TROUBLES POPULAIRES AU XVIIIe SIÈCLE ET CONSCIENCE DE CLASSE :
UNE PRÉFACE A LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
Le xviiie siècle, après la mort de Louis XIV, est marqué par une disparition des grands soulèvements populaires armés à l'échelle de plusieurs élections, voire d'une province, que l'on avait observés au XVIIe siècle. Les mouvements des Tard-Avisés du Quercy et des Cami- sards en Languedoc, terminés tous deux en 1707, constituant les derniers de ces épisodes. Pour autant peut-on parler d'un apaisement même relatif, en particulier dans le Midi où l'allégement des prélèvements — surtout le prélèvement seigneurial — grâce à la croissance économique aurait été sensible, car non compensé par des tentatives physiocratiques de concentration agraire aux dépens de la paysannerie, comme le propose E. Leroy-Ladurie (1) ? Commencée en 1984 et s'appuyant sur l'informatique, l'enquête nationale actuelle ne confirme pas cette hypothèse. Définissant l'incident comme une action violente d'au moins quatre personnes n'appartenant pas à la même famille, elle montre qu'on ne peut séparer villes et campagnes lorsqu'on étudie les troubles populaires, car comme au xvne siècle, mais davantage encore au siècle des Lumières, il y a relations étroites et contamination entre les deux milieux. Les échanges commerciaux à travers les marchés et les foires, l'édition et la circulation des brochures à partir des villes, le colportage et les contrôles administratifs sur les campagnes n'ont cessé de se renforcer.
Globalement, sur 4 495 cas étudiés de 1661 à 1789, les deux tiers se situant à la campagne, on a 776 affaires en 1690-1720 et 2 021 en 1760 - avril 1789, et on observe des pointes de la courbe annuelle numérique en 1709-1710, 1723, 1725, 1754, ainsi qu'une montée presque
* Communication présentée au Colloque de Washington sur la Révolution française (mai 1989).
(1) E. Leroy-Ladurœ, « Révoltes et contestations rurales en France de 1675 à 1788 », Annales ESC (sera indiquée ensuite Ann), 1974, 1.