Les haleurs du Rhône au XVe siècle

par M. ROSSIAUD

Dans l'histoire du Rhône, l'étude du halage est sans aucun doute l'une des plus difficiles. Il est seulement possible d'en entrevoir quelques aspects. Les comptes d'un chantier, les tarifs et les carnets de recette de péages donnent parfois des précisions sur les moyens de traction des convois, les enquêtes et procès sur la souveraineté du fleuve et des îles apportent des témoignages utiles, les notes brèves des notaires méridionaux — de Valence à Arles — , fournissent le matériel le plus précieux. Indiquons-en cependant les limites : sur 2 000 registres de notaires analysés, une soixantaine d'actes seulement nous renseignent sur le halage humain ! Comme il est naturel, les haleurs, ces humbles du travail fluvial n'ont guère laissé de traces. C'est donc à des questions fort simples que je voudrais ici répondre : ces haleurs étaient-ils des travailleurs spécialisés, comme il en existait dans quelques bourgades rhénanes ou bien des marginaux, compagnons d'aventure ? Quelle était leur origine sociale et géographique et comment étaient-ils recrutés ? Pourquoi enfin les grandes troupes d'hommes qui halaient les convois médiévaux semblent-elles avoir disparu de la batellerie « à longs jours » entre 1470 et 1550 c'est-à-dire en période d'expansion démographique ?

Mais il convient auparavant d'évoquer les conditions de la remontée du fleuve. Les quelques pages que nous leur consacrons ne prétendent aucunement constituer une étude du fleuve sauvage, encore moins une analyse des techniques de halage. Elles veulent simplement rappeler les principales contraintes auxquelles étaient soumis les voituriers du Rhône.

I. Les contraintes de la remontée

La représentation du Rhône est traditionnellement trinitaire et l'on oppose trop facilement les faibles pentes du Rhône provençal aux rapides du Rhône moyen et à la sauvagerie du fleuve savoyard.