Le titre de l'encyclique «Aeterni Patris»

Note historique

Nul n'ignore qu'il est souvent malaisé d'interpréter et même d'abord simplement de traduire les encycliques pontificales. Comme l'écrivait naguère, avec sa verve inimitable, Etienne Gilson: «La difficulté n'est pas qu'elles soient écrites en un latin de chancellerie fleuri d'élégances humanistes, mais plutôt que le sens de la doctrine ne s'y laisse pas toujours facilement saisir. On entreprend alors de les traduire et, en s'y essayant, on finit par comprendre au moins la raison d'être de leur style. On ne peut remplacer les mots de ce latin pontifical par d'autres empruntés à l'une quelconque des grandes langues littéraires modernes, et encore moins désarticuler ces phrases pour les articuler autrement, sans s'apercevoir aussitôt que, si soigneusement qu'on s'y prenne, l'original perd de sa force au cours de l'opération et non seulement de sa force, mais de sa précision, ce qui n'est pourtant pas encore le plus grave, car la véritable difficulté, bien connue de ceux qui tentent l'épreuve, est d'y respecter exactement ce qu'on pourrait nommer, sans aucun paradoxe, la précision de ses imprécisions. La précision savamment calculée de ses imprécisions voulues. Combien de fois ne pense-t-on pas, après mûre réflexion, qu'on sait ce que, sur tel point précis, l'encyclique veut dire, mais elle ne le dit pas expressément et sans doute a-t-elle ses raisons d'arrêter à certains seuils la détermination plus précise d'une pensée soucieuse de se tenir toujours ouverte, prête à faire accueil à de nouveaux possibles. Après le cours de théologie qui leur manque, et qui demanderait plusieurs années, il serait utile aux philosophes chrétiens de fréquenter quelque temps une école de perfectionnement, une finishing school, sise quelque part entre Latran et Vatican et rattachée de préférence à la Grégorienne, où s'enseignerait l'art de lire une encyclique pontificale»1.

L'encyclique Aeterni Patris, publiée par Léon XIII le 4 août 1879, présente les difficultés communes à beaucoup d'encycliques, ainsi qu'en témoignent les commentaires parfois divergents qui y furent consacrés.