UNE RÉFORME GALLICANE ? LE PROJET DE CONCILE NATIONAL DE 1551
Le 18 février 1551, à l'occasion du carême, le roi Henri II adressait une lettre à chacun des évêques du royaume 1. Elle commence par un cri d'alarme : sous les « énormes faultes, erreurs, abbuz et scandalles qui aujourd'huy pullullent dans la chrétienté » la religion « non seulement diminue chascun jour, mais à veue d'œil se pert et périt » ; la responsabilité en incombe aux prélats et aux curés qui négligent de faire leur devoir.
C'est pourquoi le roi très chrétien ordonne à chaque évêque de se rendre immédiatement dans son diocèse ; d'y résider pendant six mois consécutifs ; et de le visiter soigneusement. Cette visite aura pour objet : 1) d'interroger les curés et leurs vicaires sur la croyance et le comportement de leurs paroissiens — et inversement, les paroissiens sur la conduite pastorale de leurs curés ; 2) de s'enquérir de la doctrine des prédicateurs de carême ; 3) de repérer et punir les hérétiques. En outre, les évêques feront faire des processions et des prières « pour la paix, unyon et tranquillité publicques ». Et ils visiteront les monastères tenus en commende — y compris ceux qui se prétendent exempts — afin que le roi puisse y ordonner les réformes nécessaires.
A la suite de ces visites et enquêtes, les évêques enverront, au terme des six mois, un rapport à leur métropolitain, « pour le veoir et rapporter, écrit le roi, au concilie nationnal que je suis délibéré faire tenir es lieu et temps que je vous ferai savoir, pour le bien de l'Église gallicane et conservation de nostre religion en son entier. »
Ce texte est parfaitement clair. Le roi annonce un grand programme de réforme religieuse — ou plus exactement de contre-réformation — dont la pièce maîtresse sera un concile national ; seule, la date de ce concile demeure encore dans l'ombre. Ainsi le roi prend l'initiative de réformer, de son propre chef, l'Église gallicane.
L'idée n'est pas nouvelle. Charles VIII, dans la même intention, n'avait-il pas réuni en 1493 une assemblée du clergé à Tours a ? Mais
1. Ce texte a été publié par J. Roserot de Melin, Antonio Caracciolo, évêque de Troyes, Paria, 1923, p. 396-398, à partir d'Arch. nat., J 945, n° 12. Et également par L.-E. Marcel, Le cardinal de Givry, évêque de Langres (1529-1561), Paris et Dijon, 1926, p. 380-381. 2. Voir Imbart de La Tour, Les origines de la Réforme, II, p. 491 ss. et M. Godet, « Consultation de Tours pour la réforme de l'Église de France », R.H.É.F., t. 2, 1911, p. 175-196 et 333-348. R.H.É.F., t. LXVII, 1981.
