Lettre de Antoine Gouan à Jean-François Séguier, 1761-10-15

DOI : 10.34847/nkl.eca5tk6u Publique
Auteur : Antoine Gouan

[fol. 25] A Montpellier le 15 octobre 1761.

J’ai reçu, Monsieur, des mains de M. Sauvages les plantes que vous avez voulues me céder. C’est un nouveau bienfait duquel je me rendrai reconnaissant.
Je répondrai çà tous les articles. Je suis fâché que vous ayez si peu de plantes à me demander et que M. Baux en ait noté aussi peu. Je garderai les deux listes et à fur et à mesure qu’il vous manquer...a quelqu’une, je la noterai. Vous savez M. qu’on retarde et qu’on néglige de faire sécher les plantes qu’on a sous les yeux toute l’année, ainsi celles que vous pourrez désirer, et que je n’aurai pas, je les ferai sécher pour vous les envoyer. Je vous envoie en attendant une de celle que vous désirez, qui est l’Amanthe crocata ; avec le Scandix Australis, plante de notre terroir. Vous trouverez aussi 2 ou 3 umbelifères que j’ai trouvé curieuses. Je suis charmé que vous me désigniez celles qui vous ont fait plaisir. Cela m’encourage.
Je suis d’accord avec vous que M. Sauvages s’est trompé sur notre Seseli Massiliense. Cette plante n’a point le charactère des Amanthe, ni par les fleurs, ni par les involucres ni par les semences. Or, ce sont les charactères de cette classe, mais il est bon de vous avertir que M. Sauvages se fiait au tiers et au quart pour examiner les plantes qu’il n’avait pas vu et que par conséquent sans le vouloir il était dans l’erreur. Je vous enverrai quelque jour mon Critiqua botanica sur lui mais que j’ai fait en ami, pour mon usage et non pour aucun autre motif.
Il a les yeux fort délicats et par conséquent il était hors d’état de travailler tant soit peu.
Je prépare pour vous un morceau de l’Atropa humifusa incconue à Linnaeus. C’est la plante que M. Sauvages appelait Atropa physalodes. Vous avez reçu dernièrement la véritable qu’il avait appelé Physalis Angulata et vous jugerez par vous-même de la vérité des faits. J’avais examiné les semences du Ray grass et j’avais soupçonné que ce serait un Arenna. Il serait aisé de la décider lorsqu’il sera en fleur. Certainement, je ferai avec vous le procès à ceux qui l’avaient appelé un gramen loliacée. Il faut leur rendre justice et croire qu’ils ne sont pas botanistes.
[fol. 25v] [Gouan 1761]
Le Chamardys pommur redolens est un Teucrium de Linnaeus. Je désire un échantillon du Ray grass et de celui-ci pour décider leur espèce.
Le gramen que je vous avais envoyé sous le nom de Stipa juncea est l’Agrostis calmagrostis de Linnaeus Sit. Nat. ed. 3 tom. 2. Je ne l’avais examiné qu’en passant mais depuis j’ai vu qu’il il était. Je suis fâché que vous vous gendarmiez contre notre Suédois et cela pour quelques mots dont il a fallu convenir parmi les savants afin de distinguer clairement et éviter les longues phrases et en effet folia ex eodem ortu plura ; n’est-ce pas folia fasciculata Lanceolata et annonce la figure d’une lancette Linearia quelque chose égale dans sa longueur. Habitat in patridis, annonce où on trouvera une plante et bien souvent désigné comment il faut la cultiver.
Le Cruciata orientalis a toutes les fleurs hermaphrodites, donc Adanson lui-même sera trompé dans sa méthode sexuelle, puisque les fleurs varient, ou polygames ou hermaphrodites.
Vous ne m’avez rien dit de mon projet. Vous déplairait-il ? Vous être trop obligeant et vous me faites encore des offres trop gracieuses pour que je les accepte car si vous n’avez qu’un échantillon, croyez-vous que je l’accepte ? Si vous être trop complaisant, je me pique d’être discret.
J’ai l’honneur d’être avec toute la reconnaissance possible, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

Gouan.

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Mots-clés
Botanique
Licence
Creative Commons Attribution 4.0 International (CC-BY-4.0)
Citer
Gouan, Antoine (2022) «Lettre de Antoine Gouan à Jean-François Séguier, 1761-10-15» [Letter] NAKALA. https://doi.org/10.34847/nkl.eca5tk6u
Déposée par Emmanuelle Chapron le 17/06/2022
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J’ai reçu, Monsieur, des mains de M. Sauvages les plantes que vous avez voulues me céder. C’est un nouveau bienfait duquel je me rendrai reconnaissant.
Je répondrai çà tous les articles. Je suis fâché que vous ayez si peu de plantes à me demander et que M. Baux en ait noté aussi peu. Je garderai les deux listes et à fur et à mesure qu’il vous manquera quelqu’une, je la noterai. Vous savez M. qu’on retarde et qu’on néglige de faire sécher les plantes qu’on a sous les yeux toute l’année, ainsi celles que vous pourrez désirer, et que je n’aurai pas, je les ferai sécher pour vous les envoyer. Je vous envoie en attendant une de celle que vous désirez, qui est l’Amanthe crocata ; avec le Scandix Australis, plante de notre terroir. Vous trouverez aussi 2 ou 3 umbelifères que j’ai trouvé curieuses. Je suis charmé que vous me désigniez celles qui vous ont fait plaisir. Cela m’encourage.
Je suis d’accord avec vous que M. Sauvages s’est trompé sur notre Seseli Massiliense. Cette plante n’a point le charactère des Amanthe, ni par les fleurs, ni par les involucres ni par les semences. Or, ce sont les charactères de cette classe, mais il est bon de vous avertir que M. Sauvages se fiait au tiers et au quart pour examiner les plantes qu’il n’avait pas vu et que par conséquent sans le vouloir il était dans l’erreur. Je vous enverrai quelque jour mon Critiqua botanica sur lui mais que j’ai fait en ami, pour mon usage et non pour aucun autre motif.
Il a les yeux fort délicats et par conséquent il était hors d’état de travailler tant soit peu.
Je prépare pour vous un morceau de l’Atropa humifusa incconue à Linnaeus. C’est la plante que M. Sauvages appelait Atropa physalodes. Vous avez reçu dernièrement la véritable qu’il avait appelé Physalis Angulata et vous jugerez par vous-même de la vérité des faits. J’avais examiné les semences du Ray grass et j’avais soupçonné que ce serait un Arenna. Il serait aisé de la décider lorsqu’il sera en fleur. Certainement, je ferai avec vous le procès à ceux qui l’avaient appelé un gramen loliacée. Il faut leur rendre justice et croire qu’ils ne sont pas botanistes.
[fol. 25v] [Gouan 1761]
Le Chamardys pommur redolens est un Teucrium de Linnaeus. Je désire un échantillon du Ray grass et de celui-ci pour décider leur espèce.
Le gramen que je vous avais envoyé sous le nom de Stipa juncea est l’Agrostis calmagrostis de Linnaeus Sit. Nat. ed. 3 tom. 2. Je ne l’avais examiné qu’en passant mais depuis j’ai vu qu’il il était. Je suis fâché que vous vous gendarmiez contre notre Suédois et cela pour quelques mots dont il a fallu convenir parmi les savants afin de distinguer clairement et éviter les longues phrases et en effet folia ex eodem ortu plura ; n’est-ce pas folia fasciculata Lanceolata et annonce la figure d’une lancette Linearia quelque chose égale dans sa longueur. Habitat in patridis, annonce où on trouvera une plante et bien souvent désigné comment il faut la cultiver.
Le Cruciata orientalis a toutes les fleurs hermaphrodites, donc Adanson lui-même sera trompé dans sa méthode sexuelle, puisque les fleurs varient, ou polygames ou hermaphrodites.
Vous ne m’avez rien dit de mon projet. Vous déplairait-il ? Vous être trop obligeant et vous me faites encore des offres trop gracieuses pour que je les accepte car si vous n’avez qu’un échantillon, croyez-vous que je l’accepte ? Si vous être trop complaisant, je me pique d’être discret.
J’ai l’honneur d’être avec toute la reconnaissance possible, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

Gouan.
dcterms:format xsd:string image Gallica
dcterms:language xsd:string français
dcterms:publisher xsd:string [transcription et édition] François Pugnière et Emmanuelle Chapron
dcterms:rightsHolder xsd:string Bibliothèque Carré d'Art, Nîmes
dcterms:source xsd:string [établissement de conservation] Nîmes, Bibliothèque Carré d'Art [cote] ms. 144, fol. 25
dcterms:spatial xsd:string [lieu d'expédition] Montpellier (France)
xsd:string [lieu de destination] Nîmes (France)
dcterms:subject xsd:string Botanique
dcterms:type xsd:string BMN ms 144 Gouan