LES DEMONSTRATIFS A L'EPREUVE DU TEXTE OU SUR CETTE CÔTE DE LA BAIE DE L'ARGUENON

Introduction

Cet article a une histoire curieuse. Au départ, il s'agissait d'étudier toutes les descriptions démonstratives ' du premier chapitre du roman Les Météores de Michel Tournier et de les confronter à une théorie de l'adjectif démonstratif. L'analyse du premier exemple nous a pris tellement de temps et a donné lieu à tant d'interrogations sur la référence réellement effectuée par le démonstratif utilisé que nous avons changé bien vite notre fusil d'épaule et décidé de n'examiner que ce seul emploi. Avec pour ambition première de mettre au jour le type d'emploi textuel dont il s'agissait. L'enquête pourra paraître fastidieuse, étant donné le caractère systématique que nous lui avons donné, mais elle débouche, on le verra, sur la mise en relief d'un nouveau type d'emploi textuel et permettra de jeter un éclairage inhabituel sur d'autres emplois du démonstratif. Avec au bout, des perspectives nouvelles et stimulantes pour reprendre sur de nouvelles bases certains emplois classiques du démonstratif.

Voici l'exemple que nous analyserons. Il s'agit de la première description démonstrative du roman. Elle apparaît dans le deuxième paragraphe du premier chapitre intitulé Les Pierres Sonnantes :

(1) Le 25 septembre 1937, un courant de perturbations circulant de Terre-Neuve à la Baltique dirigeait dans le couloir de la Manche des masses d'air océanique doux et humide. A 17hl9 un souffle d'ouest-sud-ouest découvrit le jupon de la vieille Henriette Puysoux qui ramassait des pommes de terre dans son champ, fit claquer le store du Café des Amis de Plancoët, rabattit brutalement l'un des volets de la maison du docteur Bottereau en bordure du bois de la hunaudaie, tourna huit pages des Météores d'Aristote que lisait Michel Tournier sur la plage de Saint-Jacut, souleva un nuage de poussière et de paille broyée sur la route de Plélan, mouilla d'embruns le visage de Jean Chauve qui engageait sa barque dans la baie de l'Ar guenon, fit bouffer et danser sur la corde ou ils séchaient les sous-vêtements de la famille Pallet, emballa l'éolienne de la ferme des Mottes, et arracha une poignée de feuilles dorées aux bouleaux blancs du jardin de la Cassine.

Le soleil s 'inclinait déjà derrière la colline où les innocents de Sainte-Brigitte cueillaient des asters et des chicorées sauvages qui s'amoncelleraient le 8 octobre en bouquets maladroits aux pieds de la statue de leur patronne . Cette côte de la baie de VArguenon, orientée à l'est, ne reçoit le vent marin que des terres, et Maria Barbara retrouvait à

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