Navigation – Plan du site

AccueilPublicationsNotes de synthèse2013L’enseignement à Bruxelles : une ...

2013
70

L’enseignement à Bruxelles : une gestion de crise complexe

Note de synthèse BSI
Education in Brussels: complex crisis management. BSI synopsis
Het onderwijs in Brussel: een complex crisisbeheer. BSI synthesenota
Benjamin Wayens, Rudi Janssens et Joost Vaesen
Traduction(s) :
Het onderwijs in Brussel: een complex crisisbeheer [nl]
Education in Brussels: complex crisis management [en]

Texte intégral

Introduction

1Dans le cadre des Etats généraux de Bruxelles (novembre 2008 – avril 2009), trois universitaires bruxellois, issus d’horizons disciplinaires et institutionnels différents, établirent une synthèse de la situation de l’enseignement à Bruxelles, qui fut publiée par la revue électronique Brussels Studies [Janssens et al., 2009]. Cette dynamique s’est ensuite prolongée par la mise sur pied d’un groupe de travail « Enseignement » dans le cadre du Brussels Studies Institute (BSI) créé en 2011. La présente note de synthèse a pour objectif d’offrir un aperçu actualisé des questions relatives à l’organisation et au fonctionnement de l’enseignement à Bruxelles. Les aspects pédagogiques et didactiques concrets n’y sont que peu abordés de manière directe, le propos se situant explicitement au niveau de la structuration et de l’organisation des systèmes éducatifs.

2L’actualisation a été largement alimentée par les exposés et débats de la journée d’étude « Vers un enseignement bruxellois ? – Naar een Brussels onderwijs ? » organisée par le BSI au Palais des Académies le 30 mai 2012. Elle a également bénéficié des travaux publiés par l’Institut Bruxellois de Statistique et d’Analyse (IBSA) sur les populations scolaires, par l’Agence de Développement Territorial (ADT) sur l’adéquation entre l’offre et la demande en places scolaires et l’évaluation des potentialités foncières pour implanter des équipements scolaires ainsi que par les recherches de Eliz Serhadlioglu, Marie Verhoeven et Bernard Delvaux (Girsef, UCL), soutenues par Innoviris, sur le recrutement des écoles fondamentales.

  • 1 Sensu stricto, l’enseignement maternel n’est pas de l’enseignement obligatoire, puisque l’obligatio (...)

3Précisons que la présente note de synthèse s’intéressera exclusivement aux niveaux d’enseignement maternel, primaire et secondaire, et que dès lors l’enseignement supérieur, non obligatoire1, n’est pas pris en considération. Le cadre spatial est le territoire de la Région bilingue de Bruxelles-Capitale qui comprend les 19 communes bruxelloises. Évidemment, les relations avec la périphérie entrent aussi en ligne de compte, mais principalement via les mouvements de navette scolaire (entrants et sortants).

4Cette note comporte trois parties distinctes. La première précise le cadre institutionnel et politique dans lequel fonctionne l’enseignement à Bruxelles. La deuxième établit une série de constats, que l’on peut considérer comme relativement partagés, car appuyés sur une littérature scientifique abondante et convergente. La troisième partie aborde les grands défis et débats relatifs au système éducatif à Bruxelles.

1. Le cadre : communautés et pouvoirs organisateurs

5En Belgique, en 2009, les dépenses liées à l’enseignement représentent 6,9 % du produit intérieur Brut (PIB), ce qui est légèrement plus que la moyenne de l’Union européenne (5,8 %) et des pays les plus développés économiquement (4,6 % en moyenne pour les pays membres de l’OCDE)2. Ces dépenses sont en augmentation au cours de la dernière décennie, atteignant à nouveau le niveau des dépenses d’enseignement des années 1970 (soit environ 7 %, alors qu’on était à 3 % en 1950). Au cours de vingt dernières années, les dépenses par élève ont augmenté dans l’enseignement obligatoire alors qu’elles ont baissé très nettement dans l’enseignement supérieur (Université et Hautes-Ecoles). La part dépenses liée aux salaires des enseignants est parmi les plus élevées des pays de l’OCDE, ce qui limite très fortement les dépenses de fonctionnement (matériel didactique, entretien…) et d’investissement (bâtiments scolaires). Cela fait dire à certains observateurs que les problèmes de l’enseignement en Belgique ne sont ni causés ni ne seront résolus uniquement par des questions de financement [Deschamps, 2008 ; Deschamps, 2010 : 3]. La question de la croissance de la marge de manoeuvre hors salaires est donc loin d’être anecdotique.

  • 3 Voir Van Gorp et al. (2011) et Grootaers (1998) pour un cadre historique de l'éducation et de l'ens (...)

6Historiquement, en Belgique, l’enseignement et la politique de l’enseignement sont des sujets de désaccords politiques et sociaux profonds entre le pilier catholique et les pilier socialistes et libéraux, qui ont conduit notamment aux deux guerres scolaires de 1879‑1884 et 1950‑1958 [Witte et al., 2010] et au compromis qu’est le pacte scolaire de 1959 consacrant la liberté de choix pour les parents et la liberté d’organiser un établissement (au travers du financement par l’État de tous les enseignants ayant le diplôme requis pour la matière qu’ils enseignent) [El Berhoumi, 2013]. Si ces conflits ont pris tant d’ampleur, c’est que le projet pédagogique de l’école, tant libre (essentiellement catholique) qu’officielle, dépasse l’apprentissage et la formation pure3. L’enseignement, en tous cas au niveau secondaire, se voit aussi attribuer depuis longtemps un rôle d’instrument de mobilisation nationale et sociopolitique [Hroch, 2006 : 29] ou de facteur critique dans le développement des identités culturelles [Devine & Schubotz, 2011]. L’organisation du système scolaire belge est donc largement à la fois l’héritier et le ferment de la pilarisation de la société belge [Delgrange, 2010]. Le clivage linguistique a, quant à lui, pris de l’ampleur dans le système politique belge d’après-guerre [Witte et al., 2010].

1.1. Le cadre institutionnel et politique

  • 4 Pour être complet, il faudrait ajouter l’enseignement germanophone, mais qui ne concerne pas Bruxel (...)

7La coexistence de deux cadres politiques, administratifs, budgétaires, mais aussi pédagogiques pour l’enseignement (francophone et néerlandophone4) découle du processus de fédéralisation de l’État unitaire belge, commencé à la fin des années 1960 [Draelants, 2011]. Deux types d’entités fédérées furent alors créés. Les Communautés reçurent progressivement la compétence de matières personnalisables et culturelles, telles que la culture, l’enseignement ou la politique de santé, tandis que les Régions assumaient des compétences liées au territoire, telles que la politique de l’emploi, les travaux publics et les transports publics.

8Sur le plan de l’enseignement, les Communautés sont donc les acteurs principaux depuis 1989 (article 127 de la Constitution). Seuls, quelques rares éléments restent du ressort du niveau fédéral, à savoir la détermination du début et de la fin de l’obligation scolaire, les conditions minimales de délivrance des diplômes et le système des pensions des enseignants, mais aussi la question de l’emploi des langues.

  • 5 Pour plus de concision, le terme de Communauté française, figurant dans les textes législatifs, est (...)
  • 6 Cependant, la Régie des bâtiments, donc l’Etat belge, dans le cadre de la politique générale d'accu (...)

9La Région de Bruxelles-Capitale a très peu de compétences en matière d’enseignement (l’équipement des écoles techniques et professionnelles essentiellement, en lien avec l’emploi et la formation), même si ses compétences en matière d’urbanisme, d’environnement ou encore d’aide à l’emploi (agents contractuels subventionnés ou aides à la promotion de l’emploi) contribuent effectivement au bon fonctionnement des écoles. Cela signifie que toute école reconnue et subsidiée à Bruxelles est soumise aux décrets soit de la Communauté française5, soit de la Communauté flamande (à l’exception des écoles privées, essentiellement mais pas exclusivement internationales, et des écoles européennes6, non subsidiées par les Communautés).

10Une asymétrie entre les institutions est toutefois apparue dans la place et la fonction des Commissions communautaires qui sont couplées à la Communauté française ou à la Communauté flamande [Witte, 1992]. Ainsi, la Commission communautaire française, la COCOF, a aussi une compétence décrétale (depuis 1994, après le transfert effectué par la Communauté française), qui concerne des matières telles que le transport des élèves ou la réorientation professionnelle. Ce n’est pas le cas pour la Commission communautaire flamande (VGC).

11Les écoles de l’enseignement francophone, d’une part, et celles de l’enseignement néerlandophone, d’autre part, existent et fonctionnent donc (en grande partie) les unes à côté des autres à Bruxelles. Récemment, quelques mesures ont été lancées pour établir des échanges entre les deux systèmes, mais l’impact en demeura limité. L’autorité fédérale peut, quant à elle, intervenir au cas où les Communautés (unilingues) ne sont pas compétentes. C’est par exemple le cas pour le contrôle du respect de l’obligation scolaire d’enfants qui ne sont pas inscrits dans une école, mais aussi, potentiellement, pour l’établissement et le subventionnement d’écoles bilingues [Vancrayebeck, 2012].

12Du point de vue des élèves, contrairement aux institutions, le principe de sous-nationalité ne s’applique pas pour le moment [Dumont & Van Drooghenbroeck, 2011]. En 1971, le principe de la « liberté du chef de famille » fut réintroduit (après une interruption de 1963 à 1971), qui donne aux parents le choix d’envoyer leur enfant dans une école de l’un des deux systèmes (avec aussi des possibilités de combinaison). En d’autres termes, seul l’établissement appartient à l’une des deux Communautés, pas l’élève lui-même [Jans, 2001].

13Mais à côté des deux Communautés, la Région de Bruxelles-Capitale a développé, depuis sa création en 1989, un certain nombre d’instruments qui se situent dans la sphère de l’enseignement. Il s’agissait, par exemple, du financement de personnel supplémentaire pour les zones d’enseignement prioritaires (dans un rapport linguistique de 73 %-27 %). Dans ce processus, les communes bruxelloises, d’abord, et ensuite la COCOF et la VGC furent impliquées comme partenaires [Vaesen, 2008], avec notamment des projets de lutte contre l’absentéisme scolaire7 et d’équipement de l’enseignement secondaire technique et professionnel8. Ces dernières années, l’accent de l’action régionale a été mis sur le problème de capacité dans l’enseignement bruxellois, sous la forme d’investissements dans des bâtiments scolaires. Dans ce dernier contexte, il fut fait référence, pour légitimation, à la politique de l’emploi, une compétence régionale. Cet investissement fut contesté devant la Cour constitutionnelle par le Gouvernement flamand, qui suspendit la décision de la Région de Bruxelles-Capitale, mais ne l’annula pas9.

1.2. Répartition des élèves par pouvoir subsidiant

  • 10 Le nombre de personnes dont la langue « originale » au sein du ménage est le néerlandais s’élève à (...)

14Si l’on examine la répartition des élèves entre les deux systèmes d’enseignement à Bruxelles selon les chiffres de l’année scolaire 2009‑2010, on constate que la Communauté française représente 82 % des élèves des enseignements maternel, primaire et secondaire scolarisés à Bruxelles, tandis que 18 % suivent les cours d’un établissement reconnu par la Communauté flamande, ce qui est nettement plus que la part des néerlandophones au sens strict résidants à Bruxelles, mais du même ordre de grandeur que la proportion de ménages, éventuellement bilingues, maîtrisant le néerlandais10 [Janssens, 2013]. Les chiffres diffèrent cependant selon le niveau d’enseignement, car on observe une croissance de la part de l’enseignement francophone du maternel au secondaire. Il faut aussi noter qu’aux quelque 223 000 élèves subsidiés par les Communautés dans les écoles bruxelloises, il faut ajouter plus de 15 000 élèves scolarisés dans les écoles européennes et internationales implantées sur le territoire régional.

Tableau 1. Répartition des écoles situées sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale et des élèves qui y sont scolarisés selon le pouvoir subsidiant en 2009‑2010

Tableau 1. Répartition des écoles situées sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale et des élèves qui y sont scolarisés selon le pouvoir subsidiant en 2009‑2010

Source : CFWB et VGC, données compilées par ADT - BRAT (2012), ventilation selon les pouvoirs subsidiant par les auteurs sur base des statistiques de la VGC

15Les écoles subsidiées par la Communauté flamande sont plus nombreuses dans le nord et l’ouest de la Région [ADT et BRAT, 2012], espaces caractérisés depuis longtemps par une part plus élevée de néerlandophones dans la population [Willaert, 2009 : 11]. Dans cette zone, 20 % des élèves sont scolarisés dans l’enseignement primaire néerlandophone. Dans le sud-est de la Région, cette part est nettement plus faible et dépasse rarement 10 à 15 % [ADT et BRAT, 2012]. Dans le Bruxelles d’après-guerre, le nombre d’élèves dans l’enseignement néerlandophone a été longtemps en déclin, à cause de la concurrence de son homologue francophone, mais aussi pour des raisons démographiques. Mais ce déclin fait aujourd’hui partie du passé, y compris en part relative. Ainsi, en 1966, l’enseignement bruxellois néerlandophone maternel comptait 6 089 élèves, chiffre qui fut à nouveau atteint dès 1985. Il en est de même pour l’enseignement primaire néerlandophone à Bruxelles, qui comptait, en 1966, 15 611 élèves. Ce nombre est à nouveau presque atteint (15 484 en 2012).

Figure 1. Répartition des écoles primaires selon le pouvoir subsidiant et, au lieu de résidence, proportion des enfants de l’enseignement primaire scolarisés dans l’enseignement néerlandophone à Bruxelles, 2009‑2010

Figure 1. Répartition des écoles primaires selon le pouvoir subsidiant et, au lieu de résidence, proportion des enfants de l’enseignement primaire scolarisés dans l’enseignement néerlandophone à Bruxelles, 2009‑2010

Source : ETNIC et Vlaamse Gemeenschap, données compilées par ADT – BRAT (2012)

  • 11 Statistiques rapides, Etnic, année scolaire 2008‑2009 et Statistiques VGC, année scolaire 2011‑2012

16En changeant de perspective, dans une logique de poids relatif au sein des systèmes d’enseignement des deux communautés, les 185 000 élèves scolarisés à Bruxelles dans l’enseignement francophone représentent 21 % des élèves subsidiés par la Communauté française les 40 000 élèves dans l’enseignement néerlandophone bruxellois représentent moins de 4 % des élèves de la Communauté flamande11.

1.3. Les pouvoirs organisateurs

17La Constitution belge considère la « liberté d’enseignement » comme un droit, auquel l’autorité ne peut faire obstacle (article 24). Cela signifie que l’organisation de l’enseignement et la création d’écoles peuvent s’effectuer librement, du moins en théorie puisque cette liberté est de plus en plus encadrée [El Berhoumi, 2013]. Dans ce contexte, on peut distinguer différents types de pouvoirs organisateurs : une autorité, une personnalité physique ou une personnalité juridique (ou des personnalités juridiques). Les opinions pédagogiques et philosophiques, les programmes d’études et les horaires de cours sont libres, mais, pour être reconnu et donc recevoir des subsides de la part de l’autorité communautaire, il faut remplir un certain nombre de conditions, telles que respecter certaines normes en matière de formation des enseignants, de construction et d’hygiène ou atteindre les connaissances requises à la fin des études. Les écoles qui ne sont ni reconnues ni subsidiées par l’autorité communautaire sont définies comme écoles privées non subsidiées. Les écoles internationales sont dans ce cas.

  • 12 Notons qu'il peut y avoir différentes « coupoles » au sein d’un réseau d'enseignement.

18Les différents pouvoirs organisateurs sont généralement classés en trois réseaux d’enseignement [Delgrange, 2010 ; Van Haecht, 2010] qui fonctionnent comme des structures de coordination et qui ont une fonction de soutien et de représentation12 :

    • 13 La Communauté flamande n’organise pas l’enseignement directement mais via « het Gemeenschapsonderwi (...)

    L’enseignement de la Communauté, qu’il soit de la Vlaamse Gemeenschap ou de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Les deux Communautés ne font pas que subsidier mais organisent aussi elles-mêmes l’enseignement, directement ou indirectement13 (en tant qu’héritier de l’ancien enseignement d’État).

    • 14 Avec la suppression à Bruxelles de l'échelon provincial lors de la quatrième réforme de l'Etat, l’e (...)

    L’enseignement officiel subventionné qui comprend les écoles fondées par les pouvoirs locaux (communes essentiellement, et province14).

  1. L’enseignement libre subventionné : comprend les écoles qui sont reconnues et subsidiées, mais dont le pouvoir organisateur est constitué d’une personnalité privée ou d’une personnalité juridique, souvent une association sans but lucratif (en général des écoles confessionnelles, à côté d’établissements qui appliquent une pédagogie spécifique, comme Freinet, Montessori, Steiner…).

19A Bruxelles, au sein des réseaux francophones, l’enseignement libre subventionné domine avec 49 % des élèves grâce à la très grande part des élèves du secondaire qui y sont scolarisés. En maternel et en primaire, l’enseignement communal est largement dominant. La part des écoles organisées par la Communauté française n’est significative qu’au niveau secondaire. Du côté néerlandophone, les rapports se présentent quelque peu différemment. Si la part du réseau libre (50 %) est très similaire à ce que l’on observe du côté francophone, les parts de l’enseignement organisé par la Communauté et les communes (officiel subventionné) sont à peu près équivalentes au niveau maternel et primaire. En secondaire, l’enseignement communal est proportionnellement très faible (6 %). L’enseignement néerlandophone à Bruxelles est donc caractérisé par un poids beaucoup plus important du réseau organisé par la Communauté (30 % des élèves contre 11 % du coté francophone) et un poids réduit des établissements organisés par les pouvoirs locaux (20 % contre 40 %).

Tableau 2. Répartition des élèves scolarisés sur le territoire de la Région de Bruxelles selon le réseau du pouvoir organisateur

Tableau 2. Répartition des élèves scolarisés sur le territoire de la Région de Bruxelles selon le réseau du pouvoir organisateur

Source : ETNIC, statistiques rapides 2008‑2009 et VGC, statistiques 2012

20Une des spécificités bruxelloises est le poids des pouvoirs locaux qui ont développé une offre élargie d’enseignement qui, dans certains cas, peut s’appuyer sur une longue tradition [Mabileau, 1994 : 10]. Les administrations communales bruxelloises consacrent d’ailleurs une partie importante de leur budget à l’enseignement : plus de 30 % des dépenses communales sont destinées à l’enseignement à Bruxelles-Ville, Anderlecht et Woluwé-St-Lambert, avec une moyenne de 26 % pour les 19 communes [Van Driessche, 1998 ; Verdonck et al., 2011].

2. Les constats partagés : saturation, diversité, inégalités

21L’accroissement de la population en âge scolaire et l’importance de l’adaptation nécessaire de l’offre scolaire pour absorber ces enfants supplémentaires dans le cadre de l‘obligation scolaire constituent un élément essentiel pour comprendre les difficultés actuelles de l’enseignement à Bruxelles. Mais cela ne doit pas occulter le fait que l’enseignement bruxellois doit depuis longtemps faire face à des difficultés liées aux écarts importants de performances selon les établissements dont sont issus les élèves. Cette forte inégalité scolaire n’est pas neuve, mais son ampleur en milieu urbain est aujourd’hui mieux appréhendée. Les études empiriques, à partir du recrutement réel des écoles et des caractéristiques socio-économiques des élèves qui les fréquentent, ont montré qu’à environnement urbain identique, l’accroissement de la mobilité domicile-école est lié à l’émergence d’écoles « choisies » qui ont une population d’un niveau social plus élevé que celles d’écoles « par défaut ». Ce phénomène s’ajoute à l’effet de la ségrégation résidentielle et à celui de la sélection très présente au sein des filières du secondaire, pour générer un enseignement obligatoire extrêmement polarisé.

2.1. La croissance de la population en âge de scolarité

  • 15 Direction Générale Statistique et Information Economique- DGSIE.

22Bruxelles a connu un accroissement spectaculaire de sa population, qui est passé de 951 580 habitants en 1996 à 1 132 781 en 201215, soit près de 19 % d’augmentation en une décennie et demie. Une pyramide des âges jeunes ainsi que la fécondité légèrement supérieure des résidents issus de l’immigration récente expliquent le nombre important de naissances dans la population bruxelloise [Deboosere et al., 2009 ; Grimmeau et al., 2012].

23Les statistiques collectées et les prospectives de la population en âge scolaire dressées par l’Institut bruxellois de Statistique et d’Analyse (IBSA) permettent de chiffrer la demande actuelle et son évolution [Dehaibe et Laine, 2010 ; Dehaibe, 2010]. Si entre 2010 et 2015, la population en âge de scolarité (2,5 à 18 ans) augmente de près de 23 000 enfants, c’est surtout dans le maternel (+7 260) et le primaire (10 983) que la hausse se fera sentir. Le public bruxellois de l’enseignement fondamental aura augmenté de 14 % en 5 ans, dans un contexte où la hausse était déjà sensible dans la décennie précédente. Entre 2015 et 2019, les projections prévoient un ralentissement de la hausse aux âges du maternel (+2 056, +3 %). La croissance restera sensible dans le primaire (+9 686, +11 %). Par un effet de glissement des cohortes au sein du système scolaire, la demande ira croissante aux âges concernés par l’enseignement secondaire, 4 700 nouveaux élèves bruxellois (+6 %) se présentant entre 2010 et 2014 et 7 807 (+10 %) entre 2015 et 2019.

Tableau 3. Population en âge scolaire résidant dans la Région de Bruxelles-Capitale

Tableau 3. Population en âge scolaire résidant dans la Région de Bruxelles-Capitale

Source : IBSA, perspectives démographiques publiées en 2010

2.2. La saturation des infrastructures scolaires

24La croissance démographique entraîne un déficit de capacité dans les écoles actuelles. Cette croissance des besoins en places dans les écoles n’est cependant pas strictement le reflet de la croissance du nombre d’enfants et de jeunes soumis à l’obligation scolaire résidant à Bruxelles, ce pour deux raisons. La première est qu’en 2009, la saturation touchait plus largement l’enseignement maternel et fondamental que l’enseignement secondaire. La seconde, plus fondamentale, est le fait que les écoles implantées à Bruxelles scolarisent un nombre important d’élèves résidant en Flandre et, dans une moindre mesure, en Wallonie. C’est évidemment normal pour une ville qui rayonne sur son hinterland et dans laquelle vont travailler chaque matin de nombreux navetteurs. C’est aussi lié aux aspects institutionnels, puisque c’est à Bruxelles que de nombreux francophones de la périphérie flamande inscrivent leurs enfants. On évalue les élèves des écoles bruxelloises ne résidant pas à Bruxelles à 10 % dans le maternel, 14 % dans le primaire et 22 % dans le secondaire (respectivement 8 %, 12 % et 19 % résidant en Flandre) [ADT, 2012].

25Si l’on suit les estimations faites par l’IBSA [Dehaibe, 2010], s’ajouteraient entre 2010 et 2020 près de 45 000 élèves dans l’enseignement fondamental et secondaire, dont plus de 25 000 avant 2015. Les besoins les plus criants sont évidemment dans le maternel et le primaire (respectivement +16 % et +14 % d’élèves à scolariser en plus au cours de la première moitié de la décennie) mais, avec la montée en âge, l’effet du boom démographique va également être très sensible dans le secondaire également (20 % d’élèves en plus en 10 ans). Si la croissance du nombre d’enfants est quasi généralisée et touche donc l’ensemble du territoire régional, la hausse est et sera beaucoup plus marquée dans les communes de l’ouest et du nord.

Tableau 4. Estimation de la population scolaire dans la Région de Bruxelles-Capitale et évaluation du nombre de places supplémentaires à créer dans les écoles bruxelloises

Tableau 4. Estimation de la population scolaire dans la Région de Bruxelles-Capitale et évaluation du nombre de places supplémentaires à créer dans les écoles bruxelloises

Source : Dehaibe, 2010 et ADT, 2012

26Ces estimations ont été depuis affinées et traduites en nombre de places par l’Agence de Développement Territorial (ADT), qui tente de faire un suivi détaillé de l’offre et de besoins en matière d’enseignement fondamental et secondaire. Il est vrai que les paramètres à prendre en compte pour établir un cadastre précis des besoins sont nombreux : écoles internationales (enfants figurant dans les registres de population, mais pas parmi les places subsidiées), enfants des personnes candidats-réfugiés ou en situation irrégulière (subsidiés par les Communautés, mais absents du registre national de population), élèves bruxellois fréquentant une école de la périphérie… Ce dernier élément a peu d’incidence, 99 % des enfants bruxellois du fondamental et 96 % des élèves du secondaire étant scolarisés dans la Région. Les deux premiers facteurs d’incertitude, très liés à l’internationalisation de Bruxelles, s’annulent probablement partiellement à l’échelle de l’ensemble de la Région, mais pas localement puisque leurs profils résidentiels sont radicalement différents, les uns habitant plutôt dans les quartiers aisés du sud-est, les autres dans les quartiers populaires du centre et de l’ouest [ADT et BRAT, 2012]. Une autre difficulté majeure vient du fait que la capacité « physique » des écoles est mal connue. En d’autres mots, si on a des informations relativement standardisées et donc comparables sur le nombre d’élèves subsidiés, il n’en est pas de même sur la capacité des classes. Dans l’enseignement néerlandophone, c’est la direction de l’école elle-même qui établit les chiffres de manière autonome et peut rectifier ceux-ci chaque fois qu’elle l’estime nécessaire, bien que l’autorité demande que le résultat soit fixé avant la période d’inscription et, de préférence, inclus dans le règlement de l’école. L’autorité n’impose cependant aucune norme16. Côté francophone, seules les places en première secondaire font l’objet d’un suivi systématique et centralisé, dans le cadre de la procédure encadrant les inscriptions. Pour le reste, il existe des normes négociées entre syndicats, Communauté et pouvoirs organisateurs. Elle est par exemple de l’ordre de 23 élèves par instituteur pour l’enseignement primaire. De l’avis de nombreux observateurs de terrain, cette norme est de plus en plus souvent dépassée à Bruxelles.

Figure 2. Ventilation par quartier du nombre d’enfants supplémentaires à scolariser entre 2010 et 2020

Figure 2. Ventilation par quartier du nombre d’enfants supplémentaires à scolariser entre 2010 et 2020

Source : calculs ADT - BRAT (2012) sur base des perspectives de population IBSA

  • 17 Inventaire actualisé ADT.

27Pour contourner cette difficulté méthodologique, l’ADT a tablé sur l’hypothèse qu’en 2009‑2010, les places étaient entièrement occupées, et que donc le nombre d’élèves inscrits correspondait aux nombre de places disponibles, soit l’offre. Il a également été tenu compte des données plus récentes de la population du Registre National et des statistiques de la DGSIE dans la répartition par quartier des accroissements projetés par l’IBSA à l’échelle communale [ADT, 2012 ; Rouyet et Breton, 2012]. Au final, entre 2010 et 2020, il faudra créer 9 500 places en maternel (soit 475 classes de 20 élèves), 20 000 places en primaire (soit 870 classes de 23 élèves) et 12 500 places en secondaire (soir l’équivalent de 27 écoles secondaires de taille moyenne). Mais surtout, l’ADT a commencé à faire le compte des projets de places scolaires décidés et progressivement mis en œuvre par les multiples acteurs (Communautés, communes, réseau libre, mais aussi Région bruxelloise via l’appel à projets lancé en 2011). Début juillet 201317, le nombre total de places programmées s’élevait à 22 123. Pour autant que ces projets soient tous mis en œuvre à bref délai (en moins de 2 ans…), cela suffira à peine à couvrir les besoins pour la rentrée 2015 ou 2016, ce sans que l’on se soit déjà réellement attaqué à la question des places nécessaires dans l’enseignement secondaire.

2.3. Diversité de la population scolaire

  • 18 Alors que l’enseignement francophone ne collecte pas de manière centralisée de données relatives au (...)

28La diversité de la société bruxelloise [Willaert, 2010 ; Janssens, 2013] se reflète aussi dans la composition de la population scolaire. Les chiffres relatifs aux élèves de l’enseignement fondamental néerlandophone18 montrent que les enfants qui parlent le néerlandais chez eux ne représentent qu’un tiers du nombre des élèves. Et, malgré la popularité de l’enseignement néerlandophone auprès des francophones, le groupe des élèves dont la langue maternelle n’est ni le néerlandais ni le français est dominant. Seule la fonction polarisatrice que remplit l’enseignement secondaire pour la grande périphérie de Bruxelles a pour effet qu’à ce niveau d’enseignement, les rapports sont encore différents. Mais déjà pour la première année de l’enseignement secondaire, on voit bien que la population scolaire se « bruxellise ». Bien que de telles données manquent pour l’enseignement francophone à Bruxelles, là aussi la diversité culturelle et linguistique augmente inévitablement sous l’influence des migrations. Sous l’effet de la composition scolaire actuelle, les deux structures d’enseignement à Bruxelles ont évolué : les écoles pour Bruxellois néerlandophones et les écoles pour Bruxellois francophones sont devenues des écoles pour tous les Bruxellois où la langue de l’enseignement est, selon les institutions, le néerlandais et, pour d’autres, le français.

29Sur le plan pédagogique, la grande diversité linguistique des élèves bruxellois pose évidemment de réels problèmes de maîtrise de la langue d’enseignement, qui est souvent distincte de la langue maternelle. En effet, l’apprentissage se fonde encore sur le présupposé quelque peu artificiel d’une maîtrise et d’une pratique importante, au moins orale, de la langue d’enseignement. Or, la réalité de terrain montre que le français et le néerlandais sont souvent des langues usuelles (lingua franca) plutôt que des langues maternelles. Les enseignants sont dès lors de plus en plus face à une logique d’enseignement du français ou du néerlandais comme une langue « partiellement » étrangère, chose pour laquelle ils sont très peu formés.

30Il existe toutefois des réponses institutionnelles à la diversité dans les écoles, telles l’Adaptation à la langue de l’enseignement (ALE), l’Ouverture aux langues et aux cultures » (OLC), ainsi que dispositif d’accueil et de scolarisation des élèves primo-arrivants (DASPA, les anciennes classes passerelles) en Fédération Wallonie-Bruxelles. Mais force est de constater que cette mesure et les moyens qui y sont associés sont largement insuffisants. Le nombre extrêmement limité de classes passerelles à Bruxelles (une trentaine), ne couvre évidemment pas tous les primo-arrivants. C’est par ailleurs une mesure relativement ponctuelle dans le cursus des élèves et non pas un soutien structurel permettant d’aplanir sur le long terme les inégalités associées au hiatus entre culture familiale et culture scolaire. Même si, dans bon nombre d’écoles bruxelloises, les moyens supplémentaires assurés par le dispositif « encadrement différencié » permettent souvent de maintenir un certain suivi ou de pallier à l’absence de classe passerelle, certains chercheurs ont relevé une surreprésentation des élèves socialement défavorisés ou étrangers dans l’enseignement francophone spécialisé de type 8 à Bruxelles, normalement destiné aux élèves souffrant de troubles instrumentaux, dits aussi « troubles d’apprentissage » [Carlier, 2006 ; D’Haeyer, 2008 ; Tremblay, 2009]. Cela pose tout autant la question des places d’accueil pour les élèves qui connaissent des troubles d’apprentissage que celle des moyens pour le soutien scolaire pour les populations les plus fragilisées.

31L’accueil d’une population multiculturelle soulève aussi des questions relatives aux normes que véhicule l’école et aux accommodements culturels, religieux ou philosophiques qu’elle est prête à concéder. Si la vision médiatique se focalise autour des aspects les plus visibles (port du voile), cela touche de nombreux domaines de la vie scolaire (relations parents-enseignants, mixité de genre, cours d’éducation physique, cantines, voyages scolaires…). Les débats sur ce plan sont encore largement ouverts et peu de consensus pratiques, mais surtout explicites, sont offerts comme normes utilisables aux acteurs de l’enseignement bruxellois. Sur le plan des cours philosophiques proprement dits, le choix des options dans l’enseignement officiel et l’absence d’alternative au cours de religion catholique dans l’enseignement libre confessionnel posent tant la question de la légitimité d’une ségrégation temporaire des classes sur des critères religieux que celle de la présence institutionnelle d’une seule conviction religieuse dans un environnement pluriel et souvent majoritairement musulman. Mais c’est là l’héritage de la pilarisation de la société belge et des déchirements associés au pacte scolaire [Delmée, 2013]. Rappelons toutefois que le cours de religion islamique est suivi par 24 % des élèves des écoles bruxelloises francophones, tous réseaux confondus [Sagesser, 2012]. Mais en fait, si on prend en compte les seuls élèves de l’enseignement officiel, qui organise réellement ce cours, cela représente un enfant sur deux.

2.4. La dualisation des parcours scolaires : les facteurs sociaux et culturels

32Bruxelles, comme l’ensemble de la Belgique, a connu une forte hausse des niveaux de formation au cours des dernières décennies. Dans les dernières générations, près d’une personne sur deux dispose d’un diplôme supérieur [Luyten et al., 2012 : 51‑53]. La forte évolution des qualifications résulte à la fois du remplacement des générations, avec le vieillissement des générations les moins qualifiées, et de l’augmentation continue de la formation à classe d’âge identique. La Région de Bruxelles-Capitale se distingue cependant. Si on ne s’intéresse qu’aux jeunes générations, la proportion de personnes faiblement diplômées (disposant au plus d’un diplôme du secondaire inférieur) y a moins diminué que dans l’ensemble du Royaume. La concentration des populations plus fragilisées, héritiers de parents faiblement diplômés, explique en partie cette situation. On observe donc une dualisation des qualifications en Région de Bruxelles-Capitale, qui connaît à la fois une forte proportion de personnes très diplômées, mais aussi de personnes faiblement diplômées [Roesems et al., 2006 : 83‑90].

33L’enseignement obligatoire est évidemment au cœur de ce processus de sélection. Les écarts sociaux restent très nets dans les parcours scolaires. Au sein de la frange la plus pauvre de la population et au capital culturel le plus faible, l’écrémage est particulièrement sévère pour accéder à l’université et, éventuellement, y être diplômé. La probabilité d’obtenir le diplôme du secondaire supérieur donnant accès à l’université, souvent abusivement présentée comme la voie « royale », dans de bonnes conditions y est moindre. Au sein des différentes communes bruxelloises, la répartition des jeunes des quatre dernières années du secondaire selon la filière suivie (général, technique ou professionnel) reflète avant tout un gradient d’ordre socio-économique : les élèves des communes les plus défavorisées sont nettement moins nombreux à suivre la filière générale [Wayens et al., 2010 : 34 ; Luyten et al., 2012 : 50]. Ils sont souvent, suite à l’échec et au redoublement, réorientés vers les filières techniques ou professionnelles, qui concentrent dès lors les élèves en difficulté. On voit clairement que le taux d’élèves en retard scolaire diminue en troisième année dans les filières générales du secondaire, par un effet de relégation, dès que les parcours se différencient en filières [Roesems et Feyaerts, 2009 : 65]. Après obtention du diplôme secondaire, les déterminants socio-économiques persistent : les survivants (comme les nomme Pierre Bourdieu) sont plus enclins à choisir les écoles supérieures que l’université.

Figure 3. Population scolaire en fonction du lieu de résidence (deuxième – S2 – et troisième – S3 – degré du secondaire) par filière, pour les 19 communes et la Région bruxelloise, en 2008

Figure 3. Population scolaire en fonction du lieu de résidence (deuxième – S2 – et troisième – S3 – degré du secondaire) par filière, pour les 19 communes et la Région bruxelloise, en 2008

Source : Wayens et al. [2010] d’après données ETNIC et VG

Figure 4. Rythmes scolaires des élèves dans l’enseignement secondaire (en première, troisième et cinquième année) vivant en Région bruxelloise par sexe et par filière au cours de l’année scolaire 2007‑2008

Figure 4. Rythmes scolaires des élèves dans l’enseignement secondaire (en première, troisième et cinquième année) vivant en Région bruxelloise par sexe et par filière au cours de l’année scolaire 2007‑2008

Source : Roesems et Feyaerts, 2009

  • 19 PISA est une enquête menée tous les trois ans auprès de jeunes de 15 ans dans les 34 pays membres d (...)

34L’analyse des parcours et des performances scolaires confirme que l’école reste un lieu de reproduction des inégalités [Jacobs et al., 2009 ; Jacobs & Rea, 2011 ; Jacobs 2012]. L’enseignement obligatoire traduit, quasi automatiquement, les inégalités sociales en inégalités scolaires [Bourdieu, 1993]. En Belgique, la filière d’enseignement suivie dans le secondaire, générale ou qualifiante, joue un rôle important dans ce processus. Les enquêtes internationales, comme PISA19, montrent que les résultats des élèves issus de l’enseignement technique, mais surtout professionnel ont majoritairement tendance à être inférieurs à ceux des élèves du général. Et les élèves issus de familles plus socialement défavorisées, on l’a déjà montré, sont nettement surreprésentés dans l’enseignement qualifiant. Mais l’analyse des résultats de l’enquête fait aussi clairement apparaître le caractère discriminatoire des systèmes d’enseignement tant francophone que néerlandophone, qui perpétuent aussi l’écart de performances entre autochtones et allochtones, en sus des effets attribuables spécifiquement aux aspects socio-économiques. Même si ces analyses ne sont pas statistiquement réprésentatives à l’échelle de la Région bruxelloise, mais bien à l’échelle des Communautés, les indices et les témoignages convergent pour dire qu’ils sont tout à fait transposables à la situation bruxelloise [Jacobs et Rea, 2007 ; Rea et al., 2009].

2.5. La dualisation des parcours scolaires : l’effet du recrutement différencié des écoles

35L’analyse approfondie des résultats des enquêtes PISA à l’échelle belge démontre que le profil de la population de l’école (le statut socioéconomique moyen des familles des élèves qui y sont inscrits) a un impact significatif sur les performances. L’effet de cet indicateur agrégé à l’échelle de l’établissement produirait un effet discriminant au moins du même ordre que la situation familiale individuelle de l’élève. Ce constat confirme ceux des nombreuses recherches internationales qui indiquent que les variables liés aux élèves (origine sociale, origine ethnique ou nationale, etc.) ne permettent pas à eux seuls d’expliquer les écarts entre les performances. Dans les systèmes scolaires belges, et à fortiori à Bruxelles, les facteurs institutionnels liés à l’organisation et au fonctionnement de l’enseignement jouent un rôle crucial, notamment parce que les filières et le libre choix de l’établissement par les parents induisent un modèle de ségrégation de fait dans le cadre d’un quasi-marché scolaire [Hindriks et al., 2009 ; Jacobs & Rea, 2011 : 85 ; Jacobs, 2012]. Beaucoup de choses se jouent aussi à l’échelle des établissements.

36« L’effet d’établissement » qu’a fait émerger l’analyse des enquêtes PISA laisse entrevoir le fait qu’une part des mauvaises performances des élèves peut s’expliquer par le fait que les élèves ayant le plus de difficultés, au lieu d’être équitablement répartis sur l’ensemble des implantations scolaires, sont de fait fortement concentrés dans une partie seulement des écoles. Cela renvoie à un modèle fortement inégalitaire, aux très grands écarts de performance constatés non seulement entre les élèves, mais également entre les établissements scolaires. Dans le contexte régional, c’est ce qui fait dire à Janssens et al. [2009] que « Bruxelles ne se caractérise pas seulement par une grande diversité, mais aussi par sa forte ségrégation spatiale. Environ 30 % des élèves inscrits dans l’enseignement obligatoire à Bruxelles habitent dans un quartier défavorisé. Ceci s’accompagne d’une ségrégation dans l’enseignement qui entraine la polarisation entre une surreprésentation d’écoles ghettos et “d’écoles à problèmes” d’un côté, et “d’écoles élitistes” de l’autre (…). À ceci s’ajoutent les écoles européennes et internationales qui attirent également un public trié sur le volet. »

  • 20 Quartier de domicile ou quartiers adjacents, selon la définition des quartiers disponible sur www.m (...)

37La ségrégation scolaire peut être vue de prime abord comme le reflet de la ségrégation socio-résidentielle caractéristique de nombreux espaces urbains et au demeurant très forte à Bruxelles. Cette dualisation spatiale a évidemment des effets sur la composition des classes. Mais les analyses du recrutement des établissements scolaires à Bruxelles montrent des relations complexes entre ségrégation résidentielle et ségrégation scolaire [Kesteloot et al., 1990 ; Delvaux et Serhadlioglu, 2012 ; Marissal et al., 2013]. La polarisation du public des établissements scolaires n’est pas le simple reflet de la ségrégation résidentielle parce que l’on constate une forte mobilité des élèves, y compris dans les quartiers défavorisés. À tous les niveaux, une part importante des élèves sont scolarisés en dehors du quartier de leur domicile20 : 28 % en maternel, 43 % en primaire et 65 % en secondaire [ADT, 2012]. Les causes de cette mobilité peuvent être très diverses, tels les lieux de travail des parents, ou l’école dans laquelle d’autres membres de la famille sont inscrits en secondaire ou encore pour des choix philosophiques, la recherche d’une école à pédagogie spécifique ou d’une filière particulière. Cette importante mobilité domicile-école traduit la densité et la diversité de l’offre bruxelloise et le libre choix de l’école par les parents largement en vigueur. On est donc loin d’une situation où tous les élèves d’un quartier se retrouveraient, dans une logique de pure proximité, scolarisés dans la même école. Dans un contexte urbain, la plupart des élèves ont potentiellement accès à un assez large panel d’écoles.

Figure 5. La mobilité des élèves du primaire mesurée au lieu de résidence : proportion des élèves du primaire domiciliés dans le quartier et fréquentant une école de la Région bruxelloise, qui sont inscrits dans une école du quartier ou dans un quartier limitrophe, 2009‑2010

Figure 5. La mobilité des élèves du primaire mesurée au lieu de résidence : proportion des élèves du primaire domiciliés dans le quartier et fréquentant une école de la Région bruxelloise, qui sont inscrits dans une école du quartier ou dans un quartier limitrophe, 2009‑2010

Source : ETNIC et Vlaamse Gemeenschap, données compilées par ADT – BRAT (2012)

Figure 6. La mesure du caractère local du recrutement des établissements : proportion des élèves du primaire scolarisés dans les écoles du quartier qui sont domiciliés dans le quartier ou un quartier limitrophe, 2009‑2010

Figure 6. La mesure du caractère local du recrutement des établissements : proportion des élèves du primaire scolarisés dans les écoles du quartier qui sont domiciliés dans le quartier ou un quartier limitrophe, 2009‑2010

Source : ETNIC et Vlaamse Gemeenschap, données compilées par ADT – BRAT (2012)

38Dans l’enseignement fondamental, les données empiriques montrent que la distance entre le domicile et le lieu de scolarisation varie significativement selon le profil des élèves, le taux de réussite dans le cursus scolaire étant positivement corrélé à la distance parcourue [Delvaux et Serhadlioglu, 2012 ; Wayens et al., 2013]. On pourrait objecter que cette différence est simplement liée au fait que les élèves parcourant de grandes distances sont plus souvent issus de la périphérie résidentielle plus aisée, où les densités sont plus faibles, le réseau d’écoles plus distendu, et les distances moyennes à parcourir donc plus élevées. Mais cette explication est insuffisante car l’augmentation du taux de réussite avec la distance à l’école s’observe en effet dans tous les types de quartiers, aussi bien dans les quartiers aisés plus périphériques que dans les quartiers pauvres centraux.

39Cette mobilité scolaire est en partie une logique d’adaptation d’une proportion significative des familles contraintes par les coûts immobiliers de vivre dans les quartiers défavorisés, mais qui tentent toutefois de scolariser leurs enfants dans des écoles socialement mixtes, en dehors du croissant pauvre, ou, au sein de celui-ci, dans des écoles mieux « cotées ». Ce processus renforce l’effet de la ségrégation résidentielle parce que, au sein des quartiers défavorisés, on voit émerger des écoles au recrutement non seulement local, mais concentrant aussi les élèves « immobiles » du quartier. Les stratégies d’ascension sociale associées à la sortie, au moins scolaire, du quartier ne sont évidemment pas le fait des habitants les plus défavorisés au sein des quartiers défavorisés. Dès lors, des écoles cumulent les handicaps, induits par le recrutement exclusivement local et limité à la population scolaire « résiduelle ». Ces écoles subissent souvent un « turn-over » d’élèves très élevé dû au passage des primo-arrivants, une forte hétérogénéité (linguistique et culturelle) et concentrent aussi les enseignants inexpérimentés, non nommés, voire sans titre pédagogique [Delvaux et Serhadlioglu, 2012].

40Ces analyses abolissent le mythe selon lequel les écoles « ghettos » naîtraient parce que les parents choisiraient pour leurs enfants un enseignement en priorité dans leur propre quartier. Au contraire que, dès l’enseignement fondamental, stratégies parentales et pratiques sélectives, volontaires ou non, d’une partie des établissements scolaires se conjuguent pour donner lieu à la concentration dans les écoles « ghettos » des élèves les moins mobiles et les plus défavorisés et amplifier ainsi, pour ceux-ci, les effets négatifs de la ségrégation résidentielle.

2.6. Déficits du cadre enseignant

  • 21 chiffres cités par De Standaard, 4/04/2011.

41Depuis plusieurs années, une pénurie chronique de personnel qualifié touche l’enseignement bruxellois. Bruxelles ne lutte pas seulement contre un déficit d’enseignants, mais aussi contre une grande rotation du personnel enseignant. Du côté néerlandophone, 54 % des enseignants de l’enseignement fondamental et 62 % de ceux de l’enseignement secondaire quittent le métier au cours des cinq premières années21.

42Ce « turn-over » est aussi bien connu dans l’enseignement francophone, où le chiffre des départs dans les 5 ans, à l’échelle de l’ensemble de la Fédération Wallonie-Bruxelles, est évalué à 35 %. Plus de la moitié de ces novices ayant quitté le métier part déjà durant la première année. Le problème semble particulièrement toucher les enseignants du secondaire, car les instituteurs primaires ont un taux de sortie durant la première et les cinq premières années plus faible (14 %). Contrairement aux idées reçues, côté francophone, Bruxelles ne compte pas un taux de sortants plus élevé qu’en Wallonie, ce que l’on peut probablement rapprocher du fait que la croissance démographique génère des places qui permettent une stabilisation plus rapide des jeunes enseignants [Delvaux et al., 2013].

  • 22 chiffres cités par la Commission pour l'Enseignement et l'Egalité des chances du Parlement flamand, (...)
  • 23 estimation (probablement très optimiste) des auteurs d’après les données Etnic, observatoire de l’e (...)

43Quoi qu’il en soit, perdre régulièrement plus d’un tiers des enseignants fraichement formés, en plus des départs à la retraite des enseignants plus expérimentés, ne va faire qu’accroître les besoins dans un contexte de croissance démographique, surtout quand les cohortes les plus fournies atteindront le secondaire. Les besoins vont évidemment aller croissant et renforcer les déficits existants. Dès la fin d’octobre 2009, Actiris recensait 293 offres d’emploi pour l’ensemble de l’enseignement obligatoire, tant néerlandophones que francophones22. Et les quatre écoles normales bruxelloises, pour ne parler que de l’enseignement fondamental et secondaire inférieur francophone, diplôment au maximum 500 nouveaux enseignants chaque année, dont moins de 150 instituteurs maternels et 200 instituteurs primaires23, ce qui risque d’être largement insuffisant pour couvrir les besoins. Il s’agit là pourtant d’enseignants qui, à défaut d’être spécifiquement formés, sont au moins conscients des réalités bruxelloises au travers de leurs stages pédagogiques dans les écoles locales. Ce dernier élément ouvre d’ailleurs la question de la formation initiale des enseignants et de son adaptation aux réalités du terrain, menée à l’échelle des Communautés [Degraef, 2012 ; Degraef et al., 2012].

3. Les chantiers et les débats : urbanisme scolaire, régulation et coordination

44Les enjeux auxquels doit faire face l’enseignement bruxellois ne se limitent pas à la gestion des effets des évolutions démographiques et à la lutte contre les nombreux mécanismes contribuant à la ségrégation scolaire [CCFEE, 2010]. Dès lors la partie « chantiers et débats » de cette synthèse pourrait traiter de ces matières, mais aussi de la transition primaire-secondaire, de la maîtrise des compétences de base, du décrochage scolaire, de la situation et de la valorisation de l’enseignement qualifiant, de l’équipement des écoles techniques ou des relations de l’école avec la formation professionnelle et le marché de l’emploi.

  • 24 Voir à ce propos les déclarations du Ministre-Président Rudy Vervoort en faveur d’un enseignement b (...)

45Adopter un point de vue bruxellois sur l’enseignement devrait également inciter à réfléchir à la question du multilinguisme et de l’enseignement des langues [Janssens, 2008 ; Janssens, 2013]. Mais sur ce point, le débat n’est qu’émergeant24, alors que la question du « simple » bilinguisme est loin d’être réglée à Bruxelles puisque sur le terrain, les heures d’enseignement de la seconde langue nationale imposées par une loi du 30 juillet 1963, ne sont pas données et/ou financées correctement dans la plupart des écoles primaires bruxelloises francophones [CCFEE, 2010 : 6]. Mais ce sujet mérite à lui seul une synthèse spécifique, non limitée au secteur de l’enseignement obligatoire. Il ne sera donc pas traité ici.

46Restent cependant au moins trois chantiers focalisés sur l’enseignement, ayant fait l’objet de débats significatifs au cours des dernières années et où une réelle spécificité bruxelloise est apparue. Le premier est sans conteste la question de la prise en compte de la croissance démographique. Le second est celui de la régulation des inscriptions, où l’effet de pénurie, mais aussi la densité du tissu scolaire et l’intensité des ségrégations résidentielles ou scolaires, ont généré des tensions localement significatives alors qu’il s’agit de mesures pilotées à l’échelle communautaire. Le troisième chantier est une conséquence des deux premiers, car tant le déficit de capacité que les questions de régulation ont soulevé la question de la coordination locale et transversale des acteurs de l’enseignement.

3.1. Accroitre la capacité du système éducatif, en (re‑)développant un urbanisme scolaire ?

« Il apparait qu’une école saturée est une école où toutes les classes sont complètes et où il n’est plus possible d’ouvrir de nouvelles classes. Les écoles saturées en 2009‑2010 sont souvent des écoles qui, antérieurement, ont fait l’objet de modifications pour répondre à une demande croissante, et dont les bâtiments ne sont plus susceptibles d’extensions. Les modifications déjà faites affectent souvent la qualité pédagogique : des espaces nécessaires au bien-être des enfants (sanitaires ou réfectoire) et aux situations pédagogiques différenciées (récréation, psychomotricité…) ont disparu. » [Humblet, 2011].

47Cet extrait décrivant la situation dans le maternel est aujourd’hui largement transposable à l’enseignement primaire et souligne combien la première phase d’absorption de la croissance démographique s’est faite dans la débrouille et avec peu de moyens. La phase ultérieure, encore en cours, consiste à augmenter la capacité par de nouvelles constructions, provisoires (containers) ou plus durables (nouveaux bâtiments, éventuellement préfabriqués), en général sur des sites existants ou sur des sites viabilisés à la hâte de manière à constituer des annexes à des sites existants. La troisième étape est évidemment la construction de nouvelles écoles.

48Tant l’extension des capacités des sites existants que les nouvelles constructions posent explicitement la question des disponibilités foncières, question traitée par une étude commandée par l’ADT. Sur la base de 10 m2 par place créée (normes des Communautés) et d’une architecture de type pavillonnaire, il faudrait pour répondre aux besoins 24,5 ha de terrains. Les 138 terrains identifiés en partenariat avec les pouvoirs organisateurs de l’enseignement officiel pourraient théoriquement suffire et sont de fait déjà en partie mobilisés. Notons que la moitié de ces terrains sont déjà affectés à des écoles fondamentales et secondaires subventionnées. Les logiques d’extension sont certes limitées mais les études de cas montrent qu’elles ne sont pas pour autant négligeables. Il y a aussi un potentiel d’extension sur des terrains qui ne sont pas actuellement occupés par la fonction scolaire [ADT et URBA11, 2013 : 16].

49Mais il reste à mobiliser ces réserves foncières. Les difficultés, clairement identifiées, sont notamment d’ordre foncier (achat ou transfert de parcelles entre acteurs) et technique. Elles sont aussi liées aux montages financiers nécessaires, sachant qu’in fine toute opération n’est pas intégralement subsidiable et qu’il peut donc subsister une charge financière significative pour les pouvoirs organisateurs [ADT et URBA11, 2013 : 30‑37]. Ce dernier point est particulièrement problématique pour l’enseignement libre, dont les pouvoirs organisateurs sont constitués d’une multitude d’associations aux moyens financiers très variables, le soutien, la coordination et la solidarité au travers des congrégations s’étant fortement estompés [Van Haecht, 2010 : 128]. C’est donc sans surprise que jusqu’à présent l’essentiel des nouvelles places a été créé par l’enseignement officiel, avec une écrasante majorité de projets portés concrètement par les communes en tant que maîtres d’œuvre [ADT et URBA11, 2013 : 39‑39]. Les communes sont les garantes de l’application de l’obligation scolaire et ont donc clairement pris en Région bruxelloise leurs responsabilités, non sans potentiellement aggraver leur situation financière déjà précaire.

  • 25 Le cas de l’école La Brise à Watermael-Boitsfort, menacée de fermeture, montre l’incapacité qu’ont (...)

50Les nouvelles constructions soulèvent aussi la question d’une réelle programmation prenant en compte les besoins locaux25 mais aussi des logiques de rééquilibrage territorial de l’offre scolaire à l’échelle régionale et d’articulation avec les autres fonctions. C’est ainsi l’occasion de créer des écoles dans les quartiers les plus mal équipés qui ont été identifiés [ADT, 2012], voire d’installer de nouveaux pôles scolaires de rayonnement supra local dans des quartiers bien desservis par les transports publics et à l’interface de zones sociologiquement différenciées. Cela pourrait contribuer à une certaine mixité du public tout en réalisant des économies d’échelle sur les équipements connexes (équipements sportifs, piscines, mais pourquoi pas aussi réfectoires, salles de psychomotricité, bibliothèques, centres psycho-médico-sociaux, crèches pour les enseignants, etc.). La question des équipements nécessaires à l’enseignement a aujourd’hui tout son sens car la densification des sites existants est telle que salles de sport et réfectoires par exemple sont souvent saturés, tout comme le vieux problème des piscines… et des toilettes [Liebman, 2009] qui contribuent pourtant de manière fondamentale à la qualité de vie à l’école mais aussi aux bonnes conditions de travail des enseignants. Un vrai défi quand on connaît le travail de rénovation que nécessite déjà le patrimoine scolaire existant, témoin d’une époque révolue où l’école était au coeur des préoccupations architecturales des pouvoirs publics. L’essentiel de ce patrimoine dépasse aujourd’hui cinquante ans, si pas un siècle pour certaines communes [Région de Bruxelles-Capitale, 2006 ; Libois et al., 2012].

51C’est peut-être aussi l’occasion de remettre l’école au centre de l’encadrement social, dans un environnement urbain où de nombreuses familles vivent dans des quartiers défavorisés et beaucoup de jeunes arrêtent leurs études avant l’obtention d’un diplôme. Dans les années 1980, a germé, aux États-Unis, l’idée selon laquelle l’école ne pouvait assurer seule le soutien des enfants en difficulté. L’idéal pour ces enfants serait que ce service soit disponible dans l’école même. Ainsi est né le concept de « full-service schooling » [Dryfoos, 1994], qui devait migrer vers le Royaume-Uni sous le nom de « extended schools ». Ces écoles offrent un éventail d’activités, également en dehors des heures de cours, activités orientées tout aussi bien vers les besoins des enfants que vers la famille dans laquelle ils vivent et la communauté élargie qui entoure l’école [Dyson et al., 2002].

  • 26 Décrite dans l’accord de gouvernement flamand 2009‑2014 comme « Une brede school est un réseau acti (...)

52Ces expériences sont à l’origine du projet de « brede school » du Ministère flamand de l’Enseignement26. La situation actuelle où la construction de nouvelles écoles semble inévitable donne l’occasion de réfléchir au rôle que l’école devrait jouer, à l’avenir, dans un environnement urbain. Actuellement, dans sa mise en oeuvre communautaire (au sens belge du terme), il s’agit de proposer aux élèves une offre de services et de temps libre dans la langue de l’école, point sensible surtout dans l’enseignement néerlandophone où l’école est encore trop souvent une île isolée. Mais, à terme, l’école peut aussi jouer un rôle dans la vie communautaire (au sens anglo-saxon du terme) par la collaboration avec des associations sociales et culturelles et l’organisation d’activités culturelles et sportives qui peuvent contribuer au renforcement de la cohésion sociale dans le quartier. L’école deviendrait alors le lieu privilégié de la vie du quartier, y compris en dehors des heures scolaires. Le concept en soi semble très prometteur, mais sa réalisation se heurte inévitablement à la complexité bruxelloise. Crée-t-on, dans le quartier, des îlots francophones et néerlandophones ayant chacun son propre programme d’activités de sorte qu’ils fonctionnent comme de petits centres sur la base de la subdivision communautaire ou bien le concept peut-il être concrétisé de manière bilingue ou plurilingue ? La mise à disposition de nouveaux espaces peut être l’occasion de repenser la collaboration entre acteurs.

3.2. Réguler les inscriptions pour faire face aux difficultés ?

53À Bruxelles, les procédures de régulation des inscriptions qui sont explicitement liées à un problème de capacité sont celles de l’enseignement maternel. Bien qu’assez peu médiatisées, elles se multiplient, sont essentiellement locales et établies en ordre dispersé selon les pouvoirs organisateurs [Humblet, 2011]. Elles risquent d’amplifier les inégalités dès l’entrée du système éducatif. Il s’avère en effet que les parents les mieux informés et donc les mieux armés pour faire face au problème sont ceux, actifs sur le marché de l’emploi, qui sont passés par le système des crèches, saturé lui aussi (le taux de couverture régional est d’un enfant sur trois). Or ce sont ces enfants, passés par les milieux collectifs qui sont les mieux préparés aux exigences du système préscolaire. Le manque de places dans l’enseignement maternel, dans la continuité de l’accueil de la petite enfance, va donc rendre plus difficile l’accès des enfants qui ne sont pas déjà familiarisés avec la langue de l’enseignement ou, du moins, les mettre dans de très mauvaises conditions (surpeuplement des classes, etc.).

54Dès lors, on peut poser la question : ne faudrait-il pas encadrer ces régulations de l’entrée en maternelle en prenant en compte la question des inégalités sociales ? Ou, mieux, garantir une place pour tout enfant en maternelle ? Aujourd’hui, certains acteurs de l’enseignement n’hésitent pas, pour résoudre le problème de capacité, à remettre en cause l’entrée en maternelle à deux ans et demi, mettant en avant le fait que cet enseignement n’est pas obligatoire. Pour reporter le problème sur les crèches ?

55Beaucoup plus médiatisées, les réglementations concernant l’accès au secondaire ne sont pas spécifiquement bruxelloises (voir décret « inscription » en Communauté française et décret GOK en Communauté flamande27.) Mais c’est à Bruxelles (et dans le Brabant wallon ainsi que dans quelques autres grandes villes), dans le cadre d’une relative pénurie de places, plus précoces dans certains établissements, que ces régulations entraînent le plus de frustrations chez certains parents qui voient leur liberté de choix contrainte. Ces réglementations visent d’abord à assurer la transparence des prises d’inscription et d’attribution des places par les directions d’écoles. Mais, tant du côté néerlandophone que francophone, la volonté des Communautés est de lier l’uniformisation des procédures à des principes d’équité (« donner plus à ceux qui ont moins »), en intégrant des dispositions donnant certaines priorités aux élèves se trouvant dans des situations socialement plus difficiles. Ce modèle d’une certaine mixité sociale au sein des écoles est associé à un idéal de cohésion sociale, dont l’école devrait être le lieu d’apprentissage, bénéficiant aux plus faibles sans handicaper les plus forts, étant entendu que les pays caractérisés par une plus grande mixité sociale dans les écoles ont généralement de meilleurs scores aux tests PISA.

  • 28 Le décret (septembre 2010) de la Ministre Simonet en vigueur actuellement est le troisième du genre (...)

56Les deux communautés élaborent leurs propres règles de priorité, qui se ressemblent beaucoup (priorité aux frères et soeurs, aux membres du personnel, aux groupes socialement plus faibles…), mais il y a cependant aussi des différences importantes. Du côté néerlandophone, on s’attache à garantir l’enseignement à son propre groupe linguistique : 55 % des places sont réservées aux enfants qui parlent le néerlandais chez eux. Du côté francophone, la dernière version de la procédure28 cherche plutôt à s’opposer à l’homogénéité de la population scolaire (via l’imposition d’un part d’élèves provenant d’une école à indice socio-économique faible) et met plutôt l’accent sur la proximité géographique.

57La régulation des inscriptions la plus contestée est celle qui a été mise en place pour l’entrée en première année du secondaire de l’enseignement subventionné par la Communauté française. Contrairement à ce qui est d’application dans l’enseignement néerlandophone, des dispositions équivalentes n’ont pas été retenues pour l’enseignement primaire francophone.

58Le premier niveau de contestation du côté francophone consiste à s’opposer potentiellement à toute forme de régulation sur la base du principe de la liberté de choix. Le second niveau de contestation ne porte pas sur le principe mais bien sur les modalités. Les points qui méritent une attention spécifique pour Bruxelles sont notamment la prise en compte des distances domicile-école et école primaire-secondaire, vu la densité de l’offre mais aussi le poids de ce critère dans la méthode de calcul, ainsi que le mode de calcul de l’indice socio-économique moyen des écoles et des élèves [de Villers et de Thier, 2013]. Ce dernier souffre d’un effet « moyenne » qui ne reflète probablement plus tout à fait correctement la réalité socio-résidentielle bruxelloise. L’indice des élèves est calculé sur la base des données socio-économiques des quartiers de résidence des élèves (secteurs statistiques) et non pas des caractéristiques du ménage de l’enfant. Il ne tient donc guère compte de la diversité interne de ces quartiers qui sont de moins en moins homogènes socialement à Bruxelles suite aux évolutions des vingt dernière années, que ce soit dans le croissant pauvre, dans sa zone d’extension à l’ouest ou dans les communes de la première couronne orientale [Vandermotten et al., 2006 ; Stoleriu et Vandermotten, 2006 ; Van Criekingen, 2006 ; Romainville, 2009 ; Wayens et al., 2009]. Dès lors, pourquoi ne pas faire reposer cet indice sur les caractéristiques familiales réelles de l’élève comme le fait le GOK et tenir ainsi compte de la diversité résidentielle bruxelloise ?

  • 29 Voir par exemple le dossier « les effets pervers du décret inscriptions » et les positions respecti (...)

59Les enjeux d’une régulation scolaire, à défaut de faire consensus sur le plan politique29, ont été clairement synthétisés [Cantillon, 2009a ; Cantillon, 2009b]. Limite-on la régulation aux demandes excédentaires, limitant ainsi le nombre de parents concernés, mais aussi l’intervention publique aux seules écoles saturées, qui sont toutefois appelées à se multiplier à Bruxelles ? Travaille-t-on de façon centralisée ou privilégie-t-on une décentralisation au niveau des bassins scolaires, en ce compris pour les critères et leur poids, de manière probablement plus efficiente pour Bruxelles ? Module-t-on les critères par niveau scolaire ? Comment les critères politiques affectent-ils les différentes catégories d’élèves ? Comment convaincre tous les acteurs impliqués de participer, y compris à Bruxelles ceux de l’autre Communauté puisque les systèmes d’enseignement ne sont évidemment pas étanches ? Quelle procédure pratique mettre en place pour éviter de favoriser les initiés et limiter l’incertitude difficile à supporter par les enfants et leurs parents ?

60Toutes ces questions seront d’autant plus difficiles à trancher que la saturation des écoles grandira et que les marges de manœuvre se réduiront. Ce qui renvoie à notre premier grand chantier. Et tant celui de la régulation des inscriptions que celui de l’urbanisme scolaire, renvoient à un troisième chantier, celui de la coordination de l’enseignement en Région de Bruxelles‑Capitale.

3.3. Un pilotage bruxellois ?

61Même si elle ne va pas forcément de soi, la coordination de l’urbanisme scolaire au niveau communal a permis une réaction rapide pour résoudre des problèmes à court terme. La capacité, relativement spécifique aux communes, d’articuler au niveau local des moyens et des compétences de différents niveaux de pouvoir [Lagasse, 2012], a constitué un atout déterminant. Cela peut résoudre les problèmes dans une logique de proximité, mais l’ampleur du travail et la mobilité des élèves impliquent clairement une gestion à l’échelle métropolitaine ou, à tout le moins, régionale.

62Sur le plan financier, la Région s’est impliquée [Van de Putte et al., 2012]. En 2011, le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale a lancé un appel à projets auprès des différents pouvoirs organisateurs francophones et néerlandophones de l’enseignement officiel afin d’augmenter les capacités dans les écoles fondamentales. La Région a ainsi contribué, directement ou indirectement, à la création de plus de 4 000 places supplémentaires. Le poids régional est donc aussi important que contesté sur le plan juridico-communautaire30. Si on ajoute les places financées par la Communauté française, la Communauté flamande, la VGC et le Secrétariat général de l’enseignement catholique (SeGEC), ce sont près de 22 000 places qui étaient programmées en 201331.

63La réalisation effective de ces places dépendra d’une réelle coordination entre (et au sein) des acteurs locaux (communes et pouvoirs organisateurs du réseau libre) pour la maîtrise d’œuvre des projets, communautaires pour leur financement et régionaux (mais aussi communaux) pour les questions d’aménagement du territoire et de gestion du patrimoine (contrainte non négligeable à Bruxelles où il faut concilier respect du patrimoine et besoins actuels). Depuis 2011, une « Task Force enseignement », terme bien martial dénotant l’urgence de la situation et le caractère tardif de la réaction, regroupe des représentants de la Région bruxelloise, des Communautés française et flamande et des Commissions communautaires chargés de coordonner les projets de nouvelles constructions scolaires. Et des gouvernements conjoints - Région de Bruxelles-Capitale, Communauté française, Région Wallonne et Cocof - se réunissent dorénavant du côté francophone. Les questions d’urbanisme scolaire et de monitoring de l’offre et de la demande commencent à se structurer sur une base régionale puisque l’Agence de Développement Territorial a rejoint la « Task Force enseignement » en juin 2013 avec pour mission du gouvernement régional de coordonner les besoins en places scolaires avec les différents contextes locaux (situation socioéconomique, projets immobiliers qui vont accentuer la croissance démographique de certains quartiers, terrains disponibles pour la construction d’écoles…). Les décisions relatives à l’augmentation de capacités ne sont cependant pas purement techniques. Il s’agit bien de choix politiques qui émanent, en dernier ressort, des deux Communautés qui décident qui, de quelle manière et avec quels moyens financiers l’offre d’enseignement est développée. La Task Force reste donc dépendante de ce double processus de décision et ne peut, en l’état, qu’aider à coordonner les décisions sans intervenir directement dans les politiques de l’éducation respectives.

64Si les travaux Task Force restent très centrés sur des préoccupations immobilières, ce qui se comprend vu l’initiative régionale en la matière, notons que des ouvertures à d’autres domaines de la gestion de l’enseignement se sont fait jour. La Task Force pourra en effet aussi coordonner les moyens de lutte contre le décrochage scolaire, du ressort de la Région et des commissions communautaires. Notons également que le futur « Bassin de vie Enseignement – Formation – Emploi » devrait également aborder les enjeux de l’apprentissage des langues, de l’accrochage scolaire, de la croissance démographique…32 Par ailleurs, le Pacte de croissance urbaine durable (New Deal)33 prévoit l’élargissement du Comité bruxellois de concertation économique et sociale (tripartite : Gouvernement régional – Employeurs – Travailleurs) aux exécutifs des Communautés et Commissions communautaires pour précisément traiter notamment de questions scolaires.

65On a peut-être là l’embryon d’une coordination systémique de l’enseignement à Bruxelles, mettant en œuvre, certes timidement, les recommandations de la note de synthèse sur l’enseignement des Etats Généraux de Bruxelles [Janssens et al., 2009] : il s’agit toujours bel et bien de mettre en place « (…) une collaboration administrative envisagée de manière structurelle entre l’enseignement néerlandophone et francophone (…). Des problèmes tels l’absentéisme ou la problématique de capacité doivent être avant tout réglés à ce niveau. Ceci implique aussi que la collecte de données soit coordonnée (…) Tous les acteurs du domaine de l’enseignement à Bruxelles doivent être impliqués par cette collaboration (…) Ceci ne signifie pas que l’on doive aboutir à une structure commune, mais qu’en fonction de la problématique envisagée, l’on puisse impliquer de manière structurelle les acteurs qui sont le plus impliqués (…) il s’agirait d’appliquer le principe de subsidiarité ; ce qui peut inclure une régionalisation de certains aspects de la politique en matière d’enseignement, pensons à l’implantation des écoles, l’infrastructure… ».

  • 34 Voir pour plus d’infos : http://ccfee.be/ipieq
  • 35 Voir l’Avis 103 de la Commission consulatitve formation emploi enseignement relatif à l’Avant-proje (...)

66La régionalisation totale de l’enseignement est probablement une utopie à l’heure actuelle et n’est pas demandée par les gestionnaires publics bruxellois. Elle est politiquement difficile tant du côté flamand que francophone où l’enseignement est le lien principal entre la Wallonie et Bruxelles, puisqu’il représente 75 % du budget de la Communauté française, et pratiquement compliquée [Deschamps, 2008 : 18]. Le compromis le plus réaliste pour assurer l’émergence d’un pilotage de l’enseignement spécifique à Bruxelles est sans doute, au sein des Communautés, une autonomisation partielle de la gestion, par délégation à un organisme de coordination local inter-réseaux. Côté néerlandophone, cette coordination régionale existe déjà autour de la problématique des inscriptions. Il s’agit des lokale overlegplatforms (LOP, coordinations locales). Du côté francophone, la mise en place effective et approfondie des « bassins scolaires », au moins à Bruxelles, pourrait répondre aux besoins d’institutionnalisation de la coordination transversale [Delvaux, 2010 : 60], pour autant que le « bassin » bruxellois collabore efficacement avec les LOP et que les compétences respectives ne soient pas trop dissymétriques. Dans la perspective des chercheurs qui ont initié ce concept, les bassins scolaires sont un dispositif de régulation qui concerne tous les établissements d’un territoire infra-communautaire. Ils ont été définis en observant les interactions entre écoles et les flux d’élèves. Ces zones d’interdépendance, et Bruxelles en est une, constituent des échelons potentiels de décentralisation des politiques éducatives, forçant, si on lui donne des capacités d’allocation de moyens, la concertation entre établissements [Delvaux et al., 2005]. Mais pour le moment, leur mise en œuvre politique est limitée à l’enseignement qualifiant (les IPIEQ - Instances de pilotage inter-réseaux de l’enseignement qualifiant34), dans une perspective de développement territorial, qui travaille essentiellement et de manière marginale sur l’affectation des moyens et l’ouverture de filières. Des compétences assez éloignées des LOP néerlandophones et limitées au secondaire. Il ne semble pas que la mise en place des futurs « Bassins de vie Enseignement-Formation-Emploi » permettra une correspondance immédiate des missions des structures francophone et néerlandophone à Bruxelles35. Cela doit-il pour autant empêcher les collaborations et rapprochements ?

67Si la coordination de la construction des bâtiments scolaires suit son cours, le chemin vers un pilotage plus global de l’enseignement bruxellois semble encore être très long. Pourtant, les thèmes de travail sur ce plan sont nombreux : programmation des constructions et répartition de la charge des nouvelles places, harmonisation des procédures d’inscription, soutien à l’accrochage scolaire, affectation des moyens pédagogiques et para-scolaires (notamment l’accueil extra-scolaire et les dispositifs de cohésion sociale, parmi lesquels les écoles de devoirs), formation des enseignants et adéquation du cursus aux réalités bruxelloises, sans parler de la mise en place d’un enseignement bilingue voire multilingue… Mettre en place une coordination et un point de vue commun bruxellois peut aussi permettre de lutter contre d’autres clivages, linguistiques ou philosophiques, qui parfois déforcent les revendications des acteurs implantés dans la Région, fussent-elles légitimes.

Conclusion

68Sur le plan institutionnel, l’enseignement bruxellois n’existe pas. La Région, institution bilingue, n’a que peu de compétences dans ce domaine, car les modalités de la fédéralisation de la Belgique y induisent la coexistence d’un système d’enseignement structuré séparément par les Communautés française et flamande. L’héritage historique des luttes et équilibres entre piliers socio-politiques se traduit, au sein de chaque système communautaire, par la présence de réseaux : enseignement organisé par la Communauté, enseignement organisé par les communes et les Commissions communautaires (officiel subventionné) et enseignement libre. A Bruxelles, l’enseignement est donc en fait géré par une multitude de structures (les pouvoirs organisateurs) fonctionnant souvent de manière autonome et se concertant à plusieurs niveaux (réseau et Communauté). Et les 19 communes, agissant en tant que pouvoirs organisateurs officiels subventionnés séparés, souvent dans les deux cadres linguistiques, ne simplifient évidemment pas le paysage. Tout comme les nombreuses écoles internationales.

69Cet enseignement à l’organisation complexe doit faire face aux réalités d’une (petite) ville mondiale dont la population s’est accrue, rajeunie et internationalisée et où la richesse des uns cohabite avec le chômage et la pauvreté des autres.

70La croissance démographique a engendré des besoins de grande ampleur. C’est 42 000 places supplémentaires qu’il faudra créer entre 2010 et 2020, dont 29 500 dans l’enseignement maternel et primaire. Soit 1 343 classes supplémentaires rien que pour le fondamental. Et autant d’enseignants…

71Mais le défi n’est pas que quantitatif. L’échec et le retard scolaire, tout comme les logiques de relégations en cascade entre filières du secondaire atteignent des niveaux très élevés, dépassant même ceux des autres grandes villes belges. Nombreux sont les jeunes qui quittent l’enseignement obligatoire sans un diplôme suffisant pour poursuivre des études ou rentrer dans de bonnes conditions sur le marché de l’emploi. Les compétences scolaires acquises sont très inégales, à l’échelle des individus, mais aussi des établissements, révélant des logiques de recrutement différencié entre écoles. Dans un milieu urbain dense, cela accentue significativement l’effet de la ségrégation résidentielle pour créer les écoles « choisies » et des écoles « subies », pour ne pas dire « ghettos ». Les élèves en difficulté ou en décrochage potentiel sont donc très inéquitablement répartis entre les établissements, ce qui ne facilite guère le travail d’une partie des équipes enseignantes ni une réelle remédiation des inégalités par l’école, particulièrement pour ceux ne maîtrisant pas la langue de l’enseignement, de plus en plus nombreux.

72Ces défis sont souvent traités en ordre dispersé ou à tout le moins dans un cadre communautaire, sans prise en compte systématique des spécificités urbaines et bruxelloises. L’anticipation de la croissance démographique a été clairement déficiente, notamment de la part des Communautés pourtant en charge de la coordination de l’enseignement, en ce compris le financement des infrastructures. Il est vrai que la multitude des pouvoirs organisateurs et réseaux intermédiaires, peu structurés sur une base territoriale, complique et oriente l’appréhension des réalités locales.

73La coordination (études, appels à projets, cadastre des espaces mobilisables) a finalement été assumée largement par la Région bruxelloise, qui a même financé concrètement des infrastructures modulaires pour faire face au début de la pénurie. Les communes ont également réagi rapidement, mobilisant là de réelles compétences intersectorielles, interpellant utilement les différents niveaux de pouvoir et prenant des risques financiers. Risques financiers que ne peuvent probablement pas assurer de nombreux pouvoirs organisateurs du réseau libre, du moins individuellement.

74Mais dans la durée, les défis ne pourront être rencontrés que de manière concertée et structurée. Les moyens communautaires et surtout les marges d’investissement doivent être réorientés autant que possible vers les lieux où les besoins sont les plus criants, sachant que la périphérie bruxelloise et d’autres grandes villes sont aussi sujettes à une croissance démographique. Les programmations doivent être adaptées aux spécificités locales et intégrer tous les aspects de la problématique (classes, mais aussi infrastructures collectives, recrutement des enseignants). Cela suppose de dépasser les clivages institutionnels et de faire réellement fonctionner la Task Force récemment mise en place par la Région et les Communautés. La Région doit pérenniser son nouveau rôle de planification stratégique en terme d’infrastructures liées à la jeunesse, en ce compris l’enseignement.

75D’autres aspects mériteraient aussi d’être discutés, concertés, voire organisés dans un cadre bruxellois, en complément du niveau communautaire : lutte contre l’échec et le décrochage scolaire, nature et affectation des moyens liés aux mesures de discrimination positive, activités parascolaires, encadrement des inscriptions, ramassage scolaire, gestion du multilinguisme, complément de formation aux (futurs) enseignants bruxellois, voire coordination, solidarité et responsabilité inter-établissements… Même à cadre institutionnel inchangé, cette coordination n’est pas une totale utopie, des outils transversaux à renforcer et coordonner sur une base bruxelloise, existant au niveau régional (le futur Comité bruxellois de concertation économique et sociale élargi aux exécutifs communautaires) et au sein de chacun des systèmes communautaires, par exemple les « bassins scolaires » et « lokale overlegplatforms ».

Haut de page

Bibliographie

AGENCE DE DÉVELOPPEMENT TERRITORIAL (ADT-ATO) et BUREAU DE RECHERCHE EN AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE (BRAT), 2012a. Analyse de l’adéquation entre l’offre et les besoins en places scolaires dans l’enseignement primaire. Bruxelles : Agence de Développement Territorial (ADT-ATO). Inventaire des équipements et services à la population en Région de Bruxelles-Capitale. www.adt-ato.irisnet.be (consulté le 29 juin 2013)

AGENCE DE DÉVELOPPEMENT TERRITORIAL (ADT-ATO) et BUREAU DE RECHERCHE EN AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE (BRAT), 2012b. Analyse de l’adéquation entre l’offre et les besoins en places scolaires dans l’enseignement maternel. Bruxelles : Agence de Développement Territorial (ADT-ATO). Inventaire des équipements et services à la population en Région de Bruxelles-Capitale. www.adt-ato.irisnet.be (consulté le 29 juin 2013)

AGENCE DE DÉVELOPPEMENT TERRITORIAL (ADT-ATO) et BUREAU DE RECHERCHE EN AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE (BRAT), 2012c. Analyse de l’adéquation entre l’offre et les besoins en places scolaires dans l’enseignement secondaire. Bruxelles : Agence de Développement Territorial (ADT-ATO). Inventaire des équipements et services à la population en Région de Bruxelles-Capitale. www.adt-ato.irisnet.be (consulté le 29 juin 2013)

AGENCE DE DEVELOPPEMENT TERRITORIAL (ADT-ATO) et URBA11, 2013. Cadastre des équipements scolaires. Rapport de synthèse. Bruxelles : Agence de Développement Territorial (ADT-ATO). www.adt-ato.irisnet.be (consulté le 29 juin 2013)

BOURDIEU, Pierre et CHAMPAGNE, Patrick, 1993. Les exclus de l’intérieur. In : La misère du monde. Paris : Éditions du Seuil. pp. 913‑923

CANTILLON, Estelle, 2009a. La régulation des inscriptions scolaires : pourquoi et comment ? In : Quel Etat pour quelles performances économiques. 18e Congrès des économistes de langue française. Charleroi : CIFOP. septembre 2009.

CANTILLON, Estelle, 2009b. Réguler les inscriptions scolaires à Bruxelles. Brussels Studies. 30 novembre 2009. nº 32. http://brussels.revues.org (consulté le 29 juin 2013)

CARLIER, Donat, 2006. Les classes-passerelles pour primo-arrivants : des besoins criants ! Alter Echos. 28 avril 2006. nº 123. www.alterechos.be (consulté le 29 juin 2013)

COMMISSION CONSULTATIVE FORMATION EMPLOI ENSEIGNEMENT (CCFEE), 2010. L’enseignement à Bruxelles. Synthèse des points d’attention de la CCFEE. Bruxelles : CCFEE. http://ccfee.be/publications/enseignement (consulté le 29 juin 2013)

D’ HAEYERS, Aurore, 2008. Focus : Faut-il supprimer l’enseignement de type 8 ? Alter Echos. 16 mars 2008. nº 248. www.alterechos.be (consulté le 29 juin 2013)

DE VILLERS, Johanna et DE THIER, Véronique, 2013. Le décret inscriptions à Bruxelles : questions et pistes d’aménagement. Bruxelles : Fédération des Associations de Parents de l’Enseignement Officiel. www.fapeo.be (consulté le 29 juin 2013)

DEBOOSERE, Patrick, EGGERICKX, Thierry, VAN HECKE, Etienne et WAYENS, Benjamin, 2009. Etats Généraux de Bruxelles, note de synthèse nº 3. La population bruxelloise : un éclairage démographique. Brussels Studies. 1 décembre 2009. http://brussels.revues.org (consulté le 29 juin 2013)

DEGRAEF, Véronique, MERTENS, Alexandra, RODRIGUEZ, Julie, VAN CAMPENHOUDT, Luc et FRANSSEN, Abraham, 2012. Évaluation qualitative, participative et prospective de la formation initiale des enseignants en Fédération Wallonie-Bruxelles. Bruxelles : Fédération Wallonie-Bruxelles, Administration générale de l’Enseignement et de la Recherche scientifique. www.fusl-ces.be (consulté le 29 juin 2013)

DEGRAEF, Véronique, 2012. L’école maternelle, une chance à saisir Mieux préparer les futurs instituteurs et institutrices préscolaires au soutien des enfants de milieux défavorisés. Bruxelles : Fondation Roi Baudouin. www.kbs-frb.be (consulté le 29 juin 2013)

DEHAIBE, Xavier et LAINE, Benoît, 2010. Projections démographiques bruxelloises. Bruxelles : Ministère de la Région de Bruxelles-Capitale, Institut bruxellois de Statistiques et d’Analyse IBSA. Les cahiers de l’IBSA, 1. www.ibsa.irisnet.be (consulté le 29 juin 2013)

DEHAIBE, Xavier, 2010. Impact de l’essor démographique sur la population scolaire en Région de Bruxelles-Capitale. Bruxelles : Ministère de la Région de Bruxelles-Capitale, Institut bruxellois de Statistiques et d’Analyse IBSA. Les cahiers de l’IBSA, 2. www.ibsa.irisnet.be (consulté le 29 juin 2013)

DELGRANGE, Xavier, 2010. Les acteurs en présence. La Revue nouvelle. mai 2010. pp. 82‑83. www.revuenouvelle.be (consulté le 29 juin 2013)

DELMÉE, Patrick, 2013. Cours philosophiques : à la croisée des chemins. PROF. Juin 2013. nº 18, pp. 12‑23. www.enseignement.be/prof (consulté le 29 juin 2013)

DELVAUX, Bernard, DEMEUSE, Marc, DUPRIEZ, Vincent, GUISSET, Christophe, FAGNANT, Annick, LAFONTAINE, Dominique, MARISSAL, Pierre et MAROY, Christian, 2005. Les bassins scolaires : de l’idée au projet. Propositions relatives aux domaines d’intervention, aux instances et aux territoires. Bruxelles : Administration générale de l’Enseignement et de la Recherche scientifique du Ministère de la Communauté française. www.girsef.ucl.ac.be (consulté le 29 juin 2013)

DELVAUX, Bernard, DESMAREZ, Pierre, DUPRIEZ, Vincent, LOTHAIRE, Sandrine et VEINSTEIN, Mathieu, 2013. Les enseignants débutants en Belgique francophone : Trajectoires, conditions d’emploi et positions sur le marché du travail. Les cahiers de recherche du Girsef. avril 2013. nº 92, pp. 159. www.girsef.ucl.ac.be (consulté le 29 juin 2013)

DELVAUX, Bernard et SERHADLIOGLU, Eliz, 2012. Mythes et réalités de la mixité sociale dans les écoles bruxelloises : inclusion et exclusion. In : Vers un enseignement bruxellois ? Naar een Brussels onderwijs? Bruxelles : Brussels Studies Institute. 30 mai 2012. www.brusselsstudiesinstitute.be (consulté le 29 juin 2013)

DELVAUX, Bernard, 2010. Quelle autonomie dans un système d’interdépendance et d’interrégulation. La Revue nouvelle. mai 2010. pp. 49‑60. www.revuenouvelle.be (consulté le 29 juin 2013)

DESCHAMPS, Robert, 2008. Enseignement francophone. On peut faire mieux, mais comment ? CERPE. Cahiers de recherche. Série Politique Economique. 2008. Nº 34, pp. 18. www.unamur.be/eco/economie/cerpe/cahiers (consulté le 29 juin 2013)

DESCHAMPS, Robert, 2010. Un meilleur enseignement en communauté française. Nous les pouvons si nous le voulons. CERPE. Cahiers de recherche. Série Politique Economique. 2010. nº 49, pp. 21. www.unamur.be/eco/economie/cerpe/cahiers (consulté le 29 juin 2013)

DEVINE, Paula et SCHUBOTZ, Dirk, 2011. Here and There: Experiences and Attitudes to Segregation Among Urban Teenagers in Northern Ireland. In: Urban conflicts. Ethno-national division, States and Conflicts. Belfast. mai 2011.

DRAELANTS, Hughes, DUPRIEZ, Vincent et MAROY, Christian, 2011. Le système scolaire. Dossiers du CRISP. 2011. nº 76, pp. 126.

DUMONT, Hughes et VAN DROOGHENBROECK, Sébastien, 2011. L’interdiction des sous-nationalités à Bruxelles. Administration Publique. 2011. vol. 34, nº 3, pp. 201‑226.

EL BERHOUMI, Mathias, 2013. La liberté d’enseignement entre érosion et résistance. La Revue nouvelle. mars 2013. pp. 32‑45. www.revuenouvelle.be (consulté le 29 juin 2013)

GRIMMEAU, Jean-Pierre, DECROLY, Jean-Michel et WERTZ, Isaline, 2012. La démographie des communes belges de 1980 à 2010. Courrier hebdomadaire du CRISP. 2012. nº 2162‑2163, pp. 89.

HINDRIKS, Jean, VERSCHELDE, Marijn, RAYP, Glenn et SCHOORS, Koen, 2009. 2009/14 : Que peut enseigner l’école flamande à l’école francophone ?. Memo. Bruxelles : Itinera Institute. www.itinerainstitute.org (consulté le 29 juin 2013)

HROCH, Miroslav, 2006. Modernization and Communication as Factors of Nation Formation. In: The SAGE Handbook of Nations and Nationalism. Londres : SAGE.

HUMBLET, Perrine, 2011. Croissance démographique bruxelloise et inégalité d’accès à l’école maternelle. Brussels Studies. 19 septembre 2011. nº 51. http://brussels.revues.org (consulté le 29 juin 2013)

JACOBS, Dirk, REA, Andrea, TENEY, Céline, CALLIER, Louise et LOTHAIRE, Sandrine, 2009. L’ascenseur social reste en panne : les performances des élèves issus de l’immigration en Communauté française et en Communauté flamande. Bruxelles : Fondation Roi Baudouin. www.kbs-frb.be (consulté le 29 juin 2013)

JACOBS, Dirk et REA, Andrea, 2007. Les jeunes Bruxellois, entre diversité et adversité. Enquête parmi les rhétoriciens des écoles de la Ville de Bruxelles. Brussels Studies. 9 mars 2007. nº 8. http://brussels.revues.org (consulté le 29 juin 2013)

JACOBS, Dirk et RÉA, Andrea, 2011. Gaspillage de talents. Les écarts de performances dans l’enseignement secondaire entre élèves issus de l’immigration et les autres d’après l’étude PISA 2009. Bruxelles : Fondation Roi Baudouin. www.kbs-frb.be (consulté le 29 juin 2013)

JACOBS, Dirk, 2012. 2012/9 : Chaque talent compte-il ? La position des enfants issus de l’immigration dans les écoles belges. Discussion paper. Bruxelles : Itinera Institute. www.itinerainstitute.org (consulté le 29 juin 2013)

JANS, M.T., 2001. Federalism and the regulation of ethno-national conflict. Brussel : Vrije Universiteit Brussel.

JANSSENS, Rudi, CARLIER, Donat et VAN DE CRAEN, Piet, 2009. Etats Généraux de Bruxelles, note de synthèse nº 5. L’enseignement à Bruxelles. Brussels Studies. 19 janvier 2009. http://brussels.revues.org (consulté le 29 juin 2013)

JANSSENS, Rudi, 2007. Van Brussel gesproken : taalgebruik, taalverschuivingen en taalidentiteit in het Brussels Hoofdstedelijk Gewest. VUBpress.

JANSSENS, Rudi, 2008. L’usage des langues à Bruxelles et la place du néerlandais. Quelques constatations récentes. Brussels Studies. 1 juillet 2008. nº 13. http://brussels.revues.org (consulté le 29 juin 2013)

JANSSENS, Rudi, 2013. Meertaligheid als cement van de stedelijke samenleving. Een analyse van de Brusselse taalsituatie op basis van Taalbarometer 3. Brussel : VUBpress.

KESTELOOT, Christian, MISTIAEN, Pascale et ROELANDTS, Marcel, 1990. L’espace des inégalités scolaires à Bruxelles. Espace, Population et Sociétés. 1990. vol. 8, nº 1, pp. 107‑120. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/revue/espos (consulté le 29 juin 2013)

LAGASSE, Nicolas, 2012. Organisation des compétences entre Région et communes à Bruxelles : dépasser l’antagonisme des approches «  Tina » et «  Nimby ». Brussels Studies. 24 septembre 2012. nº 61. http://brussels.revues.org (consulté le 29 juin 2013)

LIBOIS, Brigitte, BURNIAT, Patrick et JACOBS, Roel, 2012. Les écoles de la ville de Bruxelles : un patrimoine architectural. Bruxelles : Racine.

LIEBMAN, Sophie, 2009. Analyse sociopédagogique de la place du corps à l’école primaire : le cas particulier des toilettes. mémoire en Sciences de l’Education. Bruxelles : Université libre de Bruxelles.

LUYTEN, Sarah, MASUY, Amandine, DE SPIEGELAERE, Myriam et DÉOGRATIAS, Mazina, 2012. Baromètre social. Bruxelles : Observatoire de la Santé et du Social - Commission communautaire commune. www.observatbru.be (consulté le 29 juin 2013)

MABILEAU, Albert, 1991. Le système local en France. Paris : Montchrestien.

MARISSAL, Pierre, WAYENS, Benjamin, SERHADLIOGLU, Eliz et DELVAUX, Bernard, 2013. Inégalités socio-économiques entre implantations scolaires : déjà en maternelle ? Grandir à Bruxelles. 2013. nº 28, pp. 37. www.grandirabruxelles.be (consulté le 29 juin 2013)

REA, Andrea, NAGELS, Carla et CHRISTIAENS, Jenneke, 2009. Etats Généraux de Bruxelles, note de synthèse nº 9. Les jeunesses bruxelloises : inégalité sociale et diversité culturelle. Brussels Studies. 2 février 2009. http://brussels.revues.org (consulté le 29 juin 2013)

RÉGION DE BRUXELLES CAPITALE (éd.), 2006. Corps et esprit. Bruxelles : Administration de l’Aménagement du Territoire et du Logement.

ROESEMS, Truus, DE SPIEGELAERE, Myriam, WAYENS, Benjamin, DEBOOSERE, Patrick, KESTELOOT, Christian, WILLAERT, Didier, GADEYNE, Sylvie, SLEGERS, Katrien, VAN CUTSEM, S., MARISSAL, Pierre, VANDERMOTTEN, Christian et CHARLES, Julie, 2006. Atlas de la santé et du social de Bruxelles-Capitale. Bruxelles : Observatoire de la Santé et du Social – Commission communautaire commune. www.observatbru.be (consulté le 29 juin 2013)

ROESEMS, Truus et FEYAERTS, Gille, 2009. Baromètre social. Bruxelles : Observatoire de la Santé et du Social – Commission communautaire commune. www.observatbru.be (consulté le 29 juin 2013)

ROMAINVILLE, Alice, 2009. À qui profitent les politiques d’aide à l’acquisition de logements à Bruxelles ? Brussels Studies. 25 janvier 2009. nº 34. http://brussels.revues.org (consulté le 29 juin 2013)

ROUYET, Yves et BRETON, Michel, 2012. Bruxelles : conséquences spatiales du boom démographique sur l’offre scolaire. In : Penser et Produire la Ville au XXIe siècle Modernisation écologique, qualité urbaine et justice spatiale. Lausanne : APERAU – Association pour la Promotion de l’Enseignement et de la Recherche en Aménagement et Urbanisme. Juin 2012.

SÄGESSER, Caroline, 2012. Les cours de religion et de morale dans l’enseignement obligatoire. Courrier hebdomadaire du CRISP. 2012. nº 2140‑2141, pp. 59.

STOLERIU, Oana et VANDERMOTTEN, Christian, 2006. L’évolution de la structure par âge et des revenus et les mouvements migratoires entre 1991 et 2001 : un indicateur de la mutation des quartiers de Bruxelles et de sa périphérie. Belgeo. 2006. vol. VII, nº 4, pp. 419‑435.

TREMBLAY, Philippe, 2009. Orientation vers et au sortir de l’enseignement spécialisé : analyse comparative dans les trois régions de Belgique. In : colloque de l’Association francophone d’éducation comparée. Dijon. juin 2009.

VAESEN, Joost, 2008. Osmose, dwang en tegenmacht. De interbestuurlijke verhoudingen in Brussel, 1970‑2004. Brussel : Vrije Universiteit Brussel.

VAN CRIEKINGEN, Mathieu, 2006. Que deviennent les quartiers centraux à Bruxelles ? Migrations sélectives au départ des quartiers bruxellois en voie de gentrification. Brussels Studies. 12 décembre 2006. nº 1, pp. 118. http://brussels.revues.org (consulté le 29 juin 2013)

VAN DE PUTTE, Dirk, RAYNAUD, Frederic, GUÉRIN, Annabelle et BRETON, Michel, 2012. Note d’orientation pour la programmation d’établissements scolaires dans les secteurs fondamental et secondaire. Bruxelles : Agence de Développement Territorial (ADT-ATO). www.adt-ato.irisnet.be (consulté le 29 juin 2013)

VAN DRIESSCHE, F, 1998. De Brusselse eigenheid. Een analyse van het uitgavenpatroon van de gemeenten van het Brussels Hoofdstedelijk Gewest. Tijdschrift van het Gemeentekrediet. 1998. vol. 204, nº 7, pp. 77‑87.

VAN GORP, A, 2011. Pedagogische historiografie. Leuven : Acco.

VAN HAECHT, Anne, 2010. Autonomie des réseaux : les enjeux actuels. La Revue nouvelle. mai 2010. pp. 127‑133.

VANCRAYEBECK, Laurence, 2012. L’enseignement et l’interaction entre les autorités publiques à Bruxelles. In : Vers un enseignement bruxellois ? Naar een Brussels onderwijs ? Bruxelles : Brussels Studies Institute. 30 mai 2012. www.brusselsstudiesinstitute.be (consulté le 29 juin 2013)

VANDERMOTTEN, C., MARISSAL, Pierre, VAN HAMME, Gilles, KESTELOOT, Christian, SLEGERS, Katrien, VANDEN BROUCKE, Lien, IPPERSIEL, Bertrand, DE BETHUNE, Stanislas et NAIKEN, Renaud, 2006. Analyse dynamique des quartiers en difficulté dans les régions urbaines belges. Bruxelles : SPP Politique des Grandes Villes et Intégration Sociale. www.mi-is.be (consulté le 29 juin 2013)

VERDONCK, Magali, TAYMANS, Michèle et VAN DROOGENBROECK, Nathalie, 2011. Dépensières, les communes bruxelloises ? Une analyse comparative des budgets des principales communes urbaines de Belgique. Brussels Studies. 5 septembre 2011. nº 49. http://brussels.revues.org (consulté le 29 juin 2013)

VETTENBURG, Nicole, ELCHARDUS, Mark et PUT, Johan, 2011. Jong in Brussel: bevindingen uit de JOP-monitor Brussel.

WAYENS, Benjamin, DEBOOSERE, Patrick, WILLAERT, Didier, SANDERSON, Jean-Paul, EGGERICKX, Thierry, DE MAESSCHACK, Filip, KESTELOOT, Christian, KUMMERT, Pierre et VANDERMOTTEN, Christian, 2009. La dynamique des quartiers Bruxellois (1981‑2006) : l’analyse de l’évolution socio-économique de la Région de Bruxelles-Capitale à l’échelle des quartiers. Bruxelles : Secrétariat régional au développement urbain (SRDU).

WAYENS, Benjamin, KUMMERT, Pierre, DUMONT, Gauvain et ROESEMS, Truus, 2010. Fiche régionale. In : Fiches communales d’analyse des statistiques locales en Région bruxelloise. 1. Bruxelles : Commission communautaire française. pp. 48. http://www.cocof.irisnet.be/site/fr/affsoc/cohesion/index_htm (consulté le 29 juin 2013)

WILLAERT, Didier, 2009. 5: Verhuisbewegingen vanuit en naar de Vlaamse Rand rond Brussel. Bruxelles : VUB – Interface Demography. Working Paper. www.vub.ac.be/demography (consulté le 29 juin 2013)

WILLAERT, Didier, 2010. 2: De recente internationalisering van het Brussels gewest en de Vlaamse Rand. Bruxelles : VUB – Interface Demography. Working Paper. www.vub.ac.be/demography (consulté le 29 juin 2013)

WITTE, Els, CRAEYBECKX, Jan et MEYNEN, Alain, 2009. Political history of Belgium: from 1830 onwards. VUB Press.

WITTE, Els, 1992. Belgian federalism: Towards complexity and asymmetry. West European Politics. 1992. vol. 15, nº 4, pp. 95–117.

Haut de page

Notes

1 Sensu stricto, l’enseignement maternel n’est pas de l’enseignement obligatoire, puisque l’obligation scolaire débute à 6 ans pour se terminer à 18 ans. Mais, dans la pratique, il y a une réelle continuité, organisationnelle et pédagogique, entre l’enseignement maternel et primaire et le taux de fréquentation de l’enseignement maternel dépasse 90% à Bruxelles.

2 Données eurostat. Voir les détails méthodologiques du calcul sur http://epp.eurostat.ec.europa.eu/statistics_explained/index.php/Educational_expenditure_statistics

3 Voir Van Gorp et al. (2011) et Grootaers (1998) pour un cadre historique de l'éducation et de l'enseignement en Belgique.

4 Pour être complet, il faudrait ajouter l’enseignement germanophone, mais qui ne concerne pas Bruxelles.

5 Pour plus de concision, le terme de Communauté française, figurant dans les textes législatifs, est utilisé ici à la place de la nouvelle dénomination Fédération Wallonie-Bruxelles.

6 Cependant, la Régie des bâtiments, donc l’Etat belge, dans le cadre de la politique générale d'accueil des institutions européennes, a pris en charge la construction des bâtiments des 4 (bientôt 5 écoles) européennes à Bruxelles.

7 Voir www.das-rbc.irisnet.be

8 Voir www.ccfee.be/nos-avis/equipements

9 Arrêt 67/2012, 24 mai 2012.

10 Le nombre de personnes dont la langue « originale » au sein du ménage est le néerlandais s’élève à 5,4% de la population bruxelloise tandis que 14,1% est bilingue Français-Néerlandais. 23,1% des Bruxellois maîtrisent de manière satisfaisante ou excellente le néerlandais. Mais tous les enfants des ménages bilingues ne fréquentent évidemment pas le réseau scolaire néerlandophone qui à Bruxelles attire de plus en plus d’allophones.

11 Statistiques rapides, Etnic, année scolaire 2008‑2009 et Statistiques VGC, année scolaire 2011‑2012.

12 Notons qu'il peut y avoir différentes « coupoles » au sein d’un réseau d'enseignement.

13 La Communauté flamande n’organise pas l’enseignement directement mais via « het Gemeenschapsonderwijs – GO » qui est une institution publique avec personnalité juridique [Van Haecht, 2010 : 132‑133].

14 Avec la suppression à Bruxelles de l'échelon provincial lors de la quatrième réforme de l'Etat, l’enseignement provincial a été repris essentiellement (mais pas exclusivement) par la COCOF et la VGC.

15 Direction Générale Statistique et Information Economique- DGSIE.

16 voir http://www.ond.vlaanderen.be/gok

17 Inventaire actualisé ADT.

18 Alors que l’enseignement francophone ne collecte pas de manière centralisée de données relatives au parents, l’enseignement néerlandophone, moment de l’inscription collecte lui des informations sur la formation et les pratiques linguistiques au sein du ménage. Voir le détails de ces statistiques sur http://www.vgc.be/Onderwijs/Onderwijsbeleid+van+de+VGC/Over+het+Brussels+Nederlandstalig+onderwijs/cijfers.htm

19 PISA est une enquête menée tous les trois ans auprès de jeunes de 15 ans dans les 34 pays membres de l’OCDE et dans de nombreux pays partenaires. Elle évalue l’acquisition de savoirs et savoir-faire essentiels à la vie quotidienne au terme de la scolarité obligatoire. Les tests portent sur la lecture, la culture mathématique et la culture scientifique.

20 Quartier de domicile ou quartiers adjacents, selon la définition des quartiers disponible sur www.monitoringsdesquartiers.irisnet.be.

21 chiffres cités par De Standaard, 4/04/2011.

22 chiffres cités par la Commission pour l'Enseignement et l'Egalité des chances du Parlement flamand, séance du 25/05/2010.

23 estimation (probablement très optimiste) des auteurs d’après les données Etnic, observatoire de l’enseignement supérieur.

24 Voir à ce propos les déclarations du Ministre-Président Rudy Vervoort en faveur d’un enseignement bilingue en mai 2013 ainsi que le récent « plan Marnix pour un Bruxelles multilingue » porté par Philippe Van Parijs.

25 Le cas de l’école La Brise à Watermael-Boitsfort, menacée de fermeture, montre l’incapacité qu’ont parfois certains pouvoirs organisateurs (ici la Communauté française) à anticiper des modification majeures du quartier (ici les nouveaux logements issus de l’opération « Ernotte » de la SDRB).

26 Décrite dans l’accord de gouvernement flamand 2009‑2014 comme « Une brede school est un réseau actif d'organisations appartenant à différents secteurs qui entourent une ou plusieurs écoles alliées dans un but commun : le large développement des enfants et des adolescents à l'école et pendant le temps libre. Ces réseaux augmentent les chances d'exploiter judicieusement l'accueil extra-scolaire ».

27 Gelijke Onderwijskansen (égalité d’opportunité d’enseignement) : voir www.ond.vlaanderen.be/wetwijs/thema.asp?id=54

28 Le décret (septembre 2010) de la Ministre Simonet en vigueur actuellement est le troisième du genre. Il succède aux décrets de la Ministre Arena basé sur les principes du « premier arrivé, premier inscrit » et du Ministre Dupont (arbitrage par tirage au sort).

29 Voir par exemple le dossier « les effets pervers du décret inscriptions » et les positions respectives de Marc Elsen (CDH) et Françoise Bertieaux (MR) dans La libre Belgique du 23 mars 2013.

30 Arrêt 67/2012 du 24 mai 2012 de la Cour constitutionnelle.

31 www.adt-ato.irisnet.be/fr/enjeux-urbains/

32 Voir l’Avis 103 de la CCFEE disponible sur www.ccfee.be/nos-avis/articulations-enseignement-formation-emploi

33 Voir www.esr.irisnet.be/site13/plone/cbces/documents/PCUD-FR-signe.pdf

34 Voir pour plus d’infos : http://ccfee.be/ipieq

35 Voir l’Avis 103 de la Commission consulatitve formation emploi enseignement relatif à l’Avant-projet d’Accord de coopération relatif à la mise en œuvre de « Bassins de vie Enseignement - Formation – Emploi », adopté le 28 mai 2013, pp. 4 et 5, et particulièrement le point 1.3.3. Téléchargeable sur : http://ccfee.be/nos-avis/articulations-enseignement-formation-emploi/pilotage-des-articulations

Haut de page

Table des illustrations

Titre Tableau 1. Répartition des écoles situées sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale et des élèves qui y sont scolarisés selon le pouvoir subsidiant en 2009‑2010
Crédits Source : CFWB et VGC, données compilées par ADT - BRAT (2012), ventilation selon les pouvoirs subsidiant par les auteurs sur base des statistiques de la VGC
URL http://journals.openedition.org/brussels/docannexe/image/1181/img-1.png
Fichier image/png, 61k
Titre Figure 1. Répartition des écoles primaires selon le pouvoir subsidiant et, au lieu de résidence, proportion des enfants de l’enseignement primaire scolarisés dans l’enseignement néerlandophone à Bruxelles, 2009‑2010
Crédits Source : ETNIC et Vlaamse Gemeenschap, données compilées par ADT – BRAT (2012)
URL http://journals.openedition.org/brussels/docannexe/image/1181/img-2.png
Fichier image/png, 540k
Titre Tableau 2. Répartition des élèves scolarisés sur le territoire de la Région de Bruxelles selon le réseau du pouvoir organisateur
Crédits Source : ETNIC, statistiques rapides 2008‑2009 et VGC, statistiques 2012
URL http://journals.openedition.org/brussels/docannexe/image/1181/img-3.png
Fichier image/png, 108k
Titre Tableau 3. Population en âge scolaire résidant dans la Région de Bruxelles-Capitale
Crédits Source : IBSA, perspectives démographiques publiées en 2010
URL http://journals.openedition.org/brussels/docannexe/image/1181/img-4.png
Fichier image/png, 112k
Titre Tableau 4. Estimation de la population scolaire dans la Région de Bruxelles-Capitale et évaluation du nombre de places supplémentaires à créer dans les écoles bruxelloises
Crédits Source : Dehaibe, 2010 et ADT, 2012
URL http://journals.openedition.org/brussels/docannexe/image/1181/img-5.png
Fichier image/png, 132k
Titre Figure 2. Ventilation par quartier du nombre d’enfants supplémentaires à scolariser entre 2010 et 2020
Crédits Source : calculs ADT - BRAT (2012) sur base des perspectives de population IBSA
URL http://journals.openedition.org/brussels/docannexe/image/1181/img-6.png
Fichier image/png, 231k
Titre Figure 3. Population scolaire en fonction du lieu de résidence (deuxième – S2 – et troisième – S3 – degré du secondaire) par filière, pour les 19 communes et la Région bruxelloise, en 2008
Crédits Source : Wayens et al. [2010] d’après données ETNIC et VG
URL http://journals.openedition.org/brussels/docannexe/image/1181/img-7.png
Fichier image/png, 221k
Titre Figure 4. Rythmes scolaires des élèves dans l’enseignement secondaire (en première, troisième et cinquième année) vivant en Région bruxelloise par sexe et par filière au cours de l’année scolaire 2007‑2008
Crédits Source : Roesems et Feyaerts, 2009
URL http://journals.openedition.org/brussels/docannexe/image/1181/img-8.png
Fichier image/png, 175k
Titre Figure 5. La mobilité des élèves du primaire mesurée au lieu de résidence : proportion des élèves du primaire domiciliés dans le quartier et fréquentant une école de la Région bruxelloise, qui sont inscrits dans une école du quartier ou dans un quartier limitrophe, 2009‑2010
Crédits Source : ETNIC et Vlaamse Gemeenschap, données compilées par ADT – BRAT (2012)
URL http://journals.openedition.org/brussels/docannexe/image/1181/img-9.png
Fichier image/png, 553k
Titre Figure 6. La mesure du caractère local du recrutement des établissements : proportion des élèves du primaire scolarisés dans les écoles du quartier qui sont domiciliés dans le quartier ou un quartier limitrophe, 2009‑2010
Crédits Source : ETNIC et Vlaamse Gemeenschap, données compilées par ADT – BRAT (2012)
URL http://journals.openedition.org/brussels/docannexe/image/1181/img-10.png
Fichier image/png, 369k
Haut de page

Pour citer cet article

Référence électronique

Benjamin Wayens, Rudi Janssens et Joost Vaesen, « L’enseignement à Bruxelles : une gestion de crise complexe »Brussels Studies [En ligne], Notes de synthèse, n° 70, mis en ligne le 29 août 2013, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/brussels/1181 ; DOI : https://doi.org/10.4000/brussels.1181

Haut de page

Auteurs

Benjamin Wayens

Benjamin Wayens est géographe et docteur en Sciences. Enseignant-chercheur, ses investigations au sein de l’IRIB (Université Saint-Louis Bruxelles) et de l’IGEAT (Université libre de Bruxelles) portent sur la géographie des services et l’analyse spatiale appliquée à l’observation et à l’histoire urbaine. Il contribue également à la formation géographique et scientifique des futurs instituteurs primaires de la Haute Ecole Lucia de Brouckère. A ce titre, il est particulièrement attentif aux questions d’enseignement, de formation et de vulgarisation. Depuis 2012, il est le Secrétaire de rédaction de Brussels Studies.

Articles du même auteur

Rudi Janssens

Rudi Janssens est docteur en Sociologie. Il est rattaché comme professeur et chercheur au Brussels Informatie-, Documentatie- en Onderzoekscentrum (BRIO) de la Vrije Universiteit Brussel, où il est, comme sociologue des langues, responsable du baromètre linguistique. Il travaille essentiellement sur l’emploi des langues dans un milieu urbain multilingue et multiculturel, sur l’impact des politiques linguistiques sur l’espace public et sur l’enseignement dans un contexte plurilinguistique et les relations entre enseignement et identité.

Articles du même auteur

Joost Vaesen

Joost Vaesen est historien et docteur en Philosophie et Lettres. Il est le directeur du Brussels Studies Institute (BSI), mis en place par l’Université libre de Bruxelles, la Vrije Universiteit Brussel et l’Université Saint-Louis Bruxelles pour soutenir et développer la recherche sur Bruxelles. Il est actuellement aussi rattaché à la Vrije Universiteit Brussel comme enseignant. Il consacre ses recherches à l’administration et au fonctionnement de Bruxelles et à l’enseignement dans le contexte d’une grande ville.

Articles du même auteur

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search