La France et le système monétaire de Bretton Woods

Michael Bordo, Dominique Simard, Eugene White

On tient habituellement la France responsable de la destruction du système monétaire international de Bretton Woods en 1971. Aux Etats-Unis, on estime que la France a entrepris en 1965 une politique délibérée de conversion en or de ses réserves en dollars. La pression sur les réserves d'or américaines a affaibli la confiance dans le dollar et contribué à précipiter la chute ultime du système. On interprète le rôle monétaire international de la France entre 1958 et 1971 comme le résultat de la politique anti-américaine du Général de Gaulle et non pas comme la poursuite d'objectifs économiques sensés : «Le Président de Gaulle a lancé un grand défi aux Etats-Unis, à Bretton Woods et par Bretton Woods. Les Français ont toujours marqué clairement leur sensiblilité à tout ce qui pourrait empiéter sur leur autonomie et leur violente antipathie pour ce qu'ils ressentent comme une domination 249

économique des Etats-Unis sur l'Europe» (Volcker et Gyothen, 1992, p.42).

La politique française a défié la domination économique et politique des Etats-Unis sur l'Europe occidentale. Sous le régime de l'étalon-or, héritage de la Conférence monétaire internationale de Bretton Woods en 1944, les Etats-Unis bénéficiaient de l'extraordinaire position d'avoir été les pourvoyeurs d'une monnaie considérée par les banques centrales comme des réserves officielles convertibles en or. Cette situation a permis aux Etats-Unis de financer ses déficits permanents de balance des paiements par création d'argent frais, sans avoir à faire d'autres ajustements.

L'ampleur et la persistance du déficit de la balance des paiements américain a particulièrement préoccupé la France durant les années I960. On attribue ordinairement les plaintes des Français à des considérations politiques purement nationalistes, fondées sur la constatation que malgré un déficit chronique en capital, les sociétés américaines investissaient massivement en Europe occidentale. Ainsi, dit-on, les Français s'irritaient d'un régime monétaire international qui permettait aux Etats-Unis d'exer-