LES EUNUQUES SCYTHES ET LEURS FEMMES

Stérilité des femmes et impuissance des hommes en Scythie selon le traité hippocratique des airs

I . Position du problème

Dans le deuxième volet du traité hippocratique Des airs, des Eaux et des Lieux (Περί αέρων, υδάτων, τόπων, chapitres 12-24) consacré à une comparaison des climats et des peuples en Asie et en Europe, l'étude de l'Europe (chapitres 17-24) réserve la plus grande place à un σκυθικός λόγος (chapitres 17-22) qui s'ouvre sur l'évocation des Sauromates (chapitre 17). Chez ce peuple, les femmes, nouvelles Amazones, sont guerrières à l'instar des hommes: elles montent à cheval, tirent de l'arc et lancent le javelot. Mais elles ne doivent cette vigueur toute masculine qu'à une cautérisation du sein droit (μαζός δεξιός) pratiquée par les mères sur le corps des petites filles: l'atrophie consécutive de la mamelle permet à la nutrition et à la vigueur de se reporter sur l'épaule et le bras droits. En outre, leur activité guerrière se déploie surtout tant qu'elles sont vierges; après leur mariage, elles ne remontent à cheval et ne reprennent les armes qu'en cas de péril extrême et de levée en masse. Comme Jeannie Carlier a pu le faire observer récemment, les traits amazoniens du mythe -femmes ennemies de l'homme, femmes sans hommes - se trouvent ainsi à la fois récupérés au profit d'un certain rationalisme propre à Vhistoria ionienne et cantonnés dans des limites assez étroites1 .