Du Football au Vietnam (1905-1949) : colonialisme, culture sportive et sociabilités en jeux

Agathe LARCHER-GOSCHA*

Introduction

Le 28 décembre 2008 à Hanoi, l'équipe nationale vietnamienne de football créa la surprise en remportant, à l'arrachée, la finale du de PASEAN (Association des Nations de l'Asie du Sud-Est) contre l'équipe thaïlandaise. La vague d'enthousiasme populaire qui gagna tout le pays à l'occasion de cette victoire confirma de façon spectaculaire ce que peu de personnes de l'extérieur soupçonnait, à savoir que le football est aujourd'hui le sport le plus apprécié et le plus passionnément suivi au Vietnam *. Mais sait-on seulement que cette popularité ne date pas d'hier ?

L'histoire du sport au Vietnam reste à écrire dans le cadre d'une réflexion plus large sur les métamorphoses de la société vietnamienne contemporaine. Elle devra nécessairement accorder une place centrale à l'histoire du football, à l'image de la place que sa pratique avait pris au cœur des loisirs sportifs vietnamiens depuis le début du xxe siècle. L'ancienneté du football au Vietnam est communément ignorée. La première raison d'être de ce bref article est de resituer l'apparition de ce sport dans le contexte de son époque. L'absence d'étude sur le sujet s'explique par plusieurs raisons. L'historiographie nationaliste de la République démocratique du Vietnam a rompu les ponts avec la période coloniale condamnée pour ses oppressions et a globalement minimisé, sinon ignoré, son héritage. Le football vietnamien en pleine réorganisation dans les années i960 tenait à faire peau neuve. Il éclata en deux associations disctintes, celle du Nord Vietnam et celle du Sud Vietnam, chacune d'entre elle cherchant à incarner l'identité nationale et prendre une position hégémonique. Les références au passé devinrent caduques comme si les années de guerre avaient effacé l'existence de tous prémices sportifs 2. Il est vrai qu'avec sa renaissance

Outre-Mers, T. 97, N° 364-36$ (2009)