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Paul Veyne

Propagande expression roi, image idole oracle*

Avant d'en venir au vif du sujet, essayons d'abord de nous rendre le plus malheureux possible. Si l'histoire de l'art est prospère et sûre d'elle, il n'en va pas de même de la sociologie et de l'histoire générale, qui ne savent plus trop quel est le bon emploi des images. Il y a bien la vieille conviction que l'art communique ou reflète quelque chose de son milieu (la société) ou de son moment (les mentalités) : conviction si profonde et ancienne qu'il est déchirant de s'en arracher ; et pourtant le malaise demeure, tant les preuves se multiplient que cela ne marche pas bien. Pourquoi ces échecs de l'explication historique ou sociologique ? Peut-être parce que l'art n'est pas seulement émission et qu'il existe aussi le moment de la réception ; or le récepteur comprend souvent à sa manière le message ou l'expression qui lui tombent sous les yeux. Mais peut- être d'abord parce que l'art n'est pas communication ni même expression involontaire, mais conduite, ni plus ni moins que les faits sociaux ou politiques qu'il est présumé refléter.

L'âge des grandes ambitions est passé ; l'histoire sociale de l'art à la manière d'Arnold Häuser1 (« puisque l'art cher au pharaon Akhnaton est un retour au naturalisme, c'est donc qu'il a ses racines dans une bourgeoisie urbaine de ces siècles lointains ») n'est qu'un souvenir nostalgique ; on s'en

L'Homme 114, avril-juin 1990, XXX (2), pp. 7-26.