Revue théologique de Louvain, 14, 1983, 421-445 Antoine Vergote

Religion et sécularisation en Europe occidentale

Tendances et prospectives*

II sera utile de présenter d'abord une définition de la sécularisation qui pourra nous guider. Le mot indique qu'il s'agit d'un processus, actif ou passif, par lequel une réalité qui était étroitement liée à Dieu et à la religion, retourne au saeculum, au monde profane. Le mot a son origine dans les lois de l'Église catholique, où il signifie le passage, d'un homme ou d'une femme, de la vie religieuse consacrée à la vie laïque. Ce terme ecclésiastique a ensuite été repris par des historiens et des sociologues pour désigner le passage de la civilisation occidentale et chrétienne à une civilisation où la pensée, l'éthique et le pouvoir se sont soustraits à l'autorité de la religion pour se fonder sur des principes inhérents au monde.

Le mot de sécularisation signifie donc tout d'abord une interprétation de l'histoire de la civilisation occidentale qui, dans les temps modernes, se serait sécularisée. Modernité et sécularisation seraient liées. Et comme l'idée de modernité comporte un jugement de valeur positif, on a tendance à considérer la civilisation sécularisée comme supérieure à celles qui ne le sont pas. Il nous faudra donc examiner avec précision en quoi a consisté en Europe le passage conjoint à la modernité et à la sécularisation et voir pourquoi on a considéré ce passage comme l'accès à une civilisation supérieure.