LE 700e ANNIVERSAIRE DE LA CONFÉDÉRATION HELVÉTIQUE
Heurs et malheurs d'une commémoration Rémy Pithon
On sait les enjeux et les conflits qui ont marqué en France la célébration du bicentenaire de la Révolution française. Nos voisins helvétiques, qui commémoraient en 1991 le 700e anniversaire de la création de leur confédération, ont eux aussi été confrontés à des batailles de mémoire et à des joutes historiographiques. Les valeurs des républiques ne sont-elles pas toujours à recréer?
Les festivités organisées ces dernières années aux États-Unis ou en France, à l'occasion des grands anniversaires nationaux, ont montré que ces célébrations ont leurs constantes l : discours, spectacles, défilés, expositions, monuments commémo- ratifs, publications, etc. Ces manifestations sont, ou sont censées être, significatives de l'unité, voire de l'existence de la nation qui s'auto-célèbre. La Suisse ne fait nullement exception, même si son particularisme la
1. Voir, notamment, Pascal Ory, • Le centenaire de la Révolution française •, dans Pierre Nora (dir.), Les lieux de mémoire, tome 1, La République, Paris, Gallimard, 1984, p. 523-560 (coll. • Bibliothèque illustrée des histoires •) ; Pascal Ory, • La commémoration révolutionnaire en 1939 », dans René Rémond, Janine Bourdin, (dir.), La France et les Français en 1938-1939, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1978, p. 115-136 ; Odile Rudelle, • lieux de mémoire révolutionnaire et communion républicaine », Vingtième siècle. Revue d'histoire, 24, octobre-décembre 1989, p. 3-15.
conduit souvent à opérer des choix qui lui sont propres.
La Suisse présente l'originalité d'avoir, dans ses traditions historiques, un terminus a quo qui se situe en plein Moyen Age : le plus ancien document connu qui témoigne d'une alliance entre les trois premiers cantons remonte à 1291. Le caractère fondateur de cette alliance étant admis comme historiquement valable, on regarde le 1er août 1291 comme la «date de naissance » de la Confédération Helvétique, et par conséquent on célèbre le 1er août comme fête nationale 2. Cet usage est récent. Ce n'est qu'en 1891 que l'État fédéral a jugé nécessaire de manifester sa cohérence, découlant des structures politiques adoptées en 1848, par la commémoration du « 600e anniversaire de la Confédération». En 1941, les circonstances ont donné une signification toute particulière au 650e anniversaire, qui a été célébré avec une ferveur exceptionnelle. La tradition était créée. Mais en 1991 les circonstances étaient bien différentes de celles de 1891 ou de 1941 : l'unité confédérale est un fait acquis depuis un siècle et demi ; aucune menace extérieure n'est
2. Voir Catherine Santschi, La mémoire des Suisses. Histoire des /êtes nationales du lf au 2(f siècle, Genève, Association de l'Encyclopédie de Genève, 1991 (très utile bibliographie).
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