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Résumés des conférences

Le discours eschatologique dans la mystique musulmane ancienne
(iie-ive siècles AH)

Pierre Lory
p. 405-410

Résumé

Le cours de l’année 2016-2017 a porté sur l’étude des évolutions qui ont pu marquer la transmission de la piété islamique au cours des premiers siècles hégiriens, passant de pratiques ascétiques rigoureuses et une attente eschatologique fiévreuse au cours du iie siècle AH, à des enseignements mystiques développés en doctrine à partir du iiie siècle environ. Il s’avère au cours de l’analyse des sentences et récits étudiés à propos des thèmes comme la crainte de Dieu et de son Jugement, ou le rejet du bas-monde et de ses pièges, que l’attitude désignée comme zuhd (ascèse, renoncement, détachement) relève fondamentalement d’un sentiment intense de la présence de Dieu – et non d’une terreur en face d’un souverain lointain et incompréhensible. Le passage progressif vers la mystique proprement dite n’est donc pas aussi paradoxal qu’il peut paraître.

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Texte intégral

  • 1 V. al-Muqaddima, chapitre XVI « ‘Ilm al-tasawwuf », éd. M. Quatremère, Beyrouth,1992, III, p. 59-65 (...)
  • 2 Cf parmi d’autres publications, son article « The transition from asceticism to mysticism at the mi (...)
  • 3 Kitâb al-Luma‘, éd. ‘AH. Mahmûd et T.‘AB. Surûr, Le Caire 1960 ; Qût al-qulûb, éd. ‘A. I. Kayâlî, B (...)

1Le thème du séminaire de cette année tournait autour d’un paradoxe historique de la mystique musulmane. Au début de l’ère islamique, il était surtout question de piété ascétique, de pratiques ferventes extrêmes. Des enseignements mystiques achevés apparaissent vers la fin du iie/viiie et surtout au cours du iiie/ixe siècle, où des maîtres se mettent à parler d’états spirituels, d’amour divin voire d’union à Dieu, et à les décrire dans des traités. Il semble qu’on ait assisté au passage d’une dévotion ancienne fondée sur une pratique scrupuleuse (wara‘), une ascèse très exigeante et surtout une crainte impressionnante du Jugement Dernier – vers un discours plus proprement mystique. Comment raccorder entre elles les deux formes de spiritualité ? Faut-il admettre une rupture progressive entre un courant purement ascétique (celui des zuhhâd, nussâk, ‘ubbâd) – et un autre plus proprement mystique qui émergera progressivement plus tard ? C’est une vision suggérée par les auteurs soufis eux-mêmes, et synthétisée brillamment par Ibn Khaldoun (m. 1406)1. À partir du xixe siècle, les premiers orientalistes (I. Goldziher, R. Nicholson, L. Massignon ; et plus récemment Ch. Melchert2) ont retracé une histoire du soufisme partant eux aussi de mouvements ascétiques pour parvenir progressivement à la formation de courants spécifiquement mystiques. L’idée reste admise, probable dans les grandes lignes. Cependant, cette évolution mérite d’être interrogée à nouveau. Il s’agit plus précisément de revenir à ce qui, chez les ascètes des premières générations, a pu engendrer des attitudes proprement mystiques, notamment par un vécu de la rencontre avec le divin « au présent », au regard de leur vision vécue de l’eschatologie. La période concernée par le cours va des origines, jusqu’au ve/xie siècle. À partir du xiie siècle EC, le soufisme rentre complètement dans le champ des sciences religieuses admises. Les ressources du cours seront les principaux ouvrages bio-bibliographiques : le Kitâb al-Luma‘ de Sarrâj, le Qût al-qulûb d’Abû Tâlib al-Makkî, le Kitâb al-ta‘arruf de Kalâbâdhî, les Tabaqât al-sûfiyya de Sulamî, la Hilyat al-awliyâ’ d’Abû Nu‘aym Isfahânî, la Risâla de Qushayrî3, le Kashf al-mahjûb de Hujwirî ; et, à l’occasion, les ouvrages hagiographiques plus tardifs.

I. Les premières générations

2Le cours a analysé quelques figures de spiritualité de l’époque des Compagnons et des Suivants dont l’exemple a été magnifié dans la tradition soufie, en soulignant le rôle des récits de sainteté, des narrations. Aucune certitude historique ne peut être attachée à ces récits, mais leur exemplarité en rend l’étude indispensable. Ainsi, le cours s’est attardé sur les récits autour de Salmân al-Fârisî (m. 35/655 ou 657), Abû Dharr al-Ghiffârî (m. 13/652), Abû al-Dardâ’ (m. 32/652), Hudhayfa ibn al-Yamân (m. 36/657). Une source principale ici était Abû Nu‘aym al-Isfahânî, qui a rédigé des notices substantielles sur chacun de ces personnages. Les questions posées étaient multiples. Elles concernaient :

  • 4 Perspective refusée par contre par Salmân, lequel aurait été approuvé sur ce point par Muhammad, se (...)

- l’eschatologie. Il s’agissait d’abord d’une attente immédiate : le monde va-t-il continuer ? Cette attente est particulièrement sensible chez Hudhayfa, qui comprend le verset apocalyptique LIV 1 « L’Heure approche et la lune s’est fendue » comme étant déjà accompli. Cette vision de l’imminence de la fin du monde explique peut-être aussi le désir d’abstinence sexuelle chez Abû al-Dardâ’ : à quoi bon engendrer des enfants en ce temps-ci4 ? Abû Dharr aurait également été très tenté par le célibat. Par ailleurs, la crainte du Jugement – c’est-à-dire, d’être condamné au Feu de l’Enfer éventuellement – semblait très vive chez tous ;

- le rôle de la pauvreté, qualité essentielle pour le vrai croyant. En effet, l’attitude du vrai musulman consiste à se libérer de la pire idolâtrie, du pire piège : ce bas-monde, qui est « une prison pour le croyant et un paradis pour le mécréant », comme l’aurait affirmé Muhammad à Salmân. La richesse est perçue comme une vraie malédiction. La pauvreté est une aide envoyée par Dieu pour que le croyant se perfectionne, se rapproche de Lui. Abû Dharr tout particulièrement, ne voulait fréquenter que les pauvres. Ces ascètes auraient travaillé de leurs propres mains, et/ou distribué tous leurs biens aux pauvres ;

  • 5 //réf s’il vous plaît//

- la « connaissance » spirituelle dont il est question chez ces figures majeures, est ici : la connaissance de soi-même, afin de pouvoir poser les actes qui mènent au salut. C’est cela le message profond du Coran, pour ceux qui savent le saisir, explique Abû al-Dardâ’5. Une science qui ne transforme pas la personne du croyant, n’a aucun intérêt. La religion n’est pas une doctrine, c’est une voie vers Dieu, montre l’exemple d’Abû al-Dardâ’.

3L’obéissance à la Loi est soulignée également, en particulier dans le domaine alimentaire, comme si le corps était marqué par le caractère licite ou non de la nourriture. Hudhayfa était persuadé que celui qui mangeait de la nourriture harâm ou commettait des actes interdits ne pouvait entrer au Paradis ; ainsi que le vendeur de vin ou de porc, comme leur consommateur : (Hilyat al-awliyâ’ I, p. 281). Il y a là un indice de la conception du rapport entre matière paradisiaque et influence terrestre : la « chair » terrestre est de quelque manière impliquée dans le processus de Résurrection, celle-ci ne sera pas une nouvelle création ex nihilo. La pureté est une notion eschatologique et non seulement juridique. Se nourrir est une préparation à l’au-delà, comme agir vertueusement évidemment aussi. Le Jugement divin, extérieur, viendra éterniser ce que l’homme aura construit à l’intérieur de lui-même durant sa vie terrestre.

4Une idée centrale se détache pour qualifier cette période ancienne : on ne peut plaire ou déplaire à Dieu que par l’intermédiaire des comportements concrets, des choix assumés en ce bas-monde. On y manifeste sa foi – ou bien, on offense Dieu – par toute une série d’actes précis, de situations matérielles. Il n’y est pas explicitement question du thème, plus tardif, des « actions des cœurs ». La dichotomie intérieur/extérieur existait sans doute, mais on nous présente des saints tellement « entiers » que leur attitude corporelle traduit immédiatement et intégralement le vécu intérieur.

II. Les grandes figures du iie/viiie siècle

  • 6 S. A. Mourad, Early Islam between Myth and History : Hasan al-Basrî and the Formation of his Legacy (...)
  • 7 La même orientation réapparaît chez ‘Attâr qui rapporte l’allaitement de Hasan al-Basrî par Umm Sal (...)

5Le séminaire s’est attardé sur l’enseignement de Hasan al-Basrî (m. 121/728), figure majeure en ce qu’elle est présentée généralement comme l’articulation principale entre la piété des anciens, et la mystique soufie. On a examiné « les » vies qui lui ont été attribuées, à partir notamment de la monographie assez complète de Suleiman Mourad6. Il apparaît que son rôle présumé comme initiateur d’une école de soufisme est une construction tardive, promue en particulier par Abû Tâlib al-Makkî, et reprise de façon plus modérée par Abû Nu‘aym. Il s’agissait de toute évidence pour al-Makkî d’ancrer les enseignements des soufis dans l’attitude des premières traditions, celle des Tâbi‘în voire des Sahâba. En dépit de l’évidence historique contraire, al-Makkî voit en Hasan le dépositaire d’une science profonde, spirituelle, ésotérique, remontant à l’époque des Compagnons7.

6Les autres figures de mystiques, qui ont été l’objet du séminaire, ont vécu après Hasan. On s’est arrêté sur les récits concernant certains parmi les plus célèbres et ayant marqué la mémoire soufie postérieure : Mâlik ibn Dînâr (m. vers 131/745), ‘Abd al-Wâhid ibn Zayd (m. vers 133/750), Ibrâhîm ibn Adham (m. 161/777) et Fudayl ibn ‘Iyâd (m. 188/803). Les caractéristiques principales de leur spiritualité prolongent en bien des points celles de la première génération, en les infléchissant toutefois en plusieurs points.

7Elles sont marquées de la façon suivante : l’ascèse (zuhd) est valorisée avant tout. Elle représente en effet le choix pour la chose la plus belle que l’on puisse vivre en ce monde, à savoir l’adoration exclusive de Dieu. Il importe de bien saisir la portée de ce terme de zuhd : il ne s’agit pas de s’infliger des privations, des frustrations par une sorte de désir d’abaissement. Le zuhd, c’est faire tout son effort pour se libérer des attraits de l’âme charnelle afin de pouvoir se consacrer à la joie du service de Dieu. Fudayl ibn ‘Iyâd affirmait que même si tous les plaisirs de ce monde lui étaient licites, il n’y verrait néanmoins que charogne répugnante (Hilyat al-awliyâ’ VIII, p. 89 ; Qushayrî, p. 40). Abû Nu‘aym le souligne : entre l’ascète qui renonce complètement de cette façon, et le croyant qui profite des biens de ce monde, il n’y a pas une simple différence de degré : c’est la nature de leur foi respective qui est différente. L’un est converti à Dieu, l’autre pas (Hilyat al-awliyâ’ II, p. 154). C’est dans cette logique que Ibrâhîm ibn Adham renonce à toute sa fortune, à toute sa famille, et à la fréquentation de la société. Le renoncement, le don de soi peut se traduire également sous la forme du jihâd, qui fut pratiqué par plusieurs de ces ascètes, dont ‘Abd al-Wâhid ibn Zayd et Ibrâhîm ibn Adham, lequel perdit la vie lors d’une expédition en territoire byzantin.

8Ces ascètes se lançaient dans de violentes diatribes contre les savants mondains – juristes, spécialistes du hadith, sermonnaires (qurrâ’), conteurs, et contre les soufis ostentatoires. Car plus le savoir d’un homme dans le domaine religieux croît, plus sa responsabilité augmente. À ‘Abd al-Wâhid ibn Zayd est attribuée une doctrine sur l’éternité de l’Enfer pour le croyant hypocrite qui se croit déjà sauvé (Qût al-Qulûb I p. 179, 380). Appliquer à son comportement concret ce que l’on sait pertinemment être exigé par la Loi et la foi est une obligation absolue ; et la faible exigence morale des sermonnaires et des juristes suscitait l’indignation d’un Mâlik ibn Dînâr ou d’un Fudayl ibn ‘Iyâd. Ce dernier compare les faux savants ou les faux mystiques à des apostats ou à des hérétiques (ashâb bid‘a).

9Ceci dit, cette ascèse s’accompagne d’une attitude de profonde tristesse. Il faut ici bien saisir l’aspect positif de cette affliction. Elle exprime la tristesse de se sentir encore trop éloigné de Dieu ; et de se sentir si indigne de sa présence. Pour nos ascètes, la tristesse est inséparable de la foi. Le cas emblématique en est Fudayl ibn ‘Iyâd, dont l’affliction est restée très célèbre (Hilyat al-awliyâ’ VIII, p. 85-86, 101, 111 ; Qushayrî, p. 40, 232). Il en est de même du sentiment très voisin de la crainte de Dieu (khawf) : il ne s’agit pas de terreur devant un maître arbitraire et incompréhensible, c’est une crainte sacrée suscitée par la proximité vécue d’une Présence immense, insondable, illimitée. La référence aux monachisme chrétien est explicite en ce iie/viiie siècle, s’agissant des rencontres de Mâlik ibn Dînâr (Hilyat al-awliyâ’ VI, p. 155), ou plus encore de Ibrâhîm ibn Adham (Hilyat al-awliyâ’ VIII, p. 29-30) avec des moines ermites.

10Comme chez les ascètes de la première génération, on constate une insistance récurrente sur le jeûne et la question de l’alimentation. Il s’agit à la fois de diminuer au maximum la quantité des aliments (par exemple, chez ‘Abd al-Wâhid ibn Zayd, selon Qût al-Qulûb I, p. 170), mais aussi de veiller très scrupuleusement à leur licéité. L’attirance pour le célibat a elle aussi perduré au cours de ce siècle. Mâlik de Dînâr, à qui l’on demandait pourquoi il ne se mariait pas, répondit : « Si je pouvais, je divorcerai de moi-même (= de mon âme) » (Hilyat al-awliyâ’ II, p. 365). Ibrâhîm ibn Adham donne, lui, une réponse toute en nuances : la voie du mariage est en un sens plus vertueuse que le célibat, car l’adoration y est plus difficile à pratiquer (Hilyat al-awliyâ’ VIII, p. 21). Fondamentalement, la spiritualité de nos ascètes est marquée par l’idée de pureté d’intention – principe que l’on fait souvent remonter à l’enseignement de Hasan al-Basrî. Cette pureté d’intention est au fond plus importante que la connaissance toute extérieure du fiqh. Qushayrî attribue à Hasan cette parole : « Un atome de scrupule pieux sincère vaut mieux que mille atomes de jeûnes et de prières rituelles » (Risâla, p. 197). ‘Abd al-Wâhid ibn Zayd aurait professé que la shahâda n’est légitime que si elle est dite avec une parfaite sincérité.

11Le thème de l’amour apparaît chez ‘Abd al-Wâhid ibn Zayd, du moins dans un beau passage cité par Abû Nu‘aym (Hilyat al-awliyâ’ VI, p. 156-157), sans que l’on puisse déterminer s’il est vraiment authentique, ou s’il s’agit d’une attribution tardive. On trouve aussi des dires en ce sens attribués à Ibrâhîm ibn Adham (Hilyat al-awliyâ’ VIII, p. 36 ; Qût al-qulûb II, p. 100), voire même Fudayl ibn ‘Iyâd (Qût al-qulûb II, p. 86), à propos desquels il convient de garder les mêmes réserves.

12Enfin, notons la transformation de l’attente eschatologique. La tension vers la fin des temps reste certes présente : Mâlik ibn Dînâr attendait avec impatience le cataclysme final, la « pluie de pierres » qui devait châtier le peuple ingrat. Fudayl ibn ‘Iyâd, outré par les péchés commis par les musulmans, et notamment par leurs divisions, s’attendait à une prompte vengeance divine. Toutefois, ces ressentiments n’excluent pas l’idée, fort différente, que l’on peut d’une certaine manière vivre l’au-delà dès ici-bas. Pour ‘Abd al-Wâhid ibn Zayd, l’ascète peut vivre un paradis grâce à son oraison, mais il faut sans doute entendre que cette béatitude reste en proportion de ce que l’on peut vivre sur terre (Hilyat al-awliyâ’ VI, p. 156, Qushayrî, Risâla, p. 298). Le dhikr est évoqué comme un bonheur paradisiaque : l’éternité serait-elle déjà présente en ce monde ? Ce qui n’élimine pas toutefois l’incertitude quant au sort dans l’au-delà : nous l’avons vu plus haut à propos de ‘Abd al-Wâhid ibn Zayd, et des propos voisins ont été émis par Ibrâhîm ibn Adham (Hilyat al-awliyâ’ VIII, p. 13, 34).

  • 8 Le cours a bénéficié sur ce point de l’intervention de Kabira Masotta, laquelle a soutenu un doctor (...)

13Au final, on constate assez nettement ce qui fait le lien commun entre l’ascèse des premières générations, et la mystique proprement dite. Il y a d’abord le renoncement au monde (dunyâ), désigné comme zuhd. Il ne s’agit pas nécessairement d’une ascèse érémitique, c’est un choix intérieur profond, décisif, qui se traduit en actes selon chaque vocation particulière. Dès lors, quid de la différence à tracer entre « ascétisme » et « mystique » de la rencontre avec le divin, qui était le centre même du propos ? Ne pouvaient-ils pas coexister ? Il semble clairement que si. Les deux attitudes ont en effet pu se manifester à la même époque dans des courants différents, voire même chez une seule personne. Mais sans doute faut-il s’engager plus loin encore, et constater qu’une foi toute simple comme celle des premières générations peut effectivement devenir le support d’une expérience authentiquement mystique. Nul n’est besoin pour cela d’une doctrine construite, ou d’une conception préétablie de la progression spirituelle du cheminant (sâlik)8. D’autre part, un langage rudimentaire, ou bien non adéquat (comme celui du discours coranique) a pu effectivement exprimer très tôt l’expérience – mystique – d’une présence du divin. Le contenu des versets coranique n’est certes pas de portée immédiatement mystique ; et c’est justement dans cette distance que vont s’élaborer les doctrines des maqâmât, ahwâl, etc. Paradoxalement, c’est parce que le Coran n’est pas un texte de mystique que le tasawwuf a pu s’enraciner en lui, en y découvrant dans une recherche positive des significations de l’ordre du mystère. Dès lors, la question de l’évolution à l’intérieur du courant soufi se pose en termes bien différents, et dépend beaucoup moins des repères de la chronologie.

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Notes

1 V. al-Muqaddima, chapitre XVI « ‘Ilm al-tasawwuf », éd. M. Quatremère, Beyrouth,1992, III, p. 59-65. Ibn Khaldoun suggère que le soufisme est apparu par défaut, par soustraction en quelque sorte. Les premières générations de croyants auraient vécu une foi totale et intense. À partir du iie siècle AH, la majorité des musulmans, plus tièdes désormais, se serait attachée aux biens mondains ; et les rares pieux adorateurs se seraient retrouvés ascètes, élite spirituelle – malgré eux. Ils ont dû élaborer un vocabulaire technique, une pédagogie, et écrire des ouvrages « canoniques », qu’Ibn Khaldoun compare explicitement aux textes fondateurs du droit, du kalâm, du tafsîr, le hadith, etc. Ibn Khaldoun opère explicitement le départ entre ces mystiques et les simples pieux dévots.

2 Cf parmi d’autres publications, son article « The transition from asceticism to mysticism at the middle of the ninth century CE » (Studia Islamica 83/1 [1996]) ; et « The Piety of the Hadith Folk » (International Journal of Middle East Studies XXXIV [2002]). Melchert commence par poser une différence tranchée entre « asceticism », mettant l’accent sur l’obéissance à un Dieu transcendant, personnel – attitude pessimiste, exprimant la peur du Jugement ; et entre « mysticism » correspond à un sentiment de communion avec un Dieu immanent, quelque peu diffus, attitude optimistes, confiante dans l’abondance de la grâce divine.

3 Kitâb al-Luma‘, éd. ‘AH. Mahmûd et T.‘AB. Surûr, Le Caire 1960 ; Qût al-qulûb, éd. ‘A. I. Kayâlî, Beyrouth 2005 ; Kitâb al-ta‘arruf, Damas 1986, Tabaqât al-sûfiyya, éd. ND. Sharîba, Le Caire, 1986 ; Hilyat al-awliyâ’, Beyrouth 1985 ; Risâlat al-Qushayrî, éd. ‘AH. Mahmûd et M. Ben Sharaf, Téhéran 1996.

4 Perspective refusée par contre par Salmân, lequel aurait été approuvé sur ce point par Muhammad, selon Abû Nu‘aym (Hilyat al-awliyâ’ I 187-188).

5 //réf s’il vous plaît//

6 S. A. Mourad, Early Islam between Myth and History : Hasan al-Basrî and the Formation of his Legacy in Classical Islamic Scholarship, Leyde 2006.

7 La même orientation réapparaît chez ‘Attâr qui rapporte l’allaitement de Hasan al-Basrî par Umm Salama, sa bénédiction encore enfant par ‘Umar ibn al-Khattâb, ses bons rapports avec ‘Alî ; insiste sur son rapport avec Hudhayfa, puis avec ‘Umar ibn ‘Abd al-‘Azîz, enfin avec Râbi‘a al-‘Adawiyya.

8 Le cours a bénéficié sur ce point de l’intervention de Kabira Masotta, laquelle a soutenu un doctorat sur un thème parallèle à celui du cours, « Les premiers ascètes en Islam d’après la Ḥilyat al-awliyâ’ d’Abû Nu‘aym. Entre zuhd et tasawwuf : l’émergence du saint », le 12 décembre 2017.

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Pour citer cet article

Référence papier

Pierre Lory, « Le discours eschatologique dans la mystique musulmane ancienne
(iie-ive siècles AH) »
Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences religieuses, 125 | 2018, 405-410.

Référence électronique

Pierre Lory, « Le discours eschatologique dans la mystique musulmane ancienne
(iie-ive siècles AH) »
Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences religieuses [En ligne], 125 | 2018, mis en ligne le 29 juin 2018, consulté le 30 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/asr/2122 ; DOI : https://doi.org/10.4000/asr.2122

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Auteur

Pierre Lory

Directeur d’études, M., École pratique des hautes études – Section des sciences religieuses

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Droits d’auteur

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