Revue de Géographie de Lyon
Vol. 65 / № 4 / 1990 / p. 233 à 239.
SUR LES RELATIONS DE LA VILLE ET DES COURS D'EAU
Jean Pelletier
Professeur à l'Université Lumière-Lyon 2, URA 260
and pleasant spaces.
Le thème de la ville saisie dans ses relations avec l'eau est un des plus féconds de la géographie urbaine. L'eau est présente dès l'origine des cités, non seulement en déterminant souvent leur naissance (pont, gué, force motrice, navigation...) mais dans les aspects variés de son utilisation par l'homme : ressource naturelle mise à contribution pour l'alimentation, l'hygiène, les loisirs, l'industrie et les transports ; mais aussi élément générateur de contraintes, obstacle à franchir, champ d'inondation ; et enfin élément riche de potentialités par les facilités de communications intra-urbaines ou extérieures qu'il offre souvent.
Les sites de villes liés à l'eau sont innombrables, qu'il s'agisse de sources comme à Nîmes ou Syracuse, d'îles comme à Paris ou à Rome, de presqu'îles comme à Lyon ou Pittsburgh, de gués et de ponts comme à Londres ou Maastricht. D'autres comme Saint-Etienne ou Amiens ont du leur fortune à la qualité de leurs eaux aptes au traitement de l'acier ou des fibres textiles.
La défense contre les eaux d'inondation a par ailleurs suscité quelques uns des aménagements urbains les plus visibles, comme les quais qui sont en fait les digues internes des cités. Les diverses formes de la navigation ont également généré des ports, autrefois intégrés au tissu urbain mais de plus en plus rejetés à la périphérie. Plus récemment, le développement des loisirs nautiques a suscité l'apparition de nouveaux modes d'occupation des berges. De façon plus générale, tout cours d'eau, pourvu qu'il conserve de l'eau en permanence, est devenu un élément constitutif du décor urbain. Bel objet des soucis de ce qu'on peut appeler l'embellisssement urbain il peut même être un nouveau moteur de développement comme à San Antionio (Texas).
La richesse du thème est telle, qu'il défie l'analyse surtout dans le cadre limité d'un article. Il est tout de même possible de recenser les principaux éléments de la relation ville-cours d'eau dans ses développements actuels, en faisant abstraction des références historiques lointaines.
Lutte contre les crues et artificialisation croissante
Durant la phase d'urbanisme pré-industriel, l'inondation avec son cortège de cataclysmes, ponts écroulés, destructions de maisons, pertes de biens matériels et de vies humaines, était un phénomène accepté car inévitable. On ne compte donc plus les désastres mémorables rythmant l'histoire des villes contraintes a se développer auprès, et surtout au niveau de leurs fleuves : Seville périodiquement ravagée par le Guadalquivir, Valence par le Turia, Florence par l'Arno, Lyon par la Saône et le Rhône, la Nouvelle-Orléans par le Mississippi, Calcutta par l'Hoogli...
Avec le développement des techniques, les villes ne se résignent plus à leur sort et nos contemporains, jugeant inadmissible que l'on ne puisse juguler les eaux, accusent les techniciens d'incompétence à l'occasion de chaque crue. Toute une série de procédés sont donc mis en oeuvre pour rendre insubmersible, au moins l'essentiel de l'espace urbain. Deux procédés retiennent particulièrement l'attention.
La prévention : dompter ou éloigner les fleuves
/. La régularisation
C'est un procédé connu de longue date mais dont l'emploi ne s'est appliqué longtemps qu'aux seules basses eaux, pour
