Navigation – Plan du site

AccueilNuméros47Comptes rendusJuliette Monnin-Hornung : Le Kale...

Comptes rendus

Juliette Monnin-Hornung : Le Kalevala, ses Mythes, ses Divinités, ses Héros et sa Magie

Genève, Éditions Nicolas Junod. 136 p.
Niina Hämäläinen

Texte intégral

1L’étude Le Kalevala, ses Mythes, ses Divinités, ses Héros et sa Magie, de Juliette Monnin-Hornung, chercheuse suisse en littérature, est un ouvrage contemporain en français sur le Kalevala (1849). J. Monnin-Hornung veut mettre le Kalevala, et par là-même la culture finnoise, à la portée des lecteurs francophones. Comme elle l’écrit dans le chapitre initial, le Kalevala et les études y afférant sont encore presque inconnus du monde francophone. Le Kalevala ne figure pas en général dans les recueils d’histoire littéraire ; de même, l’histoire de ses traductions, particulièrement riche pour une épopée (Léouzon Le Duc 1845, 1867 ; Jean-Louis Perret 1930 ; Gabriel Rebourcet 2010), n’est pas parvenue à susciter à son égard un enthousiasme particulier.

2Cet ouvrage représente une étude d’une ampleur considérable et l’un de ses mérites, à mes yeux, est qu’il replace le Kalevala dans le contexte de la littérature internationale et le met en rapport avec d’autres épopées. La perspective d’histoire littéraire permet au lecteur étranger d’approcher le Kalevala de manière intelligible. J. Monnin-Hornung s’oriente dans l’histoire de la naissance de l’épopée et comprend la part de Lönnrot dans la composition des vers, même si après l’introduction elle ne revient pas sur ce point. Le livre comporte une introduction et une conclusion et, entre elles, des chapitres thématiques. Des index des noms et des notions auraient été des annexes bienvenues pour le lecteur. La bibliographie à la fin de l’ouvrage comporte quelques études d’origine finlandaise (bien que l’ouvrage d’Anna-Leena Siikala Mythic Images and Shamanism, 2002, n’y figure pas). Mais dans la mesure où l’œuvre s’adresse surtout à un large public, une liste détaillée des sources ne s’impose pas réellement.

3L’auteur écrit dans une perspective psychologico-mythique. Elle approche le Kalevala en examinant ses personnages, ses mythes, sa vision du monde et son esthétique. Chapitre par chapitre, l’ouvrage analyse la dimension mythique. L’auteur lit l’épopée dans son inscription dans le monde et à travers une analyse psychologique et esthétique. Par exemple, la présentation de la société kalévaléenne (avec l’absence de hiérarchies sociales), des normes qui en découlent (le travail, le respect de l’autre), de la famille (matriarcat) et de la position des femmes est passionnante à lire (chapitres II « La société » et III « Héros et héroïnes »). Il faut aussi mentionner le rapport entre la vision du monde et la nature chez les personnages kalévaléens (par exemple au chapitre VI), qui fait l’objet d’analyses allant en profondeur. Bien que J. Monnin-Hornung analyse l’épopée comme s’il avait existé une société « kalévaléenne », elle doit bien constater qu’il s’agit en fait d’un monde créé par Lönnrot, qui s’appuie d’une part sur l’environnement des bardes du xixe siècle et d’autre part sur une période plus archaïque. Ainsi, l’épopée représente également la période contemporaine. L’ouvrage est centré sur l’analyse que fait Juliette Monnin-Hornung de la vision du monde mythique présentée par le Kalevala et de certains de ses mythes (par exemple le mythe du chanteur, celui du Grand chêne, celui de la rencontre du masculin et du féminin). Les héros mythiques prennent de l’épaisseur grâce à l’analyse de la force de leur parole et de leur mouvement entre deux mondes. J. Monnin-Hornung interprète le Kalevala d’après la pensée de Mircea Eliade (et de Jung) et le compare aux mythes d’autres cultures, ce qui permet de faire ressortir sa spécificité en tant qu’épopée mythique. Les chapitres finaux, intitulés respectivement « La vision du monde dans le Kalevala » et « L’expression poétique », ouvrent synthétiquement la voie à de nouvelles interprétations de l’épopée. L’auteur y examine les perspectives éthiques ainsi que le rythme et la poétique du texte, qu’elle compare curieusement à ceux des artistes du début du xxe siècle (Chagall, Matisse, Léger).

4Si la langue poétique, caractérisée par le rythme trochaïque et par l’étrangeté du lexique, présente au lecteur finnois un défi, on ne peut qu’essayer de deviner les difficultés d’un lecteur étranger face au Kalevala. À la lecture, on se demande quel est le rapport entre la traduction française versifiée ainsi que sa poétique avec l’édition finnoise. Pour sa part, J. Monnin-Hornung donne la préférence à la traduction versifiée de Jean-Louis Perret et la considère comme la plus fidèle à la langue et à la mélodie de l’épopée (1930). Mais on se demande aussi pourquoi elle ne fait pas appel à la traduction la plus récente (Gabriel Rebourcet 1991), même si dans l’introduction, elle détaille l’histoire de la traduction du Kalevala. L’introduction à la traduction de Rebourcet (édition de 2010) donne l’impression, à une lecture rapide, d’être également une bonne introduction au contexte et à l’époque du travail de Lönnrot sur le Kalevala. Et ce, même s’il semble très curieux que Rebourcet y ignore totalement la traduction de Perret.

5Malgré la diversité des approches analytiques, la vision que présente l’auteur de l’épopée de Lönnrot reste descriptive et par endroits fort idéalisée. De plus, le Kalevala, l’histoire de ses origines ou encore le mode d’écriture de Lönnrot ne sont pas contextualisés par rapport à la pratique littéraire et historique du xixe siècle ou au moment de notation de la réalité du chant. Mais J. Monnin-Hornung vient des études littéraires, qui ont tendance à approcher les œuvres écrites en tant que telles, comme produit autonome. Et pourtant elle saisit bien la nature du travail fait par Lönnrot. L’objectif de cette œuvre est de toucher un public francophone, de rendre intelligible aux lecteurs étrangers sa vision du monde archaïque et mythique et de les encourager à lire le Kalevala et à découvrir toujours plus en profondeur la culture finnoise. Ce but est bien atteint. Pour terminer, le livre de Monnin-Hornung donne à la question souvent posée « As-tu lu le Kalevala ? » un sens nouveau, plus profond qu’auparavant.

Haut de page

Bibliographie

Léouzon Le Duc L. A., 1845, La Finlande. Son histoire primitive, sa Mythologie, sa Poésie épique avec la traduction complète de sa grande épopée, Paris, I–II.

Léouzon Le Duc L. A., 1867, Le Kalevala : épopée nationale de la Finlande et des peuples finnois, Paris : Librairie internationale.

Perret Jean-Louis, 1931, Le Kalevala: épopée populaire finnoise (traduction métrique), Paris : Librairie Stock.

Rebourcet Gabriel, 2010 [1991], Le Kalevala. Épopée des Finnois, Paris : Éditions Gallimard.

Siikala Anna-Leena, 2002, Mythic Images and Shamanism: A Perspective on Kalevala Poetry (FF Communications 280) Helsinki : Suomalainen Tiedeakatemia.

Haut de page

Table des illustrations

URL http://journals.openedition.org/efo/docannexe/image/5584/img-1.png
Fichier image/png, 58k
Haut de page

Pour citer cet article

Référence électronique

Niina Hämäläinen, « Juliette Monnin-Hornung : Le Kalevala, ses Mythes, ses Divinités, ses Héros et sa Magie »Études finno-ougriennes [En ligne], 47 | 2015, mis en ligne le 07 juillet 2016, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/efo/5584 ; DOI : https://doi.org/10.4000/efo.5584

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-NC-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search