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Mai 1945 en Algérie. Enjeu de mémoire et histoire

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Fait partie d'un numéro thématique : Lendemains de libération Lendemains de guerre.

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52 Matériaux pour l'histoire de notre temps, n° 39/40 (juillet-décembre 1995)

Mai 1945 en Algérie. Enjeu de mémoire et histoire

1 . M. Habib m'attribue le chiffre le plus bas, celui de 2 000 morts (?) total que je n'ai jamais donné. Concernant les évaluations françaises je me suis borné à rapporter le chiffre officiel des autorités civiles (environ 1 500) celui de deux hauts fonctionnaires déplorant 5 à 6 000 morts et celui du parti communiste et de la CGT : 6 000 à 8 000 (Histoire de l'Algérie contemporaine, t. Il (p. 574). Mais M. Habib avance lui des chiffres étonnants : il écrit par exemple que dans la seule ville de Guelma il y aurait eu «5 000 fusillés !» Or en 1945, les Musulmans prétendaient que «500 ou 700 jeunes indigènes avaient été exécutés» (rapport Tubert) tandis que le commissaire Berge chef du service de la Police judiciaire parle d'environ «300 à 400 exécutions» (archives d'Aix 9H44). Du côté algérien M. Aïnad Tabet auteur d'un livre qui fait autorité Le mouvement du 8 mai 1945 OPU 1988, rapporte le total de «447 fusillés» fourni par le militant responsable PPA de la ville.

Le cinquantième anniversaire des «massacres de Sétif du 8 mai 1 945» a donné lieu en Algérie et en France à une série de commémorations largement médiatisées dans lesquelles l'histoire et les historiens français furent souvent malmenés voire disqualifiés. C'est ainsi que dans une conférence- débat donnée en Sorbonne le 4 mai 1995 par le président de la fondation du 8 mai 1945, un ancien ministre FLN, M. Bachir Boumaza s'éleva contre «les tentatives révisionnistes de l'histoire coloniale française» qui visent à minimiser l'ampleur et l'horreur des massacres de civils algériens. Dans la page Histoire du journal Le Monde (n° du 1 4 mai 1 995) un journaliste FLN qui écrit sous le pseudonyme de Ali Habîb s'en est pris «aux historiens français qui se livrent depuis un demi-siècle à une bataille de chiffres morbide1 alors que «du côté algérien la cause est entendue», le génocide perpétré volontairement à la suite d'une provocation colonialiste aurait fait «45 000 morts, chiffre officiel». La Fondation algérienne du 8 mai 1945, en mettant en avant les 45 000 martyrs (Shuhadâ) du génocide entendait justifier la plainte contre la France auprès de l'ONU pour crime imprescriptible contre l'humanité et demande depuis 1990 un nouveau procès de Nuremberg.

Voici quarante cinq ans que la propagande officielle du MTLD puis du FLN et du FIS a imposé aux Algéliens à force de répétitions le slogan du «génocide de Sétif ce bain de sang où furent noyés 45 000 Algériens» et commémoré «le massacre des innocents le jour de la victoire des Alliés». Lors de la célébration du 40e anniversaire le journal officiel du FLN El Moudjahid avait même tenté d'accréditer le chiffre de «80 000 morts» (n° du 8 mai 1985). Le parti en est pourtant resté après réflexion au slogan des «45 000 martyrs de 1945» qui figure dans tous les manuels scolaires. Ceux qui contestent ce chiffre sont dits révisionnistes ou négationnistes par le FLN ou suppôts de l'ennemi héréditaire français par le FIS. Mais le porte-parole du Front islamique du Salut Ali Benhadj avait promis le 15 juin 1990 que «la France paierait un jour le prix fort pour les massacres de mai 1945».

Sans vouloir discuter ces chiffres et ces accusations, qui ont semble-t-il surtout servi à justifier la construction d'une mémoire officielle, peut-être pourrait-on présenter ici le rappel vérifié des faits et quelques réponses aux interrogations d'une histoire critique. Car à mon sens tous les historiens, quelles que soient leur nationalité et leur religion,

sent un même culte : celui de la vérité contre tous les faux patriotiques et n'entendent jamais renoncer à l'esprit critique.

Les événements

II n'est pas possible de présenter ici la préhistoire des événements de mai 1945. Qu'il suffise de noter que depuis 1944 toutes les autorités civiles et militaires d'Algérie s'attendaient avec inquiétude à un soulèvement plus ou moins généralisé.

Aux yeux de la majorité de la population musulmane, la défaite de la France en 1940 et la présence d'une armée américaine en Afrique du Nord signifiaient la fin de la domination coloniale. Le Manifeste du peuple algérien et la formation d'un grand rassemblement des Amis du Manifeste et de la liberté (AML), noyauté par le Parti du Peuple algérien clandestin de Messali, démontraient la force des aspirations indépendantistes. Les conditions économiques et sociales désastreuses radicalisaient l'attente d'une révolution. Et dès mai 1944 on devait lutter contre deux bandes de «coupeurs de routes» (en arabe fellaga). Au début d'avril 1945, le Deuxième Bureau du corps d'armée de Constantine précisait qu'à Sétif par exemple «il est et demeure établi que le PPA est en train d'organiser l'insurrection générale» et concluait : «La jeunesse musulmane aussi bien dans les agglomérations que dans les campagnes paraît décidée à livrer une lutte sans merci pour "chasser les sales Français"».

Les «événements de mai 1945» commencèrent en effet le 1er mai ; puis le 8 mai un mouvement insurrectionnel local éclata à Sétif et à Guelma, se propagea en ondes concentriques autour de ces deux centres durant quatre jours, cependant qu'une répression immédiate et violente écrasa la révolte et se poursuivit contre quelques zones de refuge jusqu'à la fin du mois.

Le 1er mai se déroulèrent donc dans dix-huit villes algériennes d'importantes manifestations de rues ; elles furent parfois assez violentes à Oran (1 mort), à Tébessa, Sétif et Alger (2 morts et 13 blessés). Toutes réclamaient la libération de Messali Hadj déporté dans le Sud algérien le 21 avril, mais aussi la «reconnaissance de la nationalité algérienne», voire l'indépendance. Elles rebondirent le jour de la victoire, le 8 mai, et prirent un tour dramatique à Sétif : 6 à 7 000 manifestants dont certains armés se heurtèrent au service

d'ordre civil qui avait reçu consigne d'arracher les banderoles «Vive l'Algérie libre et indépendante !» et le drapeau national algérien. Un inspecteur de police ayant tiré sur le porte-drapeau, il s'en suivit un échange de coups de feu. La foule des manifestants se replia en massacrant les Européens rencontrés au hasard : 21 furent tués, cependant que «20 ou 40 Musulmans tombèrent du fait de la police ou de la gendarmerie» (Rapport Tubert). La nouvelle de l'émeute gagna rapidement la région située au nord de Sétif et provoqua la révolte des douars et l'attaque des centres de colonisation. Ainsi Périgotville et son bordj furent investis fournissant 45 fusils Lebel et 10 000 cartouches aux assaillants ; douze Européens dont l'administrateur, son adjoint et le curé furent assassinés, leurs cadavres mutilés. A Sillègue, trois colons furent tués ainsi qu'un à Ain Abbessa, la population européenne s'étant réfugiée dans la caserne. Le 9 mai le centre de Chevreul fut pillé et incendié, puis celui de Kherra- ta (8 Européens tués) et de La Fayette (3 «Juifs» assassinés). Cependant, les maisons isolées des gardes forestiers furent attaquées, 6 gardes tués et 6 membres de leurs familles sauvagement assassinés. Au total, dans cette région de la Kabylie des Babor il y eut 73 morts européens, une dizaine de femmes et de jeunes filles violées.

D'autres manifestations de masse avaient eu lieu le 8 mai dans diverses autres agglomérations du Constanti- nois ; elles ne firent de victimes qu'à Bône et Guelma où les manifestants furent refoulés. Mais la concentration autour de Guelma de rassemblements menaçants évalués de 3 000 à 8 000 hommes décida le sous-préfet Achiary à constituer une garde civique armée. Tandis que dix Européens étaient assassinés dans la banlieue, la police arrêtait 9 membres influents des AML qui furent exécutés le 1 0 mai.

Cependant la garde civique livrée à elle-même se livra à d'odieuses représailles contre des habitants de Guelma : il y aurait eu 300 à 400 exécutions sommaires selon l'enquête du commissaire Berge. Le préfet de Constantine Lestra- de-Carbonnel vint déclarer aux miliciens de Guelma : «Vous avez sauvé l'Algérie qui restera française, je vous félicite et je couvre tout, même les sottises». L'armée était pourtant intervenue, livrant combat contre des éléments armés, dégageant d'autres centres de colonisation investis ou en évacuant les Européens. L'aviation militaire mitrailla les rassemblements autour de Guelma.

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