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La production de la sécurité sanitaire au quotidien : l’inspection des services vétérinaires en abattoir

Producing safe food day after day: veterinary inspection services in slaughterhouses
Laure Bonnaud et Jérôme Coppalle
p. 15-30

Résumés

L’abattoir constitue un lieu décisif pour la sécurité sanitaire des aliments. Des agents des services vétérinaires y sont postés en permanence et travaillent aux côtés du personnel de l’abattoir pour assurer le contrôle sanitaire des denrées produites. Ce contrôle repose sur la construction d’une position individuelle d’autorité par chaque agent, l’échange constant entre membres des équipes d’inspection et l’établissement d’une « bonne distance » avec les ouvriers sur la chaîne. Récemment, des crises et alertes sanitaires, ainsi que les réformes de modernisation de l’action publique ont conduit à l’introduction d’un plus grand formalisme dans le contrôle : la référence aux normes, les modalités d’intervention et les façons d’en rendre compte ont ainsi progressivement été transformées. Cet article étudie le passage d’une approche pédagogique de l’inspection à une approche procédurale, dans laquelle l’écrit acquiert une portée inédite. Il s’attache aux implications concrètes et relationnelles que cela entraîne pour les inspecteurs et met en évidence comment la perspective d’une intervention judiciaire guide ces transformations.

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Notes de l’auteur

Les auteurs remercient Séverin Muller (Université Lille-1, Clersé), Didier Torny (INRA–TSV) ainsi que les participants aux journées « Risques » de TSV pour leurs remarques sur des versions antérieures de ce texte.
Les thèses et opinions soutenues dans cet article n’engagent en aucun cas la responsabilité de l’École nationale des services vétérinaires ni celle du ministère de l’Agriculture.

Texte intégral

1En France, la politique de sécurité sanitaire des aliments repose depuis 1905 sur l’inspection par l’État des denrées et des établissements de production d’aliments (Ferrières, 2002). Les diverses crises et alertes sanitaires survenues dans les années 1990 (Besançon et al., 2004), si elles ont entraîné des modifications institutionnelles très visibles, dont la création d’une agence sanitaire, l’AFSSA (Benamouzig et Besançon, 2005), voire ont contribué à une évolution plus générale de « l’État sanitaire » (Gimbert, 2006), n’ont pas modifié ce socle de l’action de l’État. Ainsi les abattoirs sont-ils soumis à la surveillance d’inspecteurs des directions départementales des services vétérinaires (DDSV) ?

2Cet article propose d’analyser les caractéristiques et les évolutions du métier d’inspecteur de la sécurité sanitaire des aliments, en prenant comme fils conducteurs, à la fois, les spécificités de la situation de contrôle en abattoir et le rapport à la norme des contrôleurs. Les agents des services vétérinaires sont en effet présents en permanence sur les chaînes d’abattage, au côté du personnel qu’ils contrôlent. Par ailleurs, le contrôle de la sécurité sanitaire des aliments s’inscrit dans un cadre réglementaire qui a été profondément modifié par une série de règlements communautaires baptisés Paquet hygiène, entrée en vigueur le 1er janvier 2006 (Delomez, 2005). Enfin, l’organisation des services vétérinaires elle-même a évolué avec la mise en place d’une démarche d’assurance qualité pour l’inspection. Depuis une dizaine d’année, on constate ainsi une évolution vers un plus grand formalisme du métier d’inspecteur : mise en place de procédures de contrôle, prééminence de l’écrit dans la qualification des situations, publicisation d’indicateurs d’activité, etc.

  • 1 Sur le plan méthodologique, cet article s’appuie sur une enquête ethnographique réalisée en 2005 et (...)

3Dans ce contexte, notre enquête1 montre comment cette procéduralisation de l’inspection compose avec les particularités de l’inspection permanente, dans laquelle l’établissement et le maintien de la relation des agents des services vétérinaires avec le personnel de l’abattoir constitue un préalable à toute activité de contrôle. Elle ne privilégie donc pas l’examen de situations de crises, mais s’intéresse à des pratiques quotidiennes de gestion des risques qui peuvent éventuellement intégrer l’anticipation de crises (Listeria, E. coli, ESB), leur survenue, ou la reconfiguration d’expériences qu’elle entraîne (Dodier et al., 2005).

1. L’appareil normatif de l’inspection en abattoir

4Suivre les inspecteurs au travail suppose d’entrer dans le dédale des normes qui encadrent leurs actions et de comprendre les ressources et les contraintes dont ils disposent pour construire des qualifications de situation : à la réglementation sanitaire, il convient en effet d’ajouter les normes privées des abatteurs ainsi que la formalisation de l’inspection dans une norme ISO d’assurance qualité qui organise le travail des agents.

1.1. Trois inspections

5Historiquement, les agents des services vétérinaires en abattoir inspectent les viandes : ils sont présents à l’arrivée des animaux et sur la chaîne d’abattage, où ils examinent les abats, ainsi que chaque carcasse face externe et face interne. Leur objectif est d’identifier des lésions ou des anomalies attestant d’une pathologie de la bête et rendant la viande et/ou les abats impropres à la consommation humaine. Les compétences des inspecteurs visent à faire coïncider quasi instantanément leurs observations cliniques (inspection ante mortem des animaux) et lésionnelles (inspection postmortem des carcasses et des abats) avec une suspicion de diagnostic anatomopathologique. L’examen des carcasses est visuel et tactile : les inspecteurs scrutent les couleurs inhabituelles, procèdent à des incisions sur les muscles ou les ganglions pour la recherche de signes inflammatoires ou de maladies spécifiques — tuberculose, cysticercose — et palpent pour éprouver les sensations : le mou, le froid, l’humide signalent l’hydrohémie par exemple.

6Les agents des services vétérinaires réalisent également des inspections sur l’hygiène et le fonctionnement des installations et la protection animale. Ce travail s’effectue lors de visites de l’abattoir afin de vérifier l’application « courante et correcte » [Règlement (CE) nº 854/2004] des bonnes pratiques d’hygiène. Il donne lieu à des rapports écrits à la direction de l’établissement, qui établissent des constats quant au matériel (absence de housses sur les bacs, mauvais fonctionnement des lave-mains...), à l’état de propreté ou aux façons de travailler (crachats, jets de viande, port de charlottes, etc.).

7Enfin, les inspecteurs examinent un ensemble de documents produit par l’abattoir qui identifie les dangers liés à la sécurité sanitaire de l’établissement et décrit les mesures mises en œuvre afin de les prévenir ou de les corriger.

8Ces trois inspections, qui reflètent différentes strates d’évolutions réglementaires, sont de durée et de périodicité variables. Elles n’impliquent pas également tous les agents des services : la décision d’un vétérinaire est par exemple réglementairement requise en cas de saisie de la carcasse, le technicien ne faisant que consigner la carcasse suspecte, alors que rien n’est spécifié pour les questions d’hygiène ou le contrôle documentaire.

1.2. La « nouvelle approche » de la sécurité sanitaire des aliments

  • 2 Arrêté ministériel — 17 mars 1992.
  • 3 Ce plan intègre des guides de bonnes pratiques, autocontrôles, dispositifs de traçabilité... et s’a (...)
  • 4 HACCP, Hazard Analysis Critical Control Point : Analyse des dangers — points critiques pour leur ma (...)

9Le Paquet hygiène, qui fonde depuis le 1er janvier 2006 l’action des inspecteurs des services vétérinaires, s’appuie sur le principe de la responsabilité des industriels quant à la sécurité sanitaire des produits qu’ils mettent sur le marché : il n’impose plus aux professionnels de l’agroalimentaire des obligations de moyens, mais de résultats. Par exemple, des rédactions précises selon lesquelles les établissements doivent comporter « des dispositifs pour la désinfection des outils pourvus d’eau d’une température minimale de 82 C2 » ne sont plus de mise. En revanche, les professionnels doivent désormais produire leurs propres normes, rassemblées dans le plan de maîtrise sanitaire3 et prouver qu’il garantit, en continu, la sécurité sanitaire. Ce plan se présente comme un ensemble de procédures décrivant les opérations réalisées dans l’établissement ainsi que les mesures de prévention et de gestion des risques sanitaires en vigueur, selon la méthode HACCP4 (Demortain, 2005). Il transforme profondément la définition de ce qui fait preuve dans le contrôle vétérinaire. En effet, la référence et l’objet de l’inspection ne relèvent plus de l’évidence partagée (le respect ou non des articles d’un arrêté ministériel), mais sont susceptibles de variation selon les établissements, leur capacité d’expertise, leurs procédés industriels ou leur démarche qualité. De référence intangible, le cadre réglementaire devient, selon les situations et les mobilisations des uns et des autres, objet de remises en question et de discussions quant à ses fondements scientifiques.

1.3. Une norme d’organisation pour assurer le respect des normes sanitaires

  • 5 Cité par Gerster et al. (2003).
  • 6 Note de service DGAL/MASCS/N2005‑8010.
  • 7 « L’adaptation de l’inspection en abattoir permettra de redéployer le personnel titulaire sur l’amo (...)

10Cette nouvelle approche a conduit les services vétérinaires, à partir du milieu des années 1990, à engager une démarche de mise sous assurance qualité de leur activité d’inspection, dans la mesure où « il y aurait un certain paradoxe à exiger de la part des industriels des contraintes que nous ne serions pas en mesure de respecter nous-même » (Philippe Vasseur, ministre de l’Agriculture, 19965). La norme ISO 17020 entend prouver que l’organisation de l’inspection est compétente, fiable et impartiale et promeut essentiellement à cette fin la standardisation, la transparence et l’enregistrement des actes des inspecteurs par des écrits6. Elle s’inscrit dans un mouvement plus général de réforme de l’administration et de clarification des responsabilités dans les politiques du risque. Les abattoirs sont particulièrement concernés, puisque s’y pratique une inspection permanente qui implique la proximité du contrôleur et du contrôlé. Cette proximité est généralement jugée sévèrement en termes d’efficacité, dans la mesure où la routine de la coprésence brouille les frontières entre les deux parties au profit d’une interdépendance jugée dommageable par ce qu’elle implique de compromis et de négociation. Certaines recommandations7 vont clairement dans le sens de la fin du contrôle permanent et du retrait des abattoirs. Elles invoquent le coût de l’inspection permanente, l’assainissement du cheptel, la mise en place de dispositifs de gestion de la sécurité sanitaire par les abatteurs, le caractère « non observable sur les carcasses » lors des dernières crises (ESB, E. Coli), le rôle du marché comme régulateur efficace par le biais de la réputation et des marques, le contrôle d’organismes tiers (clients, certificateurs...), etc. Elles prônent une inspection de type itinérant, avec des passages réguliers et souvent inopinés d’inspecteurs dans l’établissement et donc la fin de la présence permanente.

  • 8 La lecture des textes réglementaires ne va pas dans le sens d’un retrait des services vétérinaires (...)

11Il est intéressant de noter que l’interprétation de ces textes8 n’est pas partagée par les personnes rencontrées : les techniciens qui assurent l’inspection y voient la preuve d’un désengagement de l’État dans le contrôle des denrées et la perte du sens de la mission de surveillance de la sécurité des produits pour le consommateur, alors que pour les vétérinaires, qui dirigent les services d’inspection permanente, cette évolution fait partie de la modernisation du service public. Dans quelle mesure une étude des équipes d’inspection en abattoir permet-elle de comprendre les déterminants de ces réactions et conduites professionnelles contrastées ?

2. Sociologie des contrôleurs en abattoir ou comment faire avec ses collègues

12En mettant au centre de l’analyse le point de vue et les objectifs pratiques des acteurs dans leur rapport à la norme, on peut faire l’hypothèse que l’insertion dans le collectif constitue, pour les inspecteurs, la condition de possibilité de l’exercice du contrôle.

2.1. Portrait de groupe

  • 9 Ministère de l’Agriculture et de la Pêche (MAP), 2006. Dans les DDSV, on distingue deux catégories (...)

13Si Muller note que les agents des services vétérinaires sont tous appelés « les vétos » par le personnel de l’abattoir (Muller, 2001, p. 308), force est de constater qu’il s’agit d’un groupe dont l’uniformité n’est qu’apparente. On totalise, en 2006, 1848 vétérinaires, techniciens, contrôleurs et préposés sanitaires9 qui exercent une mission d’inspection en abattoir : le préposé sanitaire qui n’effectue que du travail sur chaîne y côtoie le vétérinaire libéral qui passe ponctuellement à l’abattoir, dans le cadre de sa tournée de clientèle.

Abattoirs de boucherie

Effectif

ISPV - vétérinaires titulaires

35

Techniciens

628

Contrôleurs

505

Préposés

201

Vétérinaires vacataires < 135 vacations

326

Vétérinaires vacataires > 135 vacations

153

Total

1 848

Source : MAP, 2006.

14Les vétérinaires titulaires ne constituent qu’une part infime des effectifs (moins de 2 %). L’essentiel du travail de saisie, obligatoirement réalisé par un vétérinaire, est effectué par des vacataires (26 % des effectifs). Certains (plus de 135 vacations) travaillent principalement pour les services vétérinaires, parfois depuis des dizaines d’années, principalement dans les abattoirs industriels. D’autres (moins de 135 vacations) ont une activité libérale et participent de façon ponctuelle à l’inspection, notamment pour approuver les décisions de saisie. Dans tous les cas, leur recrutement est une préoccupation des chefs de service, qui doivent veiller à la fois à la compétence en matière d’inspection des viandes et à l’impartialité des confrères qu’ils choisissent. Enfin, un tiers des inspecteurs des abattoirs est constitué de techniciens (34 %), première catégorie de personnel en charge d’inspection sanitaire dans les abattoirs.

15Cette composition ne traduit pas uniquement la diversité des statuts dans — et à la frontière — de la fonction publique, mais signifie également que la formation, le déroulement de carrière et les attentes des uns et des autres quant à leur activité professionnelle peuvent être très différentes. Rien de commun par exemple, entre un jeune technicien titulaire, porteur d’un diplôme universitaire, puis formé pendant deux ans en école d’application, qui espère quitter l’abattoir pour s’occuper de santé animale au siège de la DDSV et un contrôleur sanitaire âgé, sans diplôme, formé sur le tas et qui travaille dans le même abattoir depuis 15 ou 20 ans. En outre, les services d’inspection, manquant régulièrement de personnel, engagent pour une durée de trois mois renouvelable, des préposés vacataires formés par leurs collègues. En raison des conditions de travail dans les abattoirs, les candidats ont souvent des liens avec l’abattoir, soit qu’ils y aient antérieurement travaillé, soit qu’une partie de leur famille y soit embauchée. Cette diversité de situations crée de grandes tensions au sein des services d’inspection, qui s’expriment le plus souvent à l’encontre des vacataires dont l’acculturation à la fonction publique est jugée suspecte.

« — Avant, la DSV recrutait des agents extérieurs, extérieurs au site, extérieurs au village, extérieurs au département. Et ils étaient attentifs à ça. Aujourd’hui, plus du tout, on se retrouve avec des gens qui ont travaillé en abattoir et qui travaillent maintenant dans notre service. Je n’ai rien contre ça, sauf que je pense que ça a des conséquences, ça a banalisé notre image. Ç a nous enlève aussi une certaine...
— Autorité ?
— Oui. Oui. Je le constate, hein ? [...] Daniel a travaillé longtemps à l’abattoir. Si Hervé [un technicien titulaire ancien] fait une remarque, les ouvriers le feront. Mais Daniel ne fera pas la remarque, et ils ne le feront pas. Le problème est là. Et s’il fait la remarque, les autres vont rigoler. Pourquoi ? Il a travaillé à ce poste-là avant... » (Technicien)

16Si la question du recrutement et de l’homogénéité de l’équipe est cruciale, c’est parce que le travail d’inspection s’effectue sur la chaîne à côté du contrôlé, mais aussi sous sa surveillance. Dès lors, parce qu’il dit et incarne le règlement, il est très important que chaque membre du groupe réagisse de la même manière que les autres dans les cas comparables et puisse justifier de ses actes d’inspection. Or la diversité des parcours, des attentes et des formations complexifie cette nécessaire harmonisation.

2.2. Tous en blouses blanches...

  • 10 Les changements de poste sont jugés indispensables pour maintenir la vigilance dans le diagnostic.

17Dans un abattoir, il n’est pas facile de reconnaître d’emblée un technicien des services vétérinaires : le travail d’inspection est d’abord un travail ouvrier sur chaîne. Certes, la tenue peut être un indice, les agents des services vétérinaires portant la blouse et non la combinaison, de même que l’horaire d’embauche ou le rythme du travail (changement de poste toutes les 30 minutes, et pause de 30 minutes par exemple, quand les ouvriers des abattoirs ont des pauses plus courtes et moins fréquentes10). Reste que dans la plupart des abattoirs, peu de choses distinguent les agents des services vétérinaires de leurs voisins. Le bruit, l’odeur, le froid, l’humidité, les arrêts de chaîne les touchent également et ils participent à des mouvements collectifs comme le bruissement admiratif qui accompagne le passage d’une belle bête. De même, les images associées à l’abattoir les accompagnent dans leur vie personnelle où ils partagent alors avec les ouvriers qu’ils contrôlent l’opprobre liée à la mise à mort des animaux (Vialles, 1987 ; Porcher, 2000).

18Néanmoins, le travail des agents des services vétérinaires suppose de se distinguer du contrôlé, donc de maintenir une distance avec les ouvriers de chaîne et d’entretenir la proximité avec ses collègues des services vétérinaires.

« [Le chef de service] nous dit : “il ne faut absolument pas s’intégrer avec les gens, vous avez une mission de contrôleur”. Ok. On le sait bien qu’on a une mission de contrôleur, donc il faut toujours garder en tête que mission de service public égale sécurité pour le consommateur, on travaille pour le consommateur. Ceci dit, les gens, vous les voyez tous les jours. Donc quand vous savez que le papa de untel est allé à l’hôpital, vous demandez des nouvelles, des renseignements, ne serait-ce que par politesse... Du fait des contacts permanents, je ne dis pas que ça créé des liens mais comment dire ? Comment dire ?... On peut s’intégrer. » (Contrôleur sanitaire)

19La clarté du positionnement comme contrôleur est la condition de l’exercice de l’inspection.

« Le représentant de la loi est porté à croire que les gens dont il s’occupe doivent le respecter, parce que, s’ils ne le font pas, il lui sera très difficile de faire son travail et il perdra tout sentiment de sécurité dans le travail. C’est pourquoi une bonne part de son activité ne consiste pas directement à faire appliquer la loi, mais bien à contraindre les gens dont il s’occupe à le respecter lui même. » (Becker, 1985, pp. 181–182)

20La vérification de cette hypothèse dans les abattoirs révèle l’obligation de solidarité entre agents des services vétérinaires qui travaillent dans une même équipe, sous peine de se décrédibiliser en tant que représentants de la loi et d’affaiblir les demandes qui sont faites ou les jugements qui sont portés sur leurs situations.

« Il y a quelques semaines, Amélie s’est fâchée en bouverie parce qu’une bête a été sortie... Elle était incapable de se lever, elle ne pouvait marcher seule, elle a été sortie au treuil, c’est-à-dire par un portique. On a accroché une patte et on a soulevé la bête juste au dessus du sol, donc vous imaginez la bête pendue par une patte, pour la déplacer et pour la reposer. Et Amélie a dit : “En termes de protection animale, c’est épouvantable, je ne veux plus revoir cela ”. Donc tant les bouviers que le technicien ont intégré le fait qu’il ne faudra plus utiliser le treuil. Quelques jours après, Élise qui n’était pas au courant et n’avait pas eu l’occasion de parler avec Amélie, prend la décision inverse et propose de sortir une bête au treuil. Après il a fallu se justifier, et c’était extrêmement difficile. » (Vétérinaire)

21Dès lors, s’entendre avec ses collègues, prendre des décisions comparables parce qu’elles disent concrètement la loi, rectifier les propos ou des comportements inadaptés, constituent des impératifs des équipes d’inspection en abattoir. Une part importante du travail consiste à ajuster en permanence les comportements afin d’imposer pour sa personne propre et pour le groupe, le respect nécessaire à l’exercice de sa mission. Cette obligation de solidarité, qui est également une obligation de travail collectif, éclaire le fonctionnement autorégulé et très autonome des équipes d’inspection en abattoir, qui « absorbent » les nouveaux et les formatent selon les habitudes du groupe.

22La première voie d’harmonisation entre agents de l’équipe passe par le soin accordé à l’autoreprésentation (Elias, 1985) comme contrôleur, notamment par la valorisation de l’exemplarité permanente dans le comportement de chacun, condition de la crédibilité des remarques qui peuvent être faites aux ouvriers. Il convient de se distinguer des personnes étrangères au groupe, chacun et tous ensemble réaffirmant la fonction sociale qui justifie la présence dans l’abattoir. Ainsi, le lavage minutieux des bottes, l’utilisation adéquate des couteaux, l’attention portée au respect des circuits de circulation constituent autant d’autocontraintes dans la présentation de soi : une équipe des services vétérinaires qui chahute sur la chaîne peut être assurée d’une remarque du chef de chaîne quant à sa compétence et sa connaissance de la réglementation. Dès lors, la vie du groupe d’inspection est marquée par un autocontrôle permanent de ses membres (Elias, 1983), et par la surveillance réciproque, notamment des plus expérimentés sur les nouveaux. Une partie des réunions d’équipe est d’ailleurs consacrée à rendre publics les comportements jugés déviants et à les corriger par la plaisanterie, de façon que le fautif « se sente quand même un peu mal dans ses baskets, parce que c’est une bêtise qu’il ne devrait pas faire » (Vétérinaire).

23La formation sur le tas des agents constitue l’autre voie par laquelle s’effectue la socialisation propre à l’équipe d’inspection vétérinaire, notamment pour les agents vacataires qui travaillent plusieurs semaines en binôme pour apprendre les règles de la fonction et les habitudes particulières de l’établissement. En inspection de denrées, la répétition des épreuves passées et des situations–problèmes réglées garantit l’expérience des agents, la sûreté de leur jugement et la qualité de leur travail. Or, de ce point de vue, les nouveaux inspecteurs, surtout lorsqu’ils sont vacataires, constituent des maillons faibles du groupe, car leurs décisions peuvent prêter à contestation de la part des responsables de l’abattoir.

24L’équipe d’inspection vétérinaire consacre beaucoup de temps et d’ingéniosité à se présenter au personnel de l’abattoir comme un collectif de membres interchangeables uniquement guidé par le respect de la réglementation : il n’en demeure pas moins qu’elle est structurée par une hiérarchie assez stricte et traversée de tensions, notamment dans les relations entre vétérinaires et techniciens, qui influent sur l’organisation globale de l’activité de contrôle.

2.3. ... Mais cols blancs et cols bleus

  • 11 La rédaction du nouveau décret d’organisation du corps des inspecteurs de santé publique vétérinair (...)

25Dans les abattoirs, la présence de vétérinaires est obligatoire, car inscrite dans la loi. Dans un corps de vétérinaires titulaires qui souhaite s’orienter vers l’activité managériale11, il s’agit d’affectations plutôt déconsidérées, notamment en raison des conditions de travail. On trouve donc dans les abattoirs les nouveaux recrutés, les vétérinaires en froid avec leur administration, et beaucoup de vacataires. Leurs relations avec les équipes de techniciens sont souvent délicates et empreintes de méfiance réciproque : cela tient principalement au décalage entre le savoir-faire propre à l’analyse des carcasses et l’organisation hiérarchique, dans une situation de dépendance réciproque. En raison de la forte mobilisation des sens exigée par l’activité d’inspection des denrées, celui qui sait est avant tout celui qui pratique : or le vétérinaire n’est pas présent en continu sur la chaîne, mais prend des décisions sur les carcasses préalablement détournées par ses subordonnés qui voient, eux, défiler l’ensemble de la production. Certains vétérinaires reconnaissent la compétence des techniciens de façon explicite ; d’autres s’arrangent pour que les décisions soient le plus collectives possible, ce qui préserve la reconnaissance des capacités de qualification des situations par les techniciens : ils demandent ainsi qu’on leur présente le « cas » et les éléments qui ont conduit à la consigne ou confrontent les avis autour des carcasses jusqu’à aboutir à un constat partagé, au terme d’un processus fait d’objections, de nouvelles incisions sur la viande, de suggestions de diagnostic ou des suspicions que tel ou tel peut lancer dans la conversation ; d’autres enfin s’en tiennent à l’organisation formelle selon laquelle seul le vétérinaire décide : en ce cas, les relations avec leurs équipes peuvent être exécrables et donner lieu à des mesures de rétorsion (grève du zèle par la consigne systématique, par exemple, de façon à déborder le vétérinaire récalcitrant) allant jusqu’à remettre en cause l’organisation de l’inspection dans l’abattoir.

26Si les relations entre vétérinaires et techniciens font l’objet d’une telle attention, c’est parce que la crédibilité du vétérinaire rejaillit sur son équipe d’inspection : un vétérinaire dont l’incompétence est avérée et connue du personnel de l’abattoir, qui connaît mal les textes réglementaires ou qui ne comprend pas l’obligation de solidarité avec l’équipe, fragilise le travail de tous ceux qu’il dirige. À chacune de ses décisions de saisie, le vétérinaire dit la science et la loi : sa capacité à justifier ce qu’il fait par des connaissances vétérinaires solides et des références réglementaires est donc essentielle et préserve tout son service du soupçon d’incompétence qui pourrait naître chez l’abatteur ou les éleveurs.

« Il n’y a pas très longtemps une carcasse a été consignée par un collègue pour la sarco, sarcosporidiose, donc des points verts partout sur la carcasse : elle a été consignée, mise dans le frigo de consigne ; [après l’avoir examinée] le vétérinaire a dit : “à envoyer en découpe”... Il a ajouté, il paraît : “s’il y a un problème, ils la renverront”. Deux jours après, moi j’étais dans le bureau, le responsable de la découpe arrive : “ouais, c’est quoi ce boulot, il y a une carcasse pourrie qui est arrivée, on l’a renvoyée en consigne...”. Il me dit : “vous ne faites pas votre boulot”. J’ai dit : “mais regardez le cahier, on a fait notre travail, elle a été consignée...”. Il me dit : “Ben qu’est-ce qu’il y a eu ?” J’ai dit : “c’est le véto qui n’a pas fait son boulot, c’est pas nous !” Donc la crédibilité derrière...pff ! » (Technicien)

27Dans les abattoirs de petit tonnage, les vétérinaires vacataires « de clientèle », qui ne participent à l’inspection que de façon très partielle, doivent aussi faire face à une suspicion de partialité : les techniciens sont particulièrement attentifs à la façon dont ils inspectent les bêtes d’éleveurs qui sont par ailleurs leur clients. Par ailleurs, conséquence du faible temps passé à la mission d’inspection sanitaire, qui ne permet pas le contrôle réciproque des motivations, l’acculturation de ces vétérinaires à la fonction publique est périodiquement remise en cause et objet de rappels.

« Une des rares exigences très précises qu’on a à l’abattoir, c’est l’absence de contamination fécale sur les carcasses... Donc, la conclusion, c’est : attention, ligature œsophage et rectum absolument indispensable et puis la moindre saleté, il faut faire parer et n’estampiller que quand c’est paré. [...] Donc là, je l’ai rappelé aux vétos, et la réaction, au lieu de dire : “oui, oui, on va bien faire attention”, la réaction ça a été de dire : “non mais tu te rends compte, une carcasse d’agneau, une fois parée, ça vaut rien”. C’est impressionnant de voir que des gens qui sont payés pour faire de l’inspection vous disent : “ah oui, mais ça va abîmer la carcasse, quand même, ils seront pas contents”. » (Chef de service)

28On voit donc que la composition hétérogène des équipes d’inspection entraîne la mise en place de mécanismes d’intersurveillance et d’autodiscipline dans le groupe afin de préserver les possibilités du contrôle. On pourrait parler d’extension de la surveillance, au sens où le fait de travailler en permanence en présence du contrôlé oblige à un contrôle de soi, individuel et collectif.

29L’organisation spécifique de l’inspection vétérinaire en abattoir, où techniciens et personnel de l’abattoir partagent le même espace de travail, suppose des échanges oraux continus au sein des équipes d’inspection, afin de maintenir l’unité du contrôle. En quoi la procéduralisation de l’inspection (qui impose le recours à l’écrit, concernant à la fois les normes elles-mêmes et les modalités des interventions des services vétérinaires) modifie-t-elle ce fonctionnement historiquement établi ?

3. Sociologie du contrôle en abattoir : d’une police administrative à une police judiciaire ?

30Comme toutes les activités de contrôle des services de l’État (Dodier, 1993 ; Bonnaud, 2005), l’action des services vétérinaires s’inscrit historiquement dans un processus de régulation de moyen terme orienté par la réglementation. Il ne s’agit en aucun cas pour les inspecteurs de relever l’ensemble des non conformités à la règle et d’engager dans la foulée des sanctions pour non respect des textes, mais plutôt, dans une perspective que les agents des services vétérinaires qualifient eux-mêmes de « pédagogique », d’obtenir du contrôlé un engagement que les pratiques non conformes vont être amendées, que des travaux seront entrepris ou une nouvelle organisation mise en place. Si l’on envisage l’ordre juridique non comme un ensemble d’impératifs, mais comme un ensemble de ressources réglementaires, plus ou moins mobilisées, en situation (Weber, 1986 ; Lascoumes, 1990), il convient de mettre en évidence les modalités concrètes de cette forme de régulation, ainsi que ses limites et ses évolutions.

3.1. De l’approche pédagogique à l’inspection procédurale

31La conception de l’inspection comme processus pédagogique qui doit tendre au respect de la règle est largement répandue au sein des services vétérinaires, quel que soit le statut des agents et on peut décliner ses modalités en fonction du type d’inspection envisagé : pour l’inspection des viandes, elle prend essentiellement la forme d’une coopération entre techniciens et ouvriers de la chaîne, pour échanger des informations et des signalements réciproques sur des carcasses suspectes. En matière d’hygiène et de fonctionnement, elle est soulignée par l’attitude très précautionneuse des agents qui doivent rectifier un comportement ou relever une infraction, conséquence d’une empathie pour des voisins de chaîne dont on partage les conditions de travail.

« Quand on a quelque chose à imposer et qu’on nous dit : “vous seriez là pendant trois heures en train de faire le boulot, ça vous gonflerait peut-être aussi...” Ce n’est pas évident. Il faut comprendre qu’eux ne sont pas trois heures de temps sur la même chose, et que leurs chefs ne montrent pas l’exemple non plus et qu’ils disent : “c’est bon, ils ne vont pas nous casser les pieds avec ça.” [...] Donc je pense qu’avoir une bonne relation c’est bien, parce que on leur explique aussi qu’on est obligé de le faire, qu’on nous dit de faire ça, et que ça serait bien qu’ils essayent, au moins, qu’ils commencent à le faire et après, ils voient... » (Préposée sanitaire, abattoir de bovins)

32La reconnaissance, par les agents du service, de la dureté du travail et des contraintes de l’organisation industrielle peut se doubler de culpabilité envers un personnel aux conditions de travail et de salaire moins favorables : « Non seulement on travaille beaucoup moins qu’eux, mais on a beaucoup plus de coupures et on est payé le double. Il ne faut pas non plus exagérer » (Préposé vacataire). Dans ce contexte, l’équipe d’inspection permanente s’arrange pour que ses interventions s’inscrivent dans le cadre du fonctionnement ordinaire de l’abattoir : elle s’efforce de ne pas allonger la journée de travail, en organisant le passage des bêtes suspectes aux pauses ou rapidement en fin de chaîne. Toute décision contraire, comme le ralentissement de la cadence de la chaîne pour régler un problème d’hygiène, est conçue comme une sanction.

« C’est pas des sanctions, formellement, alors que c’en est une. On peut ralentir la chaîne ou bloquer les cochons pour faire un contrôle. Ç a, c’est une sanction. Alors là, ça gueule ! Il ne faut pas le faire trop souvent ! C’est vrai que c’est une vraie sanction. De dire : “Les cochons sont sales, c’est pas normal”. Là, ça gueule, parce que ça décale les horaires, voire ça diffère l’abattage. Donc, ça coûte cher ! Plus qu’un PV. » (Vétérinaire)

33En matière d’inspection documentaire, enfin, l’approche pédagogique repose sur une gestion flexible du temps et des délais accordés au professionnel pour fournir les documents, notamment pour l’agrément des établissements.

34Dans tous les cas, le renoncement à une décision de sanction immédiate est fondé sur l’historique des relations passées entre les deux parties, sur l’anticipation raisonnée que l’inspecteur fait des possibilités de respect de la règle chez le professionnel et sur des engagements réciproques : améliorer le fonctionnement versus comprendre les contraintes de production. Ce cadre étant établi, les interventions de contrôle visent principalement à justifier la logique sanitaire de la réglementation, afin de tendre plus rapidement au respect de la norme. Elles procèdent d’une démarche d’accompagnement des entreprises, notamment de celles qui ne disposent pas de personnel qualifié pour l’amélioration des conditions sanitaires de production.

« J’avais pris plein de tâches pour faire progresser l’abattoir et notamment les prélèvements de surface des carcasses [...] J’affichais dans le réfectoire en disant ce que je pensais des résultats : “Là, le nettoyage, c’est pas suffisant, il faut faire mieux”. Toujours avec un petit mot quand même : “Bon courage !”, etc. Toujours essayer d’encourager. » (Technicien)

35Cette pratique de l’inspection ne signifie pas que les relations avec les abattoirs sont toujours apaisées ou que les sanctions sont systématiquement écartées. Simplement, les mesures coercitives sont envisagées comme l’aboutissement d’un processus d’avertissements gradués, dans un esprit d’exemplarité. Elles n’ont généralement qu’une faible portée, par exemple la dramatisation du « courrier d’avertissement » sans valeur juridique, tandis que le retrait de l’agrément, le procès-verbal ou la fermeture de l’établissement ne sont jamais considérés. Reste que cette conception de l’inspection suppose une négociation discrète, peu compatible avec sa publicisation ou l’intrusion de personnes ou d’événements extérieurs, notamment parce que les bases de la justification s’avèrent alors fragiles.

  • 12 La Brigade nationale d’enquêtes vétérinaires et phytosanitaires, service de la DGAl, est chargée d’ (...)
  • 13 L’Office alimentaire et vétérinaire vérifie le respect de la réglementation communautaire pour la s (...)
  • 14 USDA (United States Department of Agriculture) : Les abattoirs exportant des viandes vers les États (...)

36Courvalin et Koenig (2001), puis Muller (2004) ont mis en évidence que l’alerte ou la crise sanitaire déclenchent des mécanismes de recherches de responsabilité et d’administration de la preuve en rupture avec l’économie relationnelle ordinairement pratiquée entre contrôleurs et contrôlés. Les visites ponctuelles d’experts extérieurs (BNEVP12, OAV13, USDA14) conduisent également à une rupture dans l’équilibre ordinaire de la régulation. Si les ressorts de leurs interventions restent classiques (visite, rapport, recommandations), le caractère public des comptes rendus et de leurs instruments de jugement, comme le classement des abattoirs, engage l’ensemble de l’administration de contrôle — y compris la DGAl — dans une dynamique réglementaire beaucoup plus stricte.

37Ces interventions d’inspecteurs extérieurs partagent également le primat accordé à l’écrit, pour le contrôle des industriels comme pour l’appréhension de l’action des services d’inspection. On reconnaît ici « l’aura de sérieux et de crédibilité » (Grosjean et Lacoste, 1998, p. 440) dont l’écrit bénéficie désormais comme mode privilégié d’administration de la preuve.

3.2. Conséquences de la formalisation procédurale sur les relations au travail

38Au cours des années 1990, principalement en réponse à des crises sanitaires, on a pu constater la montée en puissance d’un contrôle dématérialisé fondé sur des traçabilités (Torny, 1998 ; Rot, 1998) : la production est reconstituée par une multiplicité d’enregistrements, qui constitue la trace de pratiques ou de fonctionnement dont ils attestent la régularité. En matière de sécurité sanitaire des aliments, les exigences de traçabilité se sont progressivement étendues du suivi de la production des denrées, au fonctionnement organisationnel des industries agroalimentaires (plans de nettoyage) et enfin aux services d’inspection eux-mêmes, qui doivent également rendre compte de leurs actes (norme ISO 17020) (Piet, 2006).

39Dans ce contexte, la démarche d’assurance qualité initiée dans les années 1990 est désormais présentée par le ministère de l’Agriculture comme l’instrument de la transparence et de la séparation des responsabilités. Ses outils se mettent en place progressivement : conçus et diffusés par l’administration centrale, ils se traduisent principalement par des instructions et des procédures d’inspection, des applications informatiques, des consignes d’enregistrement des interventions, etc. Ces supports visent à standardiser les modes d’intervention des agents, afin qu’ils agissent et réagissent de façon semblable — malgré la diversité des agents, la singularité des sites et des systèmes de production — et aussi rendre compte en continu de leur action, afin de constituer des traces mobilisables comme preuves en cas de demandes extérieures (crise, justice, experts). Comme le note Béatrice Fraenkel à propos de l’ISO 9000 : « Tout le dispositif est orienté vers la fabrication de preuves » (Fraenkel, 2005, p. 129).

40De façon générale, la présentation de l’assurance qualité comme instrument de clarification de l’attribution des responsabilités tend à occulter qu’un travail de police suppose la coopération discrète du contrôlé, ce qui ne va pas de soi, d’autant que la relation entre les deux parties est par nature différente de l’alignement contractuel qui s’établit entre une entreprise engagée dans une démarche ISO 9000 et un fournisseur (Segrestin, 1996). L’observation montre que l’action des inspecteurs selon la norme ISO 17020 est facilitée dans les entreprises organisées selon un système qualité, ce qui ne concerne que les gros abattoirs industriels. Existe alors un service dédié, réactif et coopératif, qui s’inscrit dans le cadre procédural de l’inspection, voire l’intègre à son propre système qualité (adhère aux recommandations, atteste de mesures correctrices, etc.). Le nouveau mode d’administration de la preuve par l’écrit enregistré est alors totalement intégré, ce qui conduit à une anticipation symétrique fine des nouvelles règles du jeu de l’attribution des responsabilités dans un nouveau cadre de relations (Torny, 2003). La primauté accordée à l’écrit dans les interventions des services vétérinaires tend alors à affaiblir la force coercitive de l’oral, malgré l’assermentation des fonctionnaires. Dans les nouvelles formes de la relation de contrôle, les exigences des services vétérinaires ne vont plus de soi et personne n’accepte de communiquer facilement des documents de son service « peu importe qu’on représente l’État ou quoi que ce soit » (Vétérinaire).

  • 15 L’élimination des amygdales des bovins de tous âges est effectuée en procédant à une coupe transver (...)

41La mise en place de l’assurance qualité modifie également les relations et modes de coordination entre techniciens et vétérinaires. La procéduralisation des pratiques de contrôle et l’enregistrement des actes d’inspection des techniciens (notamment des demandes aux abatteurs) deviennent un impératif exigible par la hiérarchie vétérinaire, alors que les façons de faire se discutaient jusqu’alors collectivement au sein de l’équipe et que l’enregistrement des exigences normatives était un objet de négociation entre contrôleurs et abatteurs : « les écrits changent le statut de la parole qui, de privée, devient publique » (Mispelblom et Beyer, 1999, p. 248). Dans l’exemple suivant, la vétérinaire constate, lors d’une visite inopinée, que le retrait des amygdales de veau15 n’est pas effectué correctement.

« Sur le coup, le gars m’a dit : “Oh, on ne m’a jamais expliqué”. Quand j’ai discuté avec [la technicienne, présente en permanence à l’abattoir], elle m’a dit : “attendez, moi personnellement, je lui ai déjà expliqué 4 fois comment il fallait faire ». [...] Mais il n’y a aucune trace écrite, disant : “ce gars est incapable d’enlever les MRS, ça fait quatre fois que je lui explique”. Ça, [la technicienne] ne l’a jamais écrit. Donc co-responsabilité ! Ç a ne leur plaît pas, aux techniciens, quand je leur dis ça. Ils prennent ça pour des accusations. C’est pas des accusations, c’est un problème que moi, j’y vais une fois à quatre heures du matin, et que je me rends compte qu’il y a des choses anormales qui se passent [...] Donc notre responsabilité, elle est parfaitement engagée, là-dedans. On est co-responsables, et ça, ça peut faire sauter une estampille européenne. » (Vétérinaire)

42Ce cas met en évidence qu’une même exigence d’écriture sur un cahier revêt des significations très différentes du point de vue du vétérinaire, pour qui il s’agit d’une ressource dans le contrôle et l’attribution des responsabilités ou du technicien, pour qui elle constitue une contrainte dans l’établissement et le maintien des relations avec les ouvriers de chaîne qu’il côtoie au quotidien. Dire ou montrer les « bons » gestes s’inscrit dans le partage du « faire avec » et le continu du travail, alors que « l’écrit stigmatise les responsabilités individuelles dans l’incident et cristallise les jugements des individus » (Reverdy, 2000, p. 240). Ce faisant, l’écrit heurte l’obligation de solidarité qui caractérise les collectifs de travail de l’inspection. Dès lors, entre l’intervention ancienne manière, principalement orale et à visée pédagogique, et la nouvelle, qui ne jure que par l’écrit pour identifier les responsabilités, c’est un régime fait de cohabitation, opposition, syncrétisme.

43Si la procéduralisation du contrôle modifie les relations de travail des inspecteurs, que ce soit avec les abatteurs ou au sein des services d’inspection, contribue-t-elle pour autant à une évolution de l’inspection elle-même ?

3.3. La procéduralisation du contrôle change-t-elle sa nature ?

44Les évolutions réglementaires récentes, tout comme l’équipement du contrôle (écrit, attention aux procédures et à la traçabilité, publicisation) inscrit dans la démarche d’assurance qualité, anticipent un nouveau mode de régulation de la sécurité sanitaire des aliments, dans lequel la figure du juge occupe une place centrale. Plans de maîtrise des risques sanitaires des contrôlés et enregistrements des actes d’inspection des contrôleurs apparaissent comme des éléments de réponse à un tiers potentiel en cas d’alerte ou de crise sanitaire. Ils visent en effet à réduire la complexité du fonctionnement quotidien et des situations singulières à un nombre fini de procédures, susceptibles d’être exposées comme preuves à une tierce partie devant arbitrer une attribution de responsabilité. Dans le flot des incidents quotidiens cependant, la référence à un potentiel arbitre extérieur n’apparaît pas systématiquement nécessaire, ce qui conduit à une plus ou moins grande appropriation des instruments en situation.

45Ainsi, si l’on envisage les modalités de gestion des erreurs et dysfonctionnements comme analyseurs des évolutions organisationnelles (Hughes, 1996, pp. 87–97), on constate que le recours aux instruments procéduraux se fait à la condition d’un accord entre contrôleurs et contrôlés. Certaines anomalies majeures de fonctionnement, par exemple l’oubli de trois prélèvements sur des bovins pour les tests ESB, peuvent ne faire l’objet d’aucun enregistrement, ni chez l’exploitant, ni dans les services vétérinaires. En raison de l’extrême imbrication des interventions des uns et des autres (personnel de l’abattoir et agents des services vétérinaires se partagent la réalisation du prélèvement), il n’est pas facile d’attribuer nettement les responsabilités. Dès lors, l’impossibilité pour chacune des parties de clarifier l’origine de l’erreur peut conduire à un choix partagé d’ignorer les procédures pourtant en place à la fois à l’abattoir (plan de maîtrise sanitaire et système qualité) et dans les services vétérinaires (ISO 17020). En ce cas, la préservation de la relation inspecteur–abatteur prime sur le respect des procédures. En l’absence de tierce partie, le dispositif procédural semble n’être plus qu’un artefact du contrôle.

4. Conclusion

46La description du travail de contrôle des services vétérinaires en abattoir articule tâches individuelles et organisation collective, codification des actes et autonomie pratique, service de la loi et discernement des inspecteurs. Elle montre qu’aucune des évolutions généralement présentées comme intangible et inéluctable (la disparition de l’inspection de denrées, l’avènement de la transparence de l’inspection, la fin de la coresponsabilité des services vétérinaires et des professionnels au profit d’une attribution claire des responsabilités aux seules entreprises...) ne résiste à l’analyse des pratiques. Il est remarquable de constater que cet ensemble mouvant de textes réglementaires, d’instructions, de normes privées, de situations contradictoires, ne produit cependant pas de désordre insurmontable. Comment peut-on comprendre la stabilité et la cohérence apparente de la politique d’inspection sanitaire en abattoir ? Un dernier élément vaut d’être abordé : il concerne le sens que les inspecteurs donnent à leur mission (Granier, 1999). Les conduites professionnelles des inspecteurs vétérinaires, comme celles des policiers (Montjardet, 1994, 1996) sont en effet guidées par des valeurs. L’une des dimensions du rapport des inspecteurs à leur métier concerne leur degré de soumission à la règle de droit et aux normes d’organisation ; une autre dimension concerne leur préoccupation de protection de la santé publique, selon des règles scientifiques, même si ces spécialistes du vivant en relativisent souvent la portée ; une dernière enfin, récurrente dans les discours, tient à la place de l’inspection dans la société. Sur ce point, on constate une grande hétérogénéité de points de vue au sein des services. Certains soutiennent que le sens de la mission d’inspection tend à se marginaliser, victime de la concurrence d’autres formes de contrôles (Muller, 2002) et que la privatisation de la fonction de contrôle en sera l’aboutissement. D’autres souhaitent sérier les entreprises et s’attacher à faire progresser les moins capitalistiques d’entre elles dans la perspective pédagogique du maintien d’un tissu industriel diversifié. D’autres enfin appellent de leurs vœux une inspection experte, appuyée sur la science vétérinaire et de laboratoire. Au delà des règles, l’inspection vétérinaire cherche à redéfinir ses valeurs et le sens de son engagement.

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Notes

1 Sur le plan méthodologique, cet article s’appuie sur une enquête ethnographique réalisée en 2005 et 2006 dans deux DDSV, l’une dans l’ouest de la France qui comporte plusieurs gros abattoirs industriels (bovins et porcs) et l’autre dans un département du sud-est qui comprend des abattoirs multi-espèces de petit tonnage.

2 Arrêté ministériel — 17 mars 1992.

3 Ce plan intègre des guides de bonnes pratiques, autocontrôles, dispositifs de traçabilité... et s’ajoute aux démarches qualité des entreprises, ainsi qu’aux certifications demandées par les clients (Valceschini et Saulais, 2005).

4 HACCP, Hazard Analysis Critical Control Point : Analyse des dangers — points critiques pour leur maîtrise.

5 Cité par Gerster et al. (2003).

6 Note de service DGAL/MASCS/N2005‑8010.

7 « L’adaptation de l’inspection en abattoir permettra de redéployer le personnel titulaire sur l’amont de la filière » (Rapport d’activité du Collège des inspecteurs généraux de la santé publique vétérinaire, 2005, p. 16).

8 La lecture des textes réglementaires ne va pas dans le sens d’un retrait des services vétérinaires des abattoirs. Le Règlement (CE) nº 854/2004 limite la participation du personnel de l’abattoir aux tâches de contrôles aux seuls abattoirs de volailles et de lagomorphes. Un rapport récent de la mission d’audit et de modernisation (Riera et al., 2007) confirme : « Aucun organisme de contrôle (i.e. de droit privé) ne peut être mandaté pour exécuter des tâches liées aux contrôles officiels exécutées dans un abattoir agréé ou enregistré ».

9 Ministère de l’Agriculture et de la Pêche (MAP), 2006. Dans les DDSV, on distingue deux catégories de personnel : les vétérinaires (titulaires ou vacataires) et les techniciens (techniciens, contrôleurs, préposés sanitaires vacataires), ce qui correspond à une distinction hiérarchique. Sur l’histoire des services vétérinaires : Conseil général vétérinaire (2006).

10 Les changements de poste sont jugés indispensables pour maintenir la vigilance dans le diagnostic.

11 La rédaction du nouveau décret d’organisation du corps des inspecteurs de santé publique vétérinaire (ISPV) en février 2002 a été l’occasion de revendications de missions relevant de l’encadrement supérieur, sur le modèle des IGREF : « Aujourd’hui sortis de leur singularité et de leur pré carré technique, les ISPV doivent désormais assumer sans complexe leur récent coming-out managérial pour être pleinement associés aux plus hauts niveaux décisionnels des pouvoirs publics » Rapport d’activité syndical, 2002.

12 La Brigade nationale d’enquêtes vétérinaires et phytosanitaires, service de la DGAl, est chargée d’enquêtes administratives et pénales.

13 L’Office alimentaire et vétérinaire vérifie le respect de la réglementation communautaire pour la sécurité sanitaire des aliments. Voir le rapport(Rapports, in press) DG(SANCO)/8179//2006-MR-Final, 2006.

14 USDA (United States Department of Agriculture) : Les abattoirs exportant des viandes vers les États-Unis sont inspectés par des experts américains pour vérifier le respect de règles sanitaires spécifiques.

15 L’élimination des amygdales des bovins de tous âges est effectuée en procédant à une coupe transversale de la langue en avant du processus lingual de l’os basihyoïde.

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Pour citer cet article

Référence papier

Laure Bonnaud et Jérôme Coppalle, « La production de la sécurité sanitaire au quotidien : l’inspection des services vétérinaires en abattoir »Sociologie du travail, Vol. 50 - n° 1 | 2008, 15-30.

Référence électronique

Laure Bonnaud et Jérôme Coppalle, « La production de la sécurité sanitaire au quotidien : l’inspection des services vétérinaires en abattoir »Sociologie du travail [En ligne], Vol. 50 - n° 1 | Janvier-Mars 2008, mis en ligne le 21 mars 2008, consulté le 19 avril 2024. URL : http://journals.openedition.org/sdt/17791 ; DOI : https://doi.org/10.4000/sdt.17791

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Auteurs

Laure Bonnaud

INRA – Unité TSV : transformations sociales et politiques liées au vivant, 65, boulevard de Brandebourg, 94205 Ivry-sur-Seine cedex, France
laure.bonnaud[at]ivry.inra.fr

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Jérôme Coppalle

École nationale des services vétérinaires, 1, avenue Bourgelat, 69280 Marcy l’Étoile, France

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