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Actualités et débats

Fana, templa, delubra : Lieux de culte de l’Italie antique

Corpus raisonné, actualités scientifiques et réflexions
Despina Chatzivasiliou
p. 213-221

Texte intégral

1Nombreuses sont les études de géographie et d’urbanisation pour l’Antiquité  ; nombreux sont également les projets dont le but est de répertorier les cultes et d’étudier les religions gréco-romaines. Pourtant dans le domaine de la topographie religieuse antique, l’accroissement régulier de la documentation ne fait pas l’objet de larges synthèses. Ceci s’explique sans doute par la complexité du sujet qui exige la combinaison de plusieurs types de sources ainsi qu’une approche pluridisciplinaire. À ce besoin, fort présent dans l’actualité des études sur l’Antiquité, tente de répondre le projet de recherche  : FTD, Lieux de culte de l’Italie antique, mené sous la direction de John Scheid (Collège de France) avec la collaboration de nombreux chercheurs en France et en Italie.

  • 1 Pour Fana, templa, delubra, voir J. Scheid et A. Dubourdieu, «  Lieux de culte, lieux sacrés  : l (...)
  • 2 Fānum vient du proto-italique *fasnom «  temple  », avec des termes apparentés en osco-ombrien  ; (...)
  • 3 Templum est dérivé de la racine *temh1- «  couper  » (cf. τέμνω) au sens de «  espace découpé par (...)
  • 4 Il est impossible de déterminer le sens originel de dēlūbrum, l’étymologie exacte nous échappe. (...)

2FTD correspond à fana, templa, delubra, trois termes qui désignent dans des contextes différents un temple, un espace sacré délimité, un sanctuaire, tout type de lieu de culte. Trois termes très proches et complémentaires, mais pas interchangeables, témoignent de la pluralité des lieux sacrés1. Fanum signifie ce qui est posé, établi comme un autel ou un objet votif pour aboutir à l’idée de lieu sacré. Tite Live (X, 37, 15) décrit le fanum comme «  un lieu défini pour accueillir un temple2  ». Templum a deux sens fondamentaux, le premier «  espace découpé par l’augure  » pour l’observation des présages, un édifice consacré à une divinité, le second «  un espace délimité suivant certains rites3  ». Templum désigne finalement le bâtiment en tant qu’il est inscrit sur le sol et dans l’espace. Parmi les termes indiquant un lieu de culte, templum a le sens le plus large, malgré sa définition technique. Dēlūbrum, mot plus rare que templum et appartenant apparemment à un registre plus élevé, serait originellement le «  lieu où l’on se lave des impuretés  », ou bien «  où l’on s’acquitte d’un vœu  » en dédiant une statue à un dieu4. D’autres termes peuvent également désigner un lieu sacré (aedes), un lieu où l’on pratique des rites, un lieu religieux. Dans le Code Théodosien (XVI, 10, 25), en 438 apr. J.-C., les trois termes, fana, templa, delubra, désignent ensemble les lieux de culte de l’Antiquité qu’on prescrit désormais à détruire et à remplacer par des églises. Notre approche ne concerne donc pas seulement la description des sanctuaires  : par lieu de culte on entend tout aménagement lié aux cultes et aux rites sacrés, comme les zones sacrées, les autels, les sources, les voies de procession ou tout simplement une concentration d’offrandes, un dépôt votif.

3Mais qu’est-ce qu’une activité cultuelle  ? Si nous sommes incapables de donner une définition parfaite, nous pouvons au moins décrire et interpréter nos données. Notre travail consiste à regarder les sources de tout type et à repérer toute occurrence faisant référence à une pratique de caractère cultuel. Chaque pratique est alors liée à un lieu. De nouvelles questions apparaissent à travers cette approche. Qu’est-ce qu’un lieu  ? Trouvons-nous un ensemble de pratiques communes à chaque région  ? Est-ce que ces pratiques communes caractérisent un territoire  ? Comment se définissent les limites d’un territoire  ? Ces notions aussi abstraites que précises méritent une étude approfondie qui donne lieu à de nouvelles interprétations et définitions.

  • 5 A. Berthoz et R. Recht (dir.), Les Espaces de l’homme, Paris, 2005. Dans cette publication du col (...)
  • 6 J. Scheid, «  Religion et espace dans l’Antiquité  : réalité et représentation  », dans Les Espac (...)
  • 7 M. Humm, «  Le concept d’Italie  : des premiers colons grecs à la réorganisation augustéenne  », (...)

4Le lieu est entendu comme un point précis, une section de terrain où l’on construit un culte avec des édifices aussi bien qu’avec des croyances et des légendes. Des études et des tentatives de définition de plus en plus pertinentes ont permis de donner un sens concret à l’espace, concept abstrait par ailleurs5  : l’étendue indéfinie qui contient ou entoure tous les objets, qui mesure ce qui sépare deux points géographiques ou deux points temporels. Il existe donc un espace géographique aussi bien qu’un espace chronologique. Une structure telle qu’une ville communique avec nous en référence à ces codes fondamentaux ou primaires. L’espace et le temps, lesquels bien entendu ne sont pas des termes fixes, mais des coordonnées, des variables interdépendantes. L’«  espace  » peut être reconstitué par la précision territoriale  : dans l’Antiquité, parler d’espace revenait à parler de fondation6. Fonder une ville, un État, une société et ses institutions consistait d’abord à définir l’espace qualifié pour les accueillir et pour y habiter. Le mythe de la fondation de Rome, par exemple, raconte le tracé par Romulus d’une ligne qui correspond à la limite de l’espace urbain7. La notion de «  territoire  » suppose l’existence de limites précises, de frontières avec des territoires limitrophes. Cependant cette notion n’est pas seulement spatiale, mais implique aussi une dimension temporelle d’appropriation et de constitution qui peut s’être prolongée dans le temps.

  • 8 Sur les urbanistes, voir récemment T. Paquot (éd.), Les Faiseurs des villes 1850-1950, Paris, 201 (...)
  • 9 J.-M. Besse, Le Goût du monde  : exercices du paysage, Paris, 2009. Cet ouvrage propose cinq défi (...)
  • 10 Par exemple, I. Calvino, Les Villes invisibles, Paris, 1973 (éd. originale, Turin, 1972).
  • 11 Cette lecture de structuration de l’espace urbain, par les mythes, les images, les monuments a ét (...)

5D’un point de vue historiographique, notre projet a pour ambition de présenter une approche complémentaire à des travaux sur l’espace. Les traités d’urbanisme8, les essais sur le paysage9 ou encore les récits littéraires10 se multiplient et décrivent le rapport des hommes aux territoires qu’ils occupent. L’espace, le paysage, le cultuel et le religieux sont traités comme des notions proches et distinctes à la fois. Récemment, une nouvelle notion a été introduite, celle de «  paysage religieux  »  : le processus par lequel l’espace se construit symboliquement, à partir d’une analyse des lieux de culte et des pratiques cultuelles dans l’organisation et dans les représentations symboliques du territoire de la cité. Par l’étude des lieux de culte, on se trouve alors devant un exemple de structuration hiérarchique du territoire et on peut discerner le processus d’invention du paysage religieux  : ce n’est pas la distance par rapport à la ville, mais c’est la valeur de chaque lieu qui devient le critère des liens dans le territoire11. La démarche n’est pas sans risques puisque l’historien d’aujourd’hui peut facilement tomber dans l’anachronisme et s’interdire de distinguer un paysage religieux propre à chaque époque.

  • 12 P. Clark, «  La fabrication de la Cambridge Urban History of Britain  », Histoire urbaine 6, 2002 (...)

6L’étude des lieux de culte a également posé de nouvelles questions sur la définition de l’urbain et du périurbain, et de leur rapport. Les termes urbain, péri­urbain et extra-urbain  sous l’influence de la structuration de l’espace à l’époque moderne et contemporaine – remplacent ce qu’on désignait naguère par ville et campagne12. Les archéologues et les historiens ont même inventé deux nouveaux termes, préurbain ou proto-urbain, pour désigner la forme de la cité préindustrielle, ce qui correspondrait pour l’Antiquité à la forme prise par une agglomération au moment de la phase de transition entre deux époques.

  • 13 La difficulté de définir avec précision les limites de ces régions a été signalée plusieurs fois. (...)
  • 14 Ol. de Cazanove, «  Les Colonies latines et les frontières régionales de l’Italie  », Mélanges de (...)

7Afin de comprendre ces notions et ces valeurs pour l’Antiquité romaine, on se livre à la vaste entreprise de discerner la structuration de l’espace par le biais des lieux de culte, ou, en d’autres termes, d’étudier les lieux de culte par leur topographie. Notre cadre géographique est celui des onze régions, circonscriptions administratives, qui divisent l’Italie à l’époque d’Auguste et dans lesquelles les cités romaines se développèrent et les tribus italiennes se repartirent. Cette Italie romaine de l’époque impériale, à partir du ier s. après J.-C., sert ensuite de point de départ pour reconstituer les territoires des communautés italiques pré-romaines, et aussi, à partir des ive-ve siècles après J.-C., des diocèses chrétiens. Ce choix s’est imposé, car les régions de l’Italie augustéenne et les cités romaines sont les seules unités géographiques et institutionnelles dont nous connaissons de manière à peu près satisfaisante les limites. Pline (Histoire Naturelle, 111, 46 et 49-126) fournit la source principale des limites de ces régions sur le terrain, mais sa description n’est pas toujours claire ni précise13. Les régions sont désignées le plus souvent par leur nom ethnique que par leur numéro et, sauf la onzième (Transpadana), ont pour point commun d’avoir un débouché sur la mer14  :
I Latium et Campania
II Apulia et Calabria
III Lucania et Bruttium
IV Samnium
V Picenum
VI Umbria et Ager Gallicus
VII Etruria
VIII Aemilia
IX Liguria
X Venetia et Histria
XI Transpadana

8Et la question se pose de nouveau de comprendre comment une région, une unité territoriale se forme et s’articule par le biais des dispositifs cultuels. C’est-à-dire non seulement tracer la topographie, ou repérer, localiser les cultes mais aussi se lancer dans la grande entreprise de faire l’histoire de la topographie religieuse. Ainsi, notre cadre chronologique s’étend du viie siècle avant J.-C. jusqu’au viie siècle après J.-C., et comprend aussi bien les premières traces cultuelles que les débuts de la christianisation des sites. Cette approche nous permet de constater sur la carte qu’il n’y a pas d’évolution linéaire des lieux de culte, contrairement aux concepts historiographiques traditionnels, et que la succession des cultes ne suit pas une règle générale et absolue. Le culte mené sur un site peut être abandonné, les édifices reconstruits ou même déplacés sans qu’on puisse forcément donner une explication autre que des raisons purement pratiques.

9La religion est un excellent outil pour poser et analyser les questions générales de l’histoire antique, car elle était présente dans toutes les communautés comme un élément central de la vie quotidienne, civique et sociale. En outre, les traces monumentales et matérielles laissées par les pratiques religieuses ont généralement bien survécu et offrent donc une voie d’accès privilégiée vers la civilisation antique. L’importante documentation archéologique et littéraire fournie par les fouilles et les textes est, en revanche, très dispersée et mal publiée, ce qui interdit fréquemment aux chercheurs d’établir le contexte historique des trouvailles, voire même de connaître l’existence de ces documents. Parfois les sites cités dans les textes ne sont pas identifiables sur le terrain ou les vestiges repérés lors les fouilles ne sont pas mentionnés dans les sources littéraires. Nous avons adopté le parti qui nous a semblé le plus efficace  : inventorier les sources religieuses en les classant selon les lieux de culte. Seul cet ancrage, en effet, permet de le leur redonner tout leur sens. Les religions de l’Italie antique ne peuvent pas être comprises comme des subdivisions locales d’une religion universelle, italique ou romaine  ; elles formaient des microsystèmes homologues mais autonomes. Il convient donc d’étudier les témoignages sur la vie religieuse dans leurs contextes géographique, institutionnel et social. Pour pallier ce problème, nous avons voulu procéder à la constitution d’un corpus de toutes les sources littéraires et archéologiques, entre le viie siècle avant et le viie siècle après J.-C., et inventorier l’ensemble de la documentation qui témoigne de l’existence d’un lieu de culte précis.

10Le besoin de systématiser les informations est donc manifeste et nous avons décidé de procéder par rubriques. Trois grandes catégories nous renseignent sur l’existence d’un lieu de culte  :
– les sources littéraires  ;
– les inscriptions  : les textes sont cités avec leur traduction, souvent après reconstitution, et permettent de proposer de nouvelles reconstitutions et traductions  ;
– les vestiges archéologiques  : édifices et aménagements, objets rituels et offrandes.

11Cette organisation des sources permet de citer les textes antiques, en latin, en grec, en osque etc., avec des traductions, des corrections d’édition et des mises à jour, de décrire les objets, suivis des références bibliographiques précises, souvent difficilement accessibles par ailleurs, des numéros d’inventaire, des informations sur le lieu et la date de leur découverte, ainsi que le lieu et l’état de leur conservation. Chaque information renvoie à l’existence d’un lieu de culte, qui, selon sa situation géographique, est classé à l’intérieur de sa région en trois catégories principales  :
– les sanctuaires urbains, qui se trouvent dans la ville  ;
– les sanctuaires périurbains, construits à la périphérie de l’espace urbain  ;
– les sanctuaires extra-urbains, à l’extrémité du territoire.

12Pourtant, cette typologie, comme tout classement, a ses limites et nous avons donc décidé de répertorier les sites selon des critères géographiques. Ces nouveaux termes peuvent être considérés comme manquant d’une définition claire. Supposent-ils qu’un espace urbain important aurait contrôlé les cultes de tout le territoire  ? La question reste ouverte. Dans notre description des sites, nous avons voulu démontrer que les sanctuaires évoluaient chacun à leur propre rythme et que les territoires n’avaient pas forcément un caractère cultuel uniforme. D’autres catégories s’imposent dans le répertoire des cultes  : privé ou public  ; attribution à des divinités titulaires et associées  ; situation géographique selon la topographie antique (région augustéenne  nom antique de la ville  nom du peuple italique, nom de l’évêché), la toponymie moderne (situant le lieu par rapport aux sites modernes) et le relief géographique (vallée, colline, côte maritime, etc.).

13Ainsi, on aboutit à une image suffisamment complète du lieu et de ses aménagements. Chaque lieu de culte est ainsi décrit dans une fiche, signée par le chercheur qui la rédige. Une introduction couvre l’ensemble de la région augustéenne et pour chaque subdivision régionale  territoire des cités , une synthèse détaillée groupe l’ensemble des lieux de culte et fournit une description historique et topographique, organisée par périodes chronologiques.

  • 15 À ce jour, deux titres sont parus  : ftd 1, Regio I  : Alatri, Anagni, Capitulum Hernicum, Ferent (...)

14Le corpus donne aujourd’hui lieu à une publication papier de fascicules qui forment une collection de la maison d’édition italienne Quasar15.

15Une seconde parution y est associée sous forme de base de données, outil qui nous paraît beaucoup plus adaptée à ce projet. Nous avons donc débuté une réflexion pour la création de ce fonds documentaire. Cette base de données est conçue pour être évolutive, tenir aisément compte des nouvelles découvertes et ne sera pas uniquement réservée à l’Italie antique, mais sera utilisée pour d’autres régions du monde antique, étudiées au sein des chaires d’archéologie du Collège de France, ou bien dans les laboratoires d’histoire ancienne d’autres institutions telles que l’École normale supérieure, l’université Paris I. D’ores et déjà, une collaboration est entreprise avec des archéologues tunisiens travaillant sur les lieux de culte de la partie de l’Afrique proconsulaire qui correspond à la Tunisie actuelle.

16La base de données sera donc alimentée à partir des informations contenues dans les fiches des fascicules, soit  :
– la description des lieux de culte, des édifices et des mobiliers  ;
– la topographie des lieux de culte  ;
– les sources littéraires  ;
– les sources épigraphiques  ;
– la documentation (images, plans et dessins)  ;
– la bibliographie.

17Les fiches sont rédigées dans la langue des chercheurs qui les créent, il est donc aussi envisagé de publier notre fonds documentaire en français, en italien, en anglais ou en allemand. La base sera consultable sur internet, avec un accès réservé pour certaines informations (géolocalisation par exemple), et sera actualisée au fur et à mesure de la publication de fascicules ou de l’intégration de nouveaux territoires et sites cultuels. Pour donner à ce projet une dimension internationale, un certain nombre de prérequis seront indispensables  :
– normalisation d’un vocabulaire commun à l’aide d’ouvrages de référence tels que le Dictionnaire méthodique de l’architecture grecque et romaine de René Ginouvès  ;
– insertion de métadonnées pour l’interopérabilité (dublinCore)  ;
– encodage des métadonnées (standardisation XML)  ;
– adoption du protocole OAI-PMH pour la communication entre des bases de données diverses et hétérogènes  ;
– compatibilité avec le portail Michael et le projet CLAROS pour les sciences de l’Antiquité.

18Outre les données purement quantifiables, les fiches comportent les commentaires, les interprétations, les suggestions des différents archéologues qui ont étudié les sites et ces informations ne peuvent être intégrées à la base, car celle-ci n’a pas pour fonction d’être un facsimilé des fiches. Par contre, toutes ces informations sont extrêmement importantes et doivent être simplement accessibles à partir de la base. Il nous a donc semblé opportun de lier à notre travail, une publication électronique des fascicules, qui rendra possible la consultation des fiches grâce à la présence de liens pérennes pour chaque lieu de culte. Les fascicules seront donc édités sous forme électronique sur OpenEdition Books dans les collections du Collège de France.

19Le traitement et la réorganisation du matériel disponible, particulièrement compliqué et abondant, concerne dans un premier temps la Région I (Latium et Campanie), la Région IV (Samnium) et la Région V (Picenum). D’autres régions suivront. L’année 2014-2015 est consacrée à la publication des prochains fascicules et à la mise en œuvre du portail numérique en espérant qu’il sera accessible à la communication scientifique début 2015.

20L’analyse des données, à une échelle locale et régionale, permet des comparaisons entre le matériel et une étude avancée, en évitant la hiérarchisation des cultes. Toute donnée est portée à une interprétation et peut être liée à d’autres sources archéologiques et littéraires  : il s’agit des variables interdépendantes se référant toujours à un lieu de culte.

21L’ambition de notre projet est d’assurer que le traitement des informations ne soit pas figé dans une forme de tableau, répertorié dans une base des données. Diffuser les résultats des fouilles et des études scientifiques réalisées est l’un des devoirs de l’antiquisant, surtout dans le monde actuel où la production scientifique a crû de manière exponentielle. Notre projet permet la description, l’interprétation et la diffusion par des spécialistes d’un vaste ensemble de données à la communauté scientifique nationale et internationale, et contribuera entre autres aussi à la sensibilisation du public spécialisé ou non, ce qui est un des facteurs fondamentaux de la préservation du patrimoine archéologique. Ce projet structural destiné à une forte visibilité scientifique internationale des sources antiques de tout type, renforce une recherche à très haut niveau. Nous le considérons comme un point de départ pour une réflexion avancée sur la structuration territoriale cultuelle de l’Antiquité.

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Notes

1 Pour Fana, templa, delubra, voir J. Scheid et A. Dubourdieu, «  Lieux de culte, lieux sacrés  : les usages de la langue. Italie romaine  », in A. Vauchez (éd.), Lieux sacrés, lieux de culte, sanctuaires. Approches terminologiques, méthodologiques, historiques et monographiques, Rome, 2000, collection de l’École française de Rome 273, p. 59-80.

2 Fānum vient du proto-italique *fasnom «  temple  », avec des termes apparentés en osco-ombrien  ; apparenté à fēriae «  jours sacrés  », fēstus «  (jour) de fête  ». Selon Ernout-Meillet, Dell, s.v. fānum, le mot signifie d’abord «  lieu consacré  », et le mot était rattaché par étymologie populaire à fāri «  parler  » (Varron, De lingua latina, VI, 54), mais dans l’usage courant c’est un synonyme de templum, dēlūbrum et aedes.

3 Templum est dérivé de la racine *temh1- «  couper  » (cf. τέμνω) au sens de «  espace découpé par l’augure  » pour l’observation des présages (Varron, De lingua latina, VII, 6. Ernout-Meillet, dell ; cf. gr. τέμενος), ou bien de la racine *temp- «  tendre, tirer un fil  », au sens de «  espace mesuré par un fil tendu  » (M. de Vaan, Etymological Dictionary of the Latin and the other Italic Languages, Leyde-Londres, 2008  ; G. Meiser, Historische Lautlehre und Formenlehre der lateinischen Sprache, 1998, p. 81).

4 Il est impossible de déterminer le sens originel de dēlūbrum, l’étymologie exacte nous échappe. Dérivé de dē-luō, dont le premier membre exprime la séparation et le second peut être tiré soit de lauō, -āre «  laver  » (ainsi de Vaan s.v., cf. po(l)lūbrum «  bassin pour se laver les mains  »), soit de luō «  délier, expier, s’acquitter d’un vœu  ». Dans le premier cas, avec dēluō «  nettoyer  », le dēlūbrum serait originellement le «  lieu où l’on se lave des impuretés  », dans le second, avec dēluō «  délier  », ce serait le «  lieu où l’on expie les impuretés  » ou bien «  où l’on s’acquitte d’un vœu  ». Pour la seconde hypothèse, peut-être plus probable, cf. C. Picheca, «  Delubrum templi  », Invigilata lucernis, 10, 1988, p. 253-261  : à l’origine ce terme désigne le lieu devant le templum, en plein air, caractérisé par la présence d’une statue de culte  ; rejette l’étymologie par lauō «  laver  » au profit de celle par luō «  délier  » au sens de «  s’acquitter d’un vœu  » (luere deo debitum/uotum)  ; il s’agit donc du lieu où l’on s’acquittait d’un vœu en dédiant une statue à un dieu.

5 A. Berthoz et R. Recht (dir.), Les Espaces de l’homme, Paris, 2005. Dans cette publication du colloque organisé au Collège de France en 2003, des scientifiques de disciplines différentes ont étudié la question «  quels rapports l’homme entretient-il avec ses espaces  ?  ». Sans oublier «  L’Espace  » de M. Merleau-Ponty dans la Phénoménologie de la perception II. Le Monde perçu I (M. Merleau-Ponty, Œuvres, Paris, 2010, p. 935-994).

6 J. Scheid, «  Religion et espace dans l’Antiquité  : réalité et représentation  », dans Les Espaces de l’homme, op. cit., p. 265-276. Pour la fondation de Carthage par exemple voir J. Scheid & J. Svenbro, La Tortue et la lyre. Dans l'atelier du mythe antique, Paris, 2014, p. 33-55.

7 M. Humm, «  Le concept d’Italie  : des premiers colons grecs à la réorganisation augustéenne  », in A. Colombo et al. (dir.), Mémoires d’Italie. Identités représentations, enjeux, Como, 2010, p. 36-66.

8 Sur les urbanistes, voir récemment T. Paquot (éd.), Les Faiseurs des villes 1850-1950, Paris, 2011  ; P. Penarai, J.-C. Depaule et M. Demorgon, Analyse urbaine, Marseille, 3 vol. , 1995-2005. J.M. Stébé et H. Marchal (éd.), Traité sur la ville, Paris, 2009  ; «  Les mesures de la ville  », Histoire & Mesure, 24/2 (2009).

9 J.-M. Besse, Le Goût du monde  : exercices du paysage, Paris, 2009. Cet ouvrage propose cinq définitions-approches pour comprendre le terme de «  paysage  ». A. Berque, La Pensée paysagère, Paris, 2008. L’auteur s’oppose à l’idée que le paysage soit un concept inventé et considère que le paysage n’est pas dans un regard sur des objets, mais dans la réalité des choses, c’est-à-dire dans le rapport que nous avons avec notre environnement. Il faut donc parler de la «  naissance  » du paysage et non de l’«  invention  » du paysage. A. Berque (dir.), Cinq propositions pour une théorie du paysage, 1994. Contra, A. Cauquelin, L’Invention du paysage, Paris, 2 vol. , 1989-2000  ; P. Thompson, «  Le paysage comme fiction  » et «  Note additionnelle sur le panorama et le diorama  », Revue des sciences humaines, 209 (janvier-mars 1988), p. 9-37. Sur le paysage et l’Antiquité, les premiers essais remontent à A. Choisy, Histoire de l’Architecture, Paris, 1895, réédité à Marseille en 1997.

10 Par exemple, I. Calvino, Les Villes invisibles, Paris, 1973 (éd. originale, Turin, 1972).

11 Cette lecture de structuration de l’espace urbain, par les mythes, les images, les monuments a été développée pour la compréhension des villes de la Renaissance comme dans l’essai de S. Bettini, Venise  : Naissance d’une ville, Paris, 2006 (traduit de l’italien, Venezia. Nascita di una città, Milan, 1978).

12 P. Clark, «  La fabrication de la Cambridge Urban History of Britain  », Histoire urbaine 6, 2002, p. 161-174. F. Choay, «  Le règne de l’urbain et la mort de la ville  », La ville, art et architecture en Europe, 1870-1993 (catalogue d’exposition au Centre Pompidou), Paris, 1994.

13 La difficulté de définir avec précision les limites de ces régions a été signalée plusieurs fois. Voir par exemple Cl. Nicolet, «  L’origine des regiones Italiae augustéennes  », Cahiers du Centre Gustave Glotz, 2, 1991, p. 73-97.

14 Ol. de Cazanove, «  Les Colonies latines et les frontières régionales de l’Italie  », Mélanges de la Casa Velasquez 35-2, 2005, p. 107-124.

15 À ce jour, deux titres sont parus  : ftd 1, Regio I  : Alatri, Anagni, Capitulum Hernicum, Ferentino, Veroli  ; ftd 2, Regio I  : Avella, Atripalda, Salerno. Deux volumes sont en cours de publication et paraîtront en 2015  : ftd 3, Regio IV  : Alife, Bojano, Sepino  ; ftd 4, Regio I  : Fondi, Formia, Minturno, Ponza. Et deux autres volumes sont en cours de préparation et dont la publication est prévue pour 2016  : ftd 4, Regio V  : Cingulum, Numana, Planina  ; ftd 5, Regio V  : Osimo, Auximum, Ancona, Cupra, Montana.

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Pour citer cet article

Référence papier

Despina Chatzivasiliou, « Fana, templa, delubra : Lieux de culte de l’Italie antique »Anabases, 21 | 2015, 213-221.

Référence électronique

Despina Chatzivasiliou, « Fana, templa, delubra : Lieux de culte de l’Italie antique »Anabases [En ligne], 21 | 2015, mis en ligne le 01 avril 2018, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/anabases/5327 ; DOI : https://doi.org/10.4000/anabases.5327

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