POUR COMPRENDRE LA PROFESSIONNALISATION
DANS LES ONG:
QUELQUES APPORTS
D'UNE SOCIOLOGIE DES PROFESSIONS
par Anne Le Naëlou*
Le mouvement général de rationalisation et de marchandisation de la solidarité internationale des années 1990 et la montée en puissance d'un modèle libéral affaiblissent le ciment initial mobilisateur dans les ONG et réactivent les logiques sectorielles et corporatistes des professions qui les gouvernent. Cela consiste notamment à présenter le capital de technicité (l'expertise) et de compétence des professions comme un attribut de professionnalité de l'ONG, laissant de côté la visée de transformation sociale qui l'anime. La perspective fonctionnaliste qui prévaut aujourd'hui bride les capacités des ONG à instruire le redéploiement et les agencements nécessaires entre les compétences qu'elles regroupent, qui sont censées être mobilisées autour d'un projet spécifique de solidarité internationale.
Depuis la fin des années 1980, le recours croissant aux associations et aux organisations non gouvernementales (ONG) dans les milieux de l'aide et du développement est associé à l'invocation rituelle d'une société civile présentée comme remède aux maux de la planète. Cette participation à l'aide publique au développement engage les ong dans une modernisation accélérée. Pour s'adapter aux contraintes des puissances publiques consécutives à l'augmentation des masses financières qui leur sont déléguées par les bailleurs de fonds et pour s'insérer dans le jeu international, jusqu'à y être reconnues comme des acteurs à part
* iedes. Université de Paris I.
Revue Tiers Monde, t. XLV, n° 180, octobre-décembre 2004