Lettre de Jean-Jacques Duvernoy à Jean-François Séguier, 1783-12-20

DOI : 10.34847/nkl.4fcf8591 Publique
Auteur : Jean-Jacques Duvernoy

[transcription] [20 décembre 1783]



Monsieur,



Il n'y a pas encore longtemps que je fis passer à Monsieur Amoreux une lettre avec une incluse avec instante prière de vous la faire parvenir sans délai. Je suppose qu'il aura eu la bonté de le faire, juste aujourd'hui de la même voie pour vous adresser celle-ci. Je souhaite qu'elle vous trouve dans un état de santé tel que vous pouvez le désirer ...et que je vous souhaite moi-même à cette fin d'année au commencement de la prochaine et ad plures annos. Veuillez bien agréer, je vous prie, les voeux que je fais pour la consolation de vos jours en cette circonstance.

Je prends encore la liberté d'ajouter ici une incluse pour mon cousin dont la négligence dans la poursuite de l'affaire de mon titre clérical dont il s'est chargé et auquel il n'a encore rien fait, aurait eu de quoi me surprendre si depuis longtemps je n'étais accoutumé aux obstacles et aux revers surtout à ce sujet. Je lui laissai vers la fin de janvier les papiers relatifs à cette affaire que je supposais aller déjà bon train, lorsque je lui écrivis en mai par votre entremise pour lui en demander des nouvelles. Sa réponse en date du 10 du même mois à laquelle je ne compris pas grand-chose, n'eut de bien clair que de me demander les éclaircissements et instructions que je lui avais déjà laissés depuis près de quatre mois. Quoique préparé dès longtemps aux événements les plus fâcheux, je dois vous avouer que je fus tellement frappé et même révolté de celui-là que je en puis ni ne voulus lui en écrire m'abandonnant en cela comme un homme qui fait naufrage à la fureur des flots et à la rigueur du sort. D'ailleurs quand je l'aurais voulu je n'aurais pu le faire à cause de la cruelle indisposition qu'un trait pareil m'occasionna, car j'ai passé près de six mois que je ne pouvais y penser sans éprouver à l'instant un grand feu à la tête et aux reins et un tremblement dans tous mes membres.

Monsieur Valadier que vous aviez eu la bonté de m'indiquer à ce sujet parce que vous connaissez l'étendue de ses lumières et la pureté de sa belle âme y fit tout ce qui suit : il écrivit deux fois à Avignon et fit à cet égard toutes les démarches qui pouvaient dépendre de son zèle et de son bon coeur. J'avais expressément recomamndé à mon cousin de ne rien entreprendre sans s'être abouché avec cet homme rare : il ne m'en a dit pas un mot dans sa lettre. D'ailleurs, sa tranquillité et son silence combiné avec le mien semble ne pas me prouver un grand zéle de sa part dans cette affaire.

[fol. 79 v] J'ose espèrer, Monsieur, d'après toutes les bontés dont vous avez daigné m'honorer que vous voudrez bien avoir encore celle d'aiguillonner un peu Monsieur l'avocat Du Vernoy pour donner cours et prompte issue à cette affaire, qui est de nature à ne pouvoir se perdre. Je vous prierai encore de vouloir bien à votre loisir voir Monsieur Valadier dont le zèle ne pourra que se ranimer en apprennant par vous-même l'intérêt que vous daignez prendre dans cette affaire.

Voilà maintenant mon 4e mémoire fait et remis au dépôt de la société royale de Montpellier. Je crois que ce sera le dernier, excepté de quelques nouvelles découvertes qui en exigeât un autre. Il est certain que celui-là en contient beaucoup et que les trois précédents que j'ai eu l'honneur de vous communiquer en son temps ne sont rien en comparaison. Je souhaiterais de tout mon coeur que vous puissiez le voir, mais comment m'y prendre pour vous le faire passer.

Il ne me reste plus maintenant qu'à fondre ces mémoires dans l'ouvrage dont il ne coûte que l'annonce. J'ai pour cela divers plans et avec les éclaircissements que j'ai pris la liberté de vous demander par ma précédente, mes matériaux seront tous prêts. Il ne s'agit plus pour les mettre en ordre que la tranquillité et d el'aisance. J'aurais un besoin très essentiel de faire un voyage à la mer pour y voir sur els lieux si les auteurs n'en ont pas imposé sur les espèces marines, comme ils l'ont fait pour celles des eaux douces. Ce serait par conséquent le cas que le prélat qui a tant promis et sur lequel j'ai tant compté songeât à remplir ses engagements, mais il n'en fera rien. Vous qui l'avez vu et qui avez été témoin de ses démarches et de ses sentiments, vous regarderez cela comme un paradoxe et moi qui suis né pour être malheureux et le jouet éternel des hommes, je vous assure que que je n'ai rien à en attendre et que j'en ai déjà fait mon deuil. Lorsqu'on connaît la situation d'un homme auquel on promet depuis cinq ans et que dans cet intervalle on a été placé pour l'obliger et qu'après trois ans de bien-être l'on n'a encore rien fait si ce n'est de donenr beaucoup d'eau bénite de cour. Il est de la prudence même la plus commune de ne plus s'y fier. Je vous dis tout ceci en confiance et sous le secret.

La médaille dont j'eus l'honneur de vous envoyer l'empreinte fut trouvée avec quelques autres tant de grand que de moyen bronze de Faustine, de Commode, de Vespasien et ce qui me paraît encore plus singulier, de la colonie de Nîmes, dans l'Ariège, près de Saverdun. On y en a trouvé près de 150 et il est étonnant que l'eau de cette rivière qui est très vive et très rapide ne les eût pas altérées. Comment et depuis quand y étaient-elles, pourquoi les y a-t-on mises, il n'est qu'un génie tel que le vôtre qui puisse l'éclaircir.

Je n'ai pu encore avoir des nouvelles détaillées et positives de la colonne dont il fut question dans ma dernière lettre. Je ne perds point cette affaire de vue et vous pouvez être très assuré que dès que j'en serai pleinement instruit, je n'aurai pas de plus grand plaisir ni de plus grand empressement que de vous en faire part tout de suite.

[fol. 80 r] je ne sais si Monsieur Amoreux vous a fait passer mes lettres assez à temps pour vous donner plaisir de me procurer les éclaircissements que je vous y demandais et les graines dont je vous parlais. Voilà les Etats finis à cette heure et je crains que vous n'ayez pas été à même de profiter de l'occasion que je vous proposais pour me faire passer les articles demandés. En ce cas-là, vous pourriez me faire parvenir les éclaircissements par la poste. Si vous n'avez pas d'autres commodités, en m'adressant votre lettre poste restante à Villefrance-de-Lauragais et les graines si vous jugez à propos de m'en envoyer quelque unes des vôtres ou de Monsieur Baux. Vous pourriez attendre d'ici en mars prochain une commodité pour Toulouse qui en remettrait le paquet à Villefranche à l'adresse de Boz, maître apothicaire pour faire passer à Monsieur l'abbé Duvernoy ; ou bien encore en passant à Barièges à l'adresse de Monsieur Clausel avocat au parlement et juge pour Monsieur le marquis de Fourquevaux à côté de l'hôtel du Lion d'or à Barièges pour faire passer & c.

Peut-être même que Monsieur Amoreux, si vous trouviez des occasions à le lui envoyer, trouverait à Montpellier même des commodités, surtout si vous aviez la bonté de le lui recommander. Il est même à supposer qu'il y a plus de rapport de Montpellier que de Nîmes avec Toulouse.

Je vous demande la continuation de votre amitié, j'en connais tout le prix et je ne négligerai rien pour la justifier et pour demander au ciel la conservation des jours si précieux aux sciences, à l'humanité et à moi. J'imagine au reste que Monsieur Million à déjà reçu l'incluse à son adresse.

J'ai l'honneur d'être avec un attachement et un respect sans bornes,



Votre très humble et très obéissant serviteur,



L'abbé du Vernoy



Fourquevaux 20 décembre 1783

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Mots-clés
Botanique
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Citer
Duvernoy, Jean-Jacques (2021) «Lettre de Jean-Jacques Duvernoy à Jean-François Séguier, 1783-12-20» [Letter] NAKALA. https://doi.org/10.34847/nkl.4fcf8591
Déposée par Emmanuelle Chapron le 31/10/2021