Déviance et Société, Genève, 1978, vol. 2, No 3, p. 233-259

CONSULTATIONS JURIDIQUES ET BOUTIQUES DE DROIT UNE CRITIQUE EN ACTE DU DROIT ET DE LA JUSTICE

P. LASCOUMES *

1. Difficultés ou impossibilités d'accès au droit et à la justice ?

Dans la plupart des pays européens et nord-américains on a vu se multiplier depuis une dizaine d'années les interrogations sur les problèmes "d'accès" au droit et à la justice. Le plus souvent ces réflexions avaient pour point de départ les constats suivants : d'une part, méconnaissance profonde de la loi et des moyens de sa mise en oeuvre par la population, d'autre part, lenteur, coût élevé, profondes lacunes des services d'aide judiciaire classiques, et image très négative de l'appareil judiciaire l .

Sur cette base, on peut également relever une prolifération d'initiatives se proposant de traiter ces différents problèmes. Elles sont provenues d'horizons extrêmement divers, allant du niveau gouvernemental (Ex : mise en place des Public Defender Offices aux Etats-Unis, de l'Aide Juridique au Québec...), aux actions de syndicats et groupes militants, en passant par les actions menées dans ce sens par les organismes professionnels, essentiellement ceux d'avocats. Le souci de développer l'information juridique et de faciliter l'accès à la justice des plus défavorisés se mêlent dans la plupart de ces cas.

Les pays anglo-saxons, ont en ce domaine une avance considérable par rapport aux pays latins. Dans ces pays, l'existence de pratiques générales, prises en charge par l'Etat, a également suscité une importante réflexion critique sur ce type d'initiatives. Parmi les plus notables on peut relever l'évaluation des expériences de défenseur public aux U.S.A. faites par Chambliss 2 , Sudnow 3 et Schur 4 . Ces bilans ont en particulier mis en évidence l'importance des contraintes pesant sur ces public defensors en raison de leurs relations institutionnelles avec le Ministère public. Des analyses similaires ont eu lieu au Canada dans le cadre de la commission Prévost 5 et plus récemment par la commission des Services juridiques 6.

Une des réflexions parmi les plus approfondies est présentée par Bankowski et Mungham 7 à partir de l'analyse de l'action des services d'aide légale en Grande Bretagne et en Ecosse. L'intérêt de leur approche est d'avoir laissé de côté le lamento classique sur les difficultés d'accès au droit et à la justice pour les plus défavorisés et de focaliser

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