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Dossier : Cyberviolence et école

Les programmes d’intervention contre la cyberviolence et le cyberharcèlement : quels moyens, quelle efficacité ?

Catherine Blaya
p. 131-153

Résumés

Depuis que la recherche a démontré que la cyberviolence et le cyberharcèlement étaient un réel danger pour les jeunes, des programmes d’intervention ont été élaborés et mis en œuvre. Cet article présente une revue des évaluations de ces programmes. Il met en évidence que s’ils arrivent à augmenter la connaissance des risques relatifs aux pratiques numériques, ils changent peu les comportements. Il conclut sur l’existence de caractéristiques efficaces communes de prévention et de lutte contre la violence « traditionnelle » et la cyberviolence ainsi sur que la nécessité de poursuivre et améliorer l’évaluation des actions mises en œuvre pour mieux orienter l’intervention.

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Texte intégral

Introduction

  • 1 L’expérimentation est «  une méthode scientifique exigeant l’emploi systématique de l’expérience af (...)

1Depuis une trentaine d’années, on assiste au développement d’une culture de l’évaluation basée sur des protocoles d’expérimentation1 d’interventions dans les secteurs sociaux tels que l’aide sociale, la prise en charge de la jeunesse en difficulté ou l’éducation. La démarche élaborée sur le principe « evidence-based » (données probantes) appliqué en médecine vise à améliorer les interventions mises en place à travers l’évaluation des pratiques, mais aussi à informer et orienter les politiques publiques sous forme de recommandations et à mieux maîtriser la dépense publique. Il s’agit dans une perspective de « meilleures pratiques » de promouvoir l’action fondée sur des données scientifiquement validées et moins basée sur des expériences individuelles. Quelles que soient les limites épistémologiques de l’evidence-based policy (Wyvekens, 2003) cette approche permet de souligner quelques grandes constantes au sujet des programmes d’intervention mis en œuvre contre la violence en milieu scolaire et le harcèlement entre jeunes. Ces interventions ont fait l’objet d’évaluations et de méta-analyses qui montrent que les programmes d’intervention efficaces ont des caractéristiques communes. Les évaluations ont montré la plus grande efficacité d’une approche systémique incluant le développement d’une culture d’établissement contre la violence dans les établissements scolaires (Wilson & Lipsey, 2006 ; 2007 ; Juvonen & Gross, 2008 ; Ttofi & Farrington, 2009). Il est aussi important que l’intervention soit acceptée par l’ensemble des adultes de l’établissement, que ceux-ci bénéficient d’une formation spécifique et qu’elle soit incluse officiellement dans les activités de l’établissement avec un lieu et un horaire précis (Gottfredson, 2001 ; Royer, 2003). De plus, les interventions les plus efficaces sont celles qui incluent des stratégies dont l’objet principal est d’augmenter la connaissance des conséquences des comportements violents, d’autres moyens de réagir face à une situation stressante ou agressive que la violence, le développement des capacités d’empathie et une meilleure acceptation des pairs socialement marginalisés (Stacey, 2009 ; Wilson & Lipsey, 2011). Ces interventions proposent une participation active des élèves au niveau de la classe, mais aussi de l’établissement dans son ensemble y compris des familles. Elles comprennent une formation à la résolution de conflits et le développement de compétences sociales (Hudley & Graham, 1995).

2La cyberviolence affecte 20 à 30 % des jeunes scolarisés. Les conséquences sont importantes tant au niveau physique, psychologique que scolaire et non seulement pour les victimes, mais aussi les agresseurs, ceux-ci étant à 41 % à la fois victimes et agresseurs. Les victimes sont susceptibles de tenter de regagner du statut et de l’estime de soi, d’essayer de se libérer des tensions en adoptant des comportements perturbateurs ou violents elles aussi (Ybarra, Diener-West & Leaf, 2007). Les victimes disent être tristes, anxieuses, avoir peur et soulignent qu’elles ont du mal à se concentrer sur leur travail scolaire (Beran & Li, 2005). De plus, en ligne, la victime n’a aucun répit, le phénomène dépassant les barrières de l’école et étant omniprésent dans sa vie. Elle se sent d’autant plus impuissante que le nombre de témoins voire de supporters ou participants potentiels est infini (Cross et al., 2009). Dans les cas les plus graves, le cyberharcèlement tout comme le harcèlement ou « bullying » peut amener les victimes au suicide. Une étude américaine auprès de 2000 collégiens montre que 20 % des jeunes victimes ont eu des idées suicidaires en raison de ce qui leur arrivait et les cas de suicide avéré ne sont pas rares (Patchin & Hinduja, 2010).

3Si dans un premier temps la recherche s’est concentrée sur l’étude de la prévalence et des différentes formes d’expression de ce type de violence, la communauté scientifique s’intéresse actuellement à l’intervention et aux moyens de le prévenir ou de le prendre en charge lorsqu’il émerge.

4Cet article propose une présentation de différentes interventions à partir d’une revue de la littérature sur le sujet.

Les programmes d’intervention contre la cyberviolence

  • 2 Usage de l’étiquette dans le cyberespace.

5Les parents et les personnels scolaires se mobilisent pour tenter de prévenir le phénomène et de réduire les prises de risque ou encore pour gérer les problèmes (Crombie & Trinneer, 2003 ; Juvonen & Gross, 2008 ; Perren et al., 2012). Les interventions proposées se situent à différents niveaux : parents, personnels scolaires et éducateurs (prise en charge des victimes) et proposent des stratégies différentes : développement de compétences sociales, de l’estime de soi ; connaissance des risques et de leurs conséquences ; utilisation positive et respect de la « netiquette »,2 mais aussi contrôle, interdiction et dialogue (Livingstone, Haddon & Olafsson, 2011).

6On assiste au développement de diverses technologies, jeux vidéos éducatifs et logiciels afin de bloquer ou filtrer les sites potentiellement dangereux (Crombie & Trinneer, 2003 ; Patchin & Hinduja, 2011). Des interventions conseillent aux jeunes l’adoption de postures passives (ne pas répondre, ignorer, ne plus visiter le site incriminé) ou au contraire actives (dire à l’agresseur d’arrêter, le menacer de rapporter ce qu’il se passe, etc.) (Livingstone, Haddon & Olafsonn, 2011 ; Perren et al., 2012 ; Patchin & Hinduja, 2011 ; Hinduja & Patchin, 2012).

7Or, les actions entreprises, qu’elles se situent au niveau technique, éducatif, à celui de la supervision ou de l’interdiction ne s’avèrent pas forcément efficaces comme l’indique l’analyse des effets de la médiation parentale (Law, Shapka & Olson, 2010 ; Nikken & de Graaf, 2013). Perren et ses collègues (2012), mais aussi König, Gollwitzer & Steffgen (2010) soulignent à juste titre que le cyberharcèlement étant associé au harcèlement traditionnel, les approches systémiques et les interventions visant à améliorer le climat scolaire pour lutter contre le harcèlement et les risques associés sont susceptibles de réduire le risque de cyberviolence. Enfin, un grand nombre d’interventions sont mises en œuvre en établissement scolaire (Baldry & Farrington, 2004 ; Olweus, & Limber, 1999 ; Salmivalli, 2001), pour les raisons suivantes :

  • L’école est un environnement approprié, car elle accueille la population la plus fréquemment connectée et impliquée dans les activités en ligne.

  • Le rôle éducatif de l’école quant à la vie en collectivité est important. Les activités en ligne sont aussi souvent collectives (réseaux sociaux, jeux, etc.).

  • L’école est un lieu d’apprentissage clé en ce qui concerne les compétences dans les Technologies de l’information et de la communication (OECD, 2005). L’adoption d’un comportement éthique, citoyen et sûr sur Internet fait partie de ces apprentissages.

  • La cyberviolence et le climat scolaire sont en lien. Des conflits initiés hors école et sur la Toile se règlent parfois dans l’établissement scolaire et vice versa (Blaya, 2011).

8Aussi, avons-nous choisi de nous concentrer sur les interventions à l’école en particulier.

9Nous avons, afin de recueillir les informations pertinentes nous permettant d’avoir une vision la plus précise des programmes existants, procédé à une recherche au plus près des critères du Campbell Group et de la Fondation Cochrane.

Méthode

10Afin de réaliser cette synthèse, nous avons procédé à une recherche systématique des programmes d’intervention, puis nous avons sélectionné ceux qui avaient fait l’objet d’une évaluation scientifique.

Recherche par mots clés et bases de données

11Nous avons dans un premier temps réalisé une recherche par mots clés en Français, Anglais et Espagnol.
Termes de la recherche : cyberviolence ; cyberbullying ; cyberintimidation ; cyberagression ; harcèlement ; violence ; intimidation ; victimation/Internet, victimation/mobile, victimation/téléphone portable, victimation/en ligne.
Et : jeunes, adolescents, enfants.
Et : intervention ; évaluation de programme ; prévention ; projet pilote ; efficacité des programmes ; évaluation ; lutte ; réduction ; efficace ; evidence-based intervention ; intervention primaire ; intervention secondaire ; intervention tertiaire.

12Une fois ces mots clés déterminés, nous avons mené nos recherches sur différentes bases de données et moteurs de recherche :
Web of Science, Nexis-Lexis, PsychINFO, Social Science Abstracts, Education Abstracts, and the IAC Expanded Academic Index, Cairn, Francis, Campbell corp., Google, Eric, Proquest.

Critères d’inclusion

  • 3 Si dans un premier temps notre intention était de ne considérer que les études répondant à ces crit (...)

13Les critères d’inclusion qui nous ont permis de sélectionner les textes sont les suivants :
Interventions ciblant spécifiquement la cyberviolence ; Enseignement primaire et secondaire obligatoire ; Pré et post évaluation ; Groupe de contrôle (si possible)3 ; Interventions s’adressant à un public « ordinaire ». Les programmes étaient mis en œuvre en établissement scolaire.

14La période quant à la recherche a été fixée entre 2002 et 2012. Nous justifions ce choix par le fait que les recherches sur le thème de la cyberviolence et du cyberharcèlement datent de 1998 et que donc, une fois les premiers travaux sur la prévalence réalisés, il fallait patienter quelques années avant que l’on s’intéresse à l’intervention, que l’on élabore et mette en place des expérimentations et qu’elles aient le temps d’avoir des effets et d’être évaluées. Notre recherche confirme l’absence d’interventions de type scientifique avant 2002.

  • 4 Des bases de données de différentes institutions telles que le National School Climate Center (New- (...)

15Le type de documents qui ont été inclus sont des articles scientifiques, des rapports soumis à la Commission européenne dans le cadre de projets financés par celle-ci et publiés sur Internet (programme Daphne III) ou d’autres rapports relevant de la littérature grise, mais pertinents pour ce travail4. Ils étaient écrits en Français, Anglais ou Espagnol et nous avons fait le choix de ne pas prendre en compte le pays d’implantation des interventions, tant que les critères d’inclusion étaient respectés pour la sélection. Bien sûr, les critères en termes de public et type d’établissement, pays seront considérés dans l’interprétation et l’analyse des résultats.

16Les programmes inclus devaient évaluer : la baisse des comportements violents et de la victimation au moyen des outils électroniques de communication ou un impact sur le niveau de connaissance du phénomène et des risques encourus, ou sur les pratiques promouvant un usage sûr d’Internet. Nous rappelons ici que nous n’avons travaillé qu’à partir d’interventions mises en œuvre en milieu scolaire.

Travail de sélection

17Les résumés des articles ont été sélectionnés dans chaque base de données, moteur de recherche inclus dans ce travail. Ils ont ensuite fait l’objet d’un examen en fonction des critères d’inclusion pré-cités. Les articles dont les résumés indiquaient une adéquation avec ces critères ont été téléchargés pour analyse et sélection définitive. L’ensemble des articles sélectionnés ont été codés en fonction de la nature de l’intervention (année de publication, intervention systémique, ciblée, caractéristiques de l’évaluation, type d’évaluation, résultats). La première sélection n’a pas été très fructueuse (5 interventions), aussi avons-nous décidé d’élargir aux interventions sans groupe contrôle, ce qui nous a permis d’inclure 10 programmes dans cette revue. Les interventions qui n’étaient pas mises en œuvre en milieu scolaire, ne s’adressaient pas spécifiquement à la cyberviolence ou au cyberharcèlement et qui n’évaluaient pas un effet sur la victimation, les comportements agressifs/violents ou les comportements à risque en ligne ont été écartées.

Résultats

18Le premier travail de sélection a permis d’identifier 70 articles. Nous avons ensuite opéré un tri en fonction des critères ciblés et nous avons retenu 10 interventions qui correspondaient aux critères d’inclusion exposés précédemment. Sur les 10 interventions retenues, on trouve quatre programmes en Angleterre ; trois en Amérique du Nord, un en Allemagne, un en Espagne, un en Italie. Le petit nombre de programmes sélectionnés s’explique par les critères d’inclusion présentés au préalable. Ceci ne signifie pas qu’il n’existe pas d’autres actions, mais celles-ci n’ont pas fait l’objet d’évaluations ou les évaluations ne correspondaient pas aux critères retenus. Un tableau synthétise les caractéristiques des programmes en annexe 1. Les lecteurs trouveront une présentation du protocole d’évaluation et les résultats de chaque programme en annexe 2.

Les programmes d’intervention en Angleterre

  • 5 Combattons-le ensemble.
  • 6 Exposé.
  • 7 Partenariat pour des Ecoles plus Sûres

19En Angleterre, un certain nombre d’interventions sont proposées pour changer les comportements sur la Toile, limiter les conduites à risque et lutter contre le cyberharcèlement. Thompson, F., Robinson, S., Smith, P.K. (2012) présentent l’évaluation de quatre interventions dont deux court-métrages d’information : Let’s Fight It Together5 du réseau Childnet International, un film du Centre de Protection contre l’Exploitation des Enfants en Ligne « Exposed6 » (CEOP http://www.thinkuknow.co.uk/​) puis deux interventions : le programme de mentorat « Beatbullying » (http://www.cybermentors.org.uk/​) et le « Safer School partnership7 » (http://www.justice.gov.uk/​youth-justice/​prevention/​safer-school-partnerships).

Let’s Fight It Together

20Le film Let’s Fight It Together s’adresse à des jeunes de 11-14 ans et est produit par Childnet International qui est une association promouvant un usage constructif d’Internet et qui vise à protéger les jeunes contre l’exploitation en ligne. Elle propose en sus du film, une journée de formation dans les établissements scolaires et des ressources en ligne.

21Seulement la moitié des écoles qui ont participé à l’évaluation connaissent l’association et 18 % ont utilisé les ressources proposées. La majorité des utilisateurs ont un avis positif sur ce qui est proposé sur le site. En ce qui concerne le film lui-même, les évaluateurs ont cherché à vérifier son impact sur les comportements et les stratégies mises en place en cas de problème en ligne chez les élèves qui l’avaient regardé. Pour cela, ils ont réalisé une évaluation de ces comportements avant le film et après à l’aide d’un questionnaire anonyme administré en classe dans trois écoles secondaires (N = 383 pour le pré-test ; N = 390 pour le post-test) auprès d’élèves de 4e/3e en 2011. L’évaluation indique des changements statistiquement significatifs en termes de stratégies en situation de violence. Ainsi, avant le film, huit jeunes sur dix (79 %) disaient qu’en cas de problème, ils en parlaient à un parent, à un ami (64 %), à un enseignant (57 %), à un policier dans l’école (19 %). Suite au film, les stratégies les plus souvent citées restaient les mêmes par ordre d’importance. Toutefois les élèves étaient légèrement plus nombreux à dire vouloir se confier à un enseignant (60 %) ou à la police (20 %) sans que pour autant ces résultats soient statistiquement significatifs.

« Exposed »

22Le film « Exposed » du CEOP est un court-métrage de 8 minutes qui montre comment une jeune-fille qui a envoyé des photographies explicites à son petit copain, retrouve ces photographies diffusées publiquement en ligne et comment elle devient harcelée dans son établissement scolaire. L’intervention, mise en œuvre dans quatre établissements, s’est déroulée en deux temps : un premier temps de formation pour les enseignants, des éducateurs chargés de la protection de l’enfance, et l’équipe chargée de la sécurité en ligne et un deuxième temps consacré au visionnage du film par les élèves. L’évaluation s’est déroulée en amont et en aval de l’intervention et concernait la perception de la qualité de la formation et leurs connaissances sur la cyberviolence. L’évaluation au niveau des élèves, a été identique à celle du film « Let’s fight it together ». Un millier d’étudiants de 13 à 16 ans ont participé, mais le pré et post-test ont eu lieu le même jour ce qui limite la validité du test. Les résultats indiquent peu d’impact sur les stratégies adoptées par les jeunes en cas de problème.

CyberMentors

  • 8 Combattre le harcèlement.

23Les CyberMentors sont une nouvelle forme de médiateurs en ligne proposée par l’association Beatbullying8. Ce programme part du principe que bien souvent, lorsqu’ils sont victimes de harcèlement les jeunes se confient souvent à des pairs, et il est basé sur les actions de médiation entre pairs pour le harcèlement traditionnel. Des élèves, sélectionnés dans les écoles suivent une formation de deux jours sous forme d’ateliers dans les établissements scolaires ou dans le cadre de la politique de la ville. Ils assurent ensuite un accompagnement en ligne et hors ligne. Ils ont un profil de cybermédiateur et sont protégés par un filtre intitulé « netmetod ». Ils sont accompagnés par des adultes en ligne aussi et des psychologues. L’évaluation a été réalisée au moyen de deux questionnaires (un pour les médiateurs, un pour les médiés) sur le site CyberMentor. Les questions au niveau des médiateurs concernaient les expériences de victimation et les stratégies utilisées par les victimes. Les mentors ont répondu à des questions sur leurs actions et sur leur impact ainsi que sur la qualité de la formation. Soixante-quatorze questionnaires ont été complétés dont cinquante-six par des médiateurs et seize par des superviseurs adultes.

24Les résultats montrent que la majorité des médiateurs était satisfaite de la formation préalable reçue (97 %). Seulement un sur cinq savait quel avait été l’impact de son action. Quatre-vingt-huit pour cent des participants ont trouvé le programme facile d’accès et les deux tiers ont trouvé que la communication avec le médiateur était facile et quatre-vingts pensent que les conseils qui leur ont été prodigués étaient utiles. Les évaluateurs constatent que les principaux utilisateurs que ce soit au niveau des médiateurs ou des bénéficiaires de la médiation sont des filles. Toutefois, les auteurs ne concluent pas sur une efficacité statistiquement significative.

The Safer Schools Partnership and cyberbullying

25Le Partenariat pour des Ecoles plus Sûres (The Safer Schools Partnership and cyberbullying) est un programme interinstitutionnel alliant le ministère de l’Intérieur (Protection de la jeunesse, Police) et le ministère de l’Education, des Enfants et de la Famille. Tout d’abord destiné à lutter contre les comportements déviants et délinquants, la violence et le harcèlement en milieu scolaire, il a été évalué comme ayant un impact positif (Bowles, Reyes & Pradiptyo, 2005). Son action s’est élargie à la cyberviolence et aux activités illégales en ligne et elle prévoit que des officiers de police soient présents dans les collèges et lycées afin de venir en aide en cas de problème et de participer à des actions de formation avec l’équipe éducative.

26Thompson, Robinson & Smith (2012), ont envoyé des questionnaires d’évaluation à 600 établissements d’enseignement secondaire afin de mesurer l’impact des mesures mises en œuvre. Soixante-deux établissements ont répondu. Bien que la majorité des écoles (90 %) sachent en quoi consiste le programme, moins de 60 % y ont eu recours. Il a été essentiellement utilisé pour faire de la prévention sous forme de présentations sur la sécurité sur Internet avec un taux de satisfaction de 86 %. Toutefois, 82 % des officiers de police présents dans les établissements ont été amenés à résoudre un problème de cyberharcèlement sous forme d’avertissements, convocation des parents et en ayant recours à la justice restauratrice. Le taux de satisfaction des établissements scolaires est de 86 %. Toutefois, l’étude ne donne pas plus de renseignements en ce qui concerne la significativité et les critères qui déterminent cette efficacité (baisse de la victimation ? meilleure prise en charge en termes d’accompagnement des victimes ? intervention plus efficace au niveau des agresseurs ?).

Les programmes d’intervention en Amérique du Nord

  • 9 Mishna F, Cook C, Saini M, Wu M J and MacFadden R (2009), «  Interventions for Children, Youth, and (...)
  • 10 Ces critères sont ceux de la Cochrane, soit un échantillon aléatoire ou semi-aléatoire (tiré au sor (...)

27Pour ce qui est de l’évaluation de l’efficacité des programmes d’intervention, les méta-analyses sont considérées comme la méthode scientifiquement la plus probante pour mesurer la taille de l’effet de ces interventions. La seule méta-analyse mesurant l’effet des programmes sur la cyberviolence est celle publiée dans le cadre du groupe Campbell dans la section « crime et justice »9. Cette recherche a passé en revue, de façon systématique, les stratégies de prévention ayant pour cible les 5-19 ans. Les interventions sélectionnées allaient du logiciel de filtrage à des interventions en ligne ou hors ligne envers les jeunes et leurs parents. Sur treize études sélectionnées dans un premier temps, Mishna et ses collègues en ont retenu trois. Les études exclues ne correspondaient pas aux critères de rigueur scientifique en termes d’évaluation10 ou n’avaient aucun effet.

  • 11 I-Safe : Internet Safe c’est-à-dire Internet Sûr.

28Les trois programmes inclus dans l’étude sont : I-SAFE11, le programme Missing et enfin HAHASO.

Le programme I-SAFE

29I-SAFE (www.isafe.org) a été mis en œuvre aux USA et évalué dans un premier temps par Chibnall, Wallace, Leicht & Lunghofer (2006). Il cible les jeunes de 11-14 ans.

30Il a pour objectif d’augmenter la connaissance des jeunes et de leur procurer les informations leur permettant de reconnaître et d’éviter les comportements sur Internet de nature dangereuse, destructive ou illégale. Il cherche à promouvoir un usage positif d’Internet. L’intervention est composée de cinq leçons de 40 minutes chacune sur une période d’une à cinq semaines et d’activités de renforcement de la confiance en soi et du potentiel des jeunes en termes d’éducation à la citoyenneté sur la Toile, de cybersécurité, d’identification des prédateurs et d’information sur la propriété intellectuelle. Les sessions sont assurées par les enseignants. Suite au programme, les évaluateurs constatent une amélioration des connaissances en termes de sécurité sur Internet ainsi qu’une plus grande propension à discuter des risques sur Internet avec leurs amis ou leurs frères et sœurs. Toutefois, l’attitude des jeunes en termes de prise de risque a peu changé. Le programme n’a pas d’impact significatif sur le fait de visiter des sites à contenu potentiellement préjudiciable, de communiquer son nom ou son adresse à des inconnus rencontrés en ligne ou de donner son mot de passe. Le seul effet significativement positif constaté est que les participants au programme ont affirmé vouloir attendre plus longtemps avant de communiquer des informations personnelles à un inconnu.

Le programme HAHASO (Salvatore, 2006)

  • 12 La stratégie HAHASO est l’acronyme pour «  Help, Assert, Humor, Avoid, Self-Talk, Own it  » : Aide, (...)

31Le programme HAHASO12 (USA) s’adresse aux élèves de collège. Il s’agit d’une intervention visant essentiellement le harcèlement, mais avec des éléments concernant la cyberviolence. Il se compose de 5 cours sur la stratégie contre le harcèlement « Comment s’affirmer, avoir de l’Humour, adopter des Stratégies d’évitement, Parler, C’est à toi ». Le programme s’adresse au harcèlement traditionnel avec des éléments pour prévenir le cyberharcèlement. Il a été mis en œuvre en classe par un chercheur. L’évaluation ne conclut pas sur une diminution significative de la cyberviolence, ce qui peut être expliqué par le petit nombre de participants.

Missing (Crombie & Trineer, 2003)

  • 13 Disparu.

32Missing13 (Colombie Britannique – Canada) est basé sur un jeu en ligne interactif pour les 11-13 ans avec des vidéos, des posters et un guide pour les parents et les enseignants. Dans le jeu, les jeunes endossent le rôle d’un policier qui doit résoudre une série d’énigmes au sujet d’un adolescent porté disparu. En jouant, ils découvrent comment un prédateur sexuel sur Internet joue sur la vulnérabilité de l’adolescent et a recours à toute une série de stratagèmes pour gagner sa confiance. Les bénéficiaires de l’intervention se sont montrés par la suite moins enclins à divulguer certaines informations personnelles à des inconnus telles que leur ville, leur genre ou leur âge. Toutefois, le programme n’a pas eu d’impact sur le fait de donner son nom, son adresse mail, le nom de son école. Les évaluateurs ne constatent pas non plus une baisse de fréquentation de salles de chat publiques ou de contact des étrangers.

33On peut conclure que ces programmes, s’ils informent sur les risques liés à l’usage d’Internet, s’ils augmentent la connaissance en termes de risques encourus, n’ont pas d’effet sur les pratiques des jeunes. Toutefois, ces conclusions sont à moduler dans le sens où les échantillons évalués étaient de faible taille et où les études retenues sont uniquement des études anglo-saxonnes qui ont été publiées dans des journaux spécialisés. Enfin, nous n’avons pas d’éléments quant aux contextes et aux conditions d’implantation, ce qui donne un aperçu partiel et limite les conclusions. On ne peut donc pas conclure sur l’absence d’interventions efficaces non plus. De plus les programmes présentés ci-dessus ne prennent pas en compte le fait que les enfants se connectent de plus en plus jeunes (7 ans au niveau européen) et que c’est dès le début de l’accès au numérique qu’il est important d’éduquer les usagers. Les efforts pour augmenter la prise de conscience et la connaissance des risques sont louables, nécessaires, mais toutefois, il est indispensable de se concentrer sur des interventions permettant de réduire la prise de risque et la victimation qui sont des expériences réelles vécues par une partie des jeunes internautes (Blaya, 2013).

Les programmes d’intervention dans les pays non anglo-saxons en Europe

34Les programmes d’intervention ayant fait l’objet d’une évaluation scientifique en Europe sont rares. Pourtant de nombreuses interventions sont menées dans le cadre des établissements scolaires. Pour la France par exemple, des associations, dont E-enfance ou encore les Céméa ou Calypsto proposent des formations régulièrement. Toutefois, au moment de l’écriture de cet article aucune de ces interventions n’a fait l’objet d’une évaluation scientifique publiée. Nous avons retenu un programme allemand (MedienHelden), un programme espagnol (ConRed) ainsi qu’une intervention italienne (Noncadiamointrappola !).

MedienHelden

35Ce programme pour la prévention du cyberharcèlement et la promotion de la sécurité en ligne s’adresse à des jeunes de collège et propose un manuel de prévention mis en œuvre par des enseignants préalablement formés et accompagnés tout au long du processus. Ceci nous paraît particulièrement intéressant dans le sens où l’un des principaux problèmes relevés quant à l’efficacité des programmes d’intervention, qu’il s’agisse de violence à l’école ou de décrochage scolaire, c’est le manque de pilotage des équipes (Blaya C., 2010). De plus, la mise en œuvre du programme est incluse formellement dans le projet d’établissement des écoles participantes. Là encore, cette mesure rejoint les conclusions de l’ensemble des évaluations de programmes d’intervention (Blaya & Debarbieux, 2008). Le MedienHelden a pour objectifs d’augmenter la connaissance des jeunes sur les risques liés à Internet et les différentes formes de cyberviolence, d’augmenter leur responsabilité sociale et leur permettre d’acquérir des compétences sur la protection en ligne, mais aussi sur la façon d’aider les autres lorsqu’ils sont victimes afin de réduire la cyberviolence. Il peut se décliner en deux versions : une première version dite version longue qui se déroule sur 10 semaines au rythme de 90 minutes par semaine et une version courte sur une journée divisée en quatre sessions de 90 minutes chacune. Il inclut une formation pour les parents assurée par les élèves qui ont bénéficié des 7 premières semaines d’intervention, il comprend du tutorat entre élèves, des jeux de rôle et une dernière semaine de consolidation.

36Le programme est évalué (Schultz, Wölfer, Jäkel, Zagorscak & Scheithauer, 2012), sur la base d’un pré-test d’un post-test. 654 étudiants de 35 classes de collèges à Berlin ont participé à la démarche. L’évaluation portait sur les comportements cyberviolents, l’empathie en contexte virtuel, les compétences pour réagir, l’estime de soi et la santé mentale. De plus, les enseignants étaient interrogés sur les ressources mises à leur disposition. La majorité des enseignants a aimé le matériel pédagogique mis à sa disposition et a trouvé que le programme avait eu un impact sur le climat de classe. De plus, au niveau des élèves, le programme s’est montré efficace en termes de baisse des comportements violents, d’amélioration des compétences sociales, de l’estime de soi, de l’empathie et de la santé mentale des participants.

37Cette intervention présente les caractéristiques d’un programme de prévention efficace (Wilson, 2011) : elle est incluse dans le programme officiel des établissements ; elle est mise en place par des personnels formés et pilotés tout au long de l’action ; elle demande une participation active des bénéficiaires (tutorat ; présentation aux parents ; jeux de rôle) ; elle se décline à long terme (10 semaines) ; elle est évaluée selon des critères scientifiques sérieux (pré et post-test ; questionnaire d’évaluation externe validé) ; elle inclut les familles. Bien sûr, cet impact ne pourra être validé qu’une fois vérifié dans d’autres établissements scolaires et d’autres contextes.

ConRed

  • 14 Con : avec ; Red : réseau, ce qui pourrait être éventuellement traduit par «  avec réseau  », mais (...)

38Le programme ConRed14, mis en œuvre en Espagne par Rosario del Rey, Rosario Ortega et José Casas (2012), est un programme d’intervention basé sur la théorie des comportements sociaux normatifs (Lapinski & Rimal, 2005) selon laquelle les comportements humains sont fortement influencés par la perception et l’interprétation des normes sociales des acteurs sociaux. Les trois objectifs du programme sont d’augmenter la connaissance sur les implications légales et les conséquences de la cyberviolence ; montrer que certains comportements dans le cyberespace sont risqués et comportent peu d’intérêt ; montrer que certains comportements ne facilitent pas l’intégration des individus dans des groupes sociaux. Ainsi, le ConRed vise à sensibiliser les communautés éducatives à un usage sûr et positif d’Internet et des réseaux sociaux et à prévenir la cyberviolence dans les réseaux sociaux. Il s’agit d’un programme d’intervention primaire (c’est-à-dire s’adressant à l’ensemble de la communauté éducative), impliquant les élèves de 11 à 19 ans, les enseignants et les familles. Il est composé de sessions de formation sur les avantages d’Internet et les compétences techniques requises ; Internet et les réseaux sociaux ; les risques liés à l’utilisation d’Internet.

39Chaque session de formation commence par un bilan des connaissances des jeunes, des enseignants et des parents sur Internet et les réseaux sociaux. Les thèmes abordés durant la formation sont la vie privée et l’identité ; les attitudes pro-sociales et la solidarité dans les réseaux sociaux ; les risques liés aux réseaux sociaux ; les stratégies à mettre en place en cas de problème. En parallèle, une campagne d’information a été lancée sous forme de prospectus d’information, de posters, d’autocollants, marque-pages, etc. L’hypothèse était que ConRed pourrait contribuer à réduire les problèmes de cyberviolence, d’addiction à Internet et à mieux contrôler et gérer les informations diffusées sur la Toile.

  • 15 Ce questionnaire est composé de 24 questions à échelle avec 5 options de fréquence allant de «  jam (...)

40Ce programme a été évalué par Del Rey, Ortega et Casas (2012), à partir d’un protocole quasi-expérimental avec un pré-test et un post-test et un groupe de contrôle. La démarche a concerné 893 jeunes de 11 à 19 ans (N = 595 groupe de traitement ; N = 298 groupe de contrôle ; 45.9 % filles ; âge moyen : 13.80) dans trois établissements d’enseignement secondaire à Cordoba (Espagne) et a été formellement inclus dans le programme d’activités de l’année par l’équipe éducative. L’intervention a été mise en œuvre sur une période de trois mois. Le questionnaire d’évaluation utilisé est le « European Cyberbullying Questionnaire » (Del Rey, Casas & Ortega, 2011)15. Ce questionnaire mesure la cyberviolence et le cyberharcèlement tant au niveau de la victimation qu’à celui de l’agression ; l’addiction à Internet et les capacités de gestion de l’information publiée sur Internet.

41L’évaluation montre une diminution statistiquement significative de la victimation ainsi que de l’agression chez les bénéficiaires du programme. Il en est de même pour l’addiction à Internet et pour le sentiment qu’ont les jeunes de maîtriser l’information qu’ils publient en ligne. Au niveau du groupe de contrôle, certaines attitudes avaient augmenté entre l’évaluation de départ et l’évaluation finale. Ceci amène à penser que le ConRed contribuerait à une diminution des comportements à risque et des comportements agressifs sur Internet ainsi qu’à une meilleure connaissance des risques encourus et une plus grande maîtrise des informations publiées.

Noncadiamointrappola ! (Ne tombons pas dans le piège !)16. (Palladino, Nocentini, Menesini, 2012)

  • 16 Traduction de l’auteur.

42Le programme présenté ici s’adresse non seulement au cyberharcèlement, mais aussi au harcèlement traditionnel. Il s’agit d’un programme qui est prévu tout au long d’une année scolaire et qui vise à augmenter l’aide entre pairs contre le harcèlement et le cyberharcèlement en Italie et à réduire la victimation.

43Noncadiamointrappola est un programme qui a été initié en 2008. Chaque année, il a fait l’objet de modifications et d’améliorations basées sur l’expérience acquise des auteurs. Le programme, outre une session d’information sur ce que sont le harcèlement et le cyberharcèlement, se centre sur le rôle des victimes, l’implication des témoins, le travail sur les stratégies de « coping » et l’implication des enseignants.

44Le travail au niveau des pairs « éducateurs » est basé sur la sélection de volontaires dans chaque groupe classe participant. Les volontaires sont ensuite formés (une journée de formation) afin de développer leurs compétences en matière de communication, empathie, compétences sociales et stratégies de « coping » dans les situations d’interaction traditionnelles et en ligne. Le programme prévoit aussi des activités de classe avec les enseignants : production d’un court-métrage sur le thème, élaboration d’un guide pour un usage sûr d’Internet, un service d’écoute et la réalisation d’un poster pour promouvoir l’action. Outre ces activités, un forum a été créé pour une période de deux semaines par les pairs « éducateurs » (http://www.squarciagola.net/​cyberbullismo/​) ainsi qu’un groupe Facebook.

45L’intervention a été réalisée auprès de 375 adolescents d’enseignement secondaire supérieur général et professionnel (groupe expérimental) et son évaluation a été élaborée selon un protocole de pré-test/post-test avec un groupe contrôle de 144 participants.

46L’évaluation indique une augmentation significative des stratégies d’évitement des situations de violence et de résolution de conflits pour le groupe d’expérimentation et une diminution significative des stratégies négatives telles que l’évitement ou l’affrontement sur le même registre que l’agression. De plus, les résultats montrent l’efficacité de l’intervention sur la victimation (R2 = 0.32, F (5, 222) = 20.71, p < 0.001) et la cybervictimation (R2 = 0.19, F (5, 222) = 10.549, p < 0.001) pour le groupe expérimental et que les pairs « éducateurs » étaient des acteurs de changement tant à leur niveau qu’à celui de leurs camarades. Ce dernier point est d’autant plus intéressant que les méta-analyses évaluant l’effet des programmes d’intervention contre le harcèlement entre pairs montrent que les actions de médiation ont en général un effet positif sur les médiateurs, mais pas d’effet sur leurs pairs (Ttofi & Farrington, 2011). Les auteurs de l’évaluation ont cherché à comprendre quels pouvaient être les facteurs les plus influents pour la prévention de la victimation (en ligne et hors ligne). Ils montrent que les stratégies de coping basées sur la résolution des conflits, au contraire des stratégies d’évitement, ont un effet positif en termes de réduction de la cybervictimation, mais uniquement pour le groupe de pairs « éducateurs ». L’intervention n’a pas d’effet particulier sur les stratégies visant à demander de l’aide à autrui.

Discussion

47Les résultats de cette revue indiquent que si la plupart des interventions augmentent le niveau de connaissance quant aux risques en ligne et leurs conséquences, seulement quatre des dix interventions présentées semblent avoir un effet positif sur la cyberviolence (agression/victimation). Il s’agit de HAHASO (baisse de l’agression) ; MedienHelden (agression/victimation) ; ConRed (agression/victimation) ; Noncadiamointrappola ! (victimation). Les trois dernières montrant les résultats les plus probants. Ces programmes ont pour point commun de s’intéresser au développement des compétences sociales (empathie ; estime de soi ; entraide entre pairs) des bénéficiaires, de s’intéresser aussi bien au harcèlement qu’au cyberharcèlement ; d’être inclus dans le programme de l’établissement scolaire de façon formelle ; d’impliquer les élèves de manière active et d’inclure les enseignants et parfois les parents dans la démarche d’éducation à un comportement éthique et de diminution de prise de risques. De plus, ils proposent un pilotage/accompagnement par les chercheurs auteurs des interventions. Ces caractéristiques sont communes à celles identifiées comme efficaces dans le cadre de la prévention et de la lutte contre la violence et le harcèlement en milieu scolaire par différentes méta-analyses (Ttofi & Farrington, 2009 ; Baldry & Farrington, 2009 ; Stacey, 2009 ; Ttofi & Farrington, 2011 ; Wilson & Lipsey, 2007 ; Wilson, Tanner-Smith, Lipsey, Steinka-Fry & Morrison, 2011). La sensibilisation à l’importance du rôle des pairs, en tant que témoins ou en termes d’augmentation de l’empathie joue un rôle important et n’est pas incluse dans les interventions qui s’avèrent peu ou pas efficaces. Ceci confirme les études précédentes sur l’importance du réseau social comme facteur de prévention (Salmivalli, 2001 ; DiBasilio, 2008). Ceci nous amène à penser qu’il existe un certain nombre de facteurs communs facilitant l’efficacité des interventions, quelle que soit la cible (délinquance, harcèlement, cyberharcèlement, etc.). Ceci est confirmé par deux autres études que nous n’avons pas incluses dans cette revue, car elles ne s’adressaient pas spécifiquement au cyberharcèlement, mais plutôt au harcèlement traditionnel. Il s’agit des études de Salmivalli, Kärnä & Poskiparta (2011) en Finlande pour le programme KiVa et de Gradinger, Yanagida, Srohmeier, Stefanek, Schiller & Spiel (2012) en Autriche pour le programme VisC (Viennese Social Competence). Si le cyberharcèlement n’était pas la cible des interventions, les auteurs ont évalué leur impact sur le cyberharcèlement et montré une réduction du phénomène sur le groupe de traitement. Ces deux interventions ont pour objectif la réduction des comportements violents par le développement des compétences sociales (empathie, confiance en soi, affirmation de soi, etc.), de l’aide entre pairs ainsi que l’implication active des témoins dans la protection des victimes. Il s’agit de leur faire prendre conscience du rôle qu’ils peuvent jouer et de les inciter à intervenir en leur proposant des stratégies afin d’aider les victimes. Ceci amène les auteurs à conclure qu’un programme d’intervention visant à réduire les problèmes de harcèlement traditionnels entre élèves lorsqu’il est efficace a un effet tout aussi positif sur la prévention du cyberharcèlement (Gradinger et al., 2011, p. 81). Ces résultats vont dans le sens des auteurs qui argumentent que le harcèlement qu’il soit en face à face, traditionnel ou dans le cyberespace n’est pas un problème d’outil, mais bien de valeurs et d’éducation aux risques et conséquences ainsi qu’à l’empathie (DiBasilio, 2008 ; Li, 2007).

  • 17 Olweus Bullying Prevention Program (Programme Olweus de Prévention du Harcèlement).

48Aucun des articles présentés n’informe sur les conditions de l’intervention d’un point de vue de la fidélité au programme d’origine. Comme le souligne Dusenbury, et al. (2005), les programmes ne sont jamais appliqués en tant que tels par les acteurs en raison de processus d’appropriation et de réinterprétation en fonction du contexte qui est très peu renseigné dans le type d’évaluations « evidence-based » (Wilson & Lipsey, 2006 ; 2007). De plus, les méta-analyses ou recensions existantes ne précisent que rarement quelles ont été les difficultés rencontrées pour la mise en œuvre, en fonction du contexte et quelles sont les conditions d’implantation. Ceci serait pourtant très instructif pour l’amélioration des actions contre la cyberviolence et le cyberharcèlement comme pour toute autre forme de violence, car outre le programme en lui-même, la qualité de sa mise en œuvre est nodale (Lehr, Hansen, Sinclair & Christenson, 2003 ; Wilson, Tanner-Smith, Lipsey, Steinka-Fry & Morrison, 2011) et une démarche plus compréhensive permettrait de mieux informer et orienter les interventions futures. En effet, les conditions d’implantation et le contexte dans lequel s’inscrivent les programmes sont essentiels, certains programmes donnent de bons résultats dans un contexte donné et sont sans ou avec peu d’effets dans un autre contexte, parfois dans le même pays tel que cela a pu être démontré pour le programme Olweus17 (Debarbieux & Blaya, 2008). Par exemple, pour I-Safe, l’évaluation du programme par les enseignants indique qu’ils conseilleraient aux écoles d’inclure les activités dans le programme de l’année, car ils estiment avoir manqué de temps (Chibnall et al., 2006, p. 32). Ceci souligne l’importance d’une plus grande liberté laissée aux acteurs, les critères tels que définis par les méta-analyses pouvant être réducteurs tant au niveau de la liberté et des possibilités d’action des praticiens. D’ailleurs, l’expérience montre que ceux-ci n’appliquent pas forcément les indications produites par les programmes ou les guidelines à la lettre, que ce soit en raison de conditions « ordinaires » éloignées de celles proposées lors de l’élaboration des indications ou d’un potentiel limité de généralisation des contenus (culture ; moyens financiers requis, etc.). Le problème de la distance entre des évaluations qui valident des interventions en contexte particulier et tentent de les généraliser de façon externe et les contraintes et spécificités locales s’impose. Les critères d’évaluation basés sur des données probantes proposés par la Cochrane ou encore le Campbell group, bien que pertinents dans l’absolu, ne peuvent prétendre à une généralisation et à une application conforme par les acteurs de l’éducation. L’illusion rationnelle, se heurte une fois de plus à la liberté de l’acteur et au nécessaire jugement individuel pour une démarche professionnelle adaptée et non pas basée uniquement sur une technicité.

Conclusion

49L’objectif de cet article était de réaliser une recension des interventions efficaces contre la cyberviolence et le cyberharcèlement. La recherche sur la prévalence, les formes de manifestation, l’étiologie et les conséquences de la cyberviolence et du cyberharcèlement a bien avancé depuis le début des années 2000, y compris en France. Toutefois, nous constatons que peu d’interventions ont fait l’objet d’une évaluation scientifique rigoureuse et d’une publication. Malgré une recherche approfondie de ce type de document, nous n’avons identifié que 10 interventions évaluées correspondant à nos critères. Les évaluations en question montrent un manque d’information en termes de contexte et de la qualité de la mise en œuvre. De plus, si la plupart des programmes ont un effet sur la connaissance du phénomène, il semble évident que pour la plupart, les changements de comportement escomptés ne sont pas obtenus et que la communauté scientifique a grandement besoin de se mobiliser à ce niveau. Il ne s’agit pas de trouver des recettes toutes faites, mais bien d’arriver à déterminer quels sont les facteurs essentiels et efficaces qui permettraient de changer les comportements et de réduire la victimation en ligne tant au niveau de la formation que des conditions de mise en œuvre spécifiques. Nous pouvons cependant conclure que tout comme pour les interventions contre la violence ou le harcèlement, le développement des compétences sociales, de l’empathie et une inscription des interventions dans l’établissement scolaire, lorsqu’elles sont mises en œuvre par les personnels scolaires et pilotées par les chercheurs donnent de meilleurs résultats en termes de réduction des phénomènes étudiés. Notre approche ne peut prétendre être représentative des interventions mises en œuvre pour prévenir et lutter contre la cyberviolence. Le nombre d’interventions dont le protocole d’évaluation est rigoureux est trop réduit pour pouvoir généraliser. Cela pointe la nécessité de développer les évaluations selon des protocoles précis, permettant leur réplicabilité et d’identifier des pratiques en termes d’efficacité. Le protocole de sélection des études que nous avons adopté présente des limites dans le sens où des études qualitatives de type « étude de cas » sont susceptibles d’être riches en informations sur les effets des interventions et la façon dont elles sont vécues par les bénéficiaires. La violence qu’elle soit traditionnelle ou par les moyens électroniques de communication est une violence en contexte (Benbenishty, Khury-Kassabri & Astor, 2005). Cela souligne aussi l’importance d’une approche méthodologique mixte en termes d’évaluation, car connaître le sens que donnent les acteurs aux actions mises en œuvre ainsi que le contexte et les conditions de mise en œuvre documenterait de façon pertinente les conditions de l’efficacité (ou pas) des interventions. Comme nous pouvons le voir dans différents articles de ce numéro des Dossiers des Sciences de l’Education, un bon climat scolaire est un des facteurs clés de la prévention de toutes formes de violence, y compris de la cyberviolence (Patchin & Hinduja, 2012). Les établissements scolaires qui promeuvent une culture basée sur le respect mutuel et l’attention aux élèves, dans lesquels ceux-ci ont le sentiment d’être écoutés encouragent les comportements positifs et le dialogue entre jeunes et adultes en cas de problèmes (Agatston et al., 2012, Hinduja & Patchin, 2012). Nous désirons enfin, souligner l’absence d’information sur le rapport coût/mise en œuvre et efficacité de l’intervention (Wilson, 2011) alors que cet élément, bien que souvent considéré comme politiquement peu correct est un des freins principaux de l’action. Mais surtout, comme le soulignait déjà Gottfredson en 2001, l’un des facteurs essentiels d’une intervention réussie reste le sentiment chez les professionnels chargés de la mise en œuvre, d’être des acteurs et non pas des exécutants. Or, si la démarche d’application homogène des pratiques telle que préconisée par l’evidence-based facilite l’évaluation et le contrôle des actions entreprises, on peut se demander si elle ne nuirait pas à l’autonomie nécessaire à l’innovation pédagogique et sociale, sources de changement. L’évaluation rigoureuse n’en est pas moins une démarche utile afin d’éclairer l’intervention et les choix pratiques des acteurs. Cet article doit en se sens s’entendre comme une invitation à aller beaucoup plus loin dans la démarche évaluative dans une « vision dynamique de la bonne pratique, plus réaliste, plus modeste aussi, mais si on le veut bien, plus exigeante que le mode de la recette » (Wyvekens, 2003, p. 7).

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Annexe

Tableau descriptif des interventions

Intitulé de l’intervention

Pays

Echantillon

Objectifs

Moyens

I-Safe

USA

Elèves 11-14

Risques en ligne ; Hausse confiance en soi ; cybersécurité.

5 sessions de 40 minutes sur 1 à 5 semaines.

Mise en œuvre : enseignant

HAHASO

USA

Elèves Collège

Augmentation des compétences sociales pour contrer le cyberharcèlement

5 cours. Stratégies contre le harcèlement.

Mise en œuvre : chercheur.

Missing

Canada

Elèves 11-13

Risques en ligne et prédateurs sexuels ; prévention des comportements à risque

Jeu interactif ; ressources en ligne ; cours métrage.

Mise en œuvre : enseignants

Let’s fight it together

UK

Elèves 11-14

Risques en ligne ; stratégies de protection

Film ; une journée de formation ; ressources en ligne.

Mise en œuvre : enseignants

Exposed

UK

Elèves 13-16

Connaissance cyberharcèlement et réduction des comportements à risque.

Court métrage ; formation enseignants et éducateurs.

Mise en œuvre : enseignants/personnel scolaire

Cybermentors

UK

Elèves Collège

Connaissance cyberharcèlement ; développement empathie et compétences sociales ; médiation entre pairs.

2 jours de formation/cybermentors ; Tutorat et suivi enseignants et psychologues.

Mise en œuvre : élèves et enseignants.

Safer Schools

UK

Elèves Collège

Inclusion policiers scolaires pour venir en aide.

Policiers dans les écoles.

MedienHelden

Allemagne

Elèves Collège/enseignants/parents.

Réduction comportements à risque en ligne ; développement de compétences sociales ; empathie, estime de soi ; santé mentale.

Inclus dans programme établissement ; 10 semaines x 90 mn ; élèves actifs (jeux de rôle) ; tutorat ; implication enseignants ; élèves ; parents.

Mise en œuvre : enseignants/pilotage chercheur.

ConRed

Espagne

Elèves 11-19

Enseignants/parents.

Avantages Internet ; Gestion des informations sur Internet et réduction comportements à risque/réseaux sociaux ; compétences sociales ; addiction et cyberviolence dans réseaux sociaux.

Projet sur trois mois ; inclusion dans projet d’établissement ; matériel pédagogique ; Participation active/interactive des bénéficiaires.

Mise en œuvre : équipe éducative/chercheur.

Noncadiamointrappola !

Italie

Elèves Collège/

enseignants.

Connaissance harcèlement/cyberharcèlement Développer l’aide entre pairs et intervention des témoins ; augmentation empathie ; coping ; compétences sociales ; réduire le harcèlement et cyberharcèlement

Inclusion dans le programme des établissements ; participation active et interactive des élèves ; Mise en œuvre : enseignants/chercheur.

Annexe 2 : Résultats des interventions18

Titre de l’intervention

Année de publication

Pre-test/post-test

Groupe contrôle

Résultats évalués

Résultats obtenus

I-Safe

2006 ; 2009

x

x

Connaissance de la sécurité sur Internet ; connaissance des règles de propriété intellectuelle ; comportements à risque

Augmentation significative de la connaissance des risques (taille de l’effet – différence entre le GT et le GC18 : 0.78)/prédateurs (0.40), diffusion d’informations personnelles (0.20). Peu ou pas d’impact sur les comportements à risque (0.02), l’aide aux pairs (-0.20). Manque de temps selon les enseignants.

HAHASO

2006 ; 2009

x

x

Compétences sociales pour contrer le harcèlement et le cyberharcèlement

Effet positif sur les comportements positifs (0.62). Taille de l’effet de l’intervention sur le groupe de traitement en termes de perception et de comportement : 0.00. Effet le plus important sur le GC quant à l’agression (0.88) avec une diminution parallèle, mais moindre au GT (0.37).

Missing

2003 ; 2009

x

x

Risques en ligne dont chat ; diffusion d’informations personnelles ;

Peu de changement significatif quant aux comportements à risque en ligne (effet de 0.18 pour la diffusion de sa photo en ligne et de -0.05 pour le genre), différence d’effet entre le groupe contrôle et le groupe de traitement sur la connaissance du risque de rencontrer un inconnu (GT : 0.37 ; GC : 0.23). Les réponses aux autres items n’affichent pas de différence selon le GT ou le GC.

Let’s Fight It Together

x

Amélioration des stratégies pour un usage constructif d’internet et baisse des risques sur Internet. Déclaration des jeunes en cas de problème

Légère augmentation des jeunes désirant se confier à un enseignant (57 % à 60 %) ou à la police scolaire (19 % à 20 %)

« Exposed »

2012

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Risques d’exploitation en ligne. Stratégies adoptées par les jeunes en cas de problème

Peu d’impact. Pas d’information en termes de cyberviolence/cyberharcèlement.

CyberMentors

2012

Satisfaction des mentors et satisfaction des bénéficiaires

97 % de satisfaction des mentors. Faible connaissance quant à l’impact des actions entreprises ; satisfaction des bénéficiaires (médiés). Pas d’impact statistiquement significatif.

Safer School partnership

2012

x

 % de satisfaction des établissements bénéficiaires

Taux de satisfaction des établissements scolaires important (86 %). Manque d’informations précises

MedienHelden

2012

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Avis des enseignants quant au programme ; cyberharcèlement ; empathie envers les victimes ; entraide et estime de soi

Enseignants : 72 % ont apprécié ; 86 % estiment que cela a changé les attitudes dans la classe.

Cyberharcèlement : -0,20 ; empathie : +0,10 ; entraide : 0,08 ; estime de soi : 0,14.

ConRed

2012

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Cyberviolence et addiction à Internet

Réduction de la cyberviolence (t =-2.726 ; p > 0.05*) ; Réduction de la cybervictimation pour le groupe expérimental (t =-2.726 ; p > 0.05*) et réduction de la cyberagression (t = 1.644 ; p > 0.05)

Réduction de l’addiction à Internet

(t =.458 ; p > 0.05).

Noncadiamointrappola !

2012

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Stratégies d’évitement des situations négatives ; compétences résolution des conflits ; victimation, réduction de la victimation et de la cybervictimation

Réduction de la cybervictimation pour le groupe expérimental (R2 = 0.19, F (5, 222) = 10.549, p < 0.001)

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Notes

1 L’expérimentation est «  une méthode scientifique exigeant l’emploi systématique de l’expérience afin de vérifier les hypothèses avancées et d’acquérir des connaissances positives dans les sciences expérimentales  » – Trésor de la Langue Française informatisé (TLFi).

2 Usage de l’étiquette dans le cyberespace.

3 Si dans un premier temps notre intention était de ne considérer que les études répondant à ces critères stricts, le peu d’études relevées (5) nous a amenée à élargir nos critères et à considérer les études qui n’incluaient pas forcément un groupe de contrôle.

4 Des bases de données de différentes institutions telles que le National School Climate Center (New-York) ou encore le SWaPv (Student Well being & Prevention of Violence – Flinders University, Australie), BeatBullying, Safer Internet, International Cyber Bullying Think Tank (université d’Arizona), Eu Kids online ont été consultées.

5 Combattons-le ensemble.

6 Exposé.

7 Partenariat pour des Ecoles plus Sûres

8 Combattre le harcèlement.

9 Mishna F, Cook C, Saini M, Wu M J and MacFadden R (2009), «  Interventions for Children, Youth, and Parents to Prevent and Reduce Cyber Abuse  », Campbell Collaboration.

10 Ces critères sont ceux de la Cochrane, soit un échantillon aléatoire ou semi-aléatoire (tiré au sort), un groupe de contrôle et un groupe de traitement (le groupe de contrôle ne bénéficie pas de l’intervention, mais est évalué de la même façon quant au phénomène étudié avant et après l’intervention afin de déterminer si c’est l’intervention ou des facteurs externes qui ont fait évoluer la situation dans le groupe de traitement).

11 I-Safe : Internet Safe c’est-à-dire Internet Sûr.

12 La stratégie HAHASO est l’acronyme pour «  Help, Assert, Humor, Avoid, Self-Talk, Own it  » : Aide, Affirme-toi, Aie de l’Humour, Evite, Parle de toi, Possède.

13 Disparu.

14 Con : avec ; Red : réseau, ce qui pourrait être éventuellement traduit par «  avec réseau  », mais aussi être la contraction de «  convivencia  » pour donner : le bien vivre ensemble en réseau, faisant référence aux réseaux sociaux.

15 Ce questionnaire est composé de 24 questions à échelle avec 5 options de fréquence allant de «  jamais  » à «  plusieurs fois par jour  » et 10 questions à échelle avec quatre options d’intensité «  pas du tout ; un peu ; assez ; beaucoup  ». Les alphas de Cronbach sont respectivement de 0.87 et 0.78.

16 Traduction de l’auteur.

17 Olweus Bullying Prevention Program (Programme Olweus de Prévention du Harcèlement).

18 GT : Groupe de Traitement ; GC : Groupe Contrôle.

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Pour citer cet article

Référence papier

Catherine Blaya, « Les programmes d’intervention contre la cyberviolence et le cyberharcèlement : quels moyens, quelle efficacité ? »Les dossiers des sciences de l’éducation, 33 | 2015, 131-153.

Référence électronique

Catherine Blaya, « Les programmes d’intervention contre la cyberviolence et le cyberharcèlement : quels moyens, quelle efficacité ? »Les dossiers des sciences de l’éducation [En ligne], 33 | 2015, mis en ligne le 01 mars 2015, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/dse/843 ; DOI : https://doi.org/10.4000/dse.843

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Auteur

Catherine Blaya

Professeure en Sciences de l’éducation – sociologie de l’éducation à l’université Nice Sophia Antipolis (UNS), membre de l’Unité de Recherche Migrations et Société (Urmis). Présidente de l’Observatoire international de la violence à l’école (www.ijvs.org)
Catherine.BLAYA@unice.fr

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Droits d’auteur

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