VÉGÉTAUX ET AROMATES DE L'ORIENT DANS LE MONDE ANTIQUE *
Le prologue des Bacchantes, tragédie posthume d'Euripide représentée pour la première fois en 405 a.C, met en scène Dionysos-Bacchos récemment arrivé d'Asie à Thèbes de Béotie, où il a honoré la mémoire de sa mère Sémélé en revêtant son tombeau « d'une vigne feuillue chargée de grappes » 1 . Le dieu retrace son parcours en ces termes : « J'ai quitté des Lydiens les terres où l'or abonde, et celles des Phrygiens ; j'ai passé les plateaux de la Perse accablés de soleil, les forteresses de Bactriane, le pays des Mèdes aux hivers rigoureux, l'opulente Arabie, et l'Asie entière, étendue au bord de l'onde amère de la mer » 2. Indépendamment du contenu idéologique de la pièce, le mythe laisse deviner un fait réel : l'introduction dans le bassin méditerranéen de la vigne domestiquée en Asie, non dans l'Inde, qu'évoquent les tigres attelés au char du dieu sur la mosaïque du « Triomphe de Bacchus » 3, ni dans l'Arabie torride ou sur le rude plateau iranien, mais probablement dans la région pontique et au voisinage de la mer Caspienne, où la vigne sauvage produit d'assez grosses grappes de grains
* Cet article est la version développée d'une conférence faite à la Maison de l'Orient et de la Méditerranée le 17 mars 2004, dans le cadre du Cycle Jean Pouilloux. Je remercie vivement pour leur aide aussi amicale qu'efficace Marie-Françoise Boussac, Werner Greuter, Jean-Marie Jacques, Christian Landes et Philippe Marinval.
1. Bacch. 11-12 (traduction de J. Roux, Euripide. Les Bacchantes I, Paris (1970), p. 111).
2. Bacch. 13-18 (ibid. ).
3. Mosaïque d'Hadrumète, du IIIe siècle p.C. (Musée de Sousse. Tunisie), reproduite dans de nombreux ouvrages traitant de la viticulture antique ; par ex. billiard 1913 [1997], pi. X, p. 279 ; Tchernia et Brun 1999, p. 53, fig. 56 ; Brun 2003, p. 18. Sur « la geste de Dionysos », voir Brun 2003, p. 16-19.
Topoi 12-13 (2005) p. 359-383
