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Les phrases segmentées dans Le voyage au bout de la nuit de L. F. Céline

[article]

Année 1994 61 pp. 41-49
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LES PHRASES SEGMENTÉES DANS LE VOYAGE AU BOUT DE LA NUIT DE LR CÉLINE

Eric PELLET

Introduction

Considérées comme un emprunt à la langue parlée qui n'accédait à l'écrit qu'au titre de citation, d'effet de pittoresque ou au mieux de tournure « expressive », les phrases dites « segmentées », attestées pourtant en Français dès la Chanson de Roland, sont longtemps restées hors du champ grammatical. Même si tout le monde s'accorde désormais pour dire qu'elles sont la norme de la syntaxe orale, elles restent reléguées dans les grammaires générales (à l'exception notable de Wagner et Pinchon) en fin de chapitre sur la syntaxe de la phrase, sous la rubrique « mise en relief », ou « en valeur », « tournures emphatiques ». Les termes mêmes indiquent que l'étude de ces formes est perçue par le grammairien comme une excursion en territoire stylistique. Comme le souligne F. Gadet : « Nos auteurs cherchent à savoir ce qu'une forme exprime, plus que la façon dont elle fonctionne, et ce même dans des grammaires manifestant sur d'autres points des exigences formelles ». Or leur fonction expressive ne peut suffire à rendre compte de ces constructions chez Céline, où elles tendent à devenir la norme... Il s'agira donc, dans la perspective du concours en préalable à l'analyse stylistique, de faire le point sur les aspects syntaxiques et énonciatifs de la question, à partir d'un classement formel.

Le premier obstacle à une description synthétique de cette question est un extraordinaire fouillis terminologique dont l'examen argumenté mériterait en soi tout un article (on consultera sur ces questions F. Gadet, Langue française n° 89, et M. Galmiche, L'Information grammaticale n° 54). Toutefois, quelques précisions s'imposent :

- Nous éviterons les termes liés à l'« expressivité » : outre qu'ils ne disent rien de la forme, ils présupposent que l'enonciateur privilégie l'un ou l'autre des segments. Or comme l'indique Ch. Bally, qui le premier a théorisé le phénomène : « Si la segmentation permet de distinguer nettement le thème et la fin de l'énoncé, c'est qu'elle les met l'un et l'autre en relief » (*Bally, p. 60).

- « Segmentation », « détachement », « dislocation » sont actuellement en concurrence pour désigner soit l'ensemble du phénomène soit une partie... Suivant Ch. Bally, nous désignerons par « segmentation » la totalité du phénomène, dont la dislocation est un sous- ensemble ; quant à « détachement », il désigne le procédé, non exclusif de la segmentation, consistant à isoler un élément entre deux pauses : lorsqu'il porte sur

un constituant de l'énoncé principal, le détachement produit la dislocation, lorsqu'il isole un propos second inséré dans le propos principal, il produit l'apposition, l'épithète détachée, la relative explicative, etc., formes compatibles avec la syntaxe liée.

La segmentation, qui constitue pour Ch. Bally, l'un des trois modes de structuration de la phrase, avec la coordination et la liaison, peut se définir comme une disjonction de l'énoncé (P. Cadiot, C. Hagège parlent de « décumul fonctionnel ») : tandis que dans la phrase liée, « on ne peut pas distinguer le thème du propos (sinon par le contexte et la situation) » (*Ch. Bally, 1965, p. 69), la phrase segmentée marque dans l'intonation et/ou la syntaxe une disjonction entre le thème, ce dont parle l'énoncé, et le propos (ou le « rhème »), ce que l'on dit du thème. Phénomène d'abord intonatif, il faudra pour l'étudier prendre en compte les méthodes d'analyse du langage oral. Mais parallèlement, la segmentation n'étant perçue à l'écrit que par la syntaxe (ponctuation comprise), nous exclurons a priori toutes les segmentations dépourvues de marqueurs syntaxiques, c'est-à-dire de signes de « rupture » avec la la phrase liée. Ces critères syntaxiques, souvent cumulés, peuvent être : une pause (virgule) ou un « que » démarcatif entre deux constituants normalement liés au sein du même énoncé, l'inversion de l'ordre des mots à place fixe, la redondance pronominale d'un constituant à l'intérieur d'un même énoncé, l'enchâssement d'un constituant entre un présentatif et un relatif en corrélation. On prendra soin de ne pas confondre ces critères purement formels avec les notions énonciatives de « focalisation » (opération par laquelle un constituant est explicitement signalé comme le propos de la phrase) et de « thématisation » (qui signale explicitement un constituant comme le thème de la phrase), parfois utilisées pour désigner respectivement les procédés syntaxiques d'enchâssement par « c'est... que... » et de dislocation : il existe des cas où l'enchâssement n'est pas focalisant bien que marqueur de segmentation, et des cas où le détachement, avec ou sans rappel pronominal, correspond à une focalisation...

On distinguera donc, en croisant les critères du type de phrase (verbale/ non verbale), du marqueur de segmentation (pause, enchâssement, morphème « que ») et de la présence ou non d'un élément de rappel fonctionnel, les types de phrases suivants :

- segmentées non verbales (ou dirèmes) : marquées par une virgule entre deux constituants non verbaux,

L'Information grammaticale n° 61, mars 1994

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