Les mains de Gargas Essai pour une étude d'ensemble

PAR

André LEROI-GOURHAN

Depuis 1906 (année en laquelle Cartailhac écrivit sur les mains cernées de noir ou de rouge de la grotte de Gargas) (1), plusieurs articles et de nombreuses mentions ont développé le problème posé par ces quelques 160 mains placées par groupes sur les parois de la cavité. En 1952, dans les « Quatre cents siècles d'art pariétal » (2), l'abbé Breuil leur consacra une quarantaine de lignes, résumant le point de vue qu'il avait atteint à cette époque : ces mains cernées de noir ou de rouge, parfois de blanc ou de jaune, sont en grande majorité des mains gauches ; il y en a plus de 150, « beaucoup paraissent mutilées, comme si les phalanges en avaient été coupées à un ou plusieurs doigts ». Il ajoute un détail très important et qui fait honneur à son observation : « II est certain que la même main, avec la même mutilation, se retrouve ici à multiples exemplaires ». Enfin, il déclare : « Gargas est jusqu'ici la seule grotte européenne où ces mutilations soient apparues parmi les douze grottes environ découvertes renfermant des mains cernées ». En 1958, reproduisant le texte des « Quatre cents siècles » dans les « Mélanges J.-B. Noulet » (3), il y ajouta la mention des mains cernées de la grotte de Tibiran, à quelques centaines de mètres de Gargas, mains qui avaient récemment été découvertes. En effet, Gargas et Tibiran sont, hormis la grotte de Maltravieso en Estramadure, les seules grottes où l'on ait rencontré des mains aux doigts manquants. Gargas et Maltravieso ont des caractères d'ailleurs nettement différents ; dans cette dernière cavité toutes les mains offrent une déficience uniforme des deux dernières phalanges du petit doigt, alors qu'à Gargas on rencontre dix formules différentes, sur les quinze combinaisons réalisables en retranchant des doigts. Cette variété dans les « mutilations », le groupement des mains en panneaux séparés, les paires de mains identiques et la distribution des rouges par rapport aux noires ont été laissés dans l'ombre par les auteurs. En 1960, avec le concours du R.P.