Lettre de René-Antoine Ferchault de Réaumur à Jean-François Séguier, 1754-12-10

DOI : 10.34847/nkl.4d88jhj9 Publique
Auteur : René-Antoine Ferchault de Réaumur

[transcription] A Paris, ce 10e décembre 1754.

J'ai peur, Monsieur, que la Connaissance des temps de 1755 ne vous soit pas rendu d'aussi bonne heure que l'a été celle de 1754, M. Bertrandi, anatomiste de Turin, qui se chargeait d'y faire parvenir à M. Allione mes paquets, étant actuellement à Londres pour plusieurs mois. Je me détermine donc de la faire partir pour Rome à l'adresse du père Mazzol...eni, quoique je sache que les occasions de vous faire parvenir des paquets se présentent à lui fort rarement.
Vous m'aviez prévenu sur l'état déplorable de M. le comte Zinanni, et j'étais en quelque sorte préparé à la nouvelle de sa mort, lorsqu'une lettre de M. son neveu me l'apprit. J'y ai été très sensible ; c'était un savant très estimable, et qui m'avait donné bien des marques de son amitié ; aussi lui étais-je très attaché. Vous avez prévenu la prière que je vous aurais faite en m'associant pour l'impression de ses ouvrages ; tout ce qui m'embarrasse est de trouver une voie de vous faire remettre la somme que doivent payer les associés. Sauriez-vous m'en indiquer une? ce serait une obligation de plus que je vous aurais. Vous avez dû recevoir de moi une lettre dans laquelle je vous marquais la grande perte que nous avions faite, qu'après bien des souffrances, M. de Boze, nous avait été enlevé les premiers jours de septembre de 1753. Ça été un terrible coup pour moi qui avais été lié avec lui d'une amitié qui ne s'était jamais démentie, pendant plus de quarante ans. Cette lettre aurait-elle été perdue? Elle accompagnait autant que je m'en puis souvenir le catalogue de labelle bibliothèque de cet illustre défunt dont vous m'aviez paru être extrêmement curieux. Je remis le paquet à ce M. Bertrandi dont je vous ai parlé, pour vous le faire parvenir par le canal de M. Allione. Ce catalogue ne serait pas encore entre vos mains. Vous me demandez le sort de ce recueil qui contenait tant de livres rares, il a été acheté par deux particuliers, M. de Costes, président au Parlement, et M. Boutin, maître de requêtes, qui en ont donné quatre-vingt et quelques mille livres. Après en avoir pris et partagé entre eux ce qui leur convenait, ils vont faire vendre le reste dont ils ont fait dresser un catalogue qui porte encore letitre de bibliothèque de M. de Boze.
Votre nouveau volume des plantes du Véronais m'a été apporté depuis mon retour de Poitou ; c'est pour moi un présent précieux qui montre bien la fécondité du pays que vous habitez en plantes, mais qui montre encore mieux que vous n'avez épargné ni soins ni fatigues pour les trouver, et que vous avez des yeux auxquels il n'en est point que leur petitesse ait pu dérober.
Combien de remerciements, n'ai-je pas à vous faire à la fois ! Je vous en dois encore beaucoup pour la boîte de pétrifications que vous m'aviez annoncée dès lemois de février dernier. M. Allione a saisi l'occasiondu nonce qui va à Bruxelles, qui a bien voulu se charger de me l'apporter. Je l'ai trouvée chez moi àmon retour de Poitou. Elle contient des choses curieuses et bien conditionnées, entr'autres le crabe de mer. Il m'avertit que j'ai oublié de demander à M. du Hamel le pays des écrevisses grandes comme une moitié de coque de noix qu'il a données à M. lemarquis Sagramoso.
M. le marquis d'Aubays m'a fait l'honneur de venir dîner chez moi, il y a quelques années avec M. deBoze, il devait y revenir souvent ; cependant je ne l'ai pas vu depuis. C'est un fort galant homme, maison m'a dit qu'il ne finissait rien et on m'a ôté toute espérance de tirer de lui ce que vous en souhaitez.
La philosophie semble avoir fait plus de progrès en France qu'en Italie. Il n'y a guère ici que ceux pour qui les livres seraient inutiles, qui ne lisent point, à qui il fût besoin de prouver que le diable n'apas de pouvoir sur les corps, et qu'il fallût désabuser de la magie.
Je ne cesse de regretter de ce que le commerce d'ici à Vérone n'est pas mieux établi et de n'avoir pas des occasions fréquentes de vous renouveler les assurances du très parfait attachement avec lequel j'ai l'honneur d'être, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

De Réaumur.

Je vous prie de ne pas laisser oublier à M. le marquis Maffei ma vénération pour lui.

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Ferchault de Réaumur, René-Antoine (2021) «Lettre de René-Antoine Ferchault de Réaumur à Jean-François Séguier, 1754-12-10» [Letter] NAKALA. https://doi.org/10.34847/nkl.4d88jhj9
Déposée par Emmanuelle Chapron le 31/10/2021