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Les discours tissent avec les gestes les trames de la mémoire

Joëlle Vellet

Résumés

Cet article s’intéresse à la façon dont se fabrique la danse dans le studio, participant à une ethnographie du travail artistique. Il pointe l’importance de la construction de la mémoire tout autant que le recours à la mémoire dans l’élaboration du geste dansé pour l’interprète, en situation de création ou de reprise de rôle. Il met tout particulièrement en évidence le nécessaire tissage des gestes et des discours in situ, dans ce lieu intime de rencontre entre interprète et chorégraphe. Espace et temps où la mémoire des corps, tout autant que celles des processus et des imaginaires, fait devenir l’interprète, mémoire devenant tour à tour ressource ou obstacle à l’invention du geste.

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Notes de l’auteur

Cet article est paru dans une forme plus succincte dans : FRANCO Susanne et NORDERA Marina (dir.), Ricordanze, memoria in movimento e coreografie della storia, Torino, éditions Utet, 2010.

Texte intégral

L’interprète et la mémoire

1La danse se transmet… joli mystère que celui de ces instants secrets qui se vivent dans les studios. Et pourtant si on pousse la porte, si on observe, si on écoute, si on questionne… on découvre, on comprend. L’interprète est présent dans ce lieu, et l’activité qu’il déploie fonde sa pratique même de danseur. C’est cette activité artistique qu’il m’intéresse de fouiller en tant que chercheuse, observer la danse en train de se fabriquer, mettant en lumière certains aspects si prégnants et parfois si peu nommés ou repérés du travail artistique.

  • 1 La situation où se transmet la danse ne se limite pas à l’enseignement ou la reprise de pièces comm (...)
  • 2 Rappelons que la poïétique est, telle que proposée par Paul Valéry, « l’étude spécifique du faire » (...)

Interroger comment s’élaborent les nuances qualitatives du geste dansé, les choix du matériel chorégraphique et artistique, m’a conduite à croiser la présence de la mémoire comme un élément déterminant de ce qui se vit dans l’expérience de l’interprète, une expérience de l’instant et du temps qui s’écoule. C’est donc à travers le prisme de la transmission1 que je propose une réflexion sur la problématique de la mémoire : étudier l’expérience vécue de la mémoire dans la fabrication de la danse par l’interprète. Un double regard est porté, un regard anthropologique et un regard esthétique, qui permet d’étudier les processus mis en jeu par les personnes (chorégraphe et interprète) dans la transmission de la danse et de poser la question de la spécificité de l’objet artistique danse. Ces recherches s’inscrivent dans une anthropologie poïétique2.

  • 3 CLOT Yves, « Clinique de l’activité et pouvoir d’agir », Éducation Permanent, n° 146, pp. 17-34, 20 (...)
  • 4 Car le réel de l’activité c’est aussi ce qui ne se fait pas, ce que l’on cherche à faire sans y par (...)
  • 5 KILANI Mondher, L’invention de l’autre, Essais sur le discours anthropologique, Lausanne, Payot, 19 (...)
  • 6 L’outil vidéo est mobilisé afin de provoquer les verbalisations du chorégraphe à propos de ses acte (...)
  • 7 Clot Yves et Faïta Daniel, « Genre et style en analyse du travail. Concepts et méthodes », Travaill (...)

2Les situations où se transmet la danse permettent de saisir quelques fragments de la multiplicité des actes réalisés, donnent à comprendre différentes facettes de l’activité du danseur. En cherchant à saisir dans le studio « l’activité réalisée » (dans la définition proposée par Yves Clot)3 c’est ce que font chorégraphes et danseurs dans la visibilité qu’ils en donnent que j’observe. Mais le « réel de l’activité » est autre, est plus, car l’activité réalisée n’est que « l’actualisation d’une des activités réalisables dans la situation où elle voit le jour »4 . Privilégiant la démarche ethnographique de terrain, je m’inscris de fait dans une approche anthropologique. Le studio de danse est alors ce lieu où s’opère l’apprentissage d’une culture et d’un mode de pensée, « le terrain » tel que le définit Mondher Kilani5. Cependant la démarche ethnographique et ses outils classiques ne peuvent suffire pour mieux comprendre et d’un autre point de vue le sens de l’activité des artistes. En effet ne sont présentes dans l’observation que les traces de l’activité et tenter de saisir ce qui est au fondement de l’activité ou le réel de l’activité est essentiel. Il est alors nécessaire de générer des explications que ni les textes, ni les discours hors contexte n’évoquent, d’où l’appel aux entretiens d’autoconfrontation6 simples et croisés tels que modélisés par Clot et Faïta7. Les différents modes d’investigation et de recueil de données me permettent ainsi de construire une approche où sont combinées plusieurs perspectives dont une construction de données à partir d’une extériorité de chercheur par rapport à l’objet d’étude (observations avec carnet de notes, enregistrements audio-visuels par caméra fixe et micro HF) et des entretiens, pour recueillir des données à partir d’une démarche dialogique, où je m’appuie sur ce que disent les artistes de leur propre activité. La recherche en danse ne peut se priver, pour répondre à ses questions propres, de jouer la carte de l’interdisciplinarité méthodologique. L’interprète est en prise avec une mémoire plurielle et multiforme.

3La mémoire se construit, on lui fait appel, elle permet, elle empêche… le corps en est témoin, le corps en est matière, mais le chorégraphe est là, un dispositif est mis en place, explicitement ou insidieusement. Les dimensions tant affectives que sensorielles, cognitives, imaginaires, etc. se côtoient, se mêlent pour faire advenir le geste, et le faire ré-apparaître.

  • 8 Rouquet Odile, « Le corps du souvenir », Repères - cahier de danse, n° 28, CDC Val de Marne, 2001, (...)
  • 9 Ribatz, Ribatz ou le grain du temps, film de Marie-Hélène Rebois, Chiloe Productions, 2002.
  • 10 VELLET Joëlle, Contribution à l’étude des discours en situation dans la transmission de la danse. D (...)
  • 11 SUCHMAN Lucy, Plans and situated actions: the problem of human/machine communication, Cambridge, Ca (...)
  • 12 REY Alain, Dictionnaire étymologique de la langue française Le Robert.

4S’il est si commun et aisé d’évoquer la mémoire corporelle du danseur, le « corps du souvenir » dont parle Odile Rouquet8 ou celui qui est mis si finement en images par Marie-Hélène Rebois9, lorsque les anciens interprètes de Dominique Bagouet reprennent la pièce Ribatz, Ribatz vingt cinq ans ans plus tard avec une vacance énorme de sources filmées ou iconographiques, force est de constater que dans le studio se dévoilent des instants et des dispositifs où le geste et la parole tissent ensemble le résultat attendu. Dans mes recherches10, je porte une attention particulière à ces discours en situation, c’est-à-dire des discours produits pendant le temps du travail dans le studio par le chorégraphe et les interprètes, en résonance aux gestes, quand le dialogue est présent. Ces pratiques discursives et gestuelles sont situées11, elles apparaissent en cours d’action et s’actualisent dans les interactions. Car les choses ne se disent que parce qu’il y a la présence de l’autre, producteur de gestes et de sens. Cet autre qui est un interprète, qui est un chorégraphe, ou un directeur de projet artistique, c’est-à-dire une personne chargée par son histoire, construite par ses apprentissages, influencée dans la perception par ses imaginaires. Les discours s’inscrivent donc en relation et en résonance avec ce qui est perçu. Le parcours vécu par l’interprète dans la transmission ne peut être pensé comme une seule traversée de techniques et de processus maîtrisés, c’est une véritable aventure singulière et personnelle qui est vécue, une expérience, une traversée d’épreuves (en référence à la définition initiale du mot « expérience »12) qui construisent et sollicitent les différentes strates de la mémoire de l’interprète.

  • 13 GINOT Isabelle et MICHEL Marcelle, La danse au XXème siècle, Paris, Bordas, 1995, p. 181.

5Précisons dès à présent que la danse dont il est question ici est une danse dite contemporaine où chorégraphes et interprètes travaillent le geste en tant que matériau. Ils ne produisent pas systématiquement des formes gestuelles inédites mais ils recherchent et travaillent le mouvement dans ses infinies nuances de textures, d’intentions, d’états. Ils parviennent ainsi à modifier subtilement le sens du geste. Par leur questionnement du corps en mouvement, certains ont pu apparaître comme « maintenant ce cap primordial de la modernité »13. Ils souhaitent construire et inscrire à partir de leur recherche artistique, des qualités de danse spécifiques nées de leur propre sensibilité et de la recherche singulière qu’ils mènent sur le mouvement. La danse est pensée en tant qu’acte sensible et poétique, acte physique, organique et sensoriel, où une recherche de transformation du sensible est présente. L’apprentissage technique lui-même ne peut être dissocié d’une recherche de transformation du sensible, il ne peut être simple mise en jeu et construction d’une mécanique. Il ne peut se satisfaire d’apparaître comme un lieu d’incorporation de formes, il est champ d’expérimentation. Ce sont certains chorégraphes reconnus dans les années 1980-90 en France, tels Odile Duboc, Dominique Bagouet, Daniel Larrieu mais aussi des chorégraphes tels Christian Bourigault ou Bernard Glandier, aujourd’hui ce sont aussi Franck Micheletti, Christine Jouve, Emmanuelle Vo-Dinh ou Alban Richard (pour n’en citer que quelques-uns) qui font partie de ces chorégraphes qui aiment à inscrire des matières singulières, que ce soit à partir du travail du geste lui-même ou du seul processus mis en jeu.

  • 14 Perret Catherine, « Pour un modèle non généalogique de la transmission », Rue Descartes, n °30 « Fi (...)
  • 15 LOUPPE Laurence, « Ecriture littéraire écriture chorégraphique au XXème siècle : une double révolut (...)

Et bien que l’art contemporain se doive d’inventer ses propres langages, sa transmission existe14. Même si Laurence Louppe a pu affirmer que le danseur contemporain est sans cesse face à l’intransmissible15, je pense que les savoirs de la danse contemporaine sont sans cesse en invention dans le processus même de la transmission.

  • 16 L’utilisation du terme "corporéité" à la place de celui de "corps" en référence à la proposition de (...)

6Est-il nécessaire de rappeler que la transmission est, de longue tradition en danse, caractérisée par l’oralité, gestes et mots. Le dialogue de corporéité16 à corporéité qui s’installe entre les artistes dans le studio associe contagion intercorporelle et altération des gestes partagés. Les discours, ceux qui accompagnent ou conditionnent la transmission, sont au rendez-vous de la rencontre entre l’interprète et le chorégraphe. Des échanges discursifs sont là pour aider l’autre à comprendre et à s’approprier une manière d’engager le mouvement, une technique spécifique, un contexte thématique, un état d’esprit, un état d’être… L’importance particulière que j’ai choisie d’accorder aux gestes et aux discours in situ dans le temps de la création de la danse (ou de la formation de l’interprète) a contribué à rendre saillante la dimension de la mémoire. Des gestes sont proposés, des discours sont donnés : autant d’éléments porteurs d’histoire ou d’imaginaire, porteurs d’une mémoire de corps, celle des générations précédentes, celle des passeurs dans le travail de transmission. Mais dans les adaptations nécessaires à la personne, au contexte, un tissage de gestes et de mots apparaît, unique et singulier car celui de l’instant. Le discours verbal entre dans la construction de la mémoire de la danse, participant à ce voyage incessant entre le faire, le sentir et le percevoir.

Une pensée empruntée à Valère Novarina fait résonner ces propos :

  • 17 NOVARINA Valère, Devant la parole, Paris, P.O.L, 1999, pp. 17-21.

« La parole ne double pas le monde de mots, mais jette quelque chose à terre. […] Les mots ne sont pas des objets manipulables, des cubes agençables à empiler, mais des trajets, des souffles, des croisements d’apparence, des directives, des champs d’absence, des cavernes et un théâtre de renversement : ils contredisent, ils chutent. La langue ne saisit rien, elle appelle – non pour faire venir mais pour jeter de l’éloignement et que vibre de la distance entre tout ; elle prend sans prendre, éloigne-rapproche ; elle maintient au loin et touche. […] Le langage ne s’offre pas comme de l’outillage en panoplie disponible devant nous mais apparaît soudain en face et à l’intérieur de nous comme notre matière même17. »

Des fonctions de la mémoire, un apparent paradoxe

7Dans le cadre de cet article, je souhaite pointer un apparent paradoxe dans l’activité du danseur, le paradoxe de l’instant présent de la danse. Il s’agit en effet d’inscrire une nouvelle mémoire à partir de la confrontation à une mémoire déjà à l’œuvre. Il s’agit de construire une mémoire et de rappeler la mémoire. Il s’agit de se défaire des traces inscrites dans la mémoire mais aussi sans cesse de leur faire appel… La mémoire est-elle porteuse de transformations possibles, générant une activité perceptive éveillée, ouverte au possible ou devient-elle porteuse de stéréotypie et d’impossible ?

Pour développer ces différents temps de l’activité de l’interprète et interroger ce qui se vit, je m’appuierai sur des situations observées ou relatées lors de mes différents terrains de recherche, en situation de création d’une compagnie, ou de reprise de rôle ou d’atelier de pratique avec des artistes dans des situations de formation.

  • 18 VELLET Joëlle, op. cit.
  • 19 Observations et analyses du travail de création de Compagnie en danse contemporaine (Odile Duboc, S (...)

Dans ce tissage de gestes et de discours, étudier la mémoire permet d’identifier ce que je propose de nommer des « fonctions » de la mémoire18 : une fonction de mise en mémoire et une fonction de mobilisation de la mémoire. A partir des observations et analyses réalisées auprès de différents chorégraphes et en différents contextes19, je peux dire que, dans l’activité de l’interprète, les discours en situation contribuent à mettre en mémoire tout autant qu’à créer les conditions du rappel des éléments mis en mémoire. Ils sont tout à la fois outils pour organiser les savoirs en mémoire (notion de référent partagé) et outils du rappel et de la mobilisation de ces savoirs.

Une fonction de mise en mémoire : l’expérience vécue dans l’apprentissage ou la création conduit le danseur à créer une mémoire propre et singulière. ll y a notamment construction d’une mémoire corporelle qui aide à reproduire le mouvement, une mémoire des circulations, des manières d’initier le mouvement. Il s’agit d’une mémoire du façonnage d’un corps, ou d’une mémoire d’un processus de pensée…. Cette fonction de mise en mémoire joue par l’acte corporel et tous ses enjeux multi sensoriels, mais aussi grâce à la présence des discours en situation.

  • 20 VELLET Joëlle, op. cit. pp. 185-190.
  • 21 Ibid., pp. 117-119.

8Ainsi dans le cadre d’un apprentissage de pas et de figures, le geste est nommé, c’est-à-dire qu’on apprend les chemins et les spécificités techniques tout en mémorisant un mot référent. Les figures apprises le sont effectivement en même temps que la désignation par un terme précis. Et il suffit de renommer pour que la figure apprise surgisse à nouveau, tel est le cas du déboulé, de l’arabesque, du pas de bourrée par exemple. Le lexique, qu’il soit verbal ou gestuel, est mémorisé dans l’apprentissage. Il s’agit essentiellement de pratiques de danse où une codification existe, où une esthétique est répandue et partagée par une école ou une famille artistique. Même en danse contemporaine, où les langages s’inventent de façon multiple, il arrive fréquemment que l’on use aussi de ce vocabulaire et de ce lexique, simplifiant certains temps d’apprentissages. Mais on observe alors, qu’en même temps que les gestes sont réalisés et les termes du lexique convoqués, apparaissent des compléments d’informations ou d’injonctions pour guider la fabrication du geste. Une des caractéristiques des écritures chorégraphiques contemporaines est l’invention d’un langage propre, sensible et corporel, voire lexical20. Le chorégraphe doit alors parler pour dire que le mot a un autre sens que celui habituellement partagé, la fonction des discours en situation s’identifie comme la spécification d’un métalangage21.

Le fait de nommer, un pas par exemple, implique un mode de coordination chez le danseur (non conscient d’ailleurs) qui induit une forme spécifique du geste. C’est l’exemple du déboulé proposé dans un fragment chorégraphique par Odile Duboc, extraits de corpus recueillis lors des observations de la Compagnie Contre Jour, et qu’elle ne voudrait pas nommer ainsi car il engage alors une manière de faire qui ne lui convient pas. Donc nous pouvons l’entendre dire : « Déboulé mais il faut que je vous explique ».

  • 22 Entretien où la chorégraphe commente ce qu’elle fait à partir de la confrontation à l’image de sa p (...)
  • 23 VELLET Joëlle, « La transmission matricielle de la danse contemporaine », Revue Staps, n° 72, 2006, (...)

Le commentaire qu’elle en fait dans l’entretien d’auto confrontation22 est bref : « Les tours dont je ne veux pas que ce soit dit que ce sont des déboulés même si ce sont des déboulés c’est quelque chose qui me propulse d’un point à un autre et puis qui va être très vite freiné par cette arabesque par exemple ». Mais ce commentaire peut être mis en relation avec un autre propos sur le désir d’aller et la propulsion (qu’elle évoque à un autre moment de l’entretien d’auto confrontation) qui rend plus éclairante et cohérente sa parole. Elle insiste effectivement sur le fait que la projection du corps dans l’espace doit naître « du désir de faire et d’aller » et non « du devoir de réaliser » un élément chorégraphique. Le fait de le nommer induit des formes de réponse en relation avec l’apprentissage initial ou les habitudes corporelles, spatiales et temporelles prises. La forme du geste n’est pas en question, c’est la perception en jeu dans sa réalisation qui est en prise avec une possibilité de réalisation conforme à la demande23.

  • 24 Les slashes permettent d’identifier les arrêts ou suspensions plus ou moins longs dans le flux de l (...)

9Les « repères mémoire », présents soit dans le cours quotidien, soit dans le travail des fragments chorégraphiques contribuent aussi à la mise en mémoire. Les discours fonctionnent effectivement comme une sorte de repère, de qualité, temps, rythme, musicalité. Dans l’énonciation, les mots deviennent éléments de partage ou de lien entre les danseurs pour faire ensemble. Pour ces repères mémoire, voici un autre exemple de corpus recueilli auprès de la Compagnie Contre Jour-Odile Duboc : « un deux et et trois et / plie et un et deux trois et quatre et rester / les bras lourds et / ta di da di / et un et deux repousse / même chose /// ici détourné et arrivé face / et un deux trois quatre et un et pam pam pam parallèle à la fin »24. Inscrire la mémoire de ce qu’il faut faire : nommer les différents mouvements dans leur succession, indication de temps, livré et adressé à tous, par les mêmes mots, dans un même temps, et les répéter au cours du travail.

10Une mémoire se construit dans l’expérience du corps en mouvement. Les gestes sont appris en donnant des chemins spécifiques, des façons de chercher, trouver et garder la manière d’initier le mouvement, de le laisser circuler. Ce sont aussi des dynamiques singulières qui sont réitérées dans un apprentissage de technique spécifique, ou lors d’un compagnonnage auprès d’un artiste. Elles deviennent par la mémoire corporelle inscrite, sorte d’intelligence du mouvement, la façon de répondre à une sollicitation dansée.

  • 25 Bourdieu Pierre, Le Sens pratique, Paris, Minuit, 1980.
  • 26 Lahire Bernard, L’Homme pluriel : Les ressorts de l’action, Paris, Nathan, 1998.
  • 27 Faure Sylvia, Apprendre par corps, Paris, la Dispute, 2000, p. 91.

La proximité avec un chorégraphe questionne le façonnage des corps. Inventer le corps est aussi le travail du chorégraphe. Le passage auprès d’un chorégraphe, le compagnonnage vécu à ses cotés ne laisse pas indemne le corps dansant comme la pensée en mouvement du danseur. La manière de bouger, avec les principes d’actions, les chemins préférentiels, etc. prennent racine dans les expériences passées où ils se sont constitués. Mémoire de corps, savoirs faire, habitudes… Comment apprend-on par le corps ? Les recherches des sociologues et des socio-anthropologues sont essentielles dans cette réflexion, qu’il s’agisse de l’habitus bourdieusien25 ou de la notion d’incorporation telle que développée par Bernard Lahire26 puis Sylvia Faure qui la définit comme « la saisie corporelle des gestes et des comportements moteurs et mentaux expérimentés et appris dans un type de relation avec d’autres individus, dans un cadre formel (cours de danse) ou informel (famille) »27.

11C’est bien la façon dont les choses se vivent qui conditionne la façon dont elles vont s’inscrire. Le corps dans ses possibilités de mouvement est marqué par les options techniques et esthétiques, parfois à l’insu de l’interprète. L’empreinte est corporelle bien entendu, mais pas uniquement. Une attitude, un état d’esprit face au mouvement dansé peuvent s’inscrire, comme en attestent les propos du danseur chorégraphe Christian Bourigault. Il évoque la reprise de F. et Stein, solo créé et interprété par Bagouet lui-même en 1983, et qu’il n’avait lui-même jamais interprété, comme aucun des danseurs de la compagnie. Il reprit ce solo en 2000, F et Stein Réinterprétation :

  • 28 Notes d’intention sur la re-interprétation de F. et Stein de Bagouet et la transmission de l’autopo (...)

« Je peux dire qu’il y a eu une transmission de corps à corps indirecte non pas de la forme de F.et Stein, mais d’un état de corps bagouetien et d’un certain état d’esprit d’interprète, qui m’ont permis de pouvoir rentrer dans l’œuvre F. et Stein. [...] Toutes les traces inscrites dans mon corps d’interprète, déposées quinze ans auparavant lors de ma traversée du territoire bagouetien, sont ressorties tout doucement pour se réactualiser dans cette nouvelle forme de l’écriture de Bagouet que représentait F. et Stein28. »

La construction du danseur interprète s’est faite en lui donnant les moyens d’un parcours et d’une recherche singulière, au sein d’une compagnie où la marque stylistique du geste était forte pourtant. Mais les gestes inscrits et oubliés peut-être, jamais détruits semble-t-il, sont comme en attente de ressurgir.

12La danse « en travail » doit aussi être pensée comme mobilisation d’une mémoire, plus ou moins enfouie, plus ou moins consciente, deuxième fonction de la mémoire dans ce tissage gestes-discours. Que sont ces fragments, ces traces qui constituent une mémoire, et auxquels il est fait appel dans la situation de transmission ?

  • 29 Recherche réalisée lors de la création de Projet de la matière sur des structures, sorte d’objets m (...)

La mémoire va être sollicitée lorsqu’il faut donner les moyens au danseur de “retrouver” des qualités déjà expérimentées, se souvenir, redonner du sens. Repartir aux origines des sensations, retrouver les processus qui ont généré l’état, qui ont nourri l’apparition ou l’interprétation première, dans le travail quotidien de la danse. L’exemple suivant est extrait d’une séquence de recherche en improvisation sur l’élément air29, toujours avec la compagnie d’Odile Duboc : « donc pour tous ceux qui ont fait le travail sur le coussin d’air // l’important c’est la résistance qu’opère la matière plastique gonflée d’air par rapport au mouvement du corps […]c’est aussi de comprendre comment arriver à être dans / je dirai dans quelque chose d’aérien / il y a toujours une nécessité de trouver des sources dans l’autre / dans la terre / et c’est très fugitif très bref […] pensez à cette conception d’un corps qui serait dans l’air / il y reste un temps relativement long mais il a besoin ponctuellement de rechercher des choses très profondes / qui sont de l’ordre des transferts de poids / des appuis plus ou moins importants / et où le corps est dans l’expiration ».

  • 30 Pour plus d’informations et d’exemples sur ce travail spécifique voir le film de Laszlo Horvath Odi (...)

Ces commentaires ou consignes tentent de rappeler aux danseurs la recherche réalisée à partir des contraintes matérielles30. Le discours réveille les sensations ou les intentions qui étaient à l’origine du geste, il rappelle une mémoire qu’on peut penser encore présente, ou déjà enfouie.

13La mémoire est encore à l’œuvre dans le cas d’une reprise de rôle conduite par un des interprètes à l’origine de la pièce ou par le chorégraphe lui-même. Recourir aux discours qui ont initié et nourri la première interprétation lors de la création du mouvement devient indispensable pour celui qui transmet. Conduire à partir des discours devient nécessaire pour retrouver l’origine du geste, permettre de retrouver les perceptions qui ont généré la production des qualités spécifiques du mouvement.

  • 31 Université d’été des Carnets Bagouet, Meublé sommairement, août 1999, Lyon. Notes d’observation.

Dans l’exemple suivant, Sylvie Giron, l’interprète à l’origine du rôle, le transmet à une autre danseuse31. Elle retrouve des mots et des images qui ont initié et nourri la mise en jeu de sa propre interprétation pendant la création, ceux que Dominique Bagouet lui-même lui avait proposés pour susciter l’interprétation attendue. Elle ressent la nécessité de ce retour, de ce passage. Soudain les jeunes danseurs, en stage pour acquérir le répertoire bagouetien, trouvent une nouvelle coloration du geste ou de la séquence gestuelle ; la nature de leur présence s’en trouve transformée.

14Il ne s’agit pas seulement de se remémorer une forme résultante, mais de relancer la genèse du mouvement, ou un imaginaire porteur d’interprétation spécifique. La mémoire est sollicitée, différentes strates de mémoires possibles, différents objets de la mémoire et différents processus pour la réveiller. Les discours en situation peuvent donc ouvrir sur un champ de connaissances ou de mémoire. Le recours à un autre mot peut soudain solliciter l’imaginaire et permettre à l’interprète de trouver l’acte juste, la technique et l’interprétation justes. La danseuse Marilen Iglésias-Breuker, commentant la reprise d’une pièce d’Hanya Holm raconte ce que l’apparition du mot monumental a soudain permis :

  • 32 Iglesias Breuker Marilen, « Etats de corps-états d’esprit », Nouvelles de Danse, n° 28, Bruxelles, (...)

« Ce mot devait m’indiquer le chemin pour retrouver l’état d’esprit de Hanya Holm. […]. Ma vision, mon imaginaire avaient ouvert les portes à un état de corps qui rendait possible l’acte juste et avec cette justesse mon corps avait trouvé les traces d’une technique délaissée32. »

La parole est réellement médiatrice d’un accès au corps, par la constellation de fragments de mémoire qu’elle permet de solliciter.

Une mémoire « ressource »

  • 33 Intervention de Dominique Dupuy à l’atelier de la danse n° 2 « Mémoires » organisé par le RITM et l (...)
  • 34 LOUPPE Laurence, « Quand les danseurs écrivent », Nouvelles de Danse n° 23, printemps 1995, pp. 14- (...)

15Ces exemples montrent à quel point la mémoire peut-être pensée comme une ressource pour l’élaboration ou l’appropriation de la danse. D’une part, elle est possibilité de mise en réserve, de pérennisation d’expérience, elle permet au danseur d’engranger des savoir-faire et des savoirs utiles aux nouveaux apprentissages, et sur lesquels il va s’appuyer pour réaliser. D’autre part, elle permet de convoquer à nouveau, le corps comme la pensée, l’imaginaire comme la sensation. Le travail de la danse mobilise cette mémoire, plus ou moins enfouie, plus ou moins consciente. Pour une part celle-ci est en relation avec une histoire collective qui traverse les corps dansants d’aujourd’hui. Nombreux sont encore les interprètes qui n’ont pas connaissance de ce qui a construit les corps et les gestes d’aujourd’hui, cette « mémoire absente des studios » dont parle Dominique Dupuy33, cette « ignorance des pensées et des partis pris corporels qui ont amené les mouvements ou les états de corps » évoquée par Laurence Louppe34. Malgré l’absence de connaissance sur les filiations, les héritages ou les déplacements de côté, qui conduisent l’interprète à bouger comme il le fait, des strates de mémoire provenant d’un passé partagé participent à la construction d’un corps en mouvement à chaque période.

Ce n’est donc pas seulement la mémoire du corps qui est en jeu. L’expérience des processus de travail artistique permettent de faire appel à une mémoire intellectuelle, affective, cognitive… où la compréhension des processus devient immédiate et opérationnelle.

  • 35 Voir notamment à ce sujet les témoignages d’interprètes recueillis par Hubert Godard et Isabelle La (...)

Cet aspect de ressource est donc identifiable autant en ce qui concerne les modalités de la transmission (les façons de faire) que les objets de la transmission. Quels savoirs et savoirs faire sont construits, quelle possibilité offrent-ils pour s’approprier, pour inventer ?35

Inscrire une mémoire du corps porteuse de transformations possibles, permettre une activité perceptive éveillée et génératrice d’ouverture et de transformation peuvent être un enjeu dans le travail d’un artiste.

Une mémoire « obstacle »

16Parce que le danseur est confronté à une mémoire déjà inscrite, ce que j’évoquais précédemment comme un des éléments « ressource » devient dans un contexte différent un obstacle.

  • 36 Le vif du sujet, film réalisé par Luc Riolon. Production les films Pénélope, Mezzo, CNC, SACD, DMDT (...)

Ainsi dans le processus de création proposé par le chorégraphe hip hop Farid Berki à Kader Belarbi, danseur étoile de l’opéra de Paris, ce dernier est totalement perdu et en résistance même, face au processus d’improvisation guidée qui lui est proposé36. Pourtant c’est un magnifique danseur porteur d’une grande technicité mais aussi d’habitudes fortement ancrées depuis son plus jeune âge. Mais la perturbation est grande de devoir oublier ses méthodes d’apprentissage habituelles, ses façons de produire le mouvement. L’inconnu est présent, déstabilisant, car la mémoire des façons de générer le mouvement, de l’appeler, de le nommer, est tant ancrée qu’elle ne peut être oubliée, et elle empêche un accès facile à ce qui est nouveau et différent, tant au niveau du corps que de la pensée de la danse. Kader Belarbi s’adresse au chorégraphe « Tu me demandes déjà d’improviser mais je n’ai pas encore fait mes gammes », mais des gammes... il n’y en a pas.

17La mémoire est aussi obstacle lorsque l’utilisation d’un terme connu (remémoré, reconnu) empêche une compréhension différente, lorsque la mémoire appelle et donne un sens à ce qui est entendu, alors que c’est un autre sens qui est attendu.

  • 37 Autres Pas, « l’atelier du possible », Le mas de la Danse, Fontvieille, juillet 2000.

L’exemple du terme « espace périphérique » est intéressant, ce terme est perçu différemment selon l’artiste qui l’utilise. Ainsi Brigitte Asselineau et Patricia Kuypers, lors d’un séminaire Autres Pas intitulé « l’atelier du possible »37, menaient chacune un atelier. Et malgré cette unité de temps et de lieu, un même public de danseurs, elles faisaient appel à un même mot mais ne donnaient pas le même sens à ce mot. Elles se référaient chacune à des techniques différentes, à un vécu issu de la technique Nikolaïs pour Brigitte Asselineau et à la Danse Contact Improvisation pour Patricia Kuypers. Ce ne sont pas exactement les mêmes pistes de travail qui sont alors ouvertes dans l’expérience du mouvement proposée aux danseurs. Dans la référence à la technique Nikolaïs, l’espace périphérique est celui de la proximité du corps (l’œuf), il va être sculpté, architecturé, exploré dans la matière du geste. Des points à la surface du corps sont localisés en tant que moteurs du mouvement, ils induisent le tracé, le dessin. En Danse Contact Improvisation, l’espace périphérique s’oppose à l’espace directionnel, focalisé. C’est le champ visuel qui est sollicité, les regards sont alors très différents. Ils induisent des états de conscience et des façons de se mouvoir différenciés.

Les mots prennent donc sens dans certains contextes de travail et l’histoire des mots et leur appropriation par tel chorégraphe ou telle communauté donne une valeur fonctionnelle à ce mot. L’utilisation des mots et des expressions peut créer une réelle efficacité par la mise en situation de recherche nouvelle et contraignante. Mais si le sens proposé ne correspond pas à celui intégré par la mémoire du danseur à qui est faite la proposition verbale (de par ses expériences antérieures, les conventions ou les usages dont il a connaissance) un flottement, voire une incompréhension peuvent apparaître.

  • 38 L’acte du sentir, et les interférences croisées dont il procède, étaient l’idée première d’Erwin St (...)
  • 39 Korzybski Alfred, Le rôle du langage dans les processus perceptuels [1951], New-York, The internati (...)

18Les discours sont un moteur essentiel de la transformation du corps percevant et produisant. Dans l’émergence du geste dansé, l’interprète, par le regard qu’il porte sur la proposition du chorégraphe, comme le chorégraphe par le regard qu’il a sur les qualités de geste du danseur, laissent agir les sensations multiples qui coexistent et se tissent, renvoyant au triple chiasme fonctionnel38 proposé par Maurice Merleau-Ponty, repris et adapté par Michel Bernard. Mais l’énonciation du geste dépend aussi de la façon dont le langage a travaillé la perception comme l’a montré Korzybski39. Les discours sont très importants dans les processus poly-sensoriels car la parole vient bouleverser l’agencement des chiasmes sensoriels.

  • 40 Intervention au séminaire du Mas de la Danse : Autres Pas « Nouveaux espaces d’action », Fontvielle (...)

Dans l’activité perceptive, les discours tiennent un rôle qu’on pourrait qualifier de différenciateur. Lorsqu’un geste doit être produit, il s’agit avant tout de se mettre en mouvement. Mais Hubert Godard40 rappelle, qu’avant de bouger, nous sommes obligés de projeter une géographie corporelle. Cette dernière est à la fois culturelle et sociale (telle que le corps est raconté dans un contexte professionnel, historique, social particulier) mais elle est aussi intime. Quand nous faisons cette projection, nous nous appuyons sur des catégories portées par les mots. Suivant si ces catégories valorisent une circulation du mouvement ou si elles nomment anatomiquement les parties du corps, un geste différent est produit. Le langage, dans la catégorisation qu’il inscrit par les mots employés, qu’il soit dans un registre anatomique, imagé ou autre, façonne notre perception et donc notre motricité. La culture ou le cadre professionnel auxquels nous appartenons conditionnent notre manière particulière d’être dans le monde, et la langue qui caractérise ces appartenances culturelles oriente notre mode sensoriel, fréquemment à notre insu d’ailleurs. Le geste s’en trouve comme filtré par les dépôts des discours mémorisés sur le corps propre.

19Afin de préciser cette idée, empruntons à Godard un exemple qu’il cite volontiers, celui du « bassin ». Le bassin est constitué de trois os. Si on nomme le bassin, on est dans une vision anatomique, et la catégorisation bassin va limiter le mouvement entre ces trois os. Si au contraire, on ne nomme pas le bassin en tant qu’entité anatomique mais qu’on évoque l’ilium et le sacrum, cette zone corporelle n’est plus perçue comme un bloc mais comme un lieu de passage, lieu de rencontre où interfèrent deux influences : celle du haut (la colonne vertébrale se continuant au niveau du sacrum) et celle du bas (l’iliaque donnant une relation à la jambe…). Dans cette deuxième perspective, la sacro iliaque s’articule et elle est perçue dans une mobilité possible. Les différences sémantiques vont donc engendrer des perceptions différentes qui contribueront à provoquer des gestes différents. De même celui qui n’aura pas cette perception du « bassin » en tant que lieu de mobilité et de passage ne saura lire dans le mouvement observé de l’autre ce qui se met en mouvement. Dans les enjeux du dialogue lors des situations de transmission étudiées, ce double point de vue est très important. Les blocages symboliques liés à l’élaboration d’un nouveau geste participent aussi du cognitif (imaginaire et sensation), d’où l’importance de la relation et du dialogue. Ce sont tout à la fois les façons de nommer la danse qui importent et les possibilités d’entendement, d’écoute, de regard de l’interprète qui tente de saisir le geste dansé.

La mémoire de l’interprète... tout à la fois racine et glissement, continuité et déplacement

20Lorsqu’on veut ouvrir sur une possibilité différente et nouvelle dans la réalisation et la qualité du geste, on doit ouvrir à d’autres perceptions et ainsi à des effectuations différentes. La parole travaille la perception. Cette perception est nouée par des catégories qui s’appuient sur le langage et donc sur les discours qui le mettent en acte. Les mots et les discours en situation qui accompagnent les gestes vont solliciter l’imaginaire et permettre à l’interprète de déjouer la mémoire inscrite pour construire une autre expérience du mouvement et de fait inscrire une nouvelle mémoire.

  • 41 LURIA AlexanderThe mind of a mnemomist [1968], Cambridge, Harward University Press, nouvelle éditio (...)
  • 42 REE Edward.S., « An Outline of a Theory of Action System », Journal of Motor Behavior, vol. 14, n°  (...)

21Les recherches en sciences de la vie prouvent que lorsqu’il y a impossibilité de réalisation d’un geste, il s’agit rarement d’une défaillance mécanique mais une défaillance de perception est présente41. Nous ne pourrions donc pas changer un geste si nous ne changions pas les perceptions qui l’ont précédé ou accompagné. Pour atteindre cette transformation des perceptions, il faut passer par l’imaginaire42, d’où l’importance des discours dans leur capacité de sollicitation de l’imaginaire. D’où cette nécessité d’aller fouiller dans le langage pour trouver un autre geste, une autre qualité du mouvement. L’élaboration, comme l’apprentissage d’un nouveau geste, provoque un changement d’habitude gestuelle. L’apparition ou la transformation du geste nécessite une re-catégorisation de soi et du contexte, opération qui s’appuie en partie sur une dimension de mémoire inscrite et sur une activité de mémoire à inscrire.

  • 43 VELLET Joëlle, « La transmission matricielle de la danse contemporaine », art.cit., pp. 79-91.
  • 44 VELLET Joëlle, Contribution à l’étude des discours dans la transmission de la danse, discours et ge (...)

22Les discours façonnent le geste et ses qualités singulières comme son esthétique propre. Il faut donc remettre en question les mots habituellement utilisés pour atteindre un autre corps en mouvement par une autre perception génératrice de qualité. Le geste est fabriqué par un choix sensoriel, il faut donc ouvrir d’autres voies sensorielles et c’est ce à quoi s’emploie Odile Duboc lorsqu’elle précise où se situent l’origine et la circulation du mouvement, une transmission matricielle43. C’est encore ce qu’elle tente d’atteindre lorsqu’elle engage l’interprète dans des improvisations guidées par la recherche de sensations. L’effectuation est nourrie par la découverte et l’activation de nouvelles voies sensorielles. Le mot est propulseur d’imaginaire, c’est pourquoi les discours métaphoriques et imagés trouvent une certaine efficacité, et parfois sont les seuls passages possibles de cette forme de compréhension et de mise en action. La danse est perceptible mais difficilement nommable44. Le partage de la perception est possible et il tente d’être atteint, c’est une voie de passage, mais le partage de la formulation demeure difficile. Et c’est pourquoi la mémoire de ces instants de transformation est essentielle à retrouver.

23Le temps de la danse dépasse celui de l’activité créatrice : par l’expérience des corps qu’elle suscite et qu’elle nécessite, la danse génère une façon d’être au monde qui peut alors atteindre chaque instant de vie quotidienne. C’est affirmer combien la pratique de la danse inscrit des traces durables, c’est affirmer qu’une mémoire collective se construit. Par l’acquisition et la construction d’une certaine capacité de perception du corps en mouvement, de l’espace comme du temps, elle donne à l’être une façon d’exister, de se situer, de se mouvoir, d’être en relation avec l’environnement matériel et humain. Susan Leigh Foster ne dit-elle pas à propos d’une rencontre avec les Nambikwara, vécue et relatée par Levi-Strauss dans Tristes Tropiques :

  • 45 FOSTER Susan Leigh, « Danse de l’écriture, courses dansantes et anthropologie de la kinesthésie », (...)

« Si seulement ceux qui, tels Lévi-Strauss et Geertz, étudient la production du lien social, étaient plus au courant de la façon dont les corps contribuent à l’élaboration du sens ! Comment un cours de danse pourrait-il leur donner une conscience plus vive de la corporéité ? La réponse dépend du type de cours qu’ils suivraient.45 »

La mémoire mobilisée est donc aussi celle des gestes inscrits par le quotidien, l’habitude, les expériences traversées, les apprentissages vécus par chaque personne, une histoire singulière, celle d’une relation à la profondeur de la construction du corps en mouvement comme à celle de la personne, perceptible dans les dimensions sensorielle, motrice, sensible, affective.

24Il est captivant de voir combien toute pratique de danse construit des façons de faire et d’être (corporelle, sensible…) ainsi qu’un lexique verbal ou un univers sémantique qui s’inscrivent dans une mémoire de l’instant comme de la répétition. Cette mémoire engrangée, dans des strates plus ou moins enfouies, peut à tout moment ressurgir dans le travail artistique, par le désir comme le besoin mais aussi à l’insu de l’interprète. Elle ouvre alors sur un champ de possibles et de transformations, comme elle peut devenir obstacle à tout mouvement. L’activité professionnelle du danseur la met sans cesse à l’épreuve dans l’expérience de la danse.

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Bibliographie

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Notes

1 La situation où se transmet la danse ne se limite pas à l’enseignement ou la reprise de pièces comme certains semblent parfois le croire, elle intègre le processus de création, c’est-à-dire le travail artistique au sein d’une compagnie. Elle intègre aussi la dimension du spectacle, cet instant singulier de la relation entre interprète et public, mais il ne sera pas évoqué dans cet article.

2 Rappelons que la poïétique est, telle que proposée par Paul Valéry, « l’étude spécifique du faire » puis redéfinie par René Passeron « l’ensemble des conduites opératoires en tout domaine où peut s’observer l’élaboration, la production, la création des oeuvres ». Voir plus précisément : PASSERON René, La naissance d’Icare, éléments de poïétique générale, ae2cg Ed. et PU Valenciennes, 1996, pp. 84 et 181.

3 CLOT Yves, « Clinique de l’activité et pouvoir d’agir », Éducation Permanent, n° 146, pp. 17-34, 2001.

4 Car le réel de l’activité c’est aussi ce qui ne se fait pas, ce que l’on cherche à faire sans y parvenir, ce que l’on aurait voulu ou pu faire, ce que l’on pense pouvoir faire ailleurs. C’est encore ce que l’on fait pour ne pas faire ce qui est à faire, ce qui est à refaire, ce qui est fait sans vouloir le faire, etc. Une conceptualisation nouvelle de l’activité est en jeu « le réalisé n’a plus le monopole du réel ». CLOT Yves, op.cit., p. 18.

5 KILANI Mondher, L’invention de l’autre, Essais sur le discours anthropologique, Lausanne, Payot, 1994. « L’anthropologue “possède” en tout premier lieu un terrain qu’il s’est choisi pour des raisons aussi bien scientifiques que personnelles, où il va séjourner un certain nombre de mois ou d’années. Sur le terrain, il fait l’apprentissage d’une culture, d’un mode de pensée, il interagit avec des femmes et des hommes, fait des découvertes, expérimente des erreurs, recueille des données, élabore des premières synthèses, formule des hypothèses. Au terme de son travail sur le terrain, il revient chez lui avec divers “objets” prêts à être pensés et traités au moyen de concepts, de mots techniques et de modèles théoriques. […] Au temps du terrain succède le temps de l’écriture. […] Il faut d’emblée récuser l’idée qu’il y aurait une réalité — un terrain — qui existerait indépendamment et qui précéderait le travail de l’anthropologue. Le terrain n’est pas une entité « déjà là» qui attend la découverte et l’exploration du solitaire et intrépide chercheur. […] Le terrain s’organise d’abord et essentiellement comme un travail symbolique de construction de sens dans le cadre d’une interaction discursive, d’une négociation des points de vue entre l’anthropologue et ses informateurs. » in KILANI Mondher, « Du terrain au texte », Communications, n° 58, 1994. pp. 45-60.

6 L’outil vidéo est mobilisé afin de provoquer les verbalisations du chorégraphe à propos de ses actes, dans le rapport dialogique avec le chercheur. Le chorégraphe est en effet confronté à l’image de sa propre activité, mis en activité de remémoration, il commente... (Principe de la rétroaction vidéo en tant que méthodologie qui renvoie toutefois à des pratiques qui affichent modalités et objectifs différents.)

7 Clot Yves et Faïta Daniel, « Genre et style en analyse du travail. Concepts et méthodes », Travailler n° 4, 2000, pp. 7-42,

8 Rouquet Odile, « Le corps du souvenir », Repères - cahier de danse, n° 28, CDC Val de Marne, 2001, pp. 26-27.

9 Ribatz, Ribatz ou le grain du temps, film de Marie-Hélène Rebois, Chiloe Productions, 2002.

10 VELLET Joëlle, Contribution à l’étude des discours en situation dans la transmission de la danse. Discours et gestes dansés dans le travail d’Odile Duboc. Thèse de doctorat de l’université de Paris 8 en Esthétique, Sciences et technologies des arts, novembre 2003.

11 SUCHMAN Lucy, Plans and situated actions: the problem of human/machine communication, Cambridge, Cambridge University Press, 1987.

12 REY Alain, Dictionnaire étymologique de la langue française Le Robert.

13 GINOT Isabelle et MICHEL Marcelle, La danse au XXème siècle, Paris, Bordas, 1995, p. 181.

14 Perret Catherine, « Pour un modèle non généalogique de la transmission », Rue Descartes, n °30 « Fils », Paris, PUF, 2001, pp. 57-72.

15 LOUPPE Laurence, « Ecriture littéraire écriture chorégraphique au XXème siècle : une double révolution », Littérature, n° 112, 1998, pp. 88-99.

16 L’utilisation du terme "corporéité" à la place de celui de "corps" en référence à la proposition de Michel Bernard. En effet dans l’article « Les fantasmagories de la réalité spectaculaire », il reprend des éléments énoncés dès 1976 dans son ouvrage Le Corps et affirme : « Le corps tel qu’il a été conceptualisé en occident n’est pas une essence universelle, permanente une et autonome. En dépit de l’apparente identité de sa structure anatomique et de son fonctionnement physiologique, le corps est un réseau sensori-moteur instable d’intensité, soumis aux fluctuations d’une double histoire symbolique : celle de la société ou de la culture à laquelle il appartient et celle de la singularité évènementielle et contingente de sa propre existence.[…] Aussi pour permettre une meilleure intelligibilité du processus de création artistique et éviter malentendus, illusions, confusions engendrés par l’emploi courant du concept de corps, j’ai proposé celui de "corporéité", en le délestant de l’acception réflexive, idéaliste et psychologique que lui a prêtée la phénoménologie. » De la création chorégraphique, Pantin, Centre national de la danse, 2001, p. 86). « Ce n’est plus la réalité anatomique du corps identifié dans la pratique de la vie quotidienne mais une constellation d’apparences mobiles et multi-sensorielles. » Ibid. p. 87.

17 NOVARINA Valère, Devant la parole, Paris, P.O.L, 1999, pp. 17-21.

18 VELLET Joëlle, op. cit.

19 Observations et analyses du travail de création de Compagnie en danse contemporaine (Odile Duboc, Stéphanie Aubin, Bernard Glandier), de divers stages ou ateliers (Mas de la danse à Fontvieille, Contredanse à Bruxelles, Carnets Bagouet à Lyon) pour ceux cités ici.

20 VELLET Joëlle, op. cit. pp. 185-190.

21 Ibid., pp. 117-119.

22 Entretien où la chorégraphe commente ce qu’elle fait à partir de la confrontation à l’image de sa propre activité (filmée en cours d’action) et dans le rapport dialogique avec le chercheur.

23 VELLET Joëlle, « La transmission matricielle de la danse contemporaine », Revue Staps, n° 72, 2006, pp. 79-91.

24 Les slashes permettent d’identifier les arrêts ou suspensions plus ou moins longs dans le flux de la parole d’Odile Duboc.

25 Bourdieu Pierre, Le Sens pratique, Paris, Minuit, 1980.

26 Lahire Bernard, L’Homme pluriel : Les ressorts de l’action, Paris, Nathan, 1998.

27 Faure Sylvia, Apprendre par corps, Paris, la Dispute, 2000, p. 91.

28 Notes d’intention sur la re-interprétation de F. et Stein de Bagouet et la transmission de l’autoportrait 1917 de Bourigault à Laure Myers : Transmettre la présentation de l’intime, 2002, Dossier de presse p. 3.

29 Recherche réalisée lors de la création de Projet de la matière sur des structures, sorte d’objets mouvants conçus par la plasticienne Marie-José Pillet à la demande d’Odile Duboc (coussins d’air, matelas d’eau, plaques de tôle ondulée). Chaque danseur, confronté à ces objets, était en recherche de sensations, de matières à partir des éléments eau, air et feu. Les objets enlevés le travail se faisait sur la mémoire des corps. Voir à ce sujet Projet de la matière in PERRIN Julie, Projet de la matière – Odile Duboc. Mémoire(s) d’une œuvre chorégraphique, Pantin/Dijon, Centre national de la danse/Les Presses du réel, 2007.

30 Pour plus d’informations et d’exemples sur ce travail spécifique voir le film de Laszlo Horvath Odile Duboc, une conversation chorégraphique, Pyramide Production, 2007.

31 Université d’été des Carnets Bagouet, Meublé sommairement, août 1999, Lyon. Notes d’observation.

32 Iglesias Breuker Marilen, « Etats de corps-états d’esprit », Nouvelles de Danse, n° 28, Bruxelles, 1996, p. 11.

33 Intervention de Dominique Dupuy à l’atelier de la danse n° 2 « Mémoires » organisé par le RITM et la section danse de l’UNS, Monaco, décembre 2006.

34 LOUPPE Laurence, « Quand les danseurs écrivent », Nouvelles de Danse n° 23, printemps 1995, pp. 14-21.

35 Voir notamment à ce sujet les témoignages d’interprètes recueillis par Hubert Godard et Isabelle Launay dans l’article : LAUNAY Isabelle, « Le don du geste », Protée, danse et altérité, vol. 29 n° 2, Chicoutimi, automne 2001.

36 Le vif du sujet, film réalisé par Luc Riolon. Production les films Pénélope, Mezzo, CNC, SACD, DMDTS, 1999.

37 Autres Pas, « l’atelier du possible », Le mas de la Danse, Fontvieille, juillet 2000.

38 L’acte du sentir, et les interférences croisées dont il procède, étaient l’idée première d’Erwin Straus, reprise par Maurice Merleau Ponty dans sa théorie chiasmatique de la sensorialité (1964). Michel Bernard évoque un fonctionnement chiasmatique généralisé de nos sens et de toute notre corporéité et il propose trois chiasmes principaux : un chiasme intra sensoriel qui souligne une double dimension à la fois active et passive de chaque sens ; le deuxième est intersensoriel, il souligne le jeu de correspondances entre les différents sens ; le troisième para sensoriel, est celui de la connexion entre l’acte de sentir et l’acte d’énonciation (BERNARD Michel, « Sens et fiction, ou les effets étranges de trois chiasmes sensoriels », Nouvelles de Danse, n° 17, octobre 1993, pp. 56-64. Il ajoute un quatrième chiasme, celui de l’intercorporéité, un chiasme intercorporel qui constitue la trame des interférences croisées de deux corporéités distinctes (BERNARD Michel, De la création chorégraphique, op.cit.)

39 Korzybski Alfred, Le rôle du langage dans les processus perceptuels [1951], New-York, The international non-aristotelian library publishing company, traduction française, 1965.

40 Intervention au séminaire du Mas de la Danse : Autres Pas « Nouveaux espaces d’action », Fontvielle, octobre 1998.

41 LURIA AlexanderThe mind of a mnemomist [1968], Cambridge, Harward University Press, nouvelle édition 1987, p. 37. Et JEANNEROD Marc, Le Cerveau-machine. Physiologie de la volonté, Paris, Diderot, 1998.

42 REE Edward.S., « An Outline of a Theory of Action System », Journal of Motor Behavior, vol. 14, n° 2, 1982, pp. 98-134.

43 VELLET Joëlle, « La transmission matricielle de la danse contemporaine », art.cit., pp. 79-91.

44 VELLET Joëlle, Contribution à l’étude des discours dans la transmission de la danse, discours et gestes dansés dans le travail d’Odile Duboc, op.cit., p. 143.

45 FOSTER Susan Leigh, « Danse de l’écriture, courses dansantes et anthropologie de la kinesthésie », Littérature, n° 112, 1998, p. 106.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Joëlle Vellet, « Les discours tissent avec les gestes les trames de la mémoire »Recherches en danse [En ligne], 2 | 2014, mis en ligne le 01 janvier 2014, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/danse/353 ; DOI : https://doi.org/10.4000/danse.353

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Auteur

Joëlle Vellet

Joëlle Vellet est Maître de Conférences en danse à l’Université de Nice Sophia Antipolis, au Département des Arts, section Danse. Membre du Centre de Recherches en Epistémologie de la Littérature et des Arts Vivants (CTEL 6703), elle dirige le master 2 parcours professionnel « Métiers de la transmission et de l’intervention en danse », parcours du master « Arts : Théories et Pratiques des Arts Vivants »

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