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Présentation

Adrien Péquignot, Konstantin Timachov et Denis Viennet
p. 11-13

Texte intégral

1Ce numéro pourra sembler être sans rivages, errant dans un territoire vaste entre la Russie et la France, en traversant la Géorgie et l’Ukraine. Le point de départ de ce voyage est le texte d’un survivant des camps de travail de l’époque stalinienne dans la région de la Kolyma, poète et écrivain russe Varlam Chalamov (1907-1982), qui a été rédigé pour une prise de parole lors d’une soirée commémorative dédiée au poète Ossip Mandelstam (1891-1938), prévue pour son anniversaire en 1966.

2En cherchant la réponse à la question « Pourquoi Mandelstam n’est-il pas publié ? », Chalamov y dénonce la censure, qui isolait ce fameux poète depuis le resserrement du stalinisme au début des années 1930, afin de faire entrer son héritage poétique dans la culture, le faire connaître aux lecteurs. Dans son avant-propos, Sergueï Soloviov restitue le contexte de la rédaction de ce texte inédit, autant en Russie qu’en France, qu’il a découvert aux archives à Moscou et que, avec générosité, il nous a proposé de publier.

3Dans son propre texte, Sergueï Soloviov revient sur les tentatives de Chalamov visant à réhabiliter les figures comme Ossip Mandelstam et redescend aux années 1920 en Russie soviétique afin de retrouver l’origine de la littérature soviétique dans la revue Krasnaïa Nov, conçue et dirigée par le bolchévik Alexandre Voronski, qui a cherché à faire croiser les traditions littéraires et révolutionnaires (Chalamov Voronski – Mandelstam : la littérature comme volonté de résistance).

4Konstantin Timachov montre comment la prose de Chalamov apporte un éclairage sur un événement historique – les travaux forcés dans les camps de travail à l’époque stalinienne – en inventant une forme d’écriture singulière, à mi-chemin entre un témoignage ou récit historique et une recherche au sens proustien du terme (Penser les répressions politiques avec Varlam Chalamov).

5Le texte d’Andreï Khlobystine, partant de Deleuze et Guattari, est un témoignage historique du tournant de l’URSS dans les années 1980-90, qui déploie un certain nombre de concepts forts qui émergèrent dans l’art à cette époque : la schizo-révolution, le rapport de la créativité à la surface (faktura), l’usage de l’avatar et les transformations du corps, dans une expérience intense du vécu dans l’ici et maintenant (La schizo- révolution russe et le tournant culturel des 1980-1990 en URSS).

6Artiom Tylik examine la portée théorique et pratique de certaines tendances récentes de l’art de rue en Russie et en Biélorussie dans leur prolongement des expérimentations des avant-gardes russes et les replace dans le contexte des interventions des artistes de la deuxième moitié du XXe siècle, comme les situationnistes français, qui ré/dé/ forment le milieu des grandes villes afin de réinvestir les lieux de vie (La subjectivité dans l’art de rue et les nouveaux fondements de l’optimisme).

7Le corps traverse le texte d’Olivier Long, comme le lieu de rencontre d’un destin croisé entre peinture et politique, lorsque « quelque chose doit être dit qui ne peut souffrir de ne pas l’être ». Suivant la piste de ce cri de la présence, l’auteur retrace les derniers mois des luttes sociales jusqu’à fin 2019, en faisant apparaître à travers l’usage politisé du « grand débat », une généalogie qui, traversant Paul Ricœur remonte jusqu’à la Rome antique (Art et politique : destins croisés).

8Denis Viennet aborde la problématique du lien entre la souffrance psychique causée par l’organisation du travail et ce qu’il appelle la « structure fascisante » des impératifs du néolibéralisme, et qui, depuis une trentaine d’années, semble traverser certaines sociétés contemporaines et s’exercer sur la vie politique, collective et individuelle (Sortir du cercle – arrêter la course à l’abîme).

9Pourquoi et comment devient-on philosophe est la question que nous pose Svetlana Kostina dans son article. Elle y répond depuis les expériences de deux philosophes, Pierre Hadot et Ludwig Wittgenstein, pour qui l’initiation à la philosophie s’origine dans un affect, comme par exemple, le sentiment océanique (Pulsion de philosophie : notes à partir de Wittgenstein et Hadot).

10À travers la lecture du philosophe géorgien Merab Mamardachvili et de René Descartes, Mariam Shengelia montre les risques et les limites d’une conception de la politique centrée sur les dimensions éthiques et les formes de vie individuelles : se détourner des luttes politiques les plus concrètes, dans lesquelles des corps s’unissent et se confrontent (De la (non)politique chez Mamardachvili. L’URSS et le cartésianisme).

11Yefim Goffman réfléchit sur la genèse et les caractéristiques de l’intelligentsia libérale en Ukraine, qui a non seulement préparé la voie à un néolibéralisme acharné dans les années 1990, mais aussi contribué à la venue funeste de l’extrême-droite au pouvoir après le Maïdan des 2013-2014 (Substitutions déprimantes et conséquences).

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13Pour composer ce numéro, nous avons privilégié de jeunes écritures ou des écritures extra-universitaires, ceci sans toutefois sacrifier à la rigueur académique. Ce parti pris de donner la parole à des acteur.e.s engagé.e.s et investi.e.s dans des pratiques (artistes, participant.e.s à des luttes politiques...) s’explique par la nécessité à notre sens de penser avec et depuis des expériences, de ne pas dissocier penser et action.

14Les tâches d’écriture et de relecture de ce numéro ont été réalisées avec les logiciels et web-applications libres Firefox, Framapad, LibreOffice et KOLoad. Il nous a en effet semblé important d’essayer, pour réaliser ce numéro consacré (notamment) à des questions politiques, de nous passer autant que possible d’outils conçus par des multinationales peu soucieuses du commun comme des formes de vie singulières. Il nous semble dès lors important d’utiliser des logiciels libres qui, pour leurs créateurs, sont davantage que des outils techniques : comme le dit Richard Stallman, le mouvement du logiciel libre « représente un impératif éthique, l’indispensable respect de la liberté de l’utilisateur. Le mouvement du logiciel libre fait campagne pour la liberté des utilisateurs de l’informatique ; c’est un mouvement qui lutte pour la liberté et la justice. »

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Pour citer cet article

Référence papier

Adrien Péquignot, Konstantin Timachov et Denis Viennet, « Présentation »Le Portique, 45-46 | 2021, 11-13.

Référence électronique

Adrien Péquignot, Konstantin Timachov et Denis Viennet, « Présentation »Le Portique [En ligne], 45-46 | 2021, mis en ligne le 15 février 2021, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/leportique/3698 ; DOI : https://doi.org/10.4000/leportique.3698

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Auteurs

Adrien Péquignot

Adrien Péquignot, après un Master 2 en philosophie à l’Université de Paris 8, est actuellement doctorant contractuel en sciences de l’information et de la communication (EUR ArTeC / Cemti Paris 8).

Articles du même auteur

  • Introduction [Texte intégral]
    Paru dans Le Portique, 45-46 | 2021
  • Corps et transhumanisme. [Texte intégral]
    Quelle forme de rapport à soi les prothèses transhumanistes induisent-elles ?
    Body and transhumanism. What type of relation to the self do transhumanist protheses induce?
    Article 10
    Paru dans Le Portique, 37-38 | 2016

Konstantin Timachov

Konstantin Timachov est chercheur et enseignant en langues à l’Université nationale de recherche, l’École des Hautes Études en Sciences Économiques, doctorant de philosophie à l’Université Pédagogique Herzen de Saint-Pétersbourg. Ses recherches philosophiques sont élaborées à travers le cinéma, les penseurs et poètes russes et français.

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Denis Viennet

Denis Viennet est docteur en philosophie et enseigne la philosophie au lycée (Franche-Comté). Il a enseigné pendant 5 ans la philosophie et la langue française à Saint-Pétersbourg et à Tomsk (Sibérie). Ses recherches portent sur les relations entre l’art, la subjectivation et le temps dans les sociétés contemporaines (Essai sur le temps et la constitution du soi contemporain, 2009).

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