ANNUAIRE FRANÇAIS DE DROIT INTERNATIONAL XXXIX - 1993 - Editions du CNRS, Paris
LES TRAITES-CADRES : UNE TECHNIQUE
JURIDIQUE CARACTÉRISTIQUE DU DROIT
INTERNATIONAL DE L'ENVIRONNEMENT
Alexandre KISS
Les nouveaux domaines qui apparaissent en droit international sont souvent porteurs de nouvelles techniques juridiques. Il en a été ainsi du droit humanitaire, de la protection des droits de l'homme, du droit de l'espace cosmique et il en est ainsi de l'environnement. Ce dernier champ est particulièrement important à ce point de vue, car il introduit dans le droit des objets de protection que les systèmes juridiques n'avaient pas l'habitude de prendre directement en compte - des êtres vivants en dehors des humains — voire des concepts qui étaient inconnus du droit, comme des écosystèmes ou des processus servant de fondement à la vie (1). De plus en plus, le « droit des générations futures » est proclamé (2) sans que son contenu ait pu être nettement défini jusqu'à présent. En tout cas, toute réglementation tendant à protéger l'environnement a sa finalité dans l'avenir. Ainsi, la dimension « temps » joue un grand rôle dans le droit international de l'environnement. Un des aspects de ce fait est que le développement des normes doit prendre en compte les possibilités d'évolution soit de situations données, soit de nos connaissances.
On peut estimer que le recours de plus en plus fréquent à la technique des traités-cadres - qui le plus souvent consiste en un échelonnement dans le temps de la création des normes - se situe également dans cette dimension.
Curieusement, la doctrine a consacré très peu d'attention au concept de traité-cadre : les traités et manuels de droit international n'en parlent généralement pas. Pourtant, deux contributions parues respectivement en 1984 et en 1990 dans l'Annuaire français de droit international esquissent les éléments d'une définition. Il n'est sans doute pas un hasard que les deux ont trait à la coopération internationale concernant l'environnement, fût-ce seulement par quelques dispositions. Parlant du Traité de coopération amazonienne du 3 juillet 1978, l'auteur du premier article semble estimer que le trait caractéristique des traités-cadres est d'énoncer des dispositions de lege
(*) Alexandre Kiss, directeur de recherche émérite au CNRS.
(1) Voir l'ouvrage collectif L'écologie et la loi sous la direction d'A. Kiss, Paris, L'Harmattan, 1989, pp. 15 ss, 51 ss, 53 ss, 385.
(2) Depuis la Déclaration de Stockholm de 1972 ce principe a été énoncé dans une douzaine de traités relatifs à la protection de l'environnement, y compris les conventions de Rio de Janeiro sur la diversité biologique et sur les changements climatiques, sans parler d'instruments juridiques non obligatoires. En France le décret n° 93-298 du 8 mars 1993 a créé un Conseil pour les droits des générations futures (JO du 10 mars 1993). Voir E. Brown-Weiss, In Fairness to Future Generations, Université des Nations Unies, 1989, et en particulier les principes directeurs (guidelines) de Goa figurant en annexe p. 293.
