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La révolte des confréries de charité de l'Eure en 1842-1843
En 1842-1843, au début de l'épiscopat de Mgr Nicolas Olivier, un conflit public oppose l'autorité ecclésiastique et les confréries de Charité du diocèse d'Evreux (1). On a pu raconter les épisodes de cette affaire sur le mode de l'anecdote folklorique ; nul n'ignore les travers souvent brocardés du chariton de l'Eure, d'esprit indépendant, chatouilleux sur ses droits et, par ailleurs, plutôt enclin à verser dans les excès d'une convivialité chaleureuse et abondante ; il ne s'agirait alors de rien de plus que des frasques bruyantes de trognes avinées ; hypothèse sinon à rejeter, du moins à reprendre dans un contexte plus général !
En effet, on ne peut manquer de rapprocher ces désordres de faits analogue , qui se sont produits dans le diocèse d'Arras à dix ans d'intervalle : là, en 1853-1854, les nombreuses confréries de Charitables, affrontées à des décisions d'un nouvel évêque, Mgr Parisis, traversent une crise qui secoue tout ls diocèse (2). S'il s'agit ici de tout autre chose que de restaurai" une éthique de la table, on peut penser que les tensions naissent de conflits d'humeur et de caractère opposant un prélat, administrateur pressé et réformateur zélé, à une population défiante à l'égard d'un nouveau venu que, ni sa formation, ni sa carrière,
(1) L'historien a toujours été attentif au conflit-événement, depuis et avant Thucydide : on dit qu'il s'est laissé prendre au charme du récit des batailles. Mais il sait aussi combien le conflit révèle d'aperçus pénétrants r.ur les structures et les mouvements des forces profondes, sur les volontés d ? changement et les résistances aux changements. Il ne s'agit pas du débat faussé du Progrès et de la Tradition, mais plutôt de celui du texte et de son contexte. Le conflit des charités de l'Eure en 1842-1843 n'est qu'une anecdote si on l'extrait de sa terre et de son moment ; -nous devons le lire comme un mot qui permet de reconstituer la phrase. Parlons encore en images : toutes proportions gardées, l'analyse des conflits doit apporter à l'historien des sociétés ce que l'étude d s éruptions volcaniques offre au géologue pour la connaissance de la structure de l'écorce terrestre. Pierre Chaunu trace le chemin : « Prise au récit cependant usé de (ces) rivalités, l'histoire traditionnelle s'attache plus volontiers aux oppositions qu'aux solidarités. C'est son habituelle faiblesse. Or ces rivalités sont, dans une large mesure, fonction de solidarités évidentes dont elles portent, à leur manière, témoignage » - Annales E.S.C., mai-juin 1962, p. 557.
Pour une première narration du conflit, voir : M. Bonnenfant, Histoire générale du diocèse d'Evreux, t, 2, p. 2G5 sqq. ; A. de Bouclon, Histoire de Mgr Olivier, évêque d'Evreux. Evreux, 1855 (ouvrage très favorable à Mgr Olivier).
(2) Voir sur des confréries si semblables aux charités normandes : Chanoine Paul Bertin, Les Charitables et leurs cent confréries au diocèse d'Arras, Centre d'études régionales du Pas-de-Calais, 1949, 80 p.
