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études et essais

L'orthodoxie à l'encontre des rites culturels

Enjeux identitaires chez les jeunes d'origine malienne à Bouaké (Côte-d'Ivoire)
Marie Nathalie LeBlanc
p. 417-436

Résumés

RÉSUMÉ
Selon la trame historique de la colonisation et des modalités de la redéfinition de la citoyenneté en Côte-d'Ivoire, l'espace national ivoirien s'est constitué en incluant un nombre significatif d'individus d'origine étrangère, principalement malienne et burkinabè. Dans la ville de Bouaké (deuxième ville de Côte-d'Ivoire), les personnes d'origine malienne représentent une large proportion de cette population. Au cours des années 1990, l'islam est devenu le pilier des identités individuelles et collectives d'un nombre croissant de jeunes habitant cette ville, contrairement à leurs aînés dont les réseaux et les pratiques sociales s'articulent, en grande partie, aux lieux d'origine au Mali. Ils s'identifient à un islam reposant sur l'alphabétisation en langue arabe et la communauté islamique universelle (umma), rejetant ainsi tout élément de différenciation ethnique et culturelle. Cette version arabisante de l'islam vise à enrayer toutes pratiques perçues comme syncrétiques, principalement en ce qui concerne la perméabilité entre orthodoxie et culture, orthodoxie et tradition, ou orthodoxie et ethnicité.

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Texte intégral

  • 1 Tous les noms sont des pseudonymes.

1En 1995, au cours d'un entretien, Mariam1, une jeune femme de 22 ans d'origine malienne vivant à Bouaké, m'expliqua comment elle percevait son identité ethnique et religieuse :

  • 2 Entretien, Bouaké, mars 1995.

« Je sais d'où je viens. Ma mère est songhay de Djenné et mon père est maraka de San et baoulé d'ici. Je sais d'où je viens comme je sais où sont nés mes parents et qui ils sont, mais je ne connais pas leurs langues, leurs cultures, le savoir-faire de chez eux. Tu vois ? Je parle dioula avec mes parents, et français avec mes amis, parce que je suis allée à l'école française. Donc, certains de mes amis sont des "petits Dioula" comme moi. Tu sais, nous sommes musulmans, nous sommes du nord, nord de la Côte-d'Ivoire, Mali, Guinée. C'est comme cela. Nous pouvons parler dioula, mais c'est pas le banmanan vrai, vrai. C'est celui qui a beaucoup de français, pas comme les vieux. Par contre, ce que l'on connaît qui est comme les vieux, c'est la religion. Nous avons ça en commun avec les vieux, et entre nous aussi. L'islam, ça je connais, le reste je connais pas »2.

2L'étude que j'ai menée, au cours des années 1990, sur les jeunes musulmans scolarisés d'origine malienne vivant en Côte-d'Ivoire m'a permis de mettre en évidence que ces derniers se définissent d'abord par rapport à leur identité religieuse. En tant que modalité d'identification, l'islam est le foyer de leurs identités individuelles et communautaires. De fait, l'expérience de Mariam rejoint celle de beaucoup de jeunes musulmans à Baouké ; comme elle, ils s'identifient avant tout en tant que musulmans, contrairement à leurs aînés et à certains de leurs pairs, même si ceux-ci sont également musulmans. Ainsi que l'explique Mariam, l'islam est le lien identitaire qui leur permet d'établir une continuité entre leur génération et celle des aînés, et de formuler des éléments de pratique commune avec d'autres jeunes de leur âge, d'origines ethniques et nationales différentes. Ainsi, l'islam pénètre leur quotidienneté et agit comme point central de leur conception identitaire ; il forme les bases de leur organisation sociale et de leur sentiment d'appartenance — rôle qui n'est plus dévolu aux seules identités ethnoculturelles liées à leur lieu d'origine ancestrale.

3Bien que l'islam permette à ces jeunes de rattacher leur expérience de vie à celle de leurs parents, la version de l'islam qu'ils pratiquent se différencie pourtant de celle de leurs aînés. Celle-ci, en effet, repose sur l'alphabétisation en langue arabe. L'orthodoxie se définissant à travers l'alphabétisation ou la lecture du Coran dans sa langue originale, le savoir ainsi acquis devient une source de pouvoir face à la pratique religieuse des aînés perçue, elle, comme syncrétique. Le syncrétisme se traduit, pour ces jeunes, par l'adoption de pratiques amalgamant culture et religion, entre autres : le maraboutage (i.e. la divination coranique) et les mariages consanguins (balmafourou en banmanan-dioula). En prônant une version arabisante de l'islam, ils s'insèrent dans la communauté islamique universelle (ummah) débarrassée des divers éléments de spécificité ethnique et culturelle.

4Cette version de l'islam se retrouve principalement au niveau des associations de quartier où les jeunes se réunissent pour pratiquer leur religion et établir un lien communautaire. Depuis le début des années 1990, ces associations ont progressivement remplacé les regroupements de danseurs et autres associations ethnoculturelles de jeunes dans les différents quartiers de Bouaké (LeBlanc 2000). En 1995, il existait environ trente associations de jeunes musulmans, chacune comprenant entre cinquante et cent cinquante membres (LeBlanc 1998). À partir de 1998, celles-ci sont devenues moins actives car, d'une part, le marché de Bouaké a brûlé, ce qui a considérablement affecté la population d'origine malienne impliquée, pour une grande partie, dans le commerce, et, d'autre part, dans le contexte des débats sur l'« ivoirité », les musulmans sont de plus en plus victimes de la répression policière, et les rassemblements sont déconseillés. Toutefois, à Abidjan, à la fin des années 1990, les associations islamiques sont devenues, auprès des jeunes membres de l'élite économique et politique, très populaires (LeBlanc 2002).

5Les associations de jeunes musulmans sont nées d'un sentiment de perte et de déclin ; les fondateurs (des jeunes) ont eu l'impression que leurs pairs avaient perdu le sens de leur identité religieuse, qu'ils confondaient orthodoxie islamique et pratiques syncrétiques issues de la tradition ancestrale, et qu'ils se perdaient dans les valeurs « corruptrices » de la modernité occidentale. Leur objectif principal était donc de réapprendre à ces jeunes à observer l'orthodoxie de leur religion en recourant à divers procédés éducatifs, dont l'alphabétisation en arabe, l'organisation de prêches et de débats sur des thèmes pertinents pour eux. En raison du jeune âge des membres de ces associations et de leur position sociale, le mariage restait l'un des thèmes privilégiés des discussions. Les échanges sur ce sujet permettaient aux jeunes de se représenter un espace social en rapport avec l'idéologie communautaire de l'umma plutôt qu'en relation avec la pratique du balmafourou.

6Dans cet article, nous montrerons que la popularité de ces associations de jeunes musulmans et la centralité de l'islam dans les processus d'identification relèvent du phénomène migratoire et de la pluri-ethnicité des populations de Bouaké, ainsi que de la spécificité des rapports intergénérationnels qui en découle. Actuellement, l'islam, en tant que référent d'identification, permet à ces jeunes de confronter les rapports de pouvoir propres à la gérontocratie et leur confère une légitimité sociale et familiale fondée sur l'orthodoxie islamique et l'alphabétisation.

7La prédominance de l'islam au sein de la jeunesse urbaine de l'Afrique subsaharienne renvoie aussi à la place que cette religion occupe dans le monde et au rôle joué par certains pays arabes sur la scène internationale depuis les années 1970 (Hefner 1993). À Bouaké, l'adoption d'une identité islamique arabisante doit aussi se lire parallèlement à un certain nombre d'enjeux au niveau national, notamment les débats politiques relatifs à la notion d'« ivoirité » et l'émergence, au début des années 1990, d'une nouvelle élite islamique (LeBlanc 1998, 1999a). Tout en reconnaissant que ces divers niveaux d'analyse sont difficilement décelables dans le vécu des jeunes hommes et femmes dans les années 1990, nous tâcherons de mettre en relief l'expression religieuse des enjeux de la position occupée par l'islam en tant que constituant de la quotidienneté et vision du monde dans cette frange de la population.

8Ces enjeux se définissent principalement autour des relations que les aînés et les jeunes entretiennent et à travers les idiomes de la modernité et de la tradition ancestrale. En effet, les rapports intergénérationnels sont déterminants dans la mesure où ils concernent, d'une part, le passage au statut d'adulte et, d'autre part, la continuité du vécu entre les générations. Ainsi, pour revenir au commentaire de Mariam, ces rapports ne se construisent pas simplement en opposition entre les générations. L'expression de ces enjeux sociaux passe par les idiomes de la modernité et de la tradition ancestrale, d'où l'intérêt d'examiner les modalités locales de leur construction (Comaroff & Comaroff 1990 ; Friedman 1997 ; Miller 1995 ; Rowlands 1995, 1996 ; Werbner & Basu 1998).

9Afin d'articuler cette lecture de l'émergence d'un islam arabisant, il est nécessaire, dans un premier temps, de situer cette problématique en rapport à la question de la relation entre identité et changement social. Ensuite, nous décrirons les jeunes concernés dans notre étude, ainsi que le contexte socio-historique de l'émergence d'un islam arabisant dans cette frange de la population, notamment ce que leur parcours a de spécifique et les dynamiques intergénérationnelles qui en découlent. Cela nous amènera à examiner le contenu des sermons religieux et le contexte de leur énonciation. Enfin, nous analyserons les idiomes sociaux du pouvoir qui s'expriment dans ces sermons, afin de voir comment les jeunes allient le message qui y est véhiculé à la spécificité des relations de pouvoir dans le contexte local. Pour conclure, nous reviendrons sur la question du changement social, ainsi que sur l'impact des associations de jeunes musulmans et de l'islam arabisant dans le contexte ivoirien actuel.

Identité et changement social

10En privilégiant leur identité religieuse, ces jeunes se démarquent des pratiques et des symboles associés à leur identité ancestrale au Mali ainsi que de l'identité nationale ivoirienne, ce qui soulève la question de la pluralité et de la fluidité des identités sociales, tant au niveau de leurs définitions par divers acteurs sociaux, de leur transformation historique et de leur fluctuation dans le contexte des trajectoires de vie individuelles. Autrement dit, les acteurs sociaux embrassent plusieurs identités et les modalités de l'interaction sociale contribuent à la pluralité même de ces expériences identitaires. Toutefois, il serait imprudent de concevoir cette pluralité comme une sorte de boîte à outils à partir de laquelle l'individu choisirait librement les idiomes identitaires qui lui conviennent. En effet, si celui-ci contribue à sa construction identitaire, les paramètres de son identité, quant à eux, restent déterminés par le contexte socio-historique dans lequel ils s'actualisent. C'est pourquoi il nous faut considérer ici les trois trames historiques qui s'articulent et qui sont déterminantes dans les processus d'identification étudiés, à savoir les trajectoires migratoires et familiales, l'histoire de la scolarisation en Côte-d'Ivoire et les enjeux récents autour de la notion de citoyenneté.

11En tenant compte des dynamiques précoloniales, coloniales et postcoloniales de la différenciation sociale en Afrique de l'Ouest, les jeunes musulmans de Bouaké sont confrontés à diverses forces d'identification : l'islam (dans toutes ses manifestations historiques) ; les identités nationales (malienne et ivoirienne) ; les identités pan-régionales (telles que l'identité dioula) ; les identités régionales et ethnoculturelles liées aux origines ancestrales (Peul, Soninké, Songhay, etc.) ; les relations issues du système de nyamankala (griots, forgerons, etc.) ou les relations d'identification découlant du système patronymique (Kanté, Silla, Diabaté...). En raison de l'histoire de l'islamisation en Afrique de l'Ouest, ces modalités d'identification sont, dans plusieurs cas, difficiles à distinguer les unes des autres. L'identité dioula en est un exemple éloquent (LeBlanc 1996, 1998 ; Lewis 1970 ; Launay 1982). En effet, selon la localité géographique et la période historique, ainsi que les individus concernés, la définition de l'identité dioula varie entre une identité professionnelle liée au commerce itinérant, une identité ethnique restreinte à certains patronymes dans le nord de la Côte-d'Ivoire et une identité pan-régionale combinant des éléments de spécialisation professionnelle, de religion et de pratique culturelle.

  • 3 Pour une analyse similaire au sujet de l'identité lorraine en France, voir GALLISSOT (1987).

12Toutefois, ces espaces d'identification sont bien évidemment imbriqués dans une relation différentielle face aux rapports de pouvoir, et leur pertinence sociale et politique fluctue dans le temps et dans l'espace3. Ainsi, la pertinence sociale d'une identité islamique peut varier selon le contexte social, politique et économique de sa manifestation. En cela, la description empirique montre que, en raison de la spécificité de la trajectoire de vie de ces jeunes et de l'évolution politique récente de la Côte-d'Ivoire, l'islam, comme lieu d'identification, interpelle les jeunes d'origine malienne avec plus de force que les autres référents identitaires. La question centrale à l'analyse est de déconstruire les dynamiques sociales et politiques qui rendent compte du rôle de l'islam chez ces jeunes. En fait, il s'agit ici d'identifier pourquoi et comment, à certains moments historiques, certaines modalités d'identification sont plus pertinentes que d'autres.

Les Maliens dans l'espace national ivoirien

  • 4 Nous nous référons au recensement de 1998 dans la mesure où cet article traite principalement de pr (...)

13Au cours de la période coloniale, l'espace national ivoirien s'est progressivement constitué en incluant un nombre significatif de personnes provenant des pays situés au nord de la Côte-d'Ivoire, principalement le Burkina Faso et le Mali. Selon le recensement effectué en 1998, les étrangers — toute personne née hors du territoire ivoirien — représentaient environ 30 % de la population urbaine du pays4.

  • 5 Depuis 1994, le code électoral ivoirien a connu plusieurs modifications quant à la définition de la (...)

14À partir de la première élection multipartiste de 1990, la construction de l'identité ivoirienne s'est progressivement articulée autour de la dichotomie nationaux/étrangers. Dans le contexte de cette nouvelle politique qui souligne les différences ethniques et religieuses en Côte-d'Ivoire, les personnes originaires de la partie septentrionale du pays et des pays limitrophes sont catégorisées, symboliquement et juridiquement, comme « étrangers », qu'elles soient naturalisées ou non. En 1994, avec l'adoption d'un nouveau code électoral, les critères de la politique d'identification nationale ont changé ; désormais, certaines catégories d'individus, auparavant identifiées comme ivoiriennes, sont associées à la catégorie d'« étrangers » et n'ont donc plus accès à la terre et à la citoyenneté (LeBlanc 1998)5.

15Si, d'une manière générale, les personnes d'origine burkinabè sont plus nombreuses en Côte-d'Ivoire, la présence malienne reste la plus significative à Bouaké. Pour les périodes qui nous intéressent ici, de 1992 à 1995 et de 1998 à 2000, les Maliens et leurs descendants (naturalisés ou non) constituaient une très large proportion de la population de la ville. De fait, les habitants de Bouaké, ainsi que d'autres Ivoiriens, la qualifient souvent de « petit Mali ». Depuis la crise de septembre 2002, qui a débuté avec l'assassinat du chef de l'État, le général Gue ï, Bouaké est le lieu de la coupure entre le nord du pays, administré par le Mouvement populaire de Côte-d'Ivoire (MPCI) de Guillaume Soro, et le sud du pays sous contrôle du Front populaire ivoirien (FPI) de Laurent Gbagbo.

Les jeunes en question : être musulmans et jeunes à Bouaké dans les années 1990

16Les jeunes musulmans d'origine malienne dont il est question ici sont des citadins scolarisés, que ce soit dans les écoles nationales (où l'éducation se fait en français), dans les madersa locales ou encore dans des institutions islamiques à l'étranger (principalement en Égypte, au Kowe ït et en Arabie Saoudite). Certains sont nés en Côte-d'Ivoire, d'autres au Mali. Parmi eux, il y en a qui sont nés directement ivoiriens de par leur mère ou leur père, ou qui ont été naturalisés ivoiriens par la suite ; d'autres encore sont toujours maliens. Certains n'ont vécu qu'en Côte-d'Ivoire, d'autres au Mali, au Burkina Faso, au Gabon et même en France. Ils ont entre 15 et 40 ans, tranche d'âge qui correspond, dans le contexte local, à la tranche des « jeunes » (LeBlanc 1998). Dans la plupart des cas, ils ne sont ni mariés, ni établis professionnellement.

17Les processus d'identification qui relient ces jeunes musulmans correspondent à ceux des jeunes originaires d'autres pays de l'Afrique de l'Ouest, essentiellement la Guinée et le Burkina Faso (voir, entre autres, Salvaing 1992 ; Diaw 1992 ; Gomez-Perez 1998). À travers l'islam, ils transcendent les frontières nationales et s'identifient à l'univers commun de leur religion, en se référant notamment à l'ummah.

18Certains éléments de la conjoncture historique distinguent l'expérience de ces jeunes musulmans de celle de leurs aînés. D'une part, pour eux, l'islam prend tout son sens dans le contexte des migrations internationales et de la vie urbaine. D'autre part, depuis la seconde moitié du XXe siècle, des changements structurels sont intervenus au niveau du système scolaire (écoles nationales et madersa) et de l'organisation de la collectivité musulmane (LeBlanc 1999a).

19Tout d'abord, en raison de l'histoire du commerce transsaharien et de l'islamisation des populations ouest-africaines, ces jeunes sont issus de populations pour qui la mobilité transrégionale est un marqueur identitaire important. Cette mobilité s'est accentuée pendant la période coloniale et est devenue un phénomène transnational, générant une circulation des familles commerçantes maliennes au-delà des frontières nationales. Après les indépendances, cette dynamique marchande s'est généralisée pour inclure des Maliens d'origines diverses. Aujourd'hui encore, la migration transnationale reste un phénomène central de l'expérience de vie des habitants de Bouaké ; elle donne lieu à des déplacements permanents entre le Mali et la Côte-d'Ivoire de la part des jeunes musulmans ou des membres de leur famille.

20Toutefois, si certains d'entre eux conservent un lien, même ténu, avec le lieu d'origine de leur famille au Mali, grâce à l'entremise des réseaux marchands et symboliques pouvant encore exister entre la Côte-d'Ivoire et leur pays d'origine, ils ignorent, la plupart du temps, la spécificité des pratiques culturelles de ce dernier. En effet, dans la majorité des cas, ces jeunes musulmans maîtrisent mal les rites culturels, par exemple, le denuli (fête destinée aux femmes, associée à la cérémonie d'attribution des noms) ou le konyo (célébration féminine liée au mariage). De plus, ils ne parlent pas la langue maternelle de leurs parents à qui ils s'adressent généralement en dioula (langue véhiculaire importante en Côte-d'Ivoire et au Burkina Faso) et/ou en banmanan (Mali), tout en empruntant beaucoup de termes français. Pour cette raison, leurs aînés les qualifient souvent de taboushi (impurs, mélangés). Ils se situent également en dehors des structures politiques et sociales de leur village d'origine au Mali. De même, ils sont exclus des structures de stratification sociale telles que la parenté et le lignage, le système de nyamankalaw (groupes socioprofessionnels) et les statuts liés au système d'esclavage précolonial (horon, djon, wolosso). Pour ces jeunes musulmans, le statut social n'est donc pas défini par leur appartenance à un groupe familial spécifique d'un village ou d'un quartier donné (kabila). Il dépend davantage des dynamiques ivoiriennes des classes socio-économiques définies par l'accès à l'école de langue française et aux emplois salariés.

21Ainsi, par rapport à leurs parents, ces jeunes s'identifient difficilement comme maliens. S'ils connaissent leur origine, au quotidien, ils ne partagent pas pour autant le vécu des Maliens vivant au Mali. Par ailleurs, malgré leur inscription dans l'espace ivoirien, le pouvoir en place les exclut de l'identité nationale ivoirienne depuis les débats sur la citoyenneté et la rupture avec la conception houphouëtiste de la nation ivoirienne.

22La vie urbaine à Bouaké, comme dans d'autres villes africaines, est l'un des facteurs qui fait de l'islam un espace d'identification personnelle et collective. Le milieu urbain est marqué par une forte hétérogénéité sociale et culturelle, ce qui implique qu'un grand nombre d'individus, originaires d'endroits différents et possédant diverses pratiques culturelles, ont besoin d'établir des rapports les uns avec les autres. En cela, l'islam, comme moyen d'identification collective et de revendication sociale, est beaucoup plus avantageux pour eux que les pratiques ethnoculturelles renvoyant au lieu d'origine ancestrale. En fait, dans un tel contexte de différences culturelles, la religion est souvent le seul élément fédérateur chez ces jeunes gens, de même qu'entre leurs aînés et eux.

23De plus, avec le processus de libéralisation politique amorcé en 1990 au moment des premières élections multipartistes, les associations islamiques se sont multipliées au niveau national. Cette démocratisation du droit d'association a culminé avec la réorganisation des structures religieuses islamiques menant à un renforcement de la vie associative. En conséquence, l'islam, en tant que marqueur identitaire particulièrement significatif pour ces jeunes, correspond aussi à une identité patente dans le contexte de leur exclusion de l'identité ivoirienne.

24Finalement, les changements structurels opérés récemment dans les systèmes scolaires nationaux et coraniques contribuent à la spécificité de l'expérience de vie de ces jeunes musulmans. Toutefois, si les deux systèmes coexistent en Côte-d'Ivoire, seules les écoles publiques d'expression française sont reconnues et financées par l'État.

25Depuis les années 1950, le système d'éducation coranique est passé d'un enseignement mnémotechnique (mori kalan) au développement des madersa (LeBlanc 1999a). L'enseignement dit mori kalan est assuré par les dirigeants religieux locaux, où l'étudiant apprend à réciter le Coran sans programme académique centralisé ni horaire fixe ; les madersa sont des établissements franco-arabes où l'on enseigne l'islam, mais aussi les mathématiques, la géographie, l'histoire islamique, de même que la grammaire et la lecture de l'arabe, du français et, dans certains cas, de l'anglais. Outre l'élargissement du contenu académique, le passage du mori kalan aux madersa supposait la mise en place de nouvelles méthodes pédagogiques, basées sur le modèle d'enseignement tant occidental qu'arabe. Le modèle occidental découlait de l'expérience de la colonisation. Quant à l'application des techniques pédagogiques arabes (surtout saoudiennes), elle est liée à la présence d'étudiants ouest-africains dans les pays arabes et à l'implication d'institutions internationales islamiques dans les écoles islamiques de Bouaké.

26Ces changements ont encouragé la standardisation du savoir islamique et renforcé le rôle central joué par l'alphabétisation (en langue arabe) dans l'adoption des identités islamiques à Bouaké. Ils ont ouvert une brèche entre les jeunes musulmans d'aujourd'hui et leurs parents concernant la conception même de leur religion. La vision de l'islam de ces jeunes s'appuie sur une scolarisation standardisée et sur l'alphabétisation en langue arabe.

27Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la scolarisation, jusqu'alors calquée sur le modèle français, fut, elle aussi, restructurée. Pendant la colonisation, la scolarisation de la population ivoirienne n'était pas une priorité comme cela l'était au Bénin ou au Sénégal (Bakary 1993 ; Konan-Dauré & Désalmand 1983 ; Moumouni 1964). Avec la montée des mouvements nationalistes et indépendantistes africains à la fin des années 1950, puis avec l'indépendance du pays en 1960, le système scolaire ivoirien connut une expansion significative. Ainsi, les jeunes qui avaient entre 20 et 30 ans dans les années 1990 constituent la première génération d'Ivoiriens à avoir eu accès à une éducation démocratique, même si certains de leurs aînés ont été éduqués dans des écoles de type occidental.

28Par ailleurs, depuis l'époque coloniale, la scolarisation selon le modèle français n'a rien perdu, en Côte-d'Ivoire, de sa symbolique très puissante et constitue une source de pouvoir aussi bien politique qu'économique (Bakary 1993) ; elle reste un tremplin pour intégrer l'élite sociopolitique et accéder à un mode de vie privilégié (Le Pape 1986 ; Fauré 1989 ; Bazin & Gnabeli 1994). Cet itinéraire de la réussite par la scolarisation débouche sur une carrière administrative au sein de la bureaucratie nationale ou une carrière politique dans le pays. Toutefois, avec la crise du cacao et du café de 1983-1984 et l'application des programmes d'ajustement structurel (PAS) avec les restrictions budgétaires qui s'en sont suivies, le gouvernement ivoirien a dû délaisser le secteur éducatif et revoir considérablement sa politique de recrutement dans l'administration publique (Fauré 1989).

29Ces évolutions du système scolaire font que les attentes et les trajectoires de vie des jeunes Ivoiriens d'aujourd'hui diffèrent de celles de leurs parents. Ces différences s'expriment, d'une part, au niveau de l'utilisation de la langue française au quotidien et de l'attrait que constitue le travail salarié en tant que mode de vie privilégié, et, d'autre part, au niveau de l'usage de l'arabe et de l'accès à une éducation islamique standardisée. Les parents, quant à eux, considèrent l'éducation formelle, et plus spécialement celle de style occidental, comme un moyen privilégié d'accéder à un emploi régulier dans la fonction publique, le secteur privé ou libéral. Toutefois, depuis 1994, l'accès à ces emplois est de plus en plus fermé aux musulmans en raison de la redéfinition de l'« ivoirité » qui, on l'a vu, associe les musulmans à des étrangers.

30Dans un contexte de crise économique et de restructuration de l'espace politique, la religion est souvent vécue comme une alternative pour contrer la situation difficile dans laquelle se trouve confrontée la jeunesse africaine (Cruise O'Brien 1996). De plus, dans des sociétés traditionnellement gérontocratiques, les jeunes, dans la plupart des cas, sont privés de tout pouvoir et doivent s'accommoder d'un appareil étatique et politique « effondré » (Young & Kanté 1992 ; Villalon 1994 ; Diouf 2003). Dans le cas de Bouaké, cependant, l'expérience migratoire à l'intérieur de la famille, l'hétérogénéité de la vie urbaine, ainsi que la restructuration et l'expansion des associations islamiques nationales depuis 1990 offrent un environnement relativement cohérent où les jeunes musulmans peuvent se fixer des buts, se sentir utiles et appartenir à une communauté (LeBlanc 1999a). Cela contribue aussi à l'édification d'une conscience politique dans le contexte des débats sur l'« ivoirité ».

Définir un islam arabisant

31La notion d'orthodoxie élaborée par les jeunes musulmans, hommes et femmes, renvoie au concept d'arabisation. L'arabisation peut être définie par la position centrale qu'occupent la langue arabe, les méthodes réformées d'enseignement coranique, ainsi que la défense et la revendication de l'islamisme face au monde occidental (Brenner 1993). Dès lors, les jeunes musulmans instruits dans les madersa et capables de lire le coran en arabe déclarent posséder un savoir supérieur et adhérer de façon plus conforme aux « vrais commandements » de l'islam. Quant aux jeunes scolarisés dans les écoles nationales où le français est la langue d'apprentissage, ils participent généralement à des cours d'alphabétisation en langue arabe proposés par les associations de quartier.

32Ainsi, cette orthodoxie islamique, en prônant un retour aux textes coraniques et à la parole du prophète Mahomet, aide à rompre l'exclusivisme ethnique. L'interprétation arabisante de l'islam met en avant l'unité et l'universalité de la communauté des croyants musulmans (umma). Elle oppose la logique universaliste de l'islam (croyance en l'égalité de tous les musulmans) à la logique d'endogamie ethnique et de différenciation culturelle à l'œuvre chez les aînés. Les jeunes, ici, se positionnent en dehors et contre la tradition de leurs aînés, une tradition qui, selon eux, confond religion et culture.

33Au-delà d'un rejet des pratiques ancestrales en tant que forme de syncrétisme, la version arabisante de l'islam conteste, dans un même temps, la modernité en tant que modèle de changement social et politique impulsé au moment de la décolonisation. Les jeunes arabisants associent la modernité à la modernisation de type occidental. L'idéal de modernisation en Côte-d'Ivoire, tel que défini localement, prend sa source dans des images stéréotypées d'un mode de vie à la française ainsi que sur le modèle républicain français (Copans 1990). La modernisation à l'occidental est incarnée par plusieurs éléments : la haute couture, l'éducation en langue française et à l'européenne dont découlent les profils d'emplois bureaucratiques et salariés, le modèle de relations égalitaires entre les sexes et celui de la famille nucléaire, ainsi que les habitudes de consommation. Cependant, pour les musulmans arabisants, la modernisation incarne aussi un certain nombre de forces dites « maléfiques » ou « corruptrices ». Ainsi, face au pendant obscur et stéréotypé de la modernisation, l'islam agit tel un « agent protecteur », notamment contre la consommation d'alcool et de drogues, la tentation d'avoir des aventures extraconjugales et des enfants illégitimes, mais aussi contre le manque d'humilité chez la femme.

Les sermons : rituels religieux consacrés

34Les prêches et les sermons sont au centre de la pratique religieuse. De fait, c'est au cours de ces sermons que la version arabisante de l'islam s'articule. En considérant le rejet des pratiques relevant de la modernisation de type occidental et celui du syncrétisme traditionnel, les sermons et les rassemblements sociaux auxquels ils donnent lieu sont les seules manifestations publiques consacrées aux rituels islamiques. D'autres manifestations, tels les groupes de danse traditionnelle, après avoir été particulièrement critiquées par les membres des associations musulmanes de quartier ont pratiquement disparu dans les années 1990 (LeBlanc 1999b). Si les sermons et les prêches islamiques ne sont pas un phénomène nouveau chez les musulmans de Côte-d'Ivoire, le contexte de leur élocution et leur forme ont, quant à eux, connu des modifications récentes significatives. Depuis les années 1950, les sermons islamiques trouvent communément leur place dans tout rituel de fête du calendrier islamique (ramadan, Aid el Kebir et l'anniversaire de la naissance du Prophète Mahomet) ou dans toute étape transitoire de l'existence (les cérémonies d'attribution du nom, les fiançailles, les mariages et les funérailles). Pour les funérailles, les sermons donnent lieu, aujourd'hui encore, à de vraies performances ; ils sont prononcés par des hommes âgés et connus pour leur profonde religiosité dans la communauté, les kalan moro (Launay 1997).

35Dans le contexte de l'islam arabisant, les orateurs sont principalement des hommes qui ont entre 25 et 45 ans ; ce sont les ulémas, issus généralement des madersa. Depuis 1992, il existe à Bouaké une association des enseignants et prédicateurs islamiques, la Ligue des prédicateurs de Côte-d'Ivoire. Celle-ci recense tous les orateurs de la ville et aide souvent les associations de quartier à identifier parmi eux les plus pertinents en fonction des thèmes abordés dans leurs sermons.

36L'histoire de l'évolution des sermons islamiques en Côte-d'Ivoire illustre parfaitement l'émergence d'un savoir islamique arabisant. Comme l'a remarqué Robert Launay (1997) à propos des sermons religieux à Khorogo, une ville du nord de la Côte-d'Ivoire, le fond et la forme des sermons livrés à Bouaké ont évolué de la même manière à partir des années 1970. De récitations performatives basées, au départ, sur le style épique des bardes mandingues (griots), incluant les réactions de l'auditoire, ils se rapprochent désormais du ton adopté par les présentateurs des journaux télévisés. Si le style épique permet aux bardes de susciter l'intérêt de leur auditoire tout en suivant le rythme dramatique de la récitation, chez les arabisants c'est plutôt la démonstration du savoir théologique et la capacité à citer des textes en arabe qui confèrent aux ulémas actuels une reconnaissance. Ces derniers lisent à voix haute des sections entières de textes en arabe, pour ensuite les traduire en français ou en dioula, les commenter et les rattacher à des situations sociales contemporaines. Le sermon, dans sa forme actuelle, se construit autour de la transmission de messages religieux et doit donc être centré sur un seul thème. Cette différence de style et de traitement entre bardes et ulémas n'est pas sans lien avec le fait qu'ils aient suivi un apprentissage différent. En effet, le savoir des bardes est imprégné de l'histoire de l'Afrique de l'Ouest, tandis que les ulémas arabisants ont été formés à l'étranger, en Afrique du Nord, voire au Moyen-Orient, ou au sein des prestigieuses madersa de la région (Launay 1997).

37Dès le début des années 1990, les associations islamiques de quartier sont en grande partie responsables de l'organisation de prêches publics. Les sermons y sont prononcés par des ulémas locaux, nationaux ou étrangers. Selon les circonstances, les rassemblements ont lieu sur une place publique, dans la cour d'un des membres de l'association organisatrice ou dans une mosquée. Ils sont souvent l'occasion de réjouissances ; on y sert généralement des rafraîchissements et des collations, voire des repas. Néanmoins, l'ambiance reste habituellement solennelle, et le déroulement des prêches très structuré : les sermons sont précédés de chants coraniques, interprétés par une jeune femme présente sur place ou provenant d'un enregistrement sur cassette ; viennent ensuite les bénédictions en arabe (celles-ci sont courantes et utilisées dans tout prêche) et quelques mots d'introduction en dioula/banmanan du président de l'association qui organise le prêche ; suit parfois la lecture d'un extrait du Coran en arabe, puis le sermon. Le sermon consiste en des bénédictions et des salutations, la récitation de sections du Coran en arabe (sourates) ou d'hadiths relatifs au thème choisi, traduits en dioula/banmanan et/ou en français. La pertinence des passages du Coran ou des autres écrits qui seront lus sera ensuite justifiée par l'orateur, et ce en établissant un parallèle avec des exemples contemporains ou des extraits d'écrits coraniques. Puis, après les derniers commentaires du président viennent les questions ou les remarques de l'assemblée. C'est souvent à ce moment-là, d'ailleurs, que les jeunes musulmans expriment leur position face à la pratique de leur religion. Enfin, le président de l'association hôte remercie l'auditoire ainsi que l'orateur et conclut avec des prières.

Le mariage comme thème privilégié des sermons

38Tel que décrit supra, les sermons ont un thème et une structure précis. Plusieurs thèmes sont à l'honneur dans les associations de quartier, entre autres : le mariage ; le rôle des femmes et l'autorité que les hommes exercent sur elles dans une relation maritale ; les problèmes liés à la jeunesse (délinquance) ; le droit parental ; l'adultère ; le respect du corps de la femme et l'humilité féminine ; l'unité (au sein de l'umma) ; la relation entre l'islam et les autres religions, plus spécifiquement le catholicisme ; les relations d'amitié et les mauvaises influences à l'intérieur de l'islam ; l'importance du savoir islamique dans la vie quotidienne ; la piété ; l'éducation islamique ; le leadership de la communauté musulmane ; et les fêtes et rituels musulmans annuels (pèlerinage à La Mecque, ramadan et Aid el Kebir).

39Le mariage toutefois reste le thème privilégié des sermons adressés aux jeunes musulmans, et ce pour deux raisons. Tout d'abord, étant donné l'âge du groupe étudié, c'est le rituel de transition de vie le plus important pour les pratiquants de l'islam arabisant. Comme dans d'autres sociétés ouest-africaines, c'est la capacité de soutenir économiquement un ménage indépendant et le fait de se marier qui opèrent une transition entre la catégorie sociologique du jeune et celle de l'adulte (LeBlanc 1998). Ensuite, le mariage implique une polarité entre la dimension universaliste de l'islam et les idéologies d'endogamie ethnique, et ce à l'intérieur du maintien de l'imposition des mariages consanguins chez les musulmans de Bouaké. C'est d'ailleurs un sujet de discussion conflictuel entre les jeunes et leurs aînés qui continuent d'exercer leur autorité en restant maîtres du choix du partenaire et du moment du mariage, comme l'illustre cette discussion avec deux musulmans d'origine malienne âgés de 26 et 27 ans :

  • 6 Entretien réalisé en dioula/banmanan, le 14 mai 1995 à Bouaké.

« Nous [notre génération] ne voulons pas nous marier comme nos parents l'ont fait et comme ils aimeraient qu'on le fasse. Les mariages traditionnels sont démodés et impliquent un trop grand nombre d'obligations. Premièrement, il faut dépenser trop d'argent pour les cadeaux à la mariée, ensuite on est tenus d'organiser une fête durant une semaine complète, ce qui te met à sec encore une fois. Cela nécessite une trop grande dépense et ça n'a rien à voir avec l'islam. L'islam n'impose pas une telle procédure. Les femmes âgées ont aussi une quantité de rituels comme laver la tête de la mariée, laver les pieds du marié, vérifier si la femme est véritablement vierge après la première nuit passée avec son mari en paradant avec le drap nuptial à travers la ville. Cela n'a rien à voir avec l'islam. Ce n'est pas qu'ils sont de "mauvais musulmans". C'est à cause de leur ignorance. Ils n'ont pas appris la bonne manière de pratiquer l'islam. Ils mélangent tout : tradition et religion. Ils pensent que ce qu'ils ont appris au Mali, que ce que leurs parents ont fait dans le passé, est l'islam. Mais ça ne l'est pas. Le Coran n'exige rien de tout cela. C'est la même chose avec les mariages forcés et les mariages de famille. Le Coran dit qu'il faut accepter de marier la personne avec qui on se marie et que la question de groupe ethnique [sya en dioula/banmanan] ne doit pas être prise en compte. On voit d'ailleurs le même problème resurgir lorsqu'on considère le fait que certaines familles forcent encore leurs jeunes hommes à se marier avec plusieurs femmes. Moi, je n'aurai qu'une femme. Ça cause moins de problèmes. Selon le Coran, on peut se marier quatre fois. C'est mieux que d'aller à l'extérieur. Mais, deux ou plus, c'est trop de problèmes. Si tu le fais, tu le fais pour ta famille, pas pour la religion »6.

40Lors d'un prêche à l'occasion du mariage d'une femme membre d'une importante association de jeunes musulmans, Nour Diabaté, professeur à la madersa Dar-al-Addis de Sokoura, explique en quoi consiste la version arabisante du mariage :

  • 7 Entretien réalisé en dioula/banmanan, le 6 août 1993 à Bouaké.

« Aujourd'hui, il existe un grand nombre de mauvais comportements. Tout le monde sait cela. Quels sont ces mauvais comportements ? Les humains se sont mélangés, des gens de toute sorte, autant du côté de l'homme que de celui de la femme. De nos jours, si un homme a un certain respect de lui-même en tant que musulman, lorsqu'il sort, il marche dans la rue. S'il croise une salle de cinéma et qu'il voit le programme de la journée affiché, s'il a un quelconque respect de lui-même en tant que musulman, il baissera la tête et détournera le regard. Une personne noble, un musulman, doit avoir honte des choses qui sont présentées sur un écran de cinéma. [...] [Lorsque deux jeunes désirent se marier], il est demandé aux parents de la jeune femme d'arranger le mariage le plus rapidement possible. Il est mal d'attendre car cela peut mener à des complications. C'est le jeune qui décide de se marier. Il faut aussi que la jeune fille accepte de se marier avec le jeune homme en question. Les parents ne peuvent pas imposer le mariage dans l'islam. Le jeune homme doit amener le prix de la mariée exigé par l'islam. Mais les parents de la jeune femme ne doivent pas exiger du jeune homme que celui-ci dépense au-dessus de ses moyens pour acheter du tissu. Les gens se rassemblent de chaque côté et les témoins sont réunis pour célébrer le mariage. Le prix de la mariée est alors donné aux parents de la mariée en échange de la mariée. Dans l'islam, c'est le marié qui doit donner de l'argent à la mariée. L'islam a interdit les mariages où il n'y a pas d'échange d'argent ou de biens matériels entre la famille du marié et celle de la mariée. Mais le montant est malheureusement déterminé par la tradition (laada) culturelle de chacun. L'échange des noix de kola et la dot ne sont pas exigés par l'islam. Ce sont des coutumes. [...] Ce que l'on retrouve dans les coutumes africaines d'aujourd'hui, c'est le fait que la mariée soit habillée en blanc, tel un cadavre. [...] C'est la coutume ici, mais jamais l'islam n'a demandé une telle chose. Avant que la mariée soit reconduite dans la maison du marié, il y a d'autres coutumes pratiquées encore aujourd'hui qui sont interdites par l'islam. Les femmes continuent de les faire, car elles ne savent peut-être pas qu'il est mal de les faire. Les gens ne possèdent pas le savoir. [...] Nous traversons une époque si malheureuse que les femmes regardent même leurs enfants illégitimes comme étant une source de fierté. Les valeurs morales n'ont plus de sens aujourd'hui. Il n'y a plus de forme de contrôle. [...] Les enseignants doivent essayer de conseiller intelligemment les gens pour que ceux-ci empruntent le droit chemin »7.

Idiomes locaux de relations de pouvoir : tradition et modernité

41Ces témoignages montrent comment la pratique de l'islam des jeunes arabisants s'oppose à celle de leurs aînés. Selon eux, leurs parents ont tendance à amalgamer pratiques religieuses et pratiques culturelles locales, notamment en reproduisant la pratique de l'endogamie ethnique et la distinction des ordonnances culturelles à travers l'imposition des mariages consanguins. Ces deux logiques d'identification s'expriment dans la notion de tradition (laada).

42Si ces pratiques ethnoculturelles spécifiques nécessitent un « redressement » par l'islam, elles n'induisent pas nécessairement un danger pour la religiosité. Elles relèvent plutôt, dans l'esprit des arabisants, d'un manque de formation islamique standardisée, ce qui provoque une confusion syncrétique entre des pratiques ethnoculturelles, telles que définies localement, et l'islam. La modernisation de type occidental, en revanche, comporte de nombreux dangers pour la pratique de la religion, dangers qui se manifestent dans divers lieux de sociabilité (bars, boîtes de nuit, cinéma) où des comportements dissolus sont encouragés. Pour cette raison, ces lieux doivent être évités. De plus, la transmission des valeurs associées à cette modernisation des mœurs (famille nucléaire, relations extraconjugales, manque d'humilité chez les femmes, etc.) s'effectue dans le système scolaire de langue française, d'où, une fois de plus, la nécessité d'une éducation islamique standardisée.

43La revendication d'un islam arabisant par les jeunes musulmans de Bouaké fait de celui-ci un médiateur entre le monde traditionnel local et le paradigme de la modernisation occidentale, en apportant une réponse aux failles inhérentes à ces deux visions du monde antagoniques. D'un côté, l'islam rejette les maux issus de la modernisation, de l'autre, il rend possible la rupture avec le soi-disant syncrétisme entre tradition et religion. S'il peut être considéré comme une alternative à la modernisation et à la tradition, il est également défini en termes de modernisation et de tradition : ainsi, les conceptions modernistes (alphabétisation, standardisation de la pratique religieuse et scolarisation) naissent en opposition à celles d'un islam plus traditionaliste ou confrérique. Cette distinction s'exprime en termes d'opposition entre universalisme et spécificité culturelle — laquelle, à son tour, est basée sur des considérations de différenciation ethnique — et est actualisée à travers un attachement à l'umma.

44Ainsi, la modernisation et la tradition ne sont plus envisagées en tant qu'étapes nécessaires au développement, mais plutôt comme des expressions sociales visant à décrire les pratiques sociales et les modalités d'identification. Ces deux idiomes suggèrent une série de relations de pouvoir pertinentes pour les processus d'identification mentionnés ici, entre les jeunes et les aînés ainsi qu'entre les catégories sociales définies par la scolarisation. La dichotomie tradition/modernisation instaure aussi une tension entre la religion et l'ethnicité, la religion rejoignant une communauté (umma) et l'ethnicité une autre.

  • 8 Pour une analyse similaire des espaces d'identification construits par les jeunes en contexte de ma (...)

45L'islam, en tant que forme d'identification sociale, devient un espace à l'intérieur duquel les jeunes musulmans se disputent une place dans le réseau de relations de pouvoir. Il permet aux jeunes de négocier un espace identitaire dans le contexte, notamment, des débats politiques quant à l'« ivoirité », des enjeux locaux du réformisme islamique, ainsi que des relations intergénérationnelles. Dans la vie de tous les jours, ces dernières sont les plus significatives pour les jeunes arabisants, surtout en ce qui concerne la question du mariage. C'est autour de cette question, d'ailleurs, que les jeunes hommes et femmes d'origine malienne forgent leur sentiment d'appartenance à une communauté, rejetant les notions d'endogamie ethnique et de distinction culturelle islamique pour privilégier la conception d'une communauté islamique universelle. Cet espace les projette au-delà des enjeux immédiats du pouvoir et leur permet d'articuler leur vision du monde à un univers transnational8.

46Il faut cependant noter que la question des divergences intergénérationnelles, par rapport à la conception des normes sociales, des visions du monde et des relations sociales concernant l'islam, n'est pas récente chez les musulmans d'Afrique de l'Ouest. Chez certains groupes, tout ce qui relève de l'exercice du contrôle social et de l'orthodoxie religieuse a, maintes fois par le passé, mis en opposition les « jeunes » et les « aînés » (Nicolas 1981 ; Diaw 1992 ; Last 1992 ; Salvaing 1992), ces derniers incarnant le maintien de formes de pouvoir et de normes sociales établies. L'islam sous sa forme réformiste a, quant à lui, été compris par les jeunes comme un moyen d'acquérir un certain pouvoir social, religieux et politique.

47*

48En 1998, l'un de nos enquêteurs, Alassane, nous adressa un courrier dans lequel il nous apprenait que son oncle paternel avait arrangé son mariage avec l'une de ses propres filles, c'est-à-dire une cousine, donc un mariage consanguin. Ainsi, Alassane perdait toute possibilité de choisir lui-même l'élue de son cœur — il entretenait une relation secrète avant de se marier. Entre 1992 et 1995, il a été le vice-président de l'une des plus importantes associations islamiques de Bouaké. Il était l'un des plus ardents défenseurs des pratiques de mariage basées sur l'umma et l'un des plus grands détracteurs des mariages consanguins imposés. Sa lettre se terminait par une question : « Qu'en penses-tu ? Car moi, je ne veux plus penser. » Certes, le cas d'Alassane ne peut pas être généralisé à toute une population. Toutefois, c'est là un exemple éloquent du pouvoir exercé par la gérontocratie, un pouvoir qui freine toute possibilité d'évolution sociale.

49Comme le souligne Murray Last (1992), lorsqu'on considère la question des changements sociaux, et ce particulièrement d'un point de vue intergénérationnel, on risque de les comprendre comme opposés à un passé monolithique traditionnel et comme opposant la jeune génération à un groupe d'aînés jugés conservatistes. Pour contrecarrer ce dilemme, il s'agit d'admettre que chaque génération a un rôle à jouer dans l'évolution sociopolitique actuelle. Il faut aussi se demander jusqu'où les jeunes peuvent aller dans leurs revendications de changement et comment les aînés peuvent se porter garants des évolutions précédentes et des éléments de continuité. De même, on peut s'interroger sur les motivations des revendications des jeunes d'origine malienne à Bouaké vis-à-vis de l'islam, et se demander si leurs attentes face à leur trajectoire de vie reflètent une volonté de « changement réel » ou expriment plutôt des considérations liées au « fait d'être jeunes ». La réponse à cette question déterminera si les redéfinitions de l'identité demeurent majoritairement discursives ou si elles impliquent un remodelage tangible du monde social. De part et d'autre, l'interrogation sous-jacente reste de savoir quelles sont les conditions nécessaires à l'actualisation de la volonté et des actions des acteurs sociaux individuels, et dans quel contexte une telle actualisation est possible ou non.

50Selon nous, les deux optiques sont valables. Il est effectivement question d'une rencontre entre l'« être jeune » et le caractère gérontocratique propre à la plupart des sociétés africaines postcoloniales, suggérant l'idée que les aînés détiennent encore, en grande partie, les rênes du pouvoir local — ce qu'illustre parfaitement le cas d'Alassane. Cependant, la société ivoirienne, malgré tout, évolue ; les institutions sociales et les trajectoires de vie ont connu des bouleversements significatifs au cours des cinquante dernières années. De plus, les jeunes musulmans, en prônant un islam arabisant, occupent une position tout à fait défendable, puisque c'est une question d'orthodoxie qui les oppose au pouvoir de leurs aînés ; ces derniers ne peuvent donc pas leur reprocher de ne pas être de « bons musulmans ». Dans une certaine mesure, le recours à un islam arabisant ouvre un espace identitaire qui s'articule au-delà et en dehors des enjeux de la gérontocracie. Il permet aux jeunes d'établir de nouveaux liens sociaux à travers les associations islamiques et de redéfinir les termes du passage au statut d'adulte.

51Département de sociologie et d'anthropologie, Université Concordia, Montréal.

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Notes

1 Tous les noms sont des pseudonymes.

2 Entretien, Bouaké, mars 1995.

3 Pour une analyse similaire au sujet de l'identité lorraine en France, voir GALLISSOT (1987).

4 Nous nous référons au recensement de 1998 dans la mesure où cet article traite principalement de processus spécifiques aux années 1990 en Côte-d'Ivoire.

5 Depuis 1994, le code électoral ivoirien a connu plusieurs modifications quant à la définition de la citoyenneté, modifications qui sont au cœur des débats relatifs à l'unité nationale.

6 Entretien réalisé en dioula/banmanan, le 14 mai 1995 à Bouaké.

7 Entretien réalisé en dioula/banmanan, le 6 août 1993 à Bouaké.

8 Pour une analyse similaire des espaces d'identification construits par les jeunes en contexte de marginalisation, voir COMAROFF & COMAROFF (1990).

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Pour citer cet article

Référence papier

Marie Nathalie LeBlanc, « L'orthodoxie à l'encontre des rites culturels »Cahiers d’études africaines, 182 | 2006, 417-436.

Référence électronique

Marie Nathalie LeBlanc, « L'orthodoxie à l'encontre des rites culturels »Cahiers d’études africaines [En ligne], 182 | 2006, mis en ligne le 01 janvier 2008, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/etudesafricaines/15275 ; DOI : https://doi.org/10.4000/etudesafricaines.15275

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Marie Nathalie LeBlanc

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