Lettre de Jules François Paul de Fauris de Saint-Vincent à Jean-François Séguier, 1784-05-16
[transcription] A Aix ce 16 mai 1784
Je prends la liberté, Monsieur, de vous adresser par une commodité sûre la médaille d'Othon dont j'eus l'honneur de vous parler dans ma dernière lettre. Elle est une énigme inexplicable pour moi par la manière dont la légende du revers est conçue. J'ai voulu la faire passer sous les yeux d'un homme tel que vous pour que vous eussiez la bonté de m'en dire votre... avis. Je la crois vraie, elle vient du Levant et n'a aucun signe de fausseté. Mais encore une fois la légende du revers est bien extraordinaire. L'adverbe OΠOΥ qui commence une phrase ne me paraît susceptible d'aucun sens raisonnable. Le CEPAΠΙΩΝ que M. d'Anville place dans la Haute-égypte d'après la table théodosienne était une simple chapelle dédiée à Sérapis et non une ville assez considérable pour qu'on y bâtit monnaie. L'AEgyptus numismatica de Vaillant ne fait mention d'aucune ville de ce nom. Etienne de Byzance parle d'une ville nommée Serapia qu'il place dans l'Inde. Mais cette ville n'a rien de comun avec la médaille qui est je crois égyptienne [fol. 185v] et je crois que le nom et la puissance d'Othon ne sont jamais parvenus jusqu'au bord du Gange.
Quoi que cette médaille paraisse hors de doute cependant il faut toujours se méfier des légendes extraordinaires. Les faussaires sont bien adroits et ils se glissent partout. Il y en a qui sont établis dans le Levant occupés à tromper les gens qui y cherchent des médailles. Les bords de ma médaille ne vous font-ils aucune peine ? Les lettres qui sont autour de la tête sont-elles bien franches ? Je ne serai parfaitement rassuré sur son authenticité qu'après votre décision. Elle sera sans appel.
J'ai l'honneur d'être avec le plus respectueux attachement
Monsieur
Votre très humble et très obéissant serviteur
Saint Vincens
Je vous prie de me renvoyer cette médaille par la poste à votre plus grande commodité.