Quelques aspects sociaux de la chimie au XVIIe siècle (1)

Quand on songe à la révolution scientifique du xvne siècle, on pense généralement aux sciences physico-mathématiques, et on laisse de côté la chimie. Il en est de même quand on parle des aspects sociaux de la science à cette époque. On cite souvent, pour l'astronomie, la recherche d'une méthode efficace pour trouver la longitude en pleine mer, et pour la science pneumatique l'emploi des pompes dans les mines. Il est certain que la chimie était alors beaucoup moins avancée que la physique ou l'astronomie. Mais si l'on n'examine pas le développement de la chimie par rapport aux autres sciences, et si l'on en parle comme un développement unique, et indépendant, on ne comprendra jamais la vraie nature ni de la révolution scientifique ni de la chimie au xvne siècle. Car c'est à cette époque, précisément, que la chimie devint une science mécanique, une partie de la physique, au lieu d'un art ou d'une science mystique ; les chimistes commencèrent à devenir des physiciens et des savants au lieu d'être des pharmaciens, des médecins, des mineurs, ou des alchimistes. C'est peut-être là une idée tout à fait évidente, mais j'insiste sur elle parce que je trouve que beaucoup d'historiens la passent- sous silence. D'ailleurs, l'histoire de la chimie au xvne siècle est encore un sujet assez mal compris. Tout le monde sait aujourd'hui, je pense, comme le fit Fontenelle d'une manière exagérée, reconnaître en Lémery le premier chimiste rationnel. Certes, le xvne siècle est bien le siècle de la chimie rationnelle, et la plupart des chimistes sont eux-mêmes rationalistes. C'est aussi le siècle où les savants et les chimistes commencèrent à s'intéresser à la chimie utile. Presque seule des sciences de cette époque, la chimie eut une utilité directe et évidente. La chimie rationnelle elle-même commença comme un art utile ; plus tard, elle devint une science physique ; plus tard encore, elle commença à aider les arts et métiers.