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Ellipse sur la frayeur et la séduction spéculaire

[article]

Année 1975 23 pp. 73-78
Fait partie d'un numéro thématique : Psychanalyse et cinéma
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Julia Kristeva

Ellipse sur la frayeur et la séduction spéculaire

« Bien que l'homme s'inquiète en vain cependant il marche dans l'image. » Saint Augustin.

Ce que je vois n'a rien à voir avec le spéculaire qui me fascine. Le regard par lequel j'identifie un objet, un visage, le mien, l'autre, — me livre une identité qui me rassure : car il me délivre des frayages, des frayeurs innommables, bruits antérieurs au nom, à l'image — pulsations, vagues somatiques, ondes de couleurs, rythmes, tons. La spéculation intellectuelle dérive de ce regard identifiant, accrocheur : l'hystérique en sait quelque chose, lorsque, ne pouvant jamais trouver de miroir suffisamment satisfaisant, elle se retrouve dans la théorie — point de mire de toutes les intentions sensées et insensées, abri où l'on peut savoir sans se voir car on a relégué à un autre (la contemplation philosophique) le soin de représenter une (mon) identité aussi rassurante que trompe-l'œil parce que faisant le noir sur les frayeurs, sur les frayages. Car la spéculation me socialise et rassure les autres de mes bonnes intentions de sens et de morale, mais, de mon corps rêvé, ne leur propose que ce qu'en retient le speculum du médecin : une surface désérotisée que je lui concède dans un clin d'œil par lequel je lui fais croire qu'il n'est pas un autre mais n'a qu'à regarder comme je l'aurais fait si j'étais lui — complicité de barrage à ce qui opère en deçà de la rétine, panneau dans lequel il tombe plus que moi.

Pourtant, il suffit que le frayage, la frayeur, fassent irruption dans le vu, pour que celui-ci cesse d'être simplement rassurant, trompe-l'œil ou incitation à la spéculation, et qu'il devienne, mettons, du spéculaire fascinant. Le cinéma nous saisit en ce lieu, précisément. Il fait sans doute plus que ça. Toute image et d'autres arts visuels sont assurément et autrement sur la même voie. Je retiendrai, pourtant, dans cette note, non pas tel trait de l'histoire de l'art cinématographique, mais seulement cet impact particulier de l'image projetée sur l'écran qu'on regarde en la voyant tout autrement qu'on ne voit les objets intervenant dans une action ou l'entourant. A l'intersection entre la vision d'un objet réel et l'hallucination, l'image cinématographique fait passer dans de l'identifiable (et rien de plus sûrement identifiable que le visible) ce qui reste en deçà de l'identification : la pulsion non symbolisée, non prise dans l'objet — le signe — le langage, ou, en des termes plus brutaux, elle fait passer l'agressivité. Et appelle le fantasme à s'y reconnaître : à se perpétuer ou à se vider, selon la capacité de l'image à se distancer d'elle-même.

Tout spéculaire est fascinant parce qu'il porte la trace, dans le visible, de cette agressivité, de cette pulsion, non symbolisée : non verbalisée et donc non repré-

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