les entités de la province ne sont pas réunies par une propriété qui leur soit acquise en propre, mais par leur exclusion de Paris : en somme, le point de référence n’est pas dans le concept, mais réside en dehors. Il en va de même des concepts de banlieue, d’invertébrés, d’extra-terrestres, de l’Outre-mer ou des arts premiers. Ce n’est pas la ressemblance qui les unit, mais leur séparation d’un point de référence placé ailleurs. Si cette logique séparative était poussée à son extrémité, on finirait par isoler chaque entité unitaire. Et en biologie, cela irait jusqu’à chaque cellule, voire jusque’à chaque protéine ; jusqu’à l’impossibilité de disposer de mots de portée générale, et donc de penser. En effet, comme Kant le rappelait dans la Critique de la faculté de juger [Kant 1791], on doit présupposer que pour deux individus donnés il existe une espèce de choses ressemblantes à laquelle ils appartiennent, et une classe plus large de choses dans laquelle sont incluses cette espèce et toute l’espèce à laquelle appartient un individu d’une autre espèce – sans quoi on ne pourrait pas comparer, donc former de « concept empirique », tel que « chat », « chien », vertébré », donc – conclut Kant – « penser » : un basset et un danois sont des chiens, et ressemblent tous deux bien moins à un chat que l’un à l’autre ; mais mis tous ensemble, les bassets, les danois et les chats appartiennent à une classe d’individus se ressemblant qui se distinguent tous par exemple des oiseaux ou d’autres familles de vertébrés.

8Il s’agit ici de classer le vivant, et l’humain en fait partie. Or dans notre gestion du rapport entre l’humain et le reste de la biodiversité, le choix de la césure a longtemps été dominant, en particulier du fait de l’empreinte des monothéismes. Leur tradition est celle d’une obsession du propre de l’Homme, lequel doit se différencier de l’animal qui, lui, n’est jamais défini, tel un repoussoir. La déclaration d’une différence irrémédiable, radicale, résulte d’un décret de métaphysicien, pas d’une posture scientifique. D’un point de vue scientifique, la liste des différences est, on l’a vu, potentiellement infinie : il est donc aisé, voire trivial, de mobiliser des différences à l’appui d’une césure. La liste des partages est plus difficile à manipuler, car elle requiert l’homologie, mais elle est potentiellement féconde et riche en informations si l’on mobilise des ensembles emboîtés pour illustrer leurs degrés de généralité. Entre nous et les chimpanzés, il existe de nombreux gènes en commun ; entre nous, les chimpanzés et les gibbons nous avons, entre autres, le coccyx ; entre nous, les chimpanzés, les gibbons et les babouins nous avons notamment une cloison nasale fine, etc. Tous les organismes précédents partagent avec les singes du nouveau monde (ouistitis, hurleurs...) le fait d’avoir deux os frontaux fusionnés, les deux os dentaires fusionnés et les orbites cloisonnées latéralement : tous sont des singes (y compris nous). Nous venons d’esquisser un exemple de partages emboîtés : ce choix de l’inclusion est celui de la science d’aujourd’hui.

9Philosophiquement, l’alternative ici esquissée entre partage et césure remonterait au désaccord entre Aristote et Platon sur la classification des choses. Pour Platon, la définition se comprend selon la méthode dite dichotomique. Dans un texte très célèbre du Politique [Platon 2011], [El Murr 2005], il explique son idée. Chaque propriété partage le monde en deux : ceux qui la possèdent, et ceux qui ne la possèdent pas. Par une suite de dichotomies successives (être vivant/non-vivant, être sur terre/pas sur terre, être petit/grand, etc.), on arrive alors à des classes de plus en plus petites et donc éventuellement des individus. Pour Aristote, la division n’est pas seulement duelle. Prenons une propriété comme la reproduction. Un organisme peut se reproduire par reproduction sexuée, asexuée, ou bien pouvoir faire les deux. Il y a donc trois états de la reproduction sexuée possibles, donc trois classes de reproducteurs. Et de même pour toutes les autres propriétés.

10L’Histoire naturelle et les Parties des animaux, deux ouvrages où Aristote met en œuvre cette méthode, sont considérés comme les premiers éléments systématiques de la biologie, au point que selon Jean Gayon [Gayon & Petit 2018], un des grands mystères de l’histoire de la biologie consiste à comprendre comment cette science avait pu se constituer chez Aristote de manière proche de ce qu’elle est pour nous, puis a dû devoir attendre jusque 1800, avec l’anatomie comparée de Cuvier ou Geoffroy Saint Hilaire [Schmitt 2006], la physiologie de Barthez, Bichat ou Magendie, ou l’embryologie de Caspar Wolff et von Baer [Huneman 2008], pour se développer.

11La métrique de la ressemblance relève donc davantage de la répartition aristotélicienne que de la dichotomie. Et de fait, un des moments majeurs dans l’histoire de l’histoire naturelle consista dans l’abandon de la catégorie d’invertébré, produit typique d’une méthode dichotomique divisive [Dupuis 1986]. Au xviiie siècle, les naturalistes, dont le travail consistait à classer les choses, et en particulier les vivants, vivaient une étrange dissymétrie : là où la classification botanique avait réussi une cartographie impressionnante du monde végétal, en particulier avec le célèbre Genera plantarum de Linné (publié initialement en 1737) [Linné 1737], dont la nomenclature a traversé les siècles, la classification animale présentait de graves disparités. Les vertébrés étaient bien connus et classifiés, mais on rangeait le reste dans un fourre-tout sous le nom d’invertébrés, alors qu’aucune propriété ne caractérise proprement l’invertébré. Lamarck, Daubenton, Réaumur et quelques autres commencèrent au début du xixe siècle – période charnière [Schmitt 2006] – à inventorier aussi les « invertébrés », et ont montré leur extrême diversité qu’ils ont traduite par plusieurs « ordres » caractérisés par des propriétés positives. Le passage de la dichotomie par exclusion vertébrés/invertébrés à la caractérisation cuviérienne des « embranchements » (chordés, arthropodes, mollusques, vers) est en ce sens le signe d’une avancée dans la compréhension de la classification du vivant, laquelle nécessite des critères de ressemblance permettant un partage de l’ensemble des animaux en classes qui se trouvent logiquement sur le même plan.

12En dehors de toute démarche classificatoire, remarquons que la séparation, la différence, l’absence d’attributs ou de propriétés sont utiles pour les opérations de guidage, de prise de décision. C’est ce par quoi on construit des clés de détermination, sorte d’arborescences décisionnelles construites à partir de tris successifs, de divisions ordonnées d’un échantillon de départ, et fonctionnant comme un jeu de piste au bout duquel on gagne une récompense. Ces outils ne décrivent pas le monde ; en lieu et place d’une vocation classificatoire, leur seule raison d’être est pragmatique : par exemple, comment trouver le nom d’une fleur au plus vite. Une clé de détermination n’est pas une classification. Au cours de l’histoire de la systématique, nous n’avons pas toujours été clairs sur ce point, car certains naturalistes ont posé sur leurs clés de détermination des noms d’ordres ou de familles pour fournir des points de repère. Mais ne nous y trompons pas : ce ne sont pas par ces clés que les noms et concepts sont construits. Certains naturalistes du siècle passé, comme Ernst Mayr, Alfred Romer, ont même forgé des groupes en mélangeant les procédures divisives et les procédures agglomératives [Dupuis 1986], [Tassy 1991], [Lecointre 2011]. D’où les anciens termes d’invertébrés, d’agnates, et autres groupes amputés, aujourd’hui invalidés (l’étymologie du premier signifie qu’on réunit là les organismes qui n’ont pas de vertèbres, celle du second les organismes qui n’ont pas de mâchoire).

13Quelles sont alors les dimensions par lesquelles peut se reconnaître et s’opérer le partage de propriétés entre les êtres vivants ?

3 Homologies : les critères de la ressemblance

14Au cours de son histoire, l’histoire naturelle a eu diverses raisons d’appeler pareillement des entités toujours différentes entre elles dans le détail. Les ressemblances mobilisées ont été celles des formes, de fonctions, de position, celles des processus de développement, nous avons cherché à rendre cohérentes nos façons de spécifier la ressemblance, de manière à ce que nos classifications atteignent leur « cahier des charges ».

15Les vivants sont des systèmes présentant des structures caractéristiques ; à la différence de la plupart des systèmes physiques ou chimiques, ces structures ont la plupart du temps des fonctions – elles sont supposées faire quelque chose de précis, à l’image des ailes qui servent à voler, et dont on dit qu’elles dysfonctionnent si cela n’a pas lieu [voir Krohs 2010, pour une explicitation]. Enfin, les vivants se développent selon un processus dit ontogénétique ou embryogénique.

  • 1 On notera que, dans le long « Résumé » final qui clôt le chapitre 6 de L’Origine des espèces, Darw (...)

16De fait E. S. Russell avait distingué dès 1916 dans Form and Function [Russell 1916] deux traditions de recherche en biologie, l’une orientée vers la forme comme trait caractéristique du vivant – car les vivants présentent des formes qui se maintiennent malgré le changement de leur matière, à la différence des cailloux ou des montagnes – et l’autre orientée vers la fonction comme propre aux vivants. À cette aune, Cuvier comme Darwin sont fonctionnalistes, puisque leur souci majeur est d’expliquer l’adaptation des vivants à leur milieu, et que la réponse de l’organisme aux contraintes environnementales (sous la forme du principe des conditions d’existence selon Cuvier, de la sélection naturelle selon Darwin1) est un principe d’intelligibilité pour le biologiste. Toutefois, Darwin interprète les fonctions comme des effets de la sélection naturelle [Kitcher 1993], tandis que pour Cuvier l’adaptation et le fait que les vivants soient fonctionnels sont un donné. Si l’on suit Russell, ces deux traditions, biologie de la forme et biologie de la fonction, sont hétérogènes et ne sauraient être empiriquement départagées, chacune apportant sa lumière à la connaissance des vivants.

17Plusieurs vivants peuvent donc se ressembler selon les trois dimensions précitées : structure (les chevaux ressemblent aux chiens, ou, mieux, ressemblent davantage aux chiens qu’aux méduses), fonction (les dauphins ressemblent aux requins, ou, mieux, ressemblent davantage aux requins qu’aux bonobos), et aussi selon leur développement (les oiseaux se développent comme les grenouilles plutôt que comme les papillons).

18Si l’on passe momentanément sous silence quelques vicissitudes dans le croisement des vocabulaires [Schmitt 2006], deux notions ont été forgées pour nommer les deux premiers types de ressemblance : les structures ayant même fonction sont analogues (ainsi la nageoire du requin et du dauphin), les parties ayant une structure similaire sont dites homologues (la nageoire du dauphin et ma main). L’homologie et l’analogie sont deux notions fondamentales en anatomie comparée. Elles ont été élaborées de façon très profonde et influente au milieu du xixe siècle par l’anatomiste anglais Richard Owen, lequel fut une référence pour Darwin [Owen 1992], [Balan 1979]. Plus des organismes ont de parties ou de traits analogues ou homologues, plus ils se ressemblent. Évidemment, deux organismes donnés A et B auront des parties homologues et d’autres analogues, alors que A et C auront d’autres homologies et d’autres analogies. Il est difficile alors de décider entre A, B et C qui ressemble le plus à qui si l’on ne reconnaît pas ici une forme de mosaïcisme des homologies : davantage de finesse et de précision sont requises, et ce n’est pas la ressemblance globale évoquée au départ sous forme de variable continue qui permettra d’en gagner, puisqu’elle mélangera tout, par définition. Il faudra tenter sa chance du côté de la ressemblance en mosaïque, à travers la notion de caractère [Patterson 1982], [Nelson 1994], [Barriel 2011]. Un caractère, par exemple une molaire, peut adopter selon les espèces plusieurs « états de caractère », soit deux ou trois formes possibles, tels que le nombre de pointes. La métrique de ressemblance est déterminée par le partage ou pas entre certaines espèces d’un état de caractère pour un caractère donné. C’est bien qu’on a considéré a priori que ces formes, bien que différentes, méritaient d’être rassemblées sous le même nom, d’un seul et même caractère : « molaire ». On a nommé pareillement ces formes : c’est donc une relation d’homologie qui s’est mise en place. Le terme d’« homologie » signifie qu’on a nommé pareillement des choses qui, dans leurs détails, diffèrent. D’une homologie de position et de ressemblance, on va alors faire le pari qu’il doit lui correspondre une ascendance commune (ou homologie de filiation). Un caractère est donc une série d’attributs observables sur lesquels on peut poser au moins une hypothèse initiale d’homologie [Nelson & Platnick 1981], [Lecointre & Le Guyader 2016, 26], [Barriel 2011, 170]. Un arbre établissant des liens de parenté entre espèces ne se construit pas sur un seul caractère, mais sur des dizaines, voire des centaines. Or, les caractères ne plaident pas toujours tous pour les mêmes regroupements d’espèces : ils peuvent se contredire entre eux. En outre, la distribution de leurs états permet des regroupements emboîtés. Enfin, certaines espèces manifesteront des changements d’états pour certains caractères et pas pour d’autres. Bref, tous ces phénomènes indiquent que les caractères, fractions discrètes de la ressemblance, révèlent le caractère mosaïque de la distribution des attributs à travers le vivant.

19Dès la Renaissance, on a progressivement abandonné – en science – les classifications spontanément et nécessairement utilitaires pour finalement s’orienter vers des classifications qui parlent des raisons profondes de la ressemblance, celles-ci étant donc fonctionnelles, structurales ou développementales [Hall 1994], [Minelli & Fusco 2013]. À ces grandes divisions, Diderot [Diderot 1754, 565], [voir Nelson 2011] et surtout Darwin rajouteront une perspective généalogique qui réinterprètera l’ensemble de la pensée de la ressemblance.

20La similitude des formes visibles – le requin et le dauphin – est la toute première approche, spontanée de la ressemblance. La science, en classant différemment de la façon dont notre perception immédiate des choses nous engage à classer spontanément, a dépassé, comme toujours, nos perceptions et classifications spontanées pour gagner en précision de perception comme de conceptualisation. Très vite, on s’est aperçu que la forme visible n’est pas suffisante pour embrasser la complexité des organismes, qu’une similitude de forme peut cacher une dissemblance plus profonde et réciproquement. Ainsi, Goethe a montré que la différence entre singes et humains, l’os hyoïde, présent chez le singe et absent chez l’homme, était en réalité présent chez tous deux, mais fusionné, chez l’homme, avec un os antérieur [Goethe 1987].

  • 2 Pour Russell, ce débat est l’illustration majeure de la différence entre biologie de la forme (Geo (...)
  • 3 La similitude de fonctions est, elle, prioritaire chez Aristote et, bien plus tard, chez Jean-Bapt (...)

21Comme cet exemple de Goethe le montre, la similitude de position relative dans l’organisme devint alors le critère majeur de ressemblance, certes déjà présent chez Léonard de Vinci ou Pierre Belon (mais non théorisé chez ces deux auteurs), mais rendu systématique surtout par Étienne Geoffroy Saint-Hilaire, pour qui certaines similitudes structurales ne peuvent pas être réduites à des analogies fonctionnelles [Geoffroy Saint-Hilaire 1818], et qui élabora une anatomie comparée classificatoire alternative à celle de Cuvier, lequel l’avait fondée sur les fonctions [Schmitt 2006]. Goethe voyait d’ailleurs dans le débat majeur qui opposa publiquement ces deux naturalistes en 1830 un des événements fondamentaux du siècle (Conversations avec Eckermann, 1836 [Goethe 1988]). Il avait pris parti pour Geoffroy, lequel imaginait comme Goethe lui-même une unité de plan de tout le règne animal sur la base d’un critère de position relative identique à l’argument employé par le poète au sujet de l’os hyoïde [Goethe 1988]2. Cette idée de Geoffroy Saint-Hilaire contribuera finalement à définir l’homologie3. Celle-ci s’avère cruciale dans le cadre darwinien qui est le nôtre, où la ressemblance biologique prend son sens scientifique ; nous allons l’expliciter maintenant.

4 Ressemblance, classification et ancestralité : le cadre darwinien

  • 4 Cette idée dérive logiquement de son « principe des conditions d’existence » : en modifiant un org (...)

22Les vivants sont extrêmement divers, on le sait. Néanmoins, cette diversité ne nous apparaît pas complètement désordonnée. En effet, s’il existe bien des ours polaires, des manchots et des salamandres, les ours polaires ressemblent beaucoup plus aux grizzlys qu’aux manchots ou aux salamandres. En outre, ours polaires et grizzlys ressemblent aux lapins, aux souris, en particulier si l’on considère le schéma des connexions entre parties chez chacun. Faisons maintenant une expérience mentale. Si l’espace des phénotypes possibles – phénotypes définis sur la base de la position des éléments, et non forcément des formes visibles – était représenté sur un planisphère, et si ces phénotypes étaient tous très différents les uns des autres, alors cet espace serait relativement rempli, et de manière homogène et isotrope (soit, à peu près également dans toutes ses directions, ou au moins sans direction privilégiée). Or dans le cas présent, cet espace est habité par des îlots de classes de vivants séparés par de très grandes zones vides. Ces îlots sont, par exemple, les vertébrés, qui comme le constataient déjà Buffon ou Diderot, paraissent comme des variations sur un même thème, puisqu’en raccourcissant un os ici, en dilatant un autre, en fusionnant des autres, etc., on passe facilement d’une girafe à un marcassin ou un rat. Le « thème » ici serait ce que Richard Owen appelait le « type » ; ce naturaliste fut de fait le premier à reconstruire un type idéal de vertébré. Les zones vierges entre îlots, elles, correspondent aux cas où les modifications de certains sous-systèmes rendraient l’organisme inviable. Cela prolonge l’idée de Cuvier selon laquelle les embranchements sont tous relativement homogènes, mais séparés les uns des autres par un abîme, de sorte que si on peut imaginer un oiseau se transformant au bout d’un temps très long en mammifère, on ne saurait imaginer un ver se transformant en oiseau [Cuvier 1805]4. Avec cette notion de type, ou d’archétype, Buffon, Cuvier et Owen pratiquent un concept d’homologie non historique [Hall 1994], [Minelli & Fusco 2013].

23La métrique de ressemblance permet d’arpenter cet espace rempli de manière non isotrope et hétérogène. Les vivants sont très divers, certes, mais ils ne sont pas divers n’importe comment parce qu’au sein de, et entre, les sous-ensembles habités de cet espace – nos « îlots » – il y a beaucoup de ressemblances. Intuitivement, le degré de ressemblance générale dans un tel espace est moindre que si les phénotypes s’y étaient répartis par hasard. Ce qui veut dire qu’on peut en demander la cause.

24Or l’hypothèse darwinienne de descendance commune explique cela très bien. À supposer qu’une unique cellule vivante soit apparue, et que celle-ci ait donné naissance à différentes formes phénotypiques légèrement variantes, lesquelles à leur tour ont engendré d’autres formes, etc., il est clair que l’espace des phénotypes sera probablement réparti en îlots comme il l’est, chaque nouvelle forme étant assez ressemblante aux précédentes puisqu’elle conserve quelque chose d’elles, et donc, venant occuper un point relativement proche dans cet espace. On comprend ainsi en quoi la perspective darwinienne, évolutive, est si fondamentale pour la ressemblance en biologie.

25Dans cette mesure, « deux parties se ressemblent » signifie que leurs porteurs ont un ancêtre commun. Or, dans ce cas, tout ressemble à tout, puisque tous ont un même ancêtre ultime. Mais si deux parties se ressemblent davantage qu’à une troisième, cela signifie que leurs porteurs ont un ancêtre commun qui n’est pas commun au porteur de la troisième. On comprend ainsi ce qu’est l’homologie, soit la ressemblance de structure ou de schéma de connexion, indépendamment de la fonction : elle indique une communauté d’ancêtres, laquelle se reconnaît par de telles comparaisons entre trois éléments (et non deux, comme on le croirait intuitivement).

26En effet, à partir de là, une identité structurelle indépendamment des fonctions signifie une filiation commune. La common descent explique l’identité de parties [Darwin 1859, chap. 6], laquelle explique la ressemblance entre organismes. Le cadre dans lequel se pense alors la ressemblance biologique est cet isomorphisme entre degrés de ressemblance et proximités généalogiques – et il détermine en retour les ressemblances pertinentes (entre structures topologiquement définies par le schéma des positions) et celles qui ne le sont pas [Darlu & Tassy 2019]. Ainsi, pour Darwin et Haeckel, les archétypes de Cuvier et Owen sont des ancêtres communs (voir Figure 1 in [Wagner 1994]), reproduisant ainsi la fulgurante intuition de Diderot :

Quand on considère le règne animal, et qu’on s’aperçoit que, parmi les quadrupèdes, il n’y en a pas un qui n’ait les fonctions et les parties, surtout intérieures, entièrement semblables à un autre quadrupède, ne croirait-on pas volontiers qu’il n’y a jamais eu qu’un premier animal, prototype de tous les animaux, dont la nature n’a fait qu’allonger, raccourcir, transformer, multiplier, oblitérer certains organes ? [Diderot 1754, 565], [voir Nelson 2011], [Pépin 2013].

27Ensuite Lankester jugera idéalistes les concepts d’homologie de Darwin et Haeckel, et fera entrer l’homologie dans le champ empirique et opérationnel en distinguant, au sein d’un échantillon concret d’organismes, « homogénie » (ressemblance acquise d’une ascendance commune) et « homoplasie » (ressemblance non acquise d’une ascendance commune) [Lankester 1870].

28En outre, selon Darwin et les darwiniens, une des causes majeures de l’évolution est la sélection naturelle, ce processus de maintien de petites variations avantageuses à travers les générations qui finit par produire cet ajustement entre parties d’organisme et environnement qu’on appelle l’adaptation [Huneman 2011], [Grandcolas 2011]. Or, si on prend ce processus en compte, on obtient un cadre pour expliquer d’autres propriétés de l’espace des phénotypes : à supposer des vivants très proches dans un îlot de l’espace des formes, les plus proches vont être en compétition entre eux et finalement seuls ceux qui sont un peu différents vont subsister (c’est ce que les écologues appellent « principe d’exclusion compétitive ») ; d’où une discontinuité dans cet espace des formes. Il y a regroupements autour d’îlots et en même temps il va y avoir des « fossés » dans cet espace, qui grandissent encore avec le temps – c’est ce que Darwin appelle le principe de divergence (lequel reçoit aussi toutefois d’autres explications).

29Enfin, deux pressions de sélection identiques (par exemple se maintenir en l’air pour voler ou pénétrer un milieu liquide et s’y mouvoir) vont engendrer des traits assez ressemblants : les nageoires des requins et des dauphins, les ailes des oiseaux et des chauves-souris. La sélection naturelle explique donc la ressemblance fonctionnelle ; mais comme le remarquait déjà Darwin, cette ressemblance est moins fine que celle que cause la common descent, car la sélection procède toujours par modification de traits existants chez l’ancêtre. Ainsi, les diverses ailes sont semblables de loin, mais assez différentes si on les regarde de près, parce que chez les oiseaux et chez les chauves-souris elles ont été construites sur la base de structures différemment agencées, puisqu’elles proviennent d’histoires évolutives différentes. Ainsi, les yeux, adaptation spectaculaire permettant l’orientation dans un espace lumineux, sont apparus vingt-deux fois parmi des lignées évolutives différentes : ce sont tous des yeux, mais à y regarder de plus près, les yeux camérulaires des vertébrés diffèrent beaucoup, structurellement, des yeux composés des insectes.

30Comment explore-t-on alors cet espace de formes que mesure la métrique de la ressemblance ?

5 L’homologie comme méthodologie de la ressemblance

31Si l’intention du classificateur se traduit par un programme scientifique, le programme en vigueur aujourd’hui est donc celui fixé par Charles Darwin en 1859 et rendu opérationnel par Willi Hennig en 1950. Les concepts que nous sommes supposés forger pour parler de la diversité du vivant doivent être des concepts généalogiques. Comment trouver, dès lors, la trace des ancêtres communs ? Par ce qu’ils ont légué à leurs descendants. C’est pourquoi la ressemblance prioritaire, aujourd’hui, est celle du partage des attributs communs (et non des absences d’attributs, des lieux d’habitat ou une ressemblance dans les fonctions). Les ressemblances de fonction ne recoupent pas les ressemblances structurales (Tableau I). Une mouche vole avec ses ailes, et un pigeon pareillement. Cependant, les ailes avec lesquelles vole une mouche sont totalement dissemblables à une aile de pigeon, aux échelles courantes d’observation. Pour parvenir à nos objectifs classificatoires modernes, nous laissons donc les fonctions de côté, et commençons par repérer les ressemblances dans les connexions d’une même structure aux structures voisines chez diverses espèces. Nous nommons alors les différentes versions d’une même structure. Par exemple, un humérus de dauphin, un humérus humain, et un humérus de chauve-souris s’appellent tous « humérus » parce qu’ils sont connectés pareillement au reste du squelette : à la ceinture scapulaire en direction proximale et à deux autres os (radius et ulna) en direction distale. Ces différents humérus n’ont ni la même forme ni la même taille, ni exactement la même fonction (celui de la chauve-souris est impliqué dans le vol, ceux du dauphin et de la baleine dans la nage, celui de l’humain dans la préhension). Ce sont leurs connexions au reste de l’organisme qui permettent de les caractériser pareillement sous un même « caractère ». Une version est plate (chez le dauphin et la baleine) et pourra porter le nom de « humérus plat » (« état de caractère »). L’autre version manifeste une section circulaire (chez la chauve-souris et l’humain, autre « état de caractère »). Nous créons alors un caractère : il s’agit, nous l’avons vu, d’une collection d’attributs à partir de laquelle nous émettons au moins une hypothèse d’homologie [Nelson & Platnick 1981], [Lecointre & Le Guyader 2016, 26], [Barriel 2011, 170]. Ce qui signifie ici que nous supposons que les deux humérus plats sont « la même chose » et constituent un état du caractère, mais aussi qu’ils sont « la même chose » que les deux autres humérus plus longs, plus fins, à section circulaire, qui réalisent un autre état du même caractère. Nous émettons le pari que le fait d’être plats est acquis par ascendance commune au dauphin et à la baleine. Ce pari correspond à ce que nous appelons « l’homologie primaire » [de Pinna 1991]. Mais ceci n’est qu’un pari que l’on peut gagner ou perdre en construisant un arbre [Lecointre & Le Guyader 2016], [Darlu & Tassy 2019]. Nous assemblons ainsi, côte à côte, des dizaines et des dizaines de caractères. C’est en calculant la cohérence globale entre tous que nous parvenons à construire un arbre qui hiérarchise « qui partage quoi avec qui », du plus général au plus particulier, et de la manière la plus cohérente possible [Darlu & Tassy 2019]. Ceci nous donne finalement la réponse à chacun de nos paris. Ici, nous avions eu raison de parier que la ressemblance des humérus plats entre eux était le fruit d’une ascendance commune, car ils se retrouvent réunis dans l’arbre à l’origine partagée du dauphin et de la baleine. Il s’agit alors d’une « homologie secondaire » [de Pinna 1991] ou, pour reprendre le terme plus ancien, une homogénie [Lankester 1870, Tableau I]. En revanche, nous avons perdu un pari similaire sur le bec des oiseaux et celui des tortues. En effet, dans l’arbre produit par la mise en cohérence hiérarchique de l’ensemble des caractères, la branche des oiseaux n’est pas réunie avec la branche des tortues ; les deux sortes de bec apparaissent donc deux fois indépendamment. C’est ce que nous appelons une convergence de forme, en d’autres termes une ressemblance trompeuse, ou homoplasie [Lankester 1870], que l’on appelait plus haut « analogie ». Les becs ne se ressemblent pas par ascendance commune. Cet arbre produit, en outre, directement des classifications par emboîtement.

32Au cours de l’histoire du concept d’homologie, on peut ainsi reconnaître avec Schmitt, et Minelli & Fusco [Schmitt 2006], [Minelli & Fusco 2013] :

33a) Deux concepts statiques de l’homologie :

  • la similitude globale chiffrée (soit une variable continue) utilisée par l’école phénétique [Sokal & Michener 1958], [Sokal & Sneath 1963], et dont on continue à se servir à travers le concept de distance génétique ;
  • l’homologie de position qui est celle d’Owen ou de Geoffroy Saint Hilaire.

34b) Trois concepts d’homologie inscrits dans la profondeur du temps :

  • l’homologie développementale qui est celle de Reichert, Haeckel, von Baer ;
  • l’homologie historique ou de filiation (Darwin, Lankester, Hennig), ou encore dite « transformationnelle » [Patterson1982], [Nelson 2011] ;
  • l’homologie combinatoire ou dite factorielle [Minelli & Fusco 2013] : à l’échelle du phénotype deux structures ne sont pas homologues parce qu’on n’infère pas cette structure à l’ancêtre commun, cependant elles tombent sous le concept d’homologie développementale, car elles ont coopté le même module développemental depuis l’ancêtre commun (par exemple l’œil de mouche est structurellement différent de l’œil humain, cependant ils se développent à partir d’un même réseau d’impulsions génétiques homologues [Gehring 2002]).

35Le lexique conceptuel de la ressemblance, ancré dans un cadre darwinien, et passé par la systématique phylogénétique de Hennig [Hennig 1950, 1966], s’est ainsi considérablement enrichi. La ressemblance des connexions (ou ressemblance topologique, ou homologie primaire) est donc fondamentale et prioritaire par rapport aux ressemblances de formes visibles ou de fonctions pour inférer les origines communes, et de manière ultime, générer nos classifications. Les convergences évolutives ont les mêmes connexions ; elles manifestent une ressemblance de forme et les mêmes fonctions, mais elles sont sans origine commune. Les homologies secondaires ont les mêmes connexions et une origine commune (homogénies de Lankester, synapomorphies de Hennig), mais pas nécessairement les mêmes formes ni les mêmes fonctions. Enfin, les analogies ne traduisent qu’une fonction commune (Tableau I).

36Voyons pour finir ce que cette construction darwinienne du champ conceptuel de l’homologie, axée sur les relations entre caractères et états de caractères dans l’espace des phénotypes, entraîne comme conséquences pour ce qui est de la classification des espèces elles-mêmes.

6 La géométrie de nos concepts : la classification par emboîtement, inclusions seulement

37Nous comprenons maintenant mieux l’opposition entre la dichotomie, ou césure, et la classification résultant de la métrique des ressemblances qui est un emboîtement ou, techniquement, une hiérarchie. Nous produisons les classifications biologiques par emboîtement ; elles sont plus riches en information. Dans une logique de césure, on est soit humain, soit animal, tandis que dans une logique par emboîtement, rien de ce qui fait de nous des humains, parce que nous avons certains attributs comme le langage articulé ou le gros orteil redressé parallèlement aux autres doigts du pied, ne nous empêche d’être en même temps des singes (avec les babouins et les ouistitis), parce que nous avons les deux dentaires fusionnés et les deux frontaux fusionnés, ni ne nous empêche d’être en même temps des animaux (avec les sangliers, les étoiles de mer et les mouches) parce que nous avons du collagène dans nos tissus.

38Les hiérarchies par emboîtement que nous devons privilégier se distinguent des hiérarchies par empilements. Certains agencements de concepts reposent en effet sur des stratifications, ou des piles. Ainsi, l’échelle des êtres chère à Plotin, à Leibniz ou Bonnet [Lovejoy 1936] est un discours de valeurs, fixiste, qui manipule en même temps l’inclusion et l’exclusion. Les catégories – animal, singe, humain – ne s’y emboîtent pas, elles s’empilent les unes sur les autres. L’humain y culmine pour sa perfection – une notion qui en outre n’est pas scientifique, et dont on a montré comme elle était étrangère à la pensée darwinienne [Bowler 1976]. Par ailleurs, l’empilement correspond avec la façon immédiate dont nous conceptualisons le temps, soit la succession. Ainsi, l’ère paléolithique se définit par l’apparition de la pierre taillée, attribut remarquable ; seulement voilà, le mésolithique succède au paléolithique, et le néolithique succède au mésolithique. Or, la pierre taillée est bien toujours présente au néolithique, et pourtant le néolithique n’est pas inclus dans le paléolithique. C’est pourquoi on considère que les hiérarchies par empilement pratiquent l’exclusion : il s’agit de l’exclusion d’ensembles hors d’un autre ensemble plus vaste, auquel ils devraient appartenir parce qu’ils en présentent les attributs. Dans l’échelle des êtres selon Bonnet, si le barreau « animal » s’initie parce que ces organismes sont doués de mouvements, l’humain, situé au-dessus, s’en trouve pourtant exclu alors qu’il est doué de mouvements.

7 Conclusion. Des myriades de ressemblances imbriquées

39Pour conclure, nous souhaitons souligner la convergence entre les thèses défendues ici, qui spécifient les contours de la notion de ressemblance en biologie : le primat de la ressemblance en mosaïque sur la ressemblance globale, le primat de l’emboîtement (ou hiérarchie) sur l’empilement, du partage de traits sur la séparation ou la dichotomie, le primat enfin de la ressemblance définie au niveau du caractère sur la ressemblance fonctionnelle – thèses qui toutes concourent à définir la pratique classificatoire moderne.

40Ainsi, la ressemblance globale, celle que l’on assignerait par exemple à tout un groupe – les mammifères se ressemblent, les oiseaux se ressemblent, etc. – tend à essentialiser. Elle enferme les particularismes dans un tout réducteur, et encourage une pensée dichotomique de la séparation, de l’exclusion. C’est ainsi que des organismes sont qualifiés de « monstres », d’anomalies parce qu’ils n’entrent pas dans le moule global. Il en va ainsi de l’ornithorynque, qualifié maintes fois d’« étrange », d’« inclassable », si ce n’est d’« erreur de la nature », parce qu’il a des pattes palmées, des poils et un bec. Il provoque une disjonction, une hésitation parce qu’il ne se plie à aucune des assignations globalement calculées. Au contraire, la ressemblance mosaïque – celle qui se base sur la métrique de la ressemblance assignée au niveau des traits – libère. Parmi les traits de l’ornithorynque, certains informent sur ses affinités phylogénétiques (les poils, les glandes lactéales, la mandibule constituée d’un seul os font de lui un mammifère ; les éperons venimeux sur les membres postérieurs des mâles font de lui un monotrème) et d’autres non (le bec de canard n’est propre qu’à son espèce, son oviparité est un trait primitif (« plésiomorphe » au sens de Hennig) qui ne le rattache à rien au sein des mammifères). En appréhendant la ressemblance par mosaïque, il est parfaitement possible de trouver les affinités phylogénétiques de l’ornithorynque : c’est un monotrème, les monotrèmes sont le groupe-frère des thériens [Lecointre & Le Guyader 2017], et il n’est nul besoin, dès lors, de le qualifier d’anormal. Il faut savoir de quoi parlent nos classifications pour éviter d’avoir à leur faire dire ce qu’elles ne disent pas. Cet ornithorynque est seulement une combinaison de caractères rares. Et en cela il est même précieux.

41Si on laisse de côté la ressemblance globale (parce que globale, elle ne se distingue pas de la dissemblance) pour préférer la mosaïque de traits [Patterson 1982], [Nelson 1994], que signifie alors « se ressembler » en biologie ? Quelle qualité fait l’objet d’une ressemblance que nous décidons de privilégier ? La forme ? La fonction ? La position relative ? La génération (en tant que processus présent inscrit dans le temps de l’organisme, accessible par observation directe et expérimentation) ? La similarité globale, ou aspectuelle, manquera de précision et échouera à remplir spécifiquement n’importe lequel de ces cahiers des charges, précisément parce qu’elle mélange tous les types de ressemblance. Parce que des organes ayant les mêmes relations topologiques peuvent avoir des formes incomparables (l’os carré de poule ne ressemble pas à l’étrier de vache ni à l’hyomandibulaire de carpe) et des fonctions différentes (le premier intervient dans la mécanique mandibulaire alors que le second intervient dans l’audition, le troisième dans la suspension de l’opercule) ; ou parce que des organes ayant les mêmes fonctions peuvent être franchement différents en termes de structure et de connexions (aile de mouche et aile de pigeon). Une ressemblance globale, telle que gérée par l’école phénétique de classification, noiera toutes ces contradictions dans un compromis qui ne respectera finalement aucune des propriétés en présence, et échouera à être précise. À courir après quatre lièvres à la fois, on n’en attrape aucun. Le crocodile ressemble globalement à un gros lézard, mais son anatomie, considérée en mosaïque de caractères, est plus proche de celle d’un oiseau. Le coelacanthe ressemble globalement à un gros poisson, mais son anatomie, considérée en mosaïque de caractères, est plus proche de la nôtre que de celle d’une truite. Un bolet ressemble globalement à un végétal, mais son anatomie cellulaire, considérée en mosaïque de caractères, est plus proche de la nôtre. En conséquence, on ne peut pas spécifier toutes les ressemblances que nous détectons dans une seule classification : il faut faire un choix si l’on veut être efficace.

42Pour ce qui est de la science des classifications, la systématique, ce choix a été fait en 1859. Nous classons sur la base de caractères partagés, parce que c’était la meilleure façon d’obtenir des classifications qui reflètent la « généalogie ». Par conséquent, le concept de « poisson » est caduc [Lecointre 1994], [Lecointre & Le Guyader 2017]. Mais si Charles Darwin exprime une contrainte de monophylie dans ses prescriptions classificatoires [Nelson 1972], [Lecointre 2011], selon laquelle un groupe valide, c’est-à-dire un groupe biologiquement réel, ou du moins biologiquement pertinent, rassemble tous les descendants d’un même ancêtre, il ne fournit pas la méthode de travail pour y parvenir. C’est pourquoi, au milieu du vingtième siècle, on mélangeait encore plusieurs normes épistémiques (c’est-à-dire plusieurs « cahiers des charges »), dans une école classificatoire qui se qualifiait d’ailleurs elle-même de « systématique éclectique » [Dupuis 1986], [Tassy 1991], [Lecointre & Le Guyader 2016]. On souhaitait capter l’origine phylogénétique (comme Darwin), mais en plus on souhaitait que la classification reflète des étapes écologico-adaptatives de l’évolution. Ainsi, les crocodiles restaient classés dans les « reptiles » avec les lézards et les serpents, alors qu’on savait parfaitement que, anatomiquement, ils étaient davantage apparentés aux oiseaux. En voulant une classification éclectique, on en a fait une classification molle qui pérennisa finalement les vieux cadres linnéens fixistes au lieu de les réfuter (reptiles, poissons, [voir Lecointre & Le Guyader 2016]). C’est Willi Hennig [Hennig 1950, 1966] qui finit par fournir à Darwin – un siècle plus tard – les méthodes de travail qui lui manquaient pour parvenir à détecter, dans l’entrelacs complexe et mosaïque des ressemblances, celles qui allaient nous indiquer les degrés relatifs de parenté, c’est-à-dire les relations phylogénétiques [Dupuis 1978], [Tassy 1991], [Lecointre 2011]. C’est sur celles-ci que reposent nos classifications modernes, comme nous avons voulu l’indiquer ici.

Structure
Fonction Ressemblance + Ascendance commune Ressemblance + Pas d’ascendance commune Pas de ressemblance + Ascendance commune Pas de ressemblance + Pas d’ascendance commune
Similaire Analogie Homogénie Analogie Homoplasie Analogie Homogénie Analogie Homoplasie
Membre antérieur gauche de mouton Langue de fourmilier Aile de chauve-souris Aile de mouche
Membre antérieur gauche de vache Langue de pangolin Aile de pigeon Aile de pigeon
Différente Homogénie Homoplasie Homogénie Structures non comparables
Membre antérieur gauche de mouton Membre antérieur gauche de mouton Hyomandibulaire de carpe Aile de mouche
Aile de pigeon Membre postérieur droit de mouton Étrier de vache Œil de pigeon
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Notes

1 On notera que, dans le long « Résumé » final qui clôt le chapitre 6 de L’Origine des espèces, Darwin assimile ce « principe des conditions d’existence » cuviérien à la sélection naturelle [Darwin 1859].

2 Pour Russell, ce débat est l’illustration majeure de la différence entre biologie de la forme (Geoffroy) et biologie de la fonction (Cuvier) [Russell 1916]. Comme il y voit une pluralité essentielle de la biologie, on ne saurait le trancher dans un sens ou dans un autre. Certains paléontologues reconnaissent d’ailleurs qu’ils font usage aussi bien du « principe des connexions », élaboré par Geoffroy pour identifier les homologies, que du « principe des conditions d’existence » de Cuvier (remarque de Jean Piveteau, in [Foucault 1970]).

3 La similitude de fonctions est, elle, prioritaire chez Aristote et, bien plus tard, chez Jean-Baptiste Monet de Lamarck, puis Cuvier. La similitude dans les processus de mise en place –- l’ontogénèse – a, elle, été soulignée par Karl Ernst von Baer et Karl Reichert [Schmitt 2006] et s’est prolongée par des auteurs modernes via la génétique du développement embryonnaire, avec d’ailleurs des complications inattendues dans la relation entre la ressemblance des gènes et la ressemblance – ou non – des phénotypes qu’ils impulsent [de Beer 1938, 1958, 1971], [Goodwin 1994], [Gehring 2002], [Minelli & Fusco 2013].

4 Cette idée dérive logiquement de son « principe des conditions d’existence » : en modifiant un organe, ses conditions, on doit modifier les autres pour garder les corrélations entre parties, et à un moment, à force de modifications dudit organe, l’une de celles-ci devient dysfonctionnelle. C’est pourquoi, il y a des discontinuités entre les quatre « embranchements » qu’il a reconnus.

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Pour citer cet article

Référence papier

Guillaume Lecointre et Philippe Huneman, « Que signifie « se ressembler » en biologie? »Philosophia Scientiæ, 24-2 | 2020, 75-98.

Référence électronique

Guillaume Lecointre et Philippe Huneman, « Que signifie « se ressembler » en biologie? »Philosophia Scientiæ [En ligne], 24-2 | 2020, mis en ligne le 01 janvier 2021, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/philosophiascientiae/2304 ; DOI : https://doi.org/10.4000/philosophiascientiae.2304

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Auteurs

Guillaume Lecointre

Institut de Systématique, Évolution et Biodiversité (UMR 7205, ISYEB, CNRS-MNHN-SU-EPHE), Muséum national d’Histoire naturelle, (Sorbonne Universités), Paris (France)

Philippe Huneman

Institut d’Histoire et de Philosophie des Sciences et des Techniques (CNRS, Université Paris I Panthéon-Sorbonne), Paris (France)

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Droits d’auteur

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