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Vivacité d'un régionalisme grammatical : le « y » bourguignon, on va vous expliquer

[article]

Année 2011 129 pp. 46-52
Fait partie d'un numéro thématique : Le français au XXIe siècle : continuité et évolution (1)
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46 L’Information grammaticale n° 129, mars 2011 Isabelle Fougères, Maria Candea Vivacité d’un régionalisme grammatical : le «y » bourguignon, on va vous y expliquer

Dans le sud de la Bourgogne et dans une bonne partie de la région Rhône-Alpes, on entend couramment une forme pronominale prononcée [ i] et notée traditionnellement «y »

dans des phrases comme «Laisse, je vais y faire » ou «T out ça, j’y savais déjà » qui sont censées être rapprochées des formes plus standard «Laisse, je vais le faire » et «T out ça, je le savais déjà » . La norme académique considère cette construction comme fautive puisque «y » se comporte comme un complément direct du verbe. En français normé, «y » , qualifié de pronom adverbial est bien un complément de verbe, mais il remplace alors un syntagme nominal prépositionnel introduit par «à » . Par ailleurs, la graphie «y » sert souvent pour noter la prononciation de «il » ou «lui » en français populaire, ce qui, rajouté à la connotation régionale de l’usage de «y » , contribue sans doute à l’image globalement négative de ce marqueur et à son effacement systématique des grammaires du français. Cet usage n’a fait l’objet que de très peu d’études linguistiques. À notre connaissance, seul Gaston Tuaillon l’a décrit et analysé en tant que tel, de manière approfondie tant pour ce qui est de sa structure que de ses origines (surtout Tuaillon 1969, mais aussi 1977 et 1983) ; nous ferons souvent référence à ces études. Auparavant, Damourette et Pichon (1934, tome 4 : 516-518 et 1911-1940, tome 6 : 352-354) avaient consacré quelques pages de leur grammaire à une petite liste de locutions particulières (comme il y a, y voir, s’y coller, savoir y faire) incluant le «y » strument en «français normal » qu’ils avaient tenté astucieusement de mettre en parallèle avec leurs propres remarques sur l’ «usance bourguignonne » car celle-ci utilisait, selon eux, ces constructions de façon «généralisée » . Nous reviendrons également sur leurs propositions. Depuis, le phénomène semble avoir été observé seulement de façon périphérique, ou bien cité simplement sans commentaires, comme dans Gadet (1989), à titre d’exemple de régionalisme bien répertorié. Ce solécisme n’est pas une simple structure périphérique, il touche à la morphologie du système pronominal. Il est encore particulièrement vivace de nos jours ; il semble donc intéressant de confronter les conclusions des premières études à ce qui peut être observé actuellement en espérant aboutir à formuler des hypothèses sur les raisons de sa vivacité. Pour Tuaillon, ce pronom «y » est à rapprocher au niveau sémantique et syntaxique du pronom objet direct «le » de sens neutre : nous l’appellerons pour le moment «y complément d’objet direct » et nous le noterons désormais «y COD » .

1. Description générale

1.1. Lieu d’observation

Les réflexions qui suivent sont issues à la fois d’une observation régulière mais peu formelle depuis plusieurs années et d’un recueil systématique par la méthode de la «saisie au vol » durant plusieurs semaines en 2005 et 2006. Il semble très difficile de procéder autrement pour recueillir ce type de données, car le pronom qui nous intéresse apparaît de façon sporadique et dans des circonstances peu compatibles avec la présence d’un microphone. Le corpus de travail comprend une sélection d’une cinquantaine d’exemples exploitables, occurrences notées avec leur contexte linguistique et situationnel. C’est à partir de ces différents emplois attestés que seront formulées nos remarques et nos propositions ainsi que les discussions suscitées par les analyses qui nous ont précédées. Les relevés ont été faits par Isabelle Fougères à Marcigny, petite commune du sud de la Saône et Loire. Dans les représentations de zones linguistiques, Marcigny se trouve en limite du domaine franco-provençal, où se repère une langue parfois qualifiée de «franco-provençal dégradé » (Tuaillon, 1983 : 13). On peut rappeler ici que les études de dialectologie n’aboutissent pas toujours à des conclusions concordantes au sujet de l’aire de répartition du franco-provençal : Jochnowitz (1973) plaçait le franco-provençal avec approximation au sud de la Côte-d’Or et Haute-Saône, dans une aire qui englobe le Doubs, le Jura, le Vaud et une partie de la Saône et Loire, de l’Ain et de la Haute-Savoie. Après avoir tenté de recouper les différentes études et approches sur le franco-provençal, Jochnowitz (1973) passe en revue les controverses portant sur les critères retenus pour dresser les isoglosses qui permettraient de le distinguer d’un côté du français et de l’autre du provençal, ainsi que sur les explications historiques qu’il convient de retenir. L’auteur attire l’attention sur le caractère discutable et illusoire des frontières, car les zones intermédiaires semblent grandes et les frontières masquent des données souvent presque «chaotiques » (p 180). Nous ne pensons pas avoir besoin de rentrer ici dans le détail de ces considérations, car le lieu d’observation de notre enquête, Marcigny, se trouve au confluent des différentes aires où a été observé le y COD (Bourgogne du sud, Morvan, région lyonnaise et Savoie) et de toute manière à l’intérieur de l’aire du franco-provençal. En revanche, nous pensons qu’il serait illusoire de vouloir dresser une frontière nette et imperméable de la zone géographique de l’emploi du y COD.

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